mercredi 25 juillet 2018

le Tour de France à 80 ans



(éditions Clair-Obscur)

Un tour de France à vélo à 80 ans !


Le « Petit Journal » du 15 juin 1932 nous raconte Emile Korn. A 80 ans, ce doyen du Vélo-Club de Valentigney dans le Doubs vient d’entreprendre en solo le tour de France à bicyclette. Ce jour-là il fait étape à Paris qu’il ne connaissait pas encore. Son voyage va durer plusieurs mois. Pèlerinage, plutôt voyage initiatique, passion pour le vélo. La marque Peugeot le sponsorise.

La « Grande Boucle », le Tour de France, est revenu comme chaque mois de juillet. Avec ses exploits, ses beaux paysages. Avec le temps, le spectateur n’imagine plus vraiment ce que ce périple demande de sueur, de douleur. C’est encore, malgré le peu de vélos utilisés actuellement dans notre pays, l’événement sportif qui connait un succès populaire qui ne se dément pas d’année en année. Malgré les soupçons de tricherie qui reviennent aussi chaque année. C’est la fête pour les villes et villages traversés, une publicité qui n’est pas gratuite mais efficace.
Uzès 2012














 Lorsque la Grande Boucle est passée par Uzès en 2012, une semaine avant, des camping-cars stationnaient le long du parcours, parasols déployés. Il n’était pas question de s’installer devant l’un d’eux, l’excitation était déjà là. Depuis sa création, cet événement sportif a suscité des vocations sinon d’exploits sportifs mais de voyages. Symbole de liberté, d’air pur, de joie de vivre….Nous pouvons nous rappeler les « Congés Payés » de 1936 et les photos de nos familles ou de nos cousins scouts qui partaient en vacances à vélo. Et les affiches publicitaires, véritables œuvres d’art, qui nous vantent un monde à vélo raffiné.





  ( Emile Korn
et sa bicyclette Peugeot- pub déguisée-photo Fressard Audiacourt -wikipedia).
Au début du 20ème siècle, les industriels du cycle, la presse spécialisée ont besoin de développer le sport cycliste. La bicyclette a un sérieux concurrent, l’automobile. Pourtant ce mode de transport s’est bien développé dans nos campagnes et dans nos villes depuis la moitié du 19ème siècle. A tel point que nos édiles se dotent de règlements. Dans notre village, comme dans d’autres : interdiction de laisser son vélo la nuit dans les rues en particulier près des débits de boissons, obligation de mettre pied à terre dans les pentes, interdiction d’effrayer animaux et personnes, obligation de rouler avec une lanterne ou lumière le soir, les déplacements de nuit qu’en cas de « grande nécessité et urgence »…. A Uzès les jours de marchés ou de foires interdiction de circuler à l’intérieur de la ville, interdiction de rouler sur les trottoirs…Le contrevenant se verra confisquer sa bicyclette et risquera une amende. Depuis une loi d’avril 1893 une taxe est perçue sur chaque vélo, un quart de cet impôt doit revenir théoriquement aux communes qui doivent tenir un registre. 10 frs par an et par vélo, 12 frs pour les tandem. Chaque vélo sera muni d’une plaque qui indiquera si l’utilisateur est en fraude ou pas. Cette plaque sera remplacée par un timbre, puis l’impôt disparaîtra en 1956. Assez rapidement l’Etat avait « oublié » de rétrocéder aux communes leur part de taxes-vélo.
En 1903, Henri Desgrange a l’idée de créer cet événement sportif Le Tour de France pour relancer son journal « L’Auto » et affaiblir son concurrent « Le Vélo ». La première édition de la course Bordeaux-Paris s’était déroulée en mai 1891. Desgranges est lui-même un sportif : il établit le premier record de l’heure sans entraîneur (car encore amateur) en mai 1893. Il arrête la compétition pour se consacrer à sa carrière de journaliste en 1895.Il devient aussi directeur de piste.
Le règlement de la course du Tour de France sera mis en place petit à petit, des modifications se feront sur le tas.

Les coureurs du Tour font rêver, ils deviennent des « géants de la route », les ascensions des cols, les traversées des montagnes écrivent la « légende du Tour ». 1913, première ascension du col du Galibier, création du maillot jaune en 1919… Journaux, radio (TSF à l’époque) racontent les épreuves, tiennent en haleine les spectateurs. Contre la puissance des équipes de marque qui verrouillent la course, création des équipes nationales en 1930. Mais les marques payaient des droits d’entrée jusqu’alors et donc amenaient des ressources financières. La caravane publicitaire prend le relais. Les équipes de marque reviendront plus tard avec l’émergence de la télévision qui offre de nouvelles ressources.



Un temps mis en réserve, le Tour renait après la Seconde Guerre Mondiale. Le journal L’Auto est devenu L’Equipe, Jacques Goddet et Félix Lévitan ont repris les rênes de l’organisation. Des grands noms, Fausto Coppi, Louison Bobet et pour ma génération, la bataille toujours recommencée entre Poulidor et Anquetil qui remporta cinq Tours de France. C’était toute une époque : réunis autour du poste de radio on écoutait les journalistes qui s’étranglaient en commentant, Yvette Horner et son accordéon entraient dans les appartements, les klaxons, la pub. Les voisins qui refaisaient la course… Nostalgie, nostalgie!!
(photos  Fondation Berliet
Latil B2 Pathé Tour de France 1930---Les rendez-vous de la Reine)

Le Tour de France s’internationalise dans les années 1980 : équipes et coureurs de toutes les nationalités, épreuves hors de nos frontières. Cette course a fait son chemin dans le cyclisme mondial. Un récent sondage indiquerait une perte d'intérêt du public français pour cet exploit sportif. Peut-être une perte de sens ?
Paradoxe des paradoxes, les affaires de dopage font avancer la recherche médicale en matière de toxicologie et de pharmacologie. Il semble que l’on s’achemine vers un sport plus « propre ». Quoique !!!

Ce juillet 2018, un tiers des étapes passe en Occitanie : Mende, Carcassonne, Bagnères de Luchon, col de Portet, Pau….Lourdes et Laruns avec plusieurs cols au programme dont le Tourmalet avec ses 2115m d’altitude. La Région espère des retombées économiques et touristiques importantes grâce à cet événement. 
Si déjà nos élus pouvaient avoir envie de construire des pistes cyclables le long de nos routes pour sécuriser nos voyages à bicyclette, ce serait une bonne chose !! Uzès a montré l'exemple.














Uzès 2014 -



Sources : Le Petit Journal 15-6-1932 --wwwhistoire-genealogie.com --- Jacques Goddet, L'Équipée belle, Robert Laffont-Stock, Paris, 1991-- Thierry Cazeneuve  1903-1939 L'invention du Tour,  L'Equipe  coll. « La Grande histoire du Tour de France » (no 1), 2010, 62 p. (ISBN 978-2-8152-0293-0 -- Jean-Paul Vespini, 1903, Le Premier Tour de France, Paris, Jacob Duvernet, 2013, 278 p. (ISBN 978-2847244663) --Jacques Seray et Jacques Lablaine, Henri Desgrange, l'homme qui créa le Tour de France, Saint-Malo, Editions Cristel, 2006, 368 p. (ISBN2-882-84421-042-2)—wikipedia – B Voisin-Escoffier Couradou janvier 2012 site internet Vallabrix Fonds Historique) --Le Journal de ma Région n°13 juin2018 ---merci à Michel -Desplan pour son document sur les Vieilles Affiches --- photos Uzès www.uzes.fr/Tour-de-France-2012-par-Uzes-un-petit-tour-et-puis-s-en-va_a932.html





mercredi 18 juillet 2018

A relire La Fête de la Bastille, un malentendu ? blog du 18/7/2017




A relire La Fête de la Bastille, un malentendu ? blog du 18/7/2017



Lien : http://bvemagenta20.blogspot.com/2017/07/la-fete-de-la-prise-de-la-bastille-un.html

Pour sourire : Catherine de Médicis avait amené avec elle l’artichaut de son Italie natal. Chacun sait  les désordres intestinaux qu'engendre ce légume quand on le met tous les jours à sa table. Elle en abusait tellement qu'au Louvre ses contemporains la surnommait "la Musicienne du soir".

vendredi 13 juillet 2018

Le Fort de Peccaïs en Camargue



Le Fort de Peccaïs


Un monument à visiter au cœur de la Camargue, bordé d'étangs aux envols d'oiseaux, au clapotis de fleur de sel, aux horizons infinis....
Le fort de Peccais ou Peccaï en provençal est une construction du 16ème siècle, au cœur d’une nature languissante et silencieuse, proche d’Aigues-Mortes en Camargue. Etrange construction au milieu des marais. Bateau fantôme qu’on imagine peuplé d’êtres d’un autre univers.  Le delta du Rhône autrefois fut hérissé de forts et de tours de guet au gré de la mouvance des cours d’eau qui ont modifié constamment la géographie de la Camargue. Le fort et l’abbaye de Sylveréal construit sous le règne d’Henri III en 1577, détruit puis rebâtit au 18ème siècle, l’abbaye de Psalmodi, celle d’Ulmet à l’est de l’étang du Vaccarès ne sont plus que dans nos mémoires… la tour Saint-Louis à Port Saint Louis du Rhône, construit vers 1737 encore debout. La Camargue affamée de pierres engloutit les œuvres des hommes dans ses sables.
Tour Saint-Louis
Le fort de Peccais est inscrit monument historique par arrêté du 13 décembre 1978. Il est en fort mauvais état, longtemps ignoré même des habitants d’Aigues-Mortes. Il est vrai que la promenade n’est pas de tout repos : c’est le royaume des moustiques et des arabi, petites mouches très actives.
ruines de Psalmodi

Le fort est situé au cœur du marais de Peccais, marais salant exploité dès l’Antiquité et même probablement dès l’époque néolithique. De ce marais sont nés les Salins du Midi au 19ème siècle. Une si longue exploitation et peu de vestiges certainement détruits au fur et à mesure de l’utilisation du site. Des céramiques grecques du VIème et Vème siècle avant notre ère ont été malgré tout trouvées sur le site, prouvant l’exploitation et le commerce du sel du delta du Rhône.
Peut-être un ingénieur romain du nom de Peccius serait à l’origine du nom de ce marais. Il aurait été en charge de l’exploitation des salines.
 
