samedi 24 novembre 2018

François 1er et le Languedoc



La salamandre emblème du roi François 1er

François 1er et le Languedoc


(François 1er Marignan anonyme - in André Castelot François 1er édit Perrin 1999)
Le roi François 1er (1494-1547) est un monarque flamboyant, qui aime briller, supplanter ses adversaires. Il n’est pas le fils du roi précédent, Louis XII, mais son cousin au 4ème degré, donc il doit faire ses preuves. Surtout qu’avant de devenir roi, il parait à ses contemporaints un peu écervelé, immature, trop sûr de lui. François duc d’Angoulême joue de sa prestance, beau cavalier, large de carrure. Il aime la chasse, le luxe, les femmes. Sa mère, autoritaire et possessive, est très présente dans son enfance, dans la préparation de son avenir. Sa sœur Marguerite l’adore. Il a vingt ans et quatre mois lorsqu’il monte sur le trône à la mort de Louis XII le 1er janvier 1515. Mais dès le début de son règne, il s’entoure de personnalités efficaces. Il prend pour emblème la salamandre, animal un peu magique, symbole du pouvoir sur le feu, donc sur les hommes et le monde. Il dira :  « Je voudrais bien voir la clause du testament d’Adam qui m’exclut du partage du monde."



La bataille de Marignan lui apporte succès et gloire dès le début de son règne. Mais François a un défaut : il est très dépensier. La France est riche en cette période, active, peuplée et les ressources engrangées sont importantes. Mais l’entretien de la cour (jusqu’à 15 000 personnes) et d’une armée de mercenaires, les constructions royales, coûtent très largement plus que les recettes. Le roi toute sa vie sera sans cesse à court d’argent, malgré des impôts lourds dont la taille et la gabelle. Et puis trop de privilégiés échappent injustement à l’impôt. Alors le roi va demander plus et en particulier aux habitants du Languedoc, province riche d’artisans, de blé. Le pays exporte ses céréales, ses vins, du sel, ses tissus… On part travailler en Espagne, paysans et artisans, contre de belles monnaies qu’envoie l’Amérique du Sud. François 1er va aussi anoblir des bourgeois qui lui rendent service et s’en faire des affidés. Il cherche du côté du Saint Laurent au Québec et en 1534 Jacques Cartier part explorer « certaines îles et pays où l'on dit qu'il se doit trouver grande quantité d'or et autres riches choses ». On fait flèche de tout bois pour remplir les caisses de l’Etat. (Rien de nouveau en ce bas monde !!)


En 1522 et en 1523 François Ier avait demandé aux Etats du Languedoc de grosses sommes d’argent (59 000 et 25 000 livres). Ses guerres contre Charles-Quint ruinaient le trésor. On a vite oublié que Marignan pourtant une victoire pour nous, avec la paix de Fribourg de 1516, nous coûte selon les sources 700 000 à un million d'écus d’or, indemnité fabuleuse donnée à nos ennemis suisses vaincus !! Une paix perpétuelle est signée : les Suisses s’engagent contre monnaie trébuchante à ne plus servir dans des armées qui feraient la guerre à la France, mais on les embauchera comme mercenaires dans nos troupes.
François 1er voulait donner l'impression d'être "grand seigneur", au-dessus des comptes d'apothicaires ! Homme plein de paradoxes, très différent de son prédécesseur Louis XII qui disait :"J'aime beaucoup mieux les faire rire de mon avarice que de faire gémir mon peuple de mes profusions".... 

Un exemple d'anoblissement d'un bourgeois. Celui qui sera notre seigneur à partir de 1536, Mathieu Bargeton le Jeune est anobli le 19 novembre 1533 par Lettres de Noblesse de François Ier signées à Marseille. On lui doit le renouveau du village et une façade Renaissance dont on voit ici quelques parties.
Le roi rappelle les éléments qui permettent de faire de Mathieu un noble : il a bien servi le royaume et il possède quelques biens. Il y est fait référence à des deniers donnés au roi («prêter nous dit le texte d’anoblissement ? »  probablement à fonds perdus !), pour payer la rançon du roi captif de Charles Quint ou bien pour financer les guerres d’Italie ?. Quant aux biens nobles qu’il possède, il s’agit d’une petite olivette dans le village de Lédenon sans dépendances achetée le 26 septembre 1528, terre qui "autrefois était décorée du titre de baronnie».


Le titre de baron avait perdu au cours des siècles de sa superbe. Les barons au départ étaient de grands vassaux formant la cour judiciaire du roi. Encore à l'époque de Philippe-Auguste au XIIème siècle. En Languedoc ce titre désignait un fief important. Mais au 15ème siècle les barons se retrouvaient au quatrième rang dans la hiérarchie seigneuriale. Théoriquement par les édits de Charles IX et d'Henri III, petits-fils de François Ier, pour autoriser l'érection d'une baronnie il fallait avoir au moins trois châtellenies ou clochers, c'est-à-dire trois domaines distincts. 
Donc notre Mathieu le Jeune au moment de son anoblissement était plus proche de la roture que de la noblesse !! Dans ses lettres d'anoblissement il est fait mention de "grâce spéciale" de la part du roi François 1er. Quels sont les services rendus au roi et au royaume ? Mathieu a-t-il été page, chevalier et écuyer chez quelque noble de la région et militaire au cours d'une des guerres de François 1er, Marignan et autres guerres d'Italie ?
Dans les lettres d'anoblissement il est fait mention de service "tant de sa personne à l'encontre de nos ennemis et adversaires". On imagine Mathieu plus en bourgeois-marchand, ce qu'était sa famille, qu'en foudre de guerre. Mais nous ne savons pas ce qu'il a fait avant sa trentième année. Il est vrai aussi que son grand-père était un riche maître-drapier, métier où l’on rencontrait beaucoup de monde et du beau, français ou étranger, un peu facteur discret, un peu espion.
Toujours dans les lettres d'anoblissement, il est fait référence à des sommes d'argent "prêter" pour subvenir aux grandes affaires du royaume. Cela nous parait plus dans ses cordes. La famille de Bargeton a dû comme d'autres, participer à la rançon de 2 millions d'écus lors de la paix de Dames de 1529 pour racheter la libération de François 1er.

L’anoblissement de Mathieu a été signé à Marseille en novembre 1533. Pourquoi pas à Uzès où le roi François 1er était présent au début de cette année-là ? Mais le 28 octobre 1533 avait lieu à Marseille le mariage de Catherine de Médicis et d’Henri, deuxième fils de François Ier. Etaient présents pour l’occasion le pape Clément VII venu les marier et les représentants de Henry VIII d’Angleterre. Les envoyés de ce dernier étaient là pour faire  annuler l’excommunication de leur roi. La cour de France est à Marseille, avec la fine fleur européenne.
Les lettres d’anoblissement modifient l’image traditionnelle de la noblesse : celle-ci devient un état, une qualité sociale que confère le roi à ceux qu’il veut distinguer. Ces nouveaux nobles se placent au sommet de la hiérarchie sociale sans avoir été adoubés. Ils porteront le titre de seigneur, d’écuyer, pourront acquérir des terres nobles sans avoir à payer la taxe de franc-fief. Ils devront vivre noblement, ne pas déroger en se livrant à une activité marchande.
L'acte d'achat de l'olivette de Lédenon qui permet l’anoblissement de Mathieu de Bargeton, est signé dans le cellier de l'acheteur selon la coutume languedocienne de l'époque. Les deux parties, le vendeur Petrus Brunelli (Pierre Brun) et Mathieu Bargeton étaient sur place dans la cave (apotheca) à vin pour y boire "le vin du marché". L'achat de cette terre qui fut une baronnie est la première marche de la dynastie Bargeton vers la noblesse. La coutume de conclure une vente par un verre de vin se perpétuera jusqu'au 20ème siècle.
L'armorial d'Hozier nous indique que les lettres d'anoblissement de Mathieu sont scellées à la cire verte, expédiées à la Chambre des Comptes et enregistrées au Livre des Chartres n°91. Trois cents écus d'or sont payés au Trésor en mai 1534 pour finaliser l'opération. De nombreux bourgeois vont être anoblis à cette période et vont ainsi remplir les caisses sans fond de l’Etat.
Nous avons du mal à évaluer ce que représente cette somme. L'"écu au soleil" va fluctuer tout au long du siècle. L'afflux incontrôlé d’or en Espagne entraîne une inflation très préjudiciable à l'économie des pays européens. A partir de 1570-74, sa valeur est un peu plus stable grâce à une politique anti-inflationniste. Difficile de comparer. Il semble pourtant que les 300 écus d'or représentaient une somme rondelette.  Les droits seigneuriaux (fief principal avec les trois justices) sur Vallabrix rapportent 10 livres par an soit un peu plus de trois écus d'or. En 1565, dix bœufs dontés (domptés, dressés) et aratoires (pour le labour) coûtent 92 écus d’or.

Lettrine Mathieu de Bargeton

Le roi lui-même depuis novembre 1531 avec toute sa suite fait son "Grand Voyage de France" qui se terminera en hiver 1534, visitant et se faisant voir dans toutes les provinces. