samedi 27 janvier 2018

Vaccination chez les coquettes









La vaccination chez les coquettes :


Lu dans Le Petit Journal Illustré du 29 Janvier 1894


 « Une grande terreur s’est répandue dans Paris il y a quelques semaines. On parlait d’une effroyable épidémie de variole. Si nous n’en mourions pas tous, nous en devions tous être frappés.
Les hommes ne prenaient point trop aisément la chose ; quant aux femmes, elles la prenaient fort mal, étant plus attachées à ce bien périssable d’un physique agréable et d’un teint uni. Les médecins décrétèrent la revaccination en masse et alors ce fut une drôle de mode. Tandis que les uns couraient aux centres de vaccination où mugissait une génisse, que d’autres appelaient chez eux le médecin de famille, certains, plus fantaisistes, organisèrent des réunions où l’on était vacciné entre intimes.
Cela remplaça bizarrement dans l’élite parisienne le five o’clock tea un peu tombé en désuétude. Bien entendu, le vaccinateur opérait, dans des salons séparés, sur les hommes et sur les dames. Ces dernières désireuses de montrer au bal un bras sans cicatrices, gardaient la coutume un peu dangereuse de tendre leur jambe à l’inoculateur ; il en vit de belles et … de laides d’ailleurs.
Le fléau fut conjuré. Fût-ce parce qu’il ne devait pas se déchainer, fût-ce par suite de ces précautions ? Rien n’empêche de le croire. « 

On considère que cette maladie est éradiquée depuis octobre 1977, date du dernier cas connu en Somalie. (si l’on met de côté le cas de Janet Parker contaminée en 1978 à Birmingham, peut-être par le laboratoire situé en dessous de son studio de photographe, par les conduits).
Le virus a muté semble-t-il plusieurs fois au cours des siècles. Dès 1958, l’OMS a mis en place une surveillance et une stratégie d’endiguement en particulier par une vaccination massive. Cette maladie a causé des dizaines de milliers de morts par an rien qu’en Europe, ravageant intégralement des familles, des villages. Un exemple célèbre, le roi Louis XV est décédé de cette maladie. Grand merci aux vaches et à leur variole qui ont permis d’avancer dans la vaccination. (elles ne produisent pas que du CO2 !!). Actuellement les recherches sur ce virus continuent, les risques d’attentat aux virus étant encore d’actualité. Mais là c’est maintenant une autre histoire, nous touchons au secret-défense.

Histoire.genealogie.com La Petite Histoire de nos Ancêtres Gazette Web 26 janvier 2018



St François d’Assise soignant des malades de la variole in La Franceschina Perugia 1474- anonyme- BNF


lundi 22 janvier 2018

Les Papes d'Avignon : Clément VI





La porte des Champeaux
principale entrée du palais des papes sommée du blason de Clément VI


Les Papes d’Avignon : Clément VI (1291-1342-1352)   


A la mort de Benoît XII, l’abbé froid ainsi nommé par la prophétie de Saint Malachie, un quatrième pape avignonnais est élu. C’est Pierre Roger, un Limousin, aristocrate pauvre mais cultivé, « la rose d’Arras » nous dit la prophétie de Saint Malachie. Il est le fils de Guillaume Roger de Beaufort, petit noble, châtelain de Rosiers à Maumont. En 1302 il prend l’habit de bénédictin au monastère de la Chaise-Dieu en Auvergne. Il a 11 ans, d’une foi intense et d’une intelligence vive. A seize, il étudie la théologie à l’université de Paris. En 1323 il est maître en théologie, doctorat obtenu le 23 mai par bulle du pape Jean XXII. Bon orateur en français, occitan, latin « beau parler n’écorche point langue » dit-il. Le pape Jean XXII le nomme en 1326 abbé de Fécamp, puis évêque d’Arras en 1328, archevêque de Sens en 1329. Sa carrière politique peut commencer.

