mardi 27 mars 2018

Les plus vieilles tombes musulmanes de France



TOMBES MUSULMANES à NIMES
En 2006-2007 lors de la construction d’un parking à Nîmes avenue Jean Jaurès les archéologues faisaient la découverte de trois tombes datant probablement du 8ème siècle. L’archéo-anthropologue Yves Gleize nous explique le contexte de cette découverte. La datation menée par l’Institut National des Recherches Archéologiques Préventives sous la houlette de Jean Yves Breuil, et la génétique nous indiquent qu’il s’agit de tombes musulmanes de la fin du 7ème siècle, début 9ème siècle. C’est-à-dire pendant la période durant laquelle les Sarrasins occupent notre région. Les corps sont posés sur le côté droit, la tête regardant dans la direction de la Mecque, à même le sol, pratiques funéraires correspondant à ce que l’on peut trouver en matière de pratiques d’inhumation musulmane en Espagne, Portugal ou en Sicile. En plus d’une anomalie osseuse sur un poignet que l’on retrouve chez certaines populations africaines, les analyses ADN mitochondrial et nucléaire montrent pour les trois squelettes un marqueur présent chez 70% de la population berbère d’Afrique du Nord. L’un des trois hommes est un jeune homme, le deuxième est âgé d’un peu plus de trente ans, et le dernier a plus de 50 ans. Ils semblent être du même lignage. "La réalisation de plusieurs datations radiométriques sur les trois individus permet d’en préciser l’âge : entre le 7e siècle et le 9e siècle de notre ère" écrit l'Inrap . Aucune blessure sur les corps, ils ne sont pas morts au combat.
D’autres tombes, une vingtaine, probablement chrétiennes ont été retrouvées dans ce secteur. Dans notre région jusqu’au 11/12ème siècle, nous enterrons nos morts encore comme les Romains, le long des chemins. Nous ne sommes pas en présence d’une nécropole, chrétienne ou musulmane. Précédemment nous avions mis à jour des tombes musulmanes à Montpellier et à Marseille du 12ème et 13ème siècle. Ces tombes de Nîmes sont les plus anciennes sépultures musulmanes découvertes à ce jour et prouvent une présence sarrasine dans notre région au moins entre 719 à 759, période pendant laquelle les Arabes du califat d'Omeyyades avaient enrôlé des Berbères pour la conquête de l’Espagne et la Septimanie. Jusqu’alors nous avions trouvé des traces de céramiques, d’armes, des pièces et des sceaux. Ces trois tombes indiquent que ces hommes ont séjourné quelques temps chez nous. « Les lignées génétiques maternelles et paternelles des trois squelettes sont relativement rares dans la population française moderne. Par rapport à la Péninsule Ibérique ou à l'Italie, il est clair que l'impact génétique de l'occupation arabe est bien moindre en France », pointent les chercheurs. Soldats, commerçants, ou nés ici d’un père berbère et d’une mère autochtone ? Le quartier où sont découvertes ces tombes est situé à l’intérieur du rempart romain en partie détruit, mais toujours connu et servant de limite à la ville médiévale. C’était un secteur redevenu agricole depuis le 3ème siècle, peu urbanisé avec des traces d’oliviers, de figuiers, de vignes. Donc on peut penser que les corps n’ont pas été rejetés loin de la ville, mais sur un chemin d’accès ce qui nous interroge sur les relations entre les communautés pendant le Haut Moyen-Age. Quelle était la taille de ces communautés ? Les troupes de Charles Martel contrôle Nîmes en 737, la détruisant sauf les arènes et la tour Magne qui résistent. Punition d’une population qui avait accepté la protection des musulmans contre l’octroi d’un tribut et la préservation de leurs lois et traditions ? Narbonne et d’autres villes, peut-être Uzès avaient vécu ainsi la domination sarrasine contre tribut. La question reste entière.

Dans certains milieux, on crie au complot devant ces découvertes. On nie totalement une possible coexistence entre musulmans et chrétiens dans le Haut-Moyen-Age. …. La laïcité, certainement le plus grand cadeau que nous aient fait nos anciens, ne veut pas dire refuser notre histoire.
On confond le temps de la bataille, évidemment sanglant, et une fois la bataille gagnée, le temps de l’installation : des administratifs, des soldats, des artisans (il faut bien réparer les armes, les véhicules…), parfois des familles qui restent jusqu’à dix ans au même endroit (comme dans la région de Grenoble) et vont forcément « coexister » avec la population. Nous nous connaissons de longue date. Faut-il rappeler que les Berbères, et ceux que l’on appelle magrébins maintenant, avant d’être colonisés par les Arabes musulmans avaient connu comme nous les Phéniciens, les Grecs, les Romains,….. et que nous avons fait du commerce avec eux depuis la nuit des temps. Laine de leurs moutons plus facile à travailler que celle de nos bêtes et que l’on va retrouver jusqu’au Danemark actuel, notre étain pour faire du bronze, les poteries, les esclaves, le cuir etc… Le pourtour méditerranéen faisait partie de l’Empire Romain et de nombreuses populations berbères seront évangélisées. La religion chrétienne est née au Moyen-Orient, Jésus était juif. Des papes à trois reprises seront des chrétiens d’Afrique du Nord : Victor 1er berbère de Tunisie, évêque de Rome, de 189 à probablement 200, Melchiade pape de 311 à314, Gélase, kabyle, pape de 492 à 496. Des saints africains comme Saint Augustin, Sainte Monique…Et d’autres papes Syriens, Grecs, un Goth, des Siciliens, Sardes, un Grec d’origine juive. L’Histoire ne partage pas le monde entre les bons et les méchants, chaque jour apporte sa pierre et se raconte. Surtout dans des périodes aussi compliquées. Il est toujours dangereux de vouloir contrôler le passé, cela n'a jamais permis de contrôler ni le présent ni l'avenir.
Melchiade
Victor 1er
Ces trois squelettes nous interpellent que nous le voulions ou non ; dans les années 1950 dans notre secteur, il était encore difficile d’enterrer un protestant dans un cimetière « dit catholique » malgré la laïcisation des cimetières de la fin du 19ème siècle, et encore moins un musulman. Au 7ème/9ème siècle il semble qu’il était possible d’être enterrer chrétien et musulman dans la même terre, dans une certaine proximité.