Grenier à sel Moyen Age -BNF
Au Moyen-Age, l’abbaye du sel, Psalmodi, possédait en partie les salines de Peccais qui faisaient sa richesse. Encore aujourd’hui, une terre jouxtant le fort s’appelle la « plaine de l’abbé », souvenir de cette possession monastique. Le reste des terres de Peccais appartenaient aux seigneurs d’Uzès et d’Aimargues qui les inféodèrent à des petites propriétaires tout en se réservant le droit de septain, c’est-à-dire le septième de la récolte. Un seigneur de Saint-Quentin la Poterie notre voisine, possédait un bout de cette terre si convoitée, terre qu’il échangera contre une tour de son château, tour que le roi Louis VIII possédait on ne sait pas pourquoi, peut-être un résidu de la croisade contre les Albigeois.
(grenier à sel Moyen-Age)
Une convention entre le seigneur d’Uzès et les moines établissait un règlement commun pour l’exploitation des marais. «…. les mesures, boisseaux ou setiers employés dans leurs salins respectifs seraient de même dimension et que les ouvriers chassés de la propriété des uns ne seraient point reçus dans la propriété des autres… » . Il semble que l’exploitation d’un nouveau salin, le Salin de l’Abbé » date de cette époque. La Confrérie du Sel de Mer date du 12ème siècle. Elle est réactivée actuellement avec un Grand Prévôt, trois membre de droit les « protecteurs-nés ». Elle tient son chapitre pour la fête de la Saint-Louis avec l’intronisation de nouveaux chevaliers et ambassadeurs.
( Départ de la septième croisade d'Aigues-Mortes, sur un chenal creusé dans le marais de Peccais)
Puis arrive le roi Louis IX, Saint-Louis, qui a des vues sur le secteur pour construire Aigues-Mortes, son port pour embarquer vers l’Orient. Dès 1244, les maçons d’Alès sont requis pour travailler « sous peine de leurs personnes et de leurs biens ». En 1248 le roi achète une partie des terres de Peccais à l’abbé de Psalmodie. Le pape Innocent IV autorise la transaction avec l’évêque d’Uzès (archives nationale J295n°12 Layette III p45 n°3706 et archives départementales du Gard H 109 n°12) Le roi accorde aux habitants du secteur, le droit de prélever librement dans les salines le sel nécessaire à leur consommation.
Philippe III son fils achète aux Hospitaliers la Terre des Ports à l’ouest de Psalmodi en 1272. Son petit-fils Philippe le Bel en 1290/92 récupère à l’est du territoire les terres seigneuriales en échange de divers châteaux de la région. Ainsi Bermond d’Uzès en cédant ses droits sur Peccais devient seigneur de Pouzilhac, Saint-Martin-de-Jonquières et Remoulins, ville verrou sur le Gardon et le Rhône proche. Le roi donne les salins en fermage contre le septième de la récolte. Des fortunes vont se construire sur le droit d’exploiter à ferme les salines. Un grand négociant du 14ème siècle Francesco di Marco Datini, finança le retour du pape Grégoire XI à Rome contre le droit d’exploitation de Peccais, avec son associé Nastagi di ser Tommaso : le sel entreposé et vendu à partir des greniers à sel de Beaucaire, Orange, Pont Saint esprit remontait le Rhône et fit de Datini une puissance économique incontournable alliée aux drapiers, autre puissance économique de l’époque…. Nous sommes dans les années 1367-1376.
(Aigues-Mortes Porte de la Reine ou de Peccais- une glacière sur le devant).
Pendant la Guerre de Cent Ans, les Bourguignons tiennent la ville d’Aigues-Mortes. En janvier 1421 les troupes royales les attaquent avec succès les soldats bourguignons qui sont passés par les armes et la légende dit que leurs corps sont entassés dans la « Tour des Bourguignons » en plusieurs couches bien salées en attendant d’être enterrés.
Dans les années 1500, l’exploitation s’intensifie. François 1er en 1532 fait creuser un canal qui relie les salins à la mer. C’est le chenal du Grau-Henri qui s’ensabla rapidement. Il restreint aussi le droit des habitants d’Aigues-Mortes à prendre du sel pour leur consommation en fixant un plafond. Ce sera le résultat d’une longue procédure entre la ville et le roi qui ne put abolir la franchise accordée par Saint-Louis.
En 1546, les salines s’agrandissent : le Grand Prieur de Saint-Gilles fief de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem construit le salin de Saint-Jean dans un étang proche de Peccais.


Mais il faut lutter contre la contrebande et le pillage des salins. Le roi a le monopole de la distribution du sel qui assure une source importante de revenus par le biais des impôts (la gabelle).
Enfin en 1568, la construction du fort de Peccais est décidée pour protéger les salines et les canaux qui servent au transport. Pirates, pilleurs, contrebandiers infestent la Camargue et nos côtes. Les « barbaresques » venaient s’embusquer dans les bras du Rhône pour attaquer les bateaux qui venaient à la foire de Beaucaire. François 1er d’ailleurs exemptera de toute peine le meurtre de ces pilleurs même en cas d’erreur de la part du meurtrier ! Des braconniers de poissons en feront les frais… Le sel est le principal mode de conservation des aliments. Celui qui domine l’exploitation du sel domine l’économie. Le sel va générer des conflits entre pays mais aussi entre provinces : contrôle des voies de passage pour le transport du précieux ingrédient, installation de monopole, utilisation du sel comme arme entre belligérants, développement du transport maritime et des échanges commerciaux…arrivée des harengs de la mer du Nord sur le marché européen !