Il entre au Conseil Royal de Philippe VI, devient Chancelier de France, premier personnage du royaume en 1330. Il essaie de trouver une issue honorable au conflit Angleterre-France. Il y acquiert une réputation de fin diplomate et une bonne connaissance de la vie politique. C’est aussi un théologien reconnu, sans doute le plus expert des papes français. En 1330 il est archevêque de Rouen où il ne réside pas. Le pape Benoît XII sur recommandation du roi Philippe VI le nomme cardinal mais il reste au service du roi.
Armoiries des Roger
Le conclave se réunit quatre jours, l’élection se fit en une journée à l’unanimité, cardinaux et le roi Philippe VI d’accord sur son nom. La phrase qu’il prononce après son élection dit tout du personnage : »nos prédécesseurs ne surent pas être pape ». ! Il est plein d’idées, de projets. Dès son couronnement le 19 mai, son sacre est l’occasion de fêtes somptueuses, toute la noblesse de France est là, cavalcades, étoffes les plus luxueuses, parade dans la ville…. Splendeur que ne renieraient pas les Médicis de Florence ; plus de cinq mille invités. Dès le début de son règne on sait qu’il n’aura pas la rugosité de caractère de son prédécesseur Benoît XII.
Dragon ailé Palais des Papes
Clément VI confia à ses cardinaux qu’il allait personnellement s’occuper de l’avenir de l’Église de Dieu : il ambitionnait de planter dans l’Église un tel rosier du Limousin, qu’après cent ans, il eut encore des racines et des boutons. Il avait une mémoire étonnante qui certains attribuaient à un choc violent reçu à la tête dans sa jeunesse. La mode était aux animaux exotiques et le Saint Père en avait la passion : une lionne qui coûtait un mouton par jour, ours, autruches, perroquets, qui feront la joie des enlumineurs. Il abandonne son vœu monastique de pauvreté et s'oppose aux Spirituels, moines franciscains observant une pauvreté matérielle absolue.

Dès le 21 décembre 1343, à la demande des frères de l’Hôpital du Pont, il accorde des indulgences aux fidèles qui contribuent à l’entretien du pont Saint-Bénezet. Il faut améliorer le passage sur le Rhône entre le royaume de France et Avignon, commerce et communications l’exigent. Il n’envisage pas de retourner à Rome mais accorde un jubilé pour l’année 1350. L’Italie est toujours très instable. Les familles nobles italiennes se disputent les Etats Pontificaux. En 1347 le pape est tenté par la création d’un état calqué sur l’ancienne république romaine du meneur politique Cola di Rienzo. Mais finalement ce dernier sera excommunié.
La guerre de Cent Ans est toujours là. Une seconde trêve en septembre 1343 est signée entre la France et l’Angleterre sous l’influence des légats pontificaux. Elle durera plus ou moins trois ans.
Les pirates turcs ravageaient les côtes de l’Empire Byzantin. Clément VI met sur pied une croisade commandée par le patriarche latin de Constantinople et Edouard Ier de Beaujeu. Smyrne en octobre 1344 est confiée à la garde de chevaliers de Rhodes.
Sur son initiative, le Dauphiné est rattaché au royaume. Avignon est racheté à la reine Jeanne, comtesse de Provence…Il s’occupe de Louis de Bavière, des affaires napolitaines qui vont très vite le dépasser. Avignon devient la troisième capitale de l’Eglise avec Pernes et Carpentras. Le souverain du royaume d’Arles Charles IV renonce à toute suzeraineté sur Avignon et la présence de la papauté est ainsi assurée dans le Comtat. Une tentative de réforme du calendrier Julien qui échouera, réforme prématurée.
(Bataille de crécy –Chronique Froissart)
Son règne ne fut pas de tout repos. La Guerre de Cent ans faite d’escarmouches incessantes atteignit le sommet de l’horreur le 20 août 1346 à Crécy-en-Ponthieu dans le Nord de la France. Les archers anglais font un carnage dans les rangs français lourdement cuirassés. Mais surtout les bouches à feu creusaient des sillons de mort dans les troupes françaises. Une ambassade chinoise du Grand Khan avait fait la démonstration des pouvoirs de la poudre noire peu de temps avant dans les jardins du Palais des Papes. Un jeu qui était devenu arme de guerre. Puis ce sera le siège de Calais et l’épisode des Bourgeois de Calais, la corde au cou, en chemise qui se rendent aux Anglais après un siège de près d’un an.
Au lendemain de la funeste bataille de Crécy en l’année 1346, la peste noire est aux portes de la Méditerranée. Elle touche Marseille le 1er novembre 1347 et va s’étendre à la Provence et au Languedoc. Le moine francilien Richard de Saint-Victor constata : « Il mourut plus de deux parts des gens et n’osait le père voir le fils ni le frère la sœur ».  Guy de Chaulhac docteur de l'université de Montpellier, remarqua quant à lui : « Les gens mouroient sans serviteur et estoyent ensevelis sans prestre. Le père ne visitoit pas le fils, ni le fils son père. La charité estoit morte et l’espérance abattue ». Dans Avignon l’épidémie fait des ravages, les volontaires pour enterrer les cadavres se font rares. Clément VI fait appel contre salaire à des paysans de Haute-Provence, les Gavots. Une civilisation ou tribu très ancienne avec ses lois, son écriture. En moins d’un mois après leur arrivée, ils avaient tous trépassé.
Bûchers persécutions contre les Juifs
BNF
En janvier 1348 un tremblement de terre est ressenti dans tout le Sud du pays, mauvais présage qui s’ajoute. Les Juifs seront accusés de propager la maladie. Des holocaustes sont organisés un peu partout. Clément VI prend la protection des juifs par deux bulles en juillet 1348 pour interdire de les contraindre au baptême et celle du 26 septembre condamnant les persécutions, brandissant l’excommunication. Strasbourg voit quelques 900 Juifs brûlés alors que l’épidémie n’est pas encore déclarée dans la ville !!
Flagellants BNF
Le pape va exceptionnellement autoriser les autopsies pour découvrir la cause de la maladie. Il condamna le fanatisme des flagellants qui répandaient la haine dans les royaumes. Ces flagellants déclenchent des scènes d’hystérie collective, défiant les prêtres car ils prétendaient être les seuls intercesseurs auprès de Dieu pour sauver l’humanité. Nous aurons l’occasion de reparler de cette peste noire un peu plus tard.
Clément VI va surtout nous laisser un palais, le Palais Neuf,

  Dès l’été 1342, le souverain pontife décide d’agrandir le Palais de Benoit XII. Jean de Louvres, (Loubières pour certains auteurs), maître maçon, originaire de Parisis est nommé Maître des Œuvres du Pape et sergent d’armes. Il reste au service de Clément VI jusqu’à sa mort. Tour de la Garde-Robe contre le mur sud, Tour des Cuisines, celle des Latrines, achèvement de la Tour des Trouillas. En 1344 on creuse le rocher pour les fondations de la Grande Audience ; fin 1346, c’est le chantier de la Grande Chapelle. Le Grand Promenoir (36 mètres), la Tour de la Gâche, l’aile des Grands Dignitaires, une nouvelle façade….Les croisées d’ogives, sculptures, culots de nervure, fresques magnifiques, des trompe-l’œil, l’élégance gothique entre au palais. Mobilier, tentures murales. En toute simplicité Clément VI fit placer les armoiries des Roger sur le nouveau portail des Champeaux. Aucun motif religieux sur les fresques, mais des scènes champêtres et de chasse. La perspective arrive dans la peinture. Des noms Robin de Romans, Matteo Giovanetti, Bernard Escot, Pierre de Castres. Pétrarque, Dante, Alighieri, et les peintres « flamands » qui vont exercer leur art nourris sur les caisses pontificales. Ce pape sera le mécène des plus grands artistes et érudits de l’époque.  Plan du Palais En sombre le Palais Vieux, en gris clair le Palais Neuf + les différents jardins.
Lorsque Clément VI meurt, le 6 décembre 1352, les réserves financières du Saint-Siège sont épuisées. A sa mort, le Trésor Pontifical est maigre : 311 115 florins.
Les papes suivant se contenteront d’achever les travaux commencés et faire des transformations ponctuelles. Le Palais sera transformé en prison pendant la Révolution en juin 1790. Le commandant Jourdain appelé élégamment « coupe-tête » s’y installe quand Avignon et le Comtat Venaissin deviennent français. La Tour de la Glacière ou des Latrines est le théâtre d’un massacre. Malgré une décision de la Convention en 1793, le palais échappe à la démolition. Au 19ème siècle, le palais est transformé en caserne et les militaires vendent des fragments de fresques. L’évacuation des militaires n’est effective qu’en 1906, lorsque les Monuments Historiques décident des travaux de restauration.
Chambre du Pape





