                                                                  Un rapide et succinct coup d’œil historique sur le Maghreb semble nécessaire:
Les populations des villes côtières algériennes et tunisiennes ainsi que certains villages à la campagne se convertissent au christianisme dès 256. Le traitement subit par ces populations par les Romains, les crises économiques, font que peu à peu cette nouvelle religion sera un défi politique et poussera à une nouvelle révolte amazigh. Le culte chrétien donatiste refusant l’autorité religieuse de l’Empereur romain se développe et exige la séparation de l’Etat et de la religion. Déjà les tenants de la secte chrétienne des circoncellions avaient pour but de mourir au combat en martyrs. (pour nos jeunes tentés par les tueries dans les supermarchés,  qui se souvient des circoncellions à part quelques historiens, le martyr n'est pas la voie pour revendiquer..)
Les donatistes sont déclarés hérétiques en 409 par l’empereur romain et la répression est féroce, envers les responsables religieux chrétiens et envers la population qui les soutient. Saint Augustin évêque catholique d’Hippone (Annaba) essaie de calmer le jeu en vain. Une minuscule communauté donatiste rentre dans la clandestinité jusqu’au 6ème siècle. En 430, les Vandales envahissent le pays et les Romains se retirent du Maghreb. Saint Augustin un des derniers symboles d’intégration dans l’Empire Romain meurt durant le siège d’Hippone par les Vandales. Avec ces envahisseurs, l’arianisme s’implante dans une partie de l’Algérie actuelle. Entrent dans le jeu les Byzantins avec Justinien, l’Empereur romain d’Orient. Révoltes, insurrections berbères, et émergence de plusieurs états puissants (Dierawa, Banou Ifren qui fondent Tlemcen-Agadir au 8ème siècle, Awarbas, Zénétes…)
(Okba ibn Nafi al Fihri fondateur de la dynastie nord-africaine arabe des fihrides – 1/3/2000 photo Al Hilali al sulaymi-wikimedia)
Judaïsme, christianisme, cohabitent à la veille de la conquête musulmane mais une partie de la population demeure païenne. Certaines principautés berbères vont résister à l’arrivée des musulmans entre 644 et 708, près de 60 ans de guerres. En 708 l’Algérie est aux mains des Omeyyades. La période préislamique est terminée. Le métissage linguistique, berbère, phénicien, latin, arabe, espagnol, turc puis plus tard français fabrique une langue très hétérogène qui se perpétue jusqu’à nos jours.
En 711 le début de la conquête de l’Espagne fut mené par une armée arabo-berbère. La Septimanie de Narbonne à Nîmes est dominée en 719 . Un moment les Sarrasins sont chassés par le duc Eudes d’Aquitaine, qui s’allie en 720 avec eux, pour les trahir en 721. Il marie sa fille Lampégie  avec Uthman ibn Naissa (ou Munuza) gouverneur dissident de Cerdagne. Mais en 725 nouvelles incursions et les habitants de ces villes préfèrent se rendre et payer tribut. Toulouse, Carcassonne, Bordeaux ravagée… Les autochtones catholiques deviendront alors des dhimmis, c'est-à-dire des citoyens de seconde zone, soumis aux vainqueurs..En 732, c’est la bataille de Poitiers : pour les Francs, il ne s’agit pas d’une guerre sainte, les Sarrasins comme plus tard les Vikings, les Saxons sont considérés comme des païens barbares et Charles Martel comme les souverains qui vont lui succéder veut absolument garder une ouverture sur la méditerranée et une surveillance des côtes. Il redoute surtout les visées expansionnistes des Omeyyades. En 735, Mauronte, gouverneur chrétien de Provence s’allie aux Sarrasins contre Charles Martel. Les troupes du frère de Charles, Childebrant 1er prennent et pillent, incendient Avignon en 737, Arles, Nîmes. Il faudra attendre 752 pour que les habitants de Nîmes, Maguelonne, Béziers, Agde chassent les Sarrasins de leur ville. La lutte continuera sous Pépin le Bref fils de Charles Martel : Francs et Goths s’allient et s’emparent de Narbonne. Nous aurons encore des entrées sarrasines par la porte du Rhône et sur nos côtes sous François Ier : un édit au 16ème siècle autorise de les tuer sans risque de poursuites judiciaires même en cas d’erreur crédible. Sous Charlemagne et même après, Nice, la Corse, la Camargue, Marseille, Arles, le nord de l’Italie, le Valais suisse… seront tour à tour envahies par les Sarrasins. De 830 à 990, les Etats Carolingiens sont trop étendus et trop affaiblis pour faire face aux raids normands et sarrasins sur notre sol. Razzias, pillages, rançons, population réduite en esclavage. La population d’Arles se soulève en 974 et les expulse. Le Maghreb et le pourtour méditerranéen connaitront encore bien des souffrances.
 La nature humaine étant ce qu’elle est, Il est bien évident que pendant cette longue période, des contacts ont existé entre les deux communautés chrétienne et musulmane, quels que soient ces contacts.