Ce fort à quelques 5 kilomètres de la mer, était là pour maintenir l’ordre dans ces temps troublés des Guerres de Religion naissantes. Il était essentiel pour l’économie de la Camargue, dont le sel et la pêche étaient les seules sources de richesse. Et puis, Aigues-Mortes était située entre la Provence et le Languedoc, avec le Rhône, voie de transport. Il va suivre de très près notre Histoire, prenant toute sa place dans les épisodes sanglants des guerres de religion. Pendant  longtemps ce secteur sera la plaque tournante du commerce, des déplacements, des enjeux politiques.
(au fond les camelles blanches de sel)
160 mètres entre les pointes des deux bastions est-ouest, des fondations supposées sur pilotis comme la Tour de Constance d’Aigues-Mortes. Des archives du 17ème siècle nous décrivent une porte monumentale à fronton, trois corps de bâtiments autour d’une cour centrale, des logements pour le gouverneur, le major, la troupe, des hangars, des magasins, une boulangerie, une petite chapelle. Deux citernes de grande capacité surmontées d’une petite coupole. Une glacière très utile dans ce pays où l’eau était saumâtre et le soleil de plomb. La glace venait des Cévennes. Un lieu insalubre où sévissait le paludisme. En 1742, on trouve dans les archives le curetage du fossé et de l’avant-fossé pour « enlever toutes les vases qui corrompent l’air et nuisent à la santé de la garnison »..
Tout cela a disparu pour servir de carrière aux Camarguais. Il ne reste qu’un quadrilatère flanqué aux quatre angles d’un bastion, un fossé et un contre-fossé que l’on devine. Tapi dans les salicornes et les tamaris nains. Peu visible dans les vastes horizons plats camarguais.
En 1569, le fort est un temps aux mains des protestants.  Peccais est constamment disputé entre troupes catholiques et soldats huguenots. Le roi envisage de démolir le fort, mais Montmorency désobéit et le fait réparer. En 1598, sous le roi Henri IV, le fort devient place de sûreté et est confié au pouvoir des protestants avec une garnison de 18 hommes. Montpellier et Aigues-Mortes reçoivent une garnison de 128 soldats, la Tour Carbonnière, trois hommes. C’est en 1599 que Henri IV crée le poste de contrôleur général en Languedoc, qui remplace les Visiteurs de Gabelle, emploi crée en 1411 et ancêtre de notre percepteur.
 
Le fort abrite parfois des personnages hauts en couleur. En 1627 pendant la guerre de religion déclenchée par Rohan, le gouverneur protestant de Peccais Jacques Gautier seigneur de Saint-Blancard, lieutenant de Rohan, s’autoproclame amiral du Levant, arme des bateaux et entreprend la guerre de course, pillant nos côtes jusqu’à l’Ile de Ré où il trouvera la mort.
(Porte de la Reine ou de Peccais- remparts d’Aigues-Mortes-gravure 19ème –anonyme BNF)
Le gouverneur suivant Charles de Saint-Simon de 1634 à 1644 ne mettra jamais les pieds à Peccais. Mais le roi ordonne en 1636 des réparations importantes du fort. L’intendant des fortifications d’Argencourt nous a laissé un devis qui laisse entendre qu’il s’agit de réparations importantes, peut-être une reconstruction. Un impôt est levé sur tous les contribuables du Languedoc pour ces réparations, 36 000 livres au moins. Ce tribut plus la gabelle, des émeutes ensanglantent notre province. Celle de Carcassonne aboutit en 1657 à la décision de justice très lourde : les cloches qui avaient sonné le tocsin seront fondues, la ville écope d’une très forte amende, ses foires et marchés sont supprimés, la maison consulaire rasée, plus de grenier à sel, canons transférés, des peines de mort…. Heureusement cette sentence ne sera pas appliquée dans sa totalité car il faut préserver l’essor économique de la ville.
D’autres réparations du fort auront lieu au 17ème siècle, mais il a perdu de l’importance. Sa présence ne décourage pas les faux-sauniers. La contrebande était pourtant punie par l’envoi aux galères ou de peine de mort en cas de contrebande armée. En 1637 l’intendant du Languedoc se plaignait des difficultés à lutter contre les faux-sauniers : « les marais remplis de roseaux et de broussailles qui leur servent d’entrepôts et de retraite leur donnent une sûreté à n’être pas découverts… ». « Ils se servent des petits bateaux utilisés pour la chasse aquatique… ».
A la fin du 17ème siècle dix-sept salins étaient en activité dans le marais de Peccais : L’Abbé, Les Aubettes, Bourbuisset, Les Brassives, La Courbe, La Donzelle, Les Étaques, La Fangouze, La Gaujouze, Le Gay, La Lone, Le Margagnon, Mirecoule, Roquemaure, Saint-Jean, Les Tuillières et Les Terrasses. Un consortium de propriétaires sauniers est créé en 1716 ; l’Eglise ne s’associe pas à cette société. Elle possède encore les salins de l’Abbé et de Saint-Jean. Un syndic élu tous les ans gère l’exploitation commune. Plus tard l’évêché d’Alès propriétaire du salin de l’Abbé les rejoignit.
La garnison du fort en 1775 n’était composée que d’une compagnie d’invalides. La Révolution en 1790 décréta les salins de Peccais propriété de l’Etat. Puis ils seront restitués à leurs propriétaires sauf ceux de l’Abbé et de Saint Jean qui restent dans le giron de l’Etat. Comme à bien d’autres endroits, la bourgeoisie montpelliéraine achète les salins classés biens nationaux.
L’abolition de la gabelle en 1791 signe la fin du fort qui va tomber en décrépitude.


Porteurs de sel --Groupe Salins

Au début du 19ème siècle, le fort est déclassé. Après les grandes inondations du Rhône de 1840 et 1842, une société Renouard et Cie de Montpellier rachète et exploite les salins des marais de l’Abbé et de Saint Jean. En 1842 Achille Durand fermier du salin de Villeneuve convoque en assemblée générale les propriétaires des autres marais qui en 1847 s’associent dans une première Compagnie des Salins. Les débouchés commerciaux sont favorisés par le développement des chemins de fer, l’apparition des bateaux à vapeur sur la Rhône et surtout par les besoins de l’industrie naissante de la soude. En 1856 la Compagnie des Salins du Midi est créée par Auguste Renouard avec son siège social à Aigues-Mortes. Cette société va prospérer et prendre le contrôle et la propriété de tous les salins de la côte méditerranéenne française. La situation est plus fluctuante depuis quelques années. Mais c’est une autre histoire que nous compterons peut-être ici un jour.

Pendant la guerre de 1914-1918, le fort sert de prison. Nous avons vu précédemment que le marquis de Baroncelli en a été le pensionnaire bien malgré lui.

Les troupes allemandes d’occupation pendant la seconde guerre mondiale s’installent dans le fort, construisant à l’intérieur du bâtiment plusieurs petites casemates et un fortin plus important à l’extérieur, proche de l’entrée. Le fort devient ou redevient un emplacement stratégique contre un éventuel débarquement. A la Libération ces ajouts seront dynamités, laissant des ferrailles tordues et des blocs de béton, témoins d’un proche passé.

En 1978 les quelques vestiges et le fossé sont classés à l’inventaire général des monuments historiques. La Cie des Salins du Midi cède le site en décembre 2012 au Conservatoire du Littoral. Des travaux sont envisagés par le Conservatoire des Monuments Historiques.

A visiter à Aigues-Mortes les Salins et son petit train, ses camelles, ses installations….
Tout est salé : les bons mots, l’histoire un peu leste, la note du restaurant, la correction, l’impôt, la peine salée qui condamne le demi-sel, peine prononcée par un juge poivre et sel. Et même le mari paresseux qui selon la coutume, devait être salé au lieu de sa paresse pour lui rendre sa vigueur. On n’oublie pas le salaire (part de sel attribuée au soldat romain), la sauce, le saucisson, la salade….. On en trouve d’autres ?
Plan Aigues-Mortes gravure de Belin 1764 BNF


Sources : Henri-Paul Eydoux Monuments Méconnus Provence 1978  édit Librairie Académique Perrin --  Christiane Villain-Gandossi Les salins de Peccais au 14ème siècle d’après les compte du sel de Francesco Datini Annales du Midi 1968 + Comptes du sel Paris 1969 collection des documents inédits sur l’Histoire de France VolVII –Ménard Histoire de Nîmes archives nationales J295 n°33  Preuves p 388 + Pagézy – Jean Raybaud Histoire des Grands Prieurs de Saint-Gilles 1904 édit Abbé Nicolas Nîmes in 8è T1 p188 – wikipedia –photos collection privée + France-voyage, tripadvisor.fr -- Guilaine (J.) et Fabre (D.), dir, Histoire de Carcassonne, Privat, 2001.-- Jean-Félix Cuny  Le Sel que j'aime édit Hachette Art de Vivre ---Groupe Salins --Aigues-Mortes Musée du Sel --







jeudi 5 juillet 2018

Transhumance en Cévennes






Transhumance en Cévennes

Une grosse panne d’Internet et je suis très en retard pour parler de la transhumance qui est pourtant d’actualité. Les premiers troupeaux de brebis sont montés à l’Aigoual le dimanche 10 juin.
Un ami de mon père, Francis, nous racontait il y a trente ans de cela, ses « Drailles », ses Estives, son métier de berger, de maître-berger. A chacune de nos visites, il avait des étoiles dans les yeux quand il parlait du Mont Lozère, de ses prairies, de l’air qu’on y respirait. Oubliés les orages, la foudre, le froid, les blessures, les marches en habit de pluie dans lesquels on transpire et on est autant mouillé dedans que dehors, des journées sans fin …

La draille c’est un chemin, une piste mais c’est aussi la transhumance, le voyage (à pied et à pattes à l’époque), des pâturages d’en bas aux pâturages de la montagne (l’estive), plusieurs troupeaux mêlés, brebis ou vaches. Les chemins empruntés s’appelaient des drailles ou drahlas. Ces voies de communication très anciennes, peut-être même d’avant l’ère chrétienne, ont servi pour les troupeaux transhumants mais aussi pour le trafic commercial. Malgré la construction de routes dans notre province en 1689, les drailles continueront à être utilisées, y compris par les troupes royales et les camisards. D’après des archives de 1703, les soldats avaient même l’obligation d’escorter les troupeaux transhumants pendant la guerre des Camisards.

Certains de ces chemins dans nos montagnes ont conservé les empreintes des bêtes, brebis ou ânes qui les parcouraient. Des « Parisiens » s’insurgent contre les kilomètres que l’on fait parcourir à ces animaux, jusqu’à 115 km des plaines montpelliéraines au mont Lozère. Mais ce parcours permet l’acclimatation progressive au climat qui peut varier encore en cette mi-juin de plus de 20 degrés. En 1956, sur la draille il neigeait à gros flocons un 15 juin du côté de la Vieille-Morte. Et puis les bêtes ont besoin après l’hiver, d’herbe fraîche cueillie le long du chemin, de bousculer la voisine, de faire sa place dans le troupeau. Maintenant on utilise quelques camions, mais ce n’est pas le même confort pour les bêtes qui n’apprécient pas toujours ce mode de transport, parfois angoissant pour elles. Souvent les camions servent uniquement pour le transport du matériel et des brebis malades ou pour les agneaux trop faibles pour marcher. Dans notre Uzège, peu de drailles encore fonctionnelles ou de chemins donc on utilise les routes goudronnées et surtout des camions pour une partie du chemin.
(mas Corbières )

Notre relation avec les ovins et les caprins date de loin, probablement du néolithique moyen avec la domestication des mouflons sauvages. Le pastoralisme existe déjà en 430 avant notre ère si l’on en croit Sophocle. En Italie apparaissent en 111 avant JC les premières lois connues sur la règlementation de la transhumance. En Languedoc des échanges existent entre la région actuelle d’Alès et Mende, à l’âge de fer avec la présence de céramiques, de sonnailles…On ne dira jamais assez l’importance de ces troupeaux ambulants, ce cheptel (mot qui est de la famille de "capital" !!) : non seulement pour l’entretien de nos montagnes et des sources, mais aussi pour l’évolution du droit au cours des âges, élaboration des droits de passage, de « pulvérage » (droit de soulever la poussière), droit d’ »avérage »(d’abreuvage). Ce qui indique l’importance économique mais aussi sociologique, ethnologique du pastoralisme et de la transhumance. En 1852, les départements du Gard et de l’Hérault affichaient un cheptel de près d’un million de têtes.

Francis avait appris le métier petit à petit, sur le tas. Il avait commencé vers l’âge de sept ou huit ans en gardant le troupeau familial près du mas. Puis vers onze ans il monte son troupeau et celui de son grand-père en montagne, une cinquantaine, puis 70 à 80 brebis avec parfois des agneaux nourris "à la bouteille" c’est-à-dire au biberon. C’est encore un amateur qui bûcheronne un peu, fait des fagots, tout en gardant son troupeau pendant trois mois. Les adultes ne sont pas loin, père, oncle, grand-père, voisin…. Son frère parfois l’accompagne, mais il est déjà décidé que celui-ci reprendra la ferme et donc sera le « patron » de Francis plus tard.
 (fouet sculptés)

Il fait sa première draille à 13 ans. A l’époque beaucoup d’adolescents se louaient et menaient les troupeaux avec des bergers adultes et un maître-berger expérimenté, responsable du bon déroulement du voyage. Dans chaque village traversé, des petits ou grands troupeaux s’ajoutaient ; à l’arrivée, 1800 à 2000 bêtes.
Du fond de sa retraite, Francis ne pouvait pas cacher sa fierté, son plaisir passé quand il se plaçait en tête du troupeau ensonnaillé. Les codes, mais aussi la solidarité, la complicité, les repas de partage, de détente entre gens qui se comprenaient à mi- mot. Les arrêts dans une des maisons de secours le long du parcours étaient un moment où refaire ses provisions, mais aussi de passer un bon moment avec les copains, manger, rire, veiller en parlant du métier, des foires, des souvenirs….Parfois c’était le seul moment de l’année où les cousins, la famille éloignée se retrouvaient. Un moment chaleureux avant la solitude et le travail de l’estive.

Au début, Francis devait charger tout son matériel sur le dos, vêtements, provisions pour lui et ses chiens. Il fallait s’équiper léger. Sans oublier l’huile de cade et l’alcool de menthe pour tout médicament. Des bouquets de plantes comme l’hellébore fétide pour soigner l’ecthyma des brebis… Plusieurs couteaux en cas de perte, un ouvre-boîte, des allumettes….Par la suite, des ânes étaient du voyage, transportant le nécessaire. Mais il fallait penser aussi à leur nourriture !

Vers 4 h du matin, sonnait le départ pour la draille. C’était à celui qui pouvait « monter » le premier. Quand un autre troupeau était devant, il fallait attendre que le chemin se libère. Et les bêtes mangeaient tout au long des talus, prenant leur temps. Il fallait faire attention à ce que les brebis ne détruisent pas les récoltes des terres traversées. Là où le troupeau était autorisé à s’arrêter pour la nuit, leurs « fumades » en étaient le loyer. Des noms en sont restés, pour des champs ou des villages. Parfois le troupeau était enfermé pour la nuit dans des parcs sur des terres à céréales pour les fournir en fumure. Le propriétaire des terres en échange nourrissait les bergers. Ces derniers dormaient à la belle étoile avant l’étape ou à l’arrivée à l’estive. Quand il « faisait lune », les brebis broutaient toute la nuit et les bergers devaient monter la garde à tour de rôle.