Restauration aile du Conclave




Chambre au cerf - oiseleurs
Généalogie famille de Roger de Beaufort de Turenne -2009 Histoire généalogique et chronologique de la maison royale de France, des pairs, grands officiers de la Couronne, de la Maison du Roy et des anciens barons du royaume.... Tome 6 / par le P. Anselme,... ; continuée par M. Du Fourny -wikimedia
Clément VI va avoir la maladresse encore plus que ses prédécesseurs de combler sa famille de charges et de profits. Son frère Guillaume reçoit du roi le château de Beaufort érigé en comté ; il achètera la vicomté de Lamothe en Velay et ses treize enfants seront dotés très confortablement par Clément VI. Son autre frère Hugues achète grâce à son pontife de frère, les villes d'Alès, Bagnols sur Cèze, Bouzols, Sévissac et ses cépages. Cinq membres de sa famille seront cardinaux dont son neveu Pierre cardinal à 18 ans, (celui qui deviendra pape Grégoire XI).  Dans les archives comptables pontificales une rubrique charmante : « Dames de la famille ». Une nuée de femmes s’était abattue dans le palais dès l’installation du souverain pontife. La Plupart venaient du Limousin, toutes se disaient nièces papales, jeunes, jolies, transformant le palais en volière. Toutes les portes leur étaient ouvertes. Le souverain pontife pour se reposer aimait passer une heure ou deux en compagnie de ces demoiselles, parfois souper, écouter des chansons de son Limousin. C’est surtout sa nièce par alliance Aliénor de Comminges qui va ternir l’image du pape. Elle avait épousé son neveu Guillaume de Beaufort, mariage voulu par le Saint Père au coût de 20 000 florins plus 125 000 florins, achat de la vicomté de Turenne, remboursement des dettes des Comminges…. Noces en très grande pompe, baptêmes de deux enfants que la perfidie des historiens attribue au pape. Cérémonies qui dépassent en richesses celles de l’intronisation. Aliénor pouvait tout, même faire pendre des commerçants juifs pourtant protégés par le pape. Le couple s’installera dans le palais pontife à Villeneuve les Avignons.
Fresque des Prophètes Matteo Giovannetti
Clément VI souffrait de la goutte et de la gravelle (coliques néphrétiques). Chirurgiens, médecins jusqu’à six à la fois s’occupaient de lui. En 1343 on lui recommande des bains d’eau de mer pour la guérison du pied. Guy de Chaulhac, physicien de Montpellier fut appelé à l’automne 1351 mais devant l’état du malade, ses souffrances et sa fièvre, il conclut que la fin était proche. En décembre 1352, après une dernière crise de coliques néphrétiques, un abcès éclate et il décède. Avignon le pleura sincèrement ; il lui donna richesses, sécurité. Il était comme on dit « le bois et l’écorce », le Magnifique. Il dépensa sans compter pour la magnificence, mais sut vider les caisses de l’état lorsque la peste ravagea Avignon.

Il sera enterré comme il l’avait demandé à l’abbaye de la Chaise-Dieu. Il prit le chemin des Cévennes en mars 1353 dans la pluie et la neige. Le cortège funéraire, conduit par le cardinal de Beaufort, fut accueilli le 8 avril 1353 par son cousin Étienne d’Aigrefeuille qui dirigeait l’abbaye auvergnate Son tombeau sera détruit lors des guerres de religion en 1563.  Yves Renouard jugeant son pontificat a dit de Clément VI : « Sa brillante intelligence, sa clarté d’esprit, son éloquence, son affabilité, son courage, que la peste de 1348 lui donna l’occasion de révéler, ses connaissances théologiques et juridiques, son expérience politique, son habilité diplomatique font de Clément VI un des hommes les mieux doués, les plus complets et les plus remarquables de sa génération ».
Deux jours après l’ouverture du conclave un nouveau pape était élu, Etienne Aubert, un neveu du pape Clément et limousin lui aussi. Ce sera Innocent VI (1282-1352-1362). Suivi par Urbain V (1310-1362-1370), un Lozérien qui fait un saut à Rome mais revient à Avignon en 1370. Puis Grégoire XI (1329 ?-1370-1378), neveu de Clément VI, et fin des papes d’Avignon… Ils auront été sept papes français : « les captifs de Babylone », pendant près d’un siècle (1305-1370).


Sources : Jean-Paul Coudeyrette: Compilhistoire Michel Peyramaure La Tour des Anges édit Robert Laffont – Cl Mossé Les Histoires de l’Histoire Le bas Moyen-Age  édit Acropole IS ISBN 2-84080-063-2 –-  Sylvain Gagnière  Le Palais des Papes Edit RMG Palais des Papes ISBN 2-7144-1437-0 H60-2094-5 – Dominique  Vingtain  conservateur Le Palais des Papes édit Zodiaque – Dominique Paladilhe Les Papes en Avignon édit Perrin -  blog "jetraine.canalblog.com/archives/2012/01/24/23288413.html   Généalogie famille de Roger de Beaufort de Turenne -2009 Histoire généalogique et chronologique de la maison royale de France, des pairs, grands officiers de la Couronne, de la Maison du Roy et des anciens barons du royaume.... Tome 6 / par le P. Anselme,... ; continuée par M. Du Fourny -wikimedia






mardi 16 janvier 2018

Les Potins de l'Uzège - Uzès 1794-1840



Les Potins de l’Uzège – Uzès 1794 - 1840


aUn Citoyen Hésitant : 1794

Nous sommes en pleine Révolution. 1789, puis 1792,1793 et la Terreur. Les archives municipales nous racontent l’histoire d’un ancien gendarme Antoine Leroy, nom très difficile à porter en cette période, même compromettant. On en a guillotiné pour moins que cela. Après la mort de Louis XVI en janvier 1793, la Révolution dérape et la Terreur révolutionnaire s’empare du pays. Les tribunaux se chargent d’entretenir délations, suspicions, on arrête, juge et exécute sans trop chercher de preuves. C’est l’heure des règlements de compte. On guillotine bourgeois et seigneurs uzétiens à Nîmes. Heureusement nous avons qu'une seule guillotine qu’on transporte entre Alès, Nîmes… pas en très bon état, ce qui ralentit les exécutions. Lors de la fête funèbre en l’honneur de Marat assassiné, quatre mannequins sont promenés dans les rues d’Uzès, représentant « le despotisme, l’odieuse féodalité, le fanatisme terrassé ( ?), la chicane renversée ». Ils seront brûlés symboliquement sur l’Esplanade. Les tuyaux de plusieurs jeux de l’orgue sont enlevés et convertis en balles, l’Eglise Saint-Etienne dévastée sert de tribunal révolutionnaire. Les cloches comme toujours en pareille situation sont fondues. La bibliothèque du château de Castille à Argilliers est brûlée. Les archives du château d’Uzès sont sauvées en partie grâce à l’homme d’affaires du Duc d’Uzès qui a la présence d’esprit de les entasser dans des tonneaux et les emmener à Remoulins où il s’était réfugié. On quitte précipitamment Paris pour se retrouver à Uzès ou dans les villages des environs. D’autres s’exilent en Allemagne, Italie..

Antoine demande donc de changer de patronyme. C’était prévu par les nouvelles lois. Il est républicain et le revendique. Il obtient de porter le nom de Leyris. La municipalité est jacobine et lui fait bon accueil. Mais vient la mort de Robespierre et la fin de la Terreur. Alors notre Antoine veut reprendre son nom de Leroy. Il était temps de retourner sa veste comme bien d’autres.

A Nîmes en plein mois de juillet à l’annonce de la mort de Robespierre des cheminées fumaient de joie, nous dit un journaliste, brûlant archives, papiers compromettants… Les prisons s’ouvrent, le tribunal révolutionnaire est supprimé. Peut-être 300 prisonniers à Uzès, 800 à Nîmes, les archives sont parcellaires. A Nîmes on enterre précipitamment des coffres dans les jardins. Une fosse commune prévue pour une nouvelle charrette de condamnés reçoit des malles de vaisselles, vêtements… Des juges craignant des représailles préfèrent se suicider. Encore maintenant nous n’avons pas fait le deuil de cette période qui a entaché les grandes idées de 1789. 


J-M Chambon-Latour BNF Gallica P20795 –estampe

J-P Rabaut St Etienne AssociationAbrahamMazel –Musée du Désert Mialet- Le Républicain d’Uzès et du Gard 2000 ans de notre Histoire 1999-2000 -


















aLe Mort Vivant de la rue Sigalon :

Dans les années 1840, le docteur Bouschon avait installé dans un petit mazet au fond de la rue Sigalon à Uzès, proche du cimetière. Il y faisait des études anatomiques sur des cadavres de personnes décédées à l’hôpital et sans famille.

Un jour ayant installé son cadavre sur la table du mazet, il s’absente un moment pour aller chercher un instrument. A son retour, il retrouve son mort assis sur la table, lui tendant les bras dans un geste d’effroi en disant : « Monsieur ne me faites pas mal !! ».
Le docteur en eut un coup de sang et s’écroula mort sur le champ. Son patient lui survécut une dizaine d’années.

On dit qu’à Uzès à partir de ce jour, mille précautions seront prises pour ne pas enterrer des morts vivants !!!


Uzès sous la neige -photo Becker 2012

Le Républicain d'Uzès et du Gard -2000 de notre Histoire - 



mardi 9 janvier 2018

Youri Gagarine chez nous

Gagarine en visite chez nous :


Le 12 avril 1961 à 9h 7 heure de Moscou, un homme s’envole pour l’espace pour une révolution complète autour de la terre, à bord d’une fusée Vostok. Youri Gagarine premier homme dans l’espace. Parti de Baïkonour en Union Soviétique, son vol durera 108 minutes. Il regagne le sol terrien en parachute, sain et sauf, après s’être éjecté de sa capsule de retour.

Youri Gagarine est venu à trois reprises en France, en septembre-octobre 1963, en juin 1965 et en septembre 1967.
Il est passé par le Bourget, Paris, Puteaux, Ivry, Vitry, Nanterre, Versailles, Rouen, Tancarville, Deauville, Le Havre, Gonfreville-l'Orcher, Vichy, Clermont-Ferrand, Saint-Étienne, Castellet, les îles de Bendor et d'Embièze, Marseille, Aubagne, Martigues, Port-de-Bouc, Nîmes, Alès...Déjà notre région attirait les élites russes : Nikita Khrouchtchev était venu en visite à Nîmes, en 1960.

Fils d’un charpentier et d’une paysanne, Youri Gagarine était pour toute une génération l’icône d’une époque, courageux, audacieux, avec une force de caractère. Il incarnait le progrès de l’humanité. Il démontre qu’un avenir radieux est possible, en particulier en Russie soviétique.  D’abord technicien fondeur, il a découvert le pilotage en amateur à 18 ans, puis après l’école d’aviation militaire d’Orenbourg, il est promu pilote de chasse en 1957. Il fait partie des 20 pilotes sélectionnés pour participer au programme spatial.
 En 1962 Gagarine est reçu par le président Kennedy : sur la photo à gauche l’astronaute américain J Glenn. (photo Nasa)
Son vol a un retentissement mondial, il est accueilli dans le monde entier en héros. Les Américains se dépêchent d’annoncer le 25 mai 1961 la naissance de leur programme spatial Apollo.

Un témoin raconte :
« Après son vol dans l'espace, Youri Gagarine était devenu une sorte d'ambassadeur de l'Union Soviétique et à ce titre il accomplit de nombreux voyages à l'étranger. Il était, à nos yeux éblouis, le témoignage vivant de la réussite de la science soviétique donc de la société communiste. Les crimes de Staline avaient été dénoncés et l'URSS se prononçait pour la coexistence pacifique entre pays capitalistes et  pays socialistes. Nous étions persuadés de la capacité du régime soviétique de se régénérer. Malheureusement ce sera l'année suivante, en 1968, l'intervention des armées du Pacte de Varsovie contre la Tchécoslovaquie. Je le dis en toute humilité, sachant combien il est facile aujourd'hui, à la lumière de l'évolution ultérieure des évènements, de nous jeter la pierre. » Blog Bernard Deschamp
Une anecdote rapportée par Bernard Deschamp : « Nous recevons donc Gagarine dans le Gard. Il est reçu officiellement en grande pompe en Mairie de Nîmes par le Maire, Emile Jourdan et nous avons organisé tout un périple dans le département, à Nîmes, à Alès (Tamaris) et à la Cave Coopérative de Saint Gilles où il doit baptiser une cuvée de son nom. Pendant de nombreuses années ensuite, la photo du cosmonaute figurera sur les étiquettes des bouteilles vendues à la cave. J'avais la charge de conduire la voiture qui transportait Gagarine. Au moment de quitter la cave, impossible de démarrer. J'avais oublié de refaire le plein d'essence !  La honte ! Youri Gagarine en rit à gorge déployée et avant de quitter le Gard, il me dédicaça- en russe - le numéro de L'humanité du 12 avril 1961: "A mon camarade Bernard, sans benzine..." 