Infos-Toulouse- commémoration bataille de Toulouse 9juin 721.wikimedia

Dans notre village, les troupes franques et sarrasines sont passées mais ne se sont pas installées semble-t-il. Lors des invasions sarrasines de 726/737, un rude combat a lieu sur notre territoire dans le quartier de la Croix de Lussan, (Luysan) actuellement route de Masmolène. Un hameau et son cimetière sont détruits. On peut voir dans la végétation des restes de murs épais. Peut-être lors de la bataille de 729 qui se déroule dans le diocèse d'Uzès. Des hameaux de St Quentin la Poterie notre voisine sont rasés par nos troupes. Traditionnellement on a imputé ce désastre aux seuls soldats sarrasins. Mais l'armée de Charles Martel et ses pilleurs-nettoyeurs des champs de bataille ratissaient aussi largement le terrain. Punition, pillage, ravages pour l'exemple ? Ou simplement air du temps, la vie sur terre comptait peu au regard de celle qui attendait l'homme après sa mort. A cette époque la date de naissance comptait peu, seule celle de la mort était importante et était inscrite dans les archives et les mémoires, ne serait-ce que pour hériter d’un statut et de biens.
Ce qui est certain c'est que les armées de Charles Martel, pour éviter que les Sarrasins ne reprennent pied, rasent les villes de Nîmes, Maguelone, Agde et Béziers. Les arènes de Nîmes et la tour Magne échapperont de justesse au courroux des troupes de Charles Martel. Mais les arènes d’Arles, l’abbaye Saint Victor de Marseille sont incendiées. Charles Martel est qualifié par le nîmois Poldo d'Albenas au 16ème siècle de "barbare et cruel tyran, insolent et damné incendiaire"!!! (in Poldo d'Albenas Discours Historial de l’antique & illustre cité de Nismes 1557-1560). Ces ravages laissent dans les mémoires un tel souvenir que pendant des siècles, tout étranger venu du Nord (c’est-à-dire au nord de la Loire) auront droit au surnom péjoratif de « franchimaud » ou « franck-mann ». Mais les Sarrasins n'étaient pas non plus des tendres.. On parle de leurs exploits en des termes de "massacres horribles" « de terre inondée de sang... ». Ils campent près de chez nous, à Tresque, Connaux, St Hilaire d'Ozon. On a retrouvé du côté de Bagnols sur Cèze des pièces de monnaie, des tessons de poterie arabe, des armes attestant le passage des troupes sarrasines (in Pierre Béraud "Uzès son diocèse, son histoire" p38 édit.Lacour). Actuellement en ce qui concerne la bataille du quartier de Lussan (Luysan) de Vallabrix on penche plutôt pour l'an 737 (le frère Childebrand Ier ou le gendre de Charles Martel aux commandes ?).
En souvenir de la bataille du quartier de Lussan,(Luyssan) route de Masmolène, une chapelle a été édifiée au 9ème siècle sur un rocher, nous écrit Goiffon dans son Dictionnaire Topographique 1881(p282), traces de cette construction jamais retrouvées. Cette chapelle s'appelait Ste Victoire ou Ste Brune. Actuellement on envisage la possibilité qu'elle ait été construite à la place de notre église détruite après l'invasion sarrasine. Elle est effectivement sur un rocher. Ce qui voudrait dire que notre village aurait été rasé lors de la bataille, hypothèse assez plausible. Les troupes venant de St Quentin et se dirigeant vers ce qui est actuellement le village de La Capelle en passant par le hameau de la Croix de Lussan n’avaient pas de raison de nous épargner. A l’époque nos remparts n’étaient pas ce qu’ils seront au 13ème siècle, plus proches alors des enceintes gauloises ou visigoths et ils n’ont pas dû offrir une grande résistance. Pierre Béraud dans son ouvrage « Uzès son diocèse, son histoire » Edit Lacour, p 39, met l’église de Vallabrix dans la liste de celles qui sont à reconstruire comme celles d’Uzès, de Remoulins, Théziers... qui sont « considérablement endommagées ».

Bologhine ibn Ziri, fondateur des trois villes : Alger, Miliana et Médéa

Il est bien dommage que nous n'ayons pas mieux instruit nos enfants, toutes religions confondues.Violence, préjugés n'ont jamais construit une civilisation !!


      Eglise Vallabrix 1920 collec privée


Sources : Gazette de Nîmes n°874 3 mars2016 --Midi libre 24/2/2016 - l'AFP l'anthropologue Yves Gleize, de l'Institut français de recherches archéologues (INRAP), principal auteur de cette recherche publiée mercredi aux Etats-Unis dans la revue Plos One. -- Figaro 25/2/2016 - Sciences et Avenir avec AFP le 26.02.2016 à 10h57,

mardi 20 mars 2018

Loup y es-tu ?







(Abraham Fontanel de Mende –Agnès Mourgue 12 ans tuée en déc 1765à Lorcières Puy de Dôme)





Loup, y es-tu ?

Les « Gazette de Nîmes » du 2 novembre et du 21 décembre 2017 p42 enquêtaient sur « le retour du loup …jusque chez nous ». Déjà en 2016 l’Observatoire du Loup nous présentait une carte attestant de la présence du loup sur notre territoire. L’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS) recense les attaques officielles des troupeaux. On pense que le loup est arrivé d’Italie vers 1992. Notre pays en hébergerait autour de 300. Il semble que les analyses ADN diligentées par les éleveurs du Larzac révèlent des chiffres plus importants et surtout des croisements : onze individus différents ce qui indique au niveau national environ 500 loups. Et parmi ces onze, certains sont de souche nordique, d’autres hybrides (croisés avec des chiens ou d’autres lignées). Selon une étude de l’Office, sur les poils et fèces de 130 loups examinés 92% sont de lignée italienne, 6% d’une hybridation ancienne et 1,5% d’une hybridation récente.



Depuis la nuit des temps, nous cohabitons avec le loup. Quel village n’a pas son Rocher ou sa Table aux Loups, un hameau Loupian, Leu, Lupa, son col, son Saut du Loup, son Gué du Louvard…. Dans notre secteur, la Combe du Loup, le bois Jape-Loup, la Fontaine du Loup….Vers 1800, les effectifs tournaient probablement autour de 15 000 individus dans notre pays. Montagnes, garrigues, plaines, seule la Corse semble épargnée. Ceci dit, les habitants de nos villages et villes étaient un peu près 5 fois moins nombreux que maintenant, et l'habitat des loups beaucoup plus étendu qu'actuellement. 
Il n’attaque théoriquement pas l’homme, mais il semble parfois tenté, bien qu’il ait peur de nous.
En 1599, le 2 juin Thomas Platter le Jeune est dans le Nord-Ouest de la France. Pour traverser la forêt d Chambord, il ne trouve personne pour lui servir de guide. Les loups prolifèrent, les cadavres des guerres de religion les ont bien nourrir. « Les loups sont acharné à manger de la chair humaine ». Ce jour-là une femme de 50 ans, un garçon sont attaqués à Thoury dans l’actuel Loir et Cher. Le 14 août 1599, à Mortemer (Seine-Maritime) au nord de Neufchâtel, les habitants lui parlent des loups qui s’attaquent aux personnes « jusqu’à les dévorer entièrement ». Les paysans n’ont pas le droit de les tuer.
Déjà en août 1595 Pierre de l’Etoile avait mentionné l’attaque d’un enfant par un loup dans Paris place de Grève, « chose prodigieuse et de mauvais présage ».
(blog 13-09-2017 Les Platter du mendiant au professeur)
Des chercheurs ont identifié de 1271 à 1918, 7800 victimes humaines, presque la moitié mordue par des loups enragés. En 1814, le président du Conseil Général du Gard écrivait au Ministre de Intérieur : « Depuis environ six ans, 63 enfants de 6 à 12 ans ont été dévorés par une espèce de loup inconnue. Cette année, une femme de 34 ans du village du Planet  est dévorée en plein jour dans son jardin….. ». Ceci rappelle l’épisode de la Bête du Gévaudan de 1764-67, qui fit une centaine de victimes en Lozère, Aveyron, Cantal et Haute-Loire.


De 1809 à 1817, les loups tueront ou blessent au moins 73 personnes dans le massif montagneux à la limite du Gard-Lozère-Ardèche. On s’arme de fourches, de bâtons ferré (« boute-loups »), fléaux ; pièges… Le territoire du loup va reculer peu à peu grâce à un assouplissement du permis de chasse, au progrès du fusil à 2 coups. Peu à peu seuls les loups enragés défraient les chroniques.
C’est chez nous dans l’Uzège, l’épisode de la louve enragée du 11 juillet 1850, relaté ici sur ce blog précédemment (28/2/2017 Histoires d’Hier et d’Aujourd’hui – Un Bien Fâcheux Evènement). Neuf villages sont touchés.
Prime d'abattage arch dép Hérault
Le vaccin de Pasteur n’arrive qu’en 1885, la rage reste incurable jusqu’alors. Depuis le début du 19ème siècle, le fléau de la rage tue hommes et troupeaux sans distinction, ruinant des familles en une nuit. On va employer la manière forte de 1876 à1926 : prime d’abattage, recours au poison, battues et réquisition des chasseurs…..  Les renards, les chiens errants sont concernés aussi. La rage serait à l’origine de la législation du 19ème siècle sur les chiens. (voir sur ce blog 15/04/2017 Une vie de chien ou Chienne de vie). Jusqu’aux années 1992, il ne reste que quelques loups errants dans le Massif Central, en Isère, dans les Vosges.
Primes conséquentes accordées pour destruction d’animaux nuisibles dans l’Hérault – circulaires de 1818 à 1864 – chaque louve pleine rapporte 18 francs, chaque vipère 0,50 francs. –
Le loup est pour les chrétiens l’incarnation du diable, et il nous faut trier dans les archives le vrai du faux. Attaques de loup ou de chiens ensauvagés, crimes de la main de l’homme, affabulation, fantasmes sexualisés, tueur en série…. En fait, pendant longtemps, seul le cadavre de la bête permettait d’être sûr ; maintenant, analyses de la salive, des poils, ADN, photos, permettent une meilleure compréhension du phénomène. Les attaques sont de moins en moins contestables. Nos troupeaux constituent un garde-manger opportun pour ces bêtes, malgré tous les stratagèmes déployés pour les éloigner. Le 23 octobre 2017, en trois mois, 16 ovins tués et 37 blessés qu’il faudra euthanasier en Petite Camargue et dans les Costières, chiffres officiels de l’ONCFS. Sans compter les avortements et les décès d’agneaux stressés.

(Figure de la bête féroce- Gabrielle Pélissier 17 ans tuée le 7 avril 1765 à La Clauze Aveyron – Représentation à caractère sexuel, la bête s’attaquant particulièrement aux filles (habillées de rouge comme par hasard !!-)
Quant à la fameuse « Bête du Gevaudan », que de pages écrites à son sujet ! Probablement une meute qui fit une centaine de victimes du 30 juin 1764 au 19 juin 1767. A cette époque le département de la Lozère s’appelait le Gevaudan. Le roi fit appel à sa Louveterie, armée de chasseurs spécialisés qui existe depuis le 13ème siècle. Le 12 janvier 1765 au Villaret en Haute-Loire sept bergers de 8 à 12 ans parviennent à repousser un loup avec leurs piques. Le plus courageux Jacques Portefaix sera pris en charge par le roi qui par une bourse financera ses études religieuses à Montpellier.
A deux reprises on pensa avoir tué le monstre. En septembre 1765 un porte-arquebusier du roi François Antoine abattit un grand loup qui sera exposé à Versailles. Puis en juin 1767 un paysan Jean Chastel en tue un autre dans un bois du Mont Mouchet. Et les attaques cessèrent.
La « Bête » sera représentée abondamment, chroniquée, imaginée, fantasmée…. C’est le loup des contes pour enfant, le loup qui cache le visage et qui laisse luire les yeux coquins ou dangereux les soirs de fête, c’est le loup-garou…. Ne dit-on pas d’un paresseux qu’il »a les côtes en long comme les loups » ! Bête éternelle, qui renaît de ses cendres, elle sera l’objet, l’outil de toutes les turpitudes humaines, au cinéma comme en littérature. Nous pouvons nous demander si actuellement, nous n’avons pas encore une image du loup très romancée, peu réaliste, ce qui ne nous aide pas à faire la part des choses.
Mais il va bien falloir choisir entre nos troupeaux et les loups. L’élevage en plein air et en montagne est menacé : l’an dernier plus de 10 000 bêtes ont été tuées. Des moutons, des chèvres, des veaux…Ces troupeaux entretiennent les grands espaces montagneux, les garrigues des plaines. S’ils venaient à disparaitre, qui fera leur travail ? Dans la nature tout doit être équilibre, et une présence exponentielle du loup n’est pas facteur d’équilibre. Chaque époque est différente et le 21ème siècle n’est pas le 18ème ou le 19ème siècle. Nous ne trouverons pas de solution responsable aussi longtemps que nous nierons le problème.


Nos troupeaux doivent ils servir de garde-manger pour les loups ? Les bergers ont aussi le droit de vivre de leur travail.


Sources : Gazette de Nîmes n°847 27 août 2015 – n°961 2 nov 2017—n°968-969 21 déc 2018 Olivier Rioux Caroline Solano—Jean Marc Moriceau Sur les Pas du Loup édit Montbel ---Geneviève Carbone L »ABCdaire du Loup édit Flammarion ---archives départementales du Gard, Puy-de-Dôme, Hérault, BNF – france-loups.fr –wwf.fr/especes-prioritaires/loups ---


BNF –gravure allemande 1764





mardi 13 mars 2018

Le pape Jules II et les Indulgences

Intérieur Chapelle Sixtine  Rome-


Basilique Saint-Pierre Rome – photo Wolfgang Stuck 9/2004 –wikimedia.commons


Le pape Jules II et les Indulgences :


(Jules II (1443 - 1513)-par Raphaël 1511-1512 Nationale Gallery Londres)
Dernièrement au cours d’un dîner, des amis m’ont demandé qu’est-ce que c’était que cette histoire « d’indulgences » qui auraient contribué à l’implantation du protestantisme. Je vais essayer ici d’y répondre, bien qu’il y ait beaucoup à dire.
 Mais il faut avant tout décrire la personnalité du pape Jules II. Beaucoup de nos papes ont été des bons bergers, soucieux de la parole chrétienne et des brebis que nous sommes. Pour d’autres le gout du pouvoir, l’incapacité à prendre de la distance avec les événements ont fait que l’on se souvient surtout de ceux-là, et pas toujours en bien. L’éternel dilemme entre la limite et le poids de la spiritualité et du temporel dans un état …. Et puis pendant longtemps, on devenait prélat sous la pression familiale.
Jules II, le pape-soldat et le mécène, c’est l’image qu’il nous a laissé… Les historiens classent aussi la construction de la basilique Saint-Pierre de Rome comme « le plus grand scandale artistique de l’Histoire ».
Giuliano della Rovere (Julien) est élu pape sous le nom de Jules II le 1er novembre 1503, après le très court pontificat de Pie III. Il prend le nom de Jules en hommage à Jules César qu’il admire. Cela en dit long sur le personnage, normalement les papes prennent le nom d'un saint ou d'un pape précédent. Un peu plus de 200 papes l’ont précédé depuis Saint-Pierre.
Il est né le 5 décembre 1443 à Albisola près de Savone en Italie et décède en février 1513. Il est d’abord évêque de Carpentras en 1471, de Lausanne, Mende, Bologne, Coutances, Viviers en France…. Probablement grâce à son oncle le pape Sixte IV. Puis archevêque d’Avignon en 1475, légat du pape et cardinal-prêtre d’Ostie. Il est d’une famille, selon les historiens de pauvres pêcheurs ou plus vraisemblablement de l’illustre famille de marchands, les della Rovere. Sous le règne du pape Innocent VIII, il rentre en conflit avec les Borgia, Roderic en particulier. Lorsque ce dernier devient le pape Alexandre VI, Julien rejoint la France et incite le roi Charles VIII à entreprendre la conquête du royaume de Naples. Il espère ainsi déposer le nouveau pape Alexandre VI Borgia, qu’il accuse d’avoir acheté des voix lors de son élection. L’ambition le taraude. Il accompagne le jeune roi sur le champ de bataille et entre à Rome fin 1494 ; il essaie de lancer un concile pour enquêter sur le pape, mais ce dernier réussit à acheter l’ambassadeur français Guillaume Briçonnet évêque de Meaux qui comme par hasard devient cardinal.
En 1474, Julien est à la tête des troupes pontificales pour soumettre les cités indociles des Etats pontificaux. A l’occasion il se met à dos Laurent de Médicis et ses alliés. Il aura au moins trois bâtards, des filles, plus une vilaine maladie, oubliant l’obligation de continence des prélats.
Quand enfin il devient pape, il a 60 ans, plus à l’aise dans une armure que sous la tiare pontificale, homme d’action, soldat dans l’âme. Il veut faire des Etats pontificaux une grande puissance. Pour lui la restauration et l’élargissement du pouvoir pontifical est la sauvegarde de l’indépendance spirituelle du Saint-Siège.. Pour les uns il est « Jules César II » et pour les autres « le pape de fer », « le pape terrible » devant qui tout doit plier ou rompre. Il tient à participer lui-même aux campagnes militaires. A la tête de son armée, il réannexe la Romagne, Bologne, Pérouse…et autres possessions de César Borgia. Avec la Ligue de Cambrai et ses alliés européens, il s’attaque à Venise. Puis retournement de situation, avec cette dernière et le roi d’Aragon, il constitue la Sainte Ligue contre la France et l’Allemagne. La victoire de Ravenne en avril 1512 pour les Français qui seront malgré tout chassés du Milanais.
Avec impudence il retourne sa veste, change d’alliés. Il montre habilité, énergie, vaillance, persévérance et un complet mépris des principes chrétiens. Sa carrière est un exemple typique presque caricatural d’un homme d’Etat de l’époque : accumulation des bénéfices importants (évêchés, archevêchés) et charges politico-diplomatiques dans la curie comme à l’extérieur, mécénat, enfants illégitimes, promotion de parents proches, absence de scrupules et profonde culture.
                              Pieta Michel Ange  photo Juan Romero 2010 Commons.wikimedia.org

On lui doit le Vème Concile du Latran et la création de la Garde suisse en 1506.  Il n’est pas intéressé par une réforme de l’Eglise. La souveraineté spirituelle de Rome doit apparaitre dans toute sa splendeur avec le plus grand et le plus beau temple de la chrétienté.. Il pose la première pierre de la basilique Saint-Pierre de Rome commencée par Bramante, use des richesses du Saint-Siège pour commander des œuvres d’art qui viendront jusqu’à nous. Grâce à lui nous connaissons Michel-Ange, Raphaël, et bien d’autres, sculpteurs, peintres, architectes. Rome se transforme, on ouvre de nouvelles artères…Il veut que toutes les voies de la ville convergent vers la basilique qui devient le « centre du monde ».
Lucas Cranach 1521 Le Pape vendant des Indulgences- BNF-+ Larousse-
Il meurt sans voir sa basilique achevée. Son successeur Léon X continuera les travaux. Bramante va se servir largement dans les monuments antiques pour s’approvisionner en matériaux et y gagnera le surnom de « Ruinante », le faiseur de ruine. Les murs, les colonnes, les tombeaux des papes précédents disparaissent sous les coups de pioche.

Mais les dépenses militaires, le train de vie de la cour pontificale et son mécénat pillent les revenus du Saint Siège. Jules II se sert dans les fondations pieuses, demande de l’aide aux princes chrétiens. Les couvents, les églises ont besoin de reliques pour amener des pèlerins jusqu’à eux, (d’une certaine manière, l’économie touristique de l’époque) le pape certifie à tout va l’authenticité de ces reliques contre monnaie. On a besoin de dispenses pour se marier entre parents proches, ou pour s’en séparer, qu’à cela ne tienne, ce sera possible contre monnaie trébuchante. On vend des dérogations pour être autoriser à manger du beurre pendant Carême…. (voir le surnom de la Tour du Beurre de Notre Dame de Rouen). L’Eglise fait flèche de tout bois pour augmenter ses ressources.
Le pape vend des bénéfices ecclésiastiques, des dispenses et des indulgences qui accordent une réduction du temps du purgatoire pour les généreux fidèles. Le phénomène prend une ampleur inégalée. La vente d’indulgence est une tradition qui remonte au XIème siècle, au Moyen-âge ; mais jusqu’à présent c’était l’occasion d’un don à un couvent, en argent ou en terre, image d‘un repentir sincère ; le défunt ou le pénitent encore vivant, demandait des messes, des prières pour se faire pardonner ses péchés. Au départ, (à partir du 3ème siècle)  une pénitence publique était pratiquée pour les fautes publiques ou privées du pénitent. Puis le Concile de Latran de 1215 institue la confession sacramentelle et la pénitence devient privée : les successeurs de Saint Pierre peuvent en faveur des vivants et des morts utiliser des « grâces » acquises par la Passion du Christ et les mérites des Saints. A ce moment-là le privilège de l’indulgence entraine prières, jeûnes, aumônes. On est encore dans le spirituel et le repentir. Le pape Sixte IV, l’oncle de Jules II, annonce en 1476 que les Indulgences peuvent s’acheter. A partir de là, elles coûtent de moins en moins cher, demandent de moins en moins d’efforts au pénitent. L’imprimerie permet d’atteindre des tirages massifs du document : la seule abbaye de Montserrat en produit 200 000 entre 1498 et 1500.

Avec Jules II, nous sommes devant une utilisation sans retenue pour financer une construction d’apparat. Des quêteurs sont envoyés dans tous les pays chrétiens et c’est une réussite. La demande est telle qu’un seul moine est arrivé à vendre à lui seul pour 27 000 ducats d’indulgences. Ceux qui travaillent sur les chantiers de l'Eglise reçoivent l’Indulgence plénière. Jean de Médicis son successeur, le pape Léon X continuera très largement cette gestion, au grand scandale des fidèles, en particulier avec l’Indulgence du Jubilé de 1515. (Jubilé année sainte tous les 50 ans). « Toutes les fois qu’une pièce tombe dans l’escarcelle, une âme s’envole du purgatoire » disait le moine dominicain Tetzel (1465-1519) qui avait déjà été sous-commissaire pour la prédication d’une Indulgence au profit des chevaliers Teutoniques au début du siècle.. C’était faire peu de cas du repentir. Lui et ses comparses haranguaient les foules comme bateleurs en foire. Avec Tetzel, l’autorisation de polygamie coûtait 6 ducats, le meurtre 8 ducats, la magie 2 ducats…. Il avait l’art d’inventer des histoires qui captivaient les esprits crédules.
(Indulgence de Tetzel avec blason du pape- à droite Jean Tetzel)
Les Indulgences et la nature belliqueuse de Jules II vont beaucoup contribuer à la naissance du protestantisme et à une réflexion de tous les chrétiens. Mais pour que le système marche si bien, il fallait que « le ver soit déjà dans le fruit ».
La Guerre de Cent ans (1337/1455), la grande peste (1347/48), la famine, les jacqueries et émeutes et la cruauté des hommes du siècle précédent avaient déjà préparé le terrain : les fresques des Danses macabres sont là pour souligner la vanité des distinctions sociales ; la mort est au bout pour tous, pape, empereur, pauvre prêtre, l’artisan comme le paysan. Ces fresques annoncent le Jugement Dernier. On sent bien que l’argent ne paie pas tout. Devant Dieu personne n’est au-dessus des lois. Et Dieu en ce début du 16ème siècle est partout, dans tous les gestes de la vie courante mais aussi dans les pèlerinages, les sources et les reliques guérisseuses, seule solution face à un monde menaçant, mystérieux, angoissant, changeant. Les prédicants annoncent à chaque carrefour la fin des temps. Un déluge est prédit pour 1524. La fin de la guerre de Cent Ans annonce la Renaissance, des changements profonds, un besoin de luxe ; des familles sont ruinées, d’autres enrichies par les événements. Agnès Sorel, la Dame de Beauté, Jacques Cœur lancent des modes. Des bourgeois achètent des charges, des domaines ; on commence à embellir les maisons, on ouvre des fenêtres, on voyage, l’Italie n’est pas loin…On commerce avec l’Orient musulman… Ceux qui ont survécu ont envie de vivre pleinement. Abus, simonie, avarice, luxure sont monnaie courante chez les Grands comme chez les petites gens. Et puis quel pape suivre ? Celui de Rome, celui d’Avignon, Benoit XIII. Et la fracture entre l’Eglise d’Orient et celle d’Occident ? Bref personne n’a la conscience bien tranquille, d’où la réussite des « Indulgences ».
Martin Luther, moine augustin vient à Rome sous le pontificat de Jules II, puis sous celui de Léon X. Il y voit un relâchement moral du clergé romain et est choqué par l’usage que l’on fait de la vente des Indulgences.
                        Martin Luther par Lucas Cranach l 'Ancien 1523
Il est né probablement en 1483, sa mère n’est pas sûre de l’année. Son père est un petit exploitant des mines de cuivre, de la région d’Eisleben en Thuringe en Saxe. C’est un homme du début du 16ème siècle, époque qui voyait s’affirmer l’individualisme et où les fidèles avaient besoin d’une théologie vivante et solide avec des prélats instruits. Epoque où le nombre des « lisant-écrivant » était en augmentation grâce à ce multiplicateur qu’était l’imprimerie. Période traversée par le courant de l’humanisme triomphant.