 Les anciens dans les villages sentaient l’arrivée du troupeau. Le long du parcours les volets s’ouvraient plus tôt que d’habitude, les anciens et les plus jeunes écoutaient le bruissement lointain des sonnailles. Tous se taisaient, hommes, insectes, oiseaux de nuit faisaient silence, l’oreille tendue. Puis c’était le déferlement d’une coulée blanche avec ses pompons colorés. Bergers, chiens, les accompagnateurs qui redescendront une fois arrivés à l’estive… Les propriétaires des moutons accompagnaient sur la draille au moins quelques heures. On discutait des bêtes, leurs défauts, leurs qualités. « Celle-là est la petite-fille de telle autre, celle-ci est la sœur ou la cousine de telle autre… »
Au village, les transhumants étaient passés donc les beaux jours étaient là, cycle annuel immémorial, symbiose entre l’homme et l’animal, le temps, l’espace. Des siècles de culture pastorale ont construit nos racines dans l’inconscient humain.
(Colliers de drailles sculptés et peints)


A l’époque de Francis, les femmes bergers n’existaient pas. Même les épouses n’étaient pas les bienvenues à l’estive. Les bergers dormaient à la belle-étoile ou dans une cabane ou une grange, loin de tout confort. Le propriétaire du pâturage nourrissait un berger pour 1300 bêtes, un chien pour mille têtes. Maintenant on loue une ferme, une maison plus confortable avec panneaux solaires, douches, matériel culinaire etc.. donc la femme de berger ou bergère elle-même est admise.



Un beau troupeau était celui qui avait un bélier avec quatre tours de cornes. Les bergers pariaient sur les combats de béliers.
Parfois un propriétaire de quelques bêtes venait à l’estive et comme les visites étaient rares, c’était jour de joie. D’autant plus qu’il apportait toujours des musettes de nourritures qui nous changeaient un peu. On avait des nouvelles d’En Bas. Les voitures étaient rares à l’époque, le propriétaire venait en car puis à pied par la draille jusqu’à l’estive. Il fallait qu’il ait la passion de son troupeau !!

Quelques jours avant la montée à l’estive, les éleveurs marquaient leurs animaux. Le grand-père de Francis avait connu la période où ce marquage se faisait à la poix. C’était une opération longue et désagréable. Les négociants lainiers n’aimaient pas cette pratique qui disparaîtra début du 20ème siècle, la poix souvent tachait la laine. Puis on a utilisé la peinture temporaire : la marque sert au berger à reconnaitre à quel propriétaire appartient telle bête, et le propriétaire au triage du retour d’estive récupère facilement ses brebis. Initiales, dessins, appliqués au tampon imprégné de peinture, le « pegador », mot dérivé de pega en occitan la poix. Entre bergers on s’entendait pour que les marques, les couleurs ne jurent pas à l’esthétisme du troupeau lors de la transhumance. Les marques devaient rester visibles jusqu’au retour d’estive.
Les pompons de couleurs sont installés sur le dos des brebis la veille du départ. Deux ou trois pompons attachés sur les parties du dos non tondu, parfois un quatrième sur la tête de la plus belle, fixé aux cornes. Des couleurs vives, du rouge, du bleu. D’autres décorations à base d’ocre ou de peinture sur le dos. Les pompons et les colliers décorés étaient enlevés à l’arrivée en estive.
Les colliers et les sonnailles étaient aussi installés la veille du départ. Francis fabriquait ses colliers avec du bois de micocoulier, coupé à la bonne lune quand le bois tombe ses feuilles. Parfois des bergers utilisaient du bois de châtaignier mais il était plus dur à plier, à mettre en forme. Les clés du collier étaient en genêt, du hêtre, du buis, ce qui tombait sous la main car la fabrication se faisait en estive tout en gardant le troupeau.
Les sonnailles étaient choisies par le berger, chaque son personnifiait un troupeau. Le berger reconnaissait au son si une de ses brebis s’était éloignée. Les agneaux retrouvaient parait-il, leurs mères au son de leurs cloches. Les sonnailles faisaient marcher le troupeau sur la draille. Mais il fallait une certaine harmonie de sons ; s’il y avait cacophonie ou trop de bruit, les bêtes s’énervaient et le troupeau se cloisonnait et ne suivait pas.
La fabrication des battants de cloche était tout un art. On prenait un morceau d’os, tibia d’âne, de bœuf ou de cheval. Si possible venant d’un animal bien nourri, donc un os plus solide et qui bat plus sec et s’use moins vite. Pendant cinq ou six mois on l’enterrait dans du fumier frais. Puis on le suspendait sous le manteau de la cheminée pendant encore cinq à six mois pour qu’il sèche dans la fumée. Après seulement on le sciait, le perçait et on pouvait l’attacher avec un lacet de cuir à l’intérieur de la cloche. Certaines cloches étaient gravées. La brebis ou le mouton meneur du troupeau était équipé des mêmes sonnailles chaque année, avec le même collier.
Et là aussi il fallait une harmonie entre les colliers et les autres décorations. Lors de la traversée des villages les bergers, les propriétaires des troupeaux  devaient être fiers de leurs bêtes, de la transhumance, conscients d’être porteurs de tout un passé.