En un tour de main Gagarine était devenu un produit d’exportation : bustes, bonbons, briquets, assiettes, étuis à cigarettes, lampes de chevet en forme de fusée…. Le tout fabriqué dans les usines soviétiques et expédiés dans les magasins d’état, dans les aéroports. A l’étranger aussi, biscuits au chocolat (le goûter préféré des écoliers nous disait la pub), porte-clés, cuvée Gagarine des Costières de Nîmes…. Il entrait dans les bandes dessinées du journal Vaillant, qui mettait en scène chaque semaine des explorateurs de galaxies inconnues…


 
Rue Aspic et Général Perrier Nîmes




















A Nîmes la délégation russe est accueillie par le maire Emile Jourdan. Les soviétiques visitent Nîmes, les Jardins de la Fontaine, les arènes, la Maison Carrée. Un groupe folklorique Lou Velout donne l’aubade avec les tambourinaïres de Nemausa Provence. Aux Halles Youri ne manque pas d’embrasser les majorettes venues l’accueillir. En bon coureur de jupons il n’allait pas passer à côté.
Les Halles Nîmes

En visite à La Calmette il se recueille un instant sur la tombe des soldats soviétiques tombés dans le Gard lors de la Seconde Guerre mondiale, ainsi que sur les tombes des maquisards français. Le collège Jules Verne reçoit sa visite et il dédicace le livre d’or.
Direction St Gilles pour le restaurant Les Cabanettes. Puis la manade Thibault, le domaine viticole des Aubias et celui de l’Ourdinasse. On vendange pour rire. Moment de détente. En Camargue, Youri veut toucher un taureau, il faut l’en empêcher se rappelle Marc Grimaud.
A 15 h Bellegarde et la station de pompage du Bas-Rhône et retour à Saint-Gilles pour une réception à la cave coopérative et baptême de la cuvée Gagarine.

Vendanges à St Gilles


A Alès il est reçu par le député-maire communiste Roger Roucaute le 27 septembre 1967. Une lampe de mineur lui est offerte. Il avait fort apprécié notre pastis jaune. Youri très à l’aise avait déclaré :  "Ici, on ne se sent pas étranger, mais comme si l’on était reçu dans une ville du Sud de notre pays ». Alès avait reçu ce jour-là un bronze de Lénine et une réplique du Kremlin. Une avenue de la ville prendra le nom du visiteur de l’espace. Lors de la soirée d’amitié, beaucoup de questions sont abordées sur les conditions de vie des jeunes en Russie. On parle aussi de la guerre du Vietnam.
Après une ultime réception à l’Hôtel de Ville de Nîmes, la délégation repart pour la Lorraine.
Cinq mois après sa dernière visite dans notre région, le 27 mars 1968, Youri s’écrasait aux commandes dun MiG-15 dentraînement, tué à la suite dune erreur de pilotage, peut-être pour éviter une balise atmosphèrique. Il avait 34 ans, à son actif une vingtaine d’accidents de voiture en sept ans. Il n’était pas fait pour notre terre.




Une pensée pour la petite chienne Laïka qui l’avait précédé dans l’aventure spatiale. Les causes de sa mort ont longtemps été cachées devant une opinion internationale très réservée. En fait Laïka serait morte 7 heures après le lancement, de stress et de surchauffe. Jusqu’où peut-on aller pour les besoins de la science ?






Sources : La Une à Nîmes 10 septembre 2014 - Blog Bernard Deschamp Le Prolé Contre-Histoire – Gazette de Nîmes n°957 5 octobre 2017 -  photos Alain Veyrac - Georges Mathon – wikipedia -




Capsule de retour - Il valait mieux ne pas être claustrophobe !