Luther à la veille de la Toussaint en 1517 souhaite engager un débat public : il affiche à côté de la porte de l’église du château de Wittenberg ses thèses. C’est un affichage habituel, une « disputatio », une controverse sur le « babillard » de l’église. Il demande aussi à l’archevêque Albert de Brandebourg de ne pas cautionner cette pratique. L’archevêque était chargé de la vente des indulgences sur ses terres. A 27 ans en 1517 il était évêque d’Halberstadt, titulaire de l’archevêché de Magdebourg, et de celui de Mayence. Il était chancelier d’Empire, c’est-à-dire chef de l’Eglise Allemane, Primat de Germanie. Ce cumul est totalement irrégulier mais 21 000 florins avaient fermé les yeux des consciences. L’archevêque avait emprunté cette somme aux banquiers Fugger au taux de 20% d’intérêts. La Curie Romaine aurait proposé à  Albert de Brandebourg 50% de la recette sur les ventes d’indulgence. Les agents des banquiers accompagnaient les prédicants et enregistraient les recettes.
Lettre de Luther à l’archevêque : « (...) Vénérable Père en Christ, illustre Prince... Que Votre Grandeur, me pardonne, si moi, le plus vil des hommes, j’ai la témérité de Lui écrire ... Les Indulgences Papales sont colportées dans le pays sous le Nom de Votre Grandeur pour la construction de Saint Pierre ... Je déplore les fausses idées que ces prédicateurs répandent partout. Ces malheureuses âmes se figurent que, si elles achètent des lettres d’indulgences, elles sont sûres de leur salut... C’est ainsi que les âmes confiées à vos soins ... apprennent à marcher vers la mort ... C’est pourquoi je ne puis me taire plus longtemps ... Votre Grandeur pourra prendre connaissance de mes thèses ci-jointes. Elle verra combien la doctrine des Indulgences est discutable. »
Ses 95 thèses sont en latin donc destinées d’abord aux théologiens, aux universitaires. Elles ne manifestent pas une envie de rupture, de réforme de l’Eglise. Elles affirment que les Indulgences n’ont pas le pouvoir d’absoudre les pécheurs. Seule la pénitence et la charité, un vrai repentir peuvent apporter le Salut.
La controverse entre théologiens devient vite une affaire publique. Les 95 thèses de Luther sont imprimées et circulent. Luther est dénoncé, excommunié le 3 janvier 1521. Avant lui d’autres avaient essayé de réformer l’Eglise, en vain. Comme par exemple Jean Huss le Réformateur de Bohème qui sera condamné au bûcher en 1414.

A partir de la condamnation de Luther, la machine est lancée. En Allemagne d’abord puis en Suisse, la Réforme s’installe. Calvin, Farel, Courault, de Bèze, Bucer …. Les premiers réfugiés français à Strasbourg en 1538 avec l’église protestante dirigée par Calvin…. Et les premiers fils de familles françaises qui partent étudier la théologie à Genève sous la houlette de Calvin, pour repartir pasteurs qui édifieront dès 1550 de véritables paroisses en France et en particulier dans notre Languedoc. Les rois François Ier et son fils Henri II répondront par des bûchers, des emprisonnements et dès 1560  avec Catherine de Médicis ce seront les guerres de religion (ou politico-religieuses) qui enflammeront notre pays, avec pour finir la venue sur le trône de France Henri IV et son « Paris vaut bien une messe ».
(Michel Ange aura connu quatre papes ; il décède en 1564 à 84 ans, travaillant jusqu’à la fin.)
Le Jugement dernier Michel-Ange


D’un côté la magnificence des œuvres de Michel Ange et de ses compagnons, d’un autre les massacres inutiles, des bûchers, des « tumultes » d’Amboise et ses pendus, la Saint-Barthélemy…… L’Histoire est faite d’occasions manquées !! Et puis nous ne pouvons pas nous empêcher de penser que « cette histoire d’indulgences » était une belle escroquerie !!


Vente d’Indulgences-- gravure  musée international de la Réforme Genève
Sources : Jean-Dominique Brignoli  Le Plus Grand Scandale Artistique de l’Histoire  in Histoire de l’Antquité à nos Jours n°95 janv/fév2018 --IIvan Cloulas, Jules II, le pape terrible, Fayard, Paris, 1990 --Fred Bérence Les Papes de la Renaissance, Éditions du Sud et Albin Michel, Paris, 1966.—Jean Delumeau  Rome au XVIe siècle, Hachette, 1975, p.66. – wikipedia communs – Herode.net  -- Mathieu Arnold  Martin Luther  édit Paris2017 --- Françoise et Albert Greiner BD Figures du Protestantisme  Editions du Signe  Musée du Désert Mialet 30140 - 9782746819870  -- Histoire de l’Antiquité à nos Jours Hors série n°49 octobre 2017 --- Jean Favier Philippe Levilain (dir) Dictionnaire Historique de la Papauté  édit Paris Fayard2003 (ISBN2-213-618577) –Bertrand de Margerie Le Mystère des Indulgences Paris Lethielleux 1999  - Emile Jombat  Dictionnaire du droit canonique  Vol 5 p 1331-1352 1950 édit Letouzey et Ané  -- Histoire de la Réformation (tome 1), Merle d'Aubigné – photos intérieur de la Chapelle Sixtine Rome – CCBYSA30°  ---et bien d’autres


- .i