Les brebis sont intenables lorsque le berger n’a pas ou plus de chien ou que le chien n’est pas très bon. Francis n’avait confiance qu’en une sorte de chien, le Briard, malgré qu’il soit très poilu et donc toujours plein d’herbe, de brindilles… Pour choisir un chiot dans toute la nichée, on pose tous les chiots par terre et le premier que la mère ramasse est le bon. Il était préférable que le chiot soit de couleur foncée, les brebis respectaient moins les chiens de couleur claire. Il a toujours dressé ses chiots en les mettant à côté d’un vieux chien, ou de leur mère, modèle que le chiot suivra. Le dressage peut durer trois ans. Les chiennes sont souvent plus souples et plus attachées au troupeau et à son maître qu’un chien. En draille ou en estive, les chiens se fatiguent vite, travaillant sans relâche. Francis essayait d’en avoir toujours deux, un qui se repose pendant que l’autre travaille. En estive le chien était souvent le seul compagnon du berger, courageux, réconfortant. Couple nécessairement indissociable, le berger et ses chiens tissent des liens de complicité très forts.
 

(LaDépêche 07/08/2014 cabane dans les Pyrénées)

En draille, les bergers n’avaient pas de cabane pour dormir. Maintenant les habitudes ont changé ; des fermes abandonnées, des granges, et même des chambres sont louées.

Cabane bergerie dans le Parc National des Cévennes
En estive, Francis a connu des cabanes dans lesquelles on pouvait seulement s’allonger pour dormir. Le chien restait dehors. Pour manger, il devait sortir et en cas de pluie, s’abriter sous le parapluie. Encore actuellement des bergers dorment quasiment à la belle étoile : « Jusqu’à cet été, depuis six ans donc, de juin à septembre, mon abri était une tente de trappeur ou de chercheur d’or d’Amérique du Nord, montée sur des rondins de bois pour l’isoler autant que possible du sol. C’est dire que j’étais souvent trempé, nuit et jour… » nous dit un berger estivant sous le Signal au Bougès à 1400 m d’altitude près de Mijavols, (.Journal la-croix.com/Journal/estives-Cevennes-bergers-sont-labri-2017-09-20-1100878201) . Le Parc National des Cévennes construit ou aménage maintenant des bergeries pour encourager des jeunes bergers.

Francis n’avait pas connu les médicaments vétérinaires pour ses brebis. Quand l’une d’elles avait des problèmes pour expulser son placenta, il lui faisait avaler un œuf frais avec sa coquille. Et cela marchait ! Des tisanes à base d’iris ou de peau de couleuvre aidaient à la délivrance lors de l’agnelage. Une cuillerée d’absinthe à jeun contre un peu tout…. L’huile de cade ou d’olive mélangée à un peu de soufre contre l’eczéma ou les petites plaies. Et même une grenouille vivante avalée par la brebis contre la dysenterie !!
Autrefois les bergers décidaient de la meilleure période pour agneler. Les agneaux se vendaient mieux pour Noël ou Pâques. Donc les béliers entraient en action au bon moment.


(cocomagnaville over.blog -- photo Robert Doisneau 1958).
Pendant la guerre de 1939-45, les ânes et les mulets ont été en partie réquisitionnés. Le matériel pour l’estive se transporta à dos d’homme (et même de femme). La draille se faisait surtout la nuit avec peu de sonnailles. On avait moins de bêtes et on sautait des villages lors de la transhumance. Les maquisards, les troupes régulières prenaient leur dîme de moutons. Il faillait être très vigilant, on se faisait tuer une bête pour un rien. Moutons ou chiens. Les vieux bergers avaient été rappelés à la rescousse pour épauler les moins expérimentés. Le risque du STO éclaircira encore plus les rangs des jeunes bergers. On se suffisait de châtaignes, de lait de chèvre, du potager….
Francis a quitté cette terre qu’il aimait tant en 1979. Son fils et son neveu ont tenté de reprendre le métier de berger. Mais l’Union Européenne, la Pac, les différentes réformes ont pénalisé la filière ovine.
La maison de Francis est habitée maintenant par un couple d’anglais qui ont à cœur d’entretenir le cimetière familial de Francis devant la fenêtre de la cuisine. Ils font collection de colliers de draille sculptés. Ce ne semble pas être du folklore pour eux.

Sources : musée St Rémy de Provence (sonnailles gallo-romaines) – Pastore E  Transhumances St Martin de Crau Cheminements 2002 –Revue  Cévennes PNC n°48-49 – Michel Verdier  Saisons de Bergers en Cévennes édit Equinoxe ISBN2 84135-482-2 ISSN1147 3835 – Photos Michel Verdier -- Brager F Les nuits de fumature in Cévennes Florac PNC n°9 p2-4 – Annales du Parc National des Cévennes T1 1979 T2 1982 T3 1986 T4 1989 – Brisebarre A-M Bergers des Cévennes Paris Berget-Levrault 1978 – lasalle.fr Histoire du Patrimoine mairie de Lasalle --- Magazine Histoire internet--- midilibre.fr/2014/08/09/la-transhumance-du-berger-les-animations-du-festival-nature,1035784.php – Parc National des Cévennes --office du Tourisme Piémont Cévenol J Cl Richet--- photos Patrimoinevivantdelafrance.fr ---Journal la-croix.com/Journal/estives-Cevennes-bergers-sont-labri-2017-09-20-1100878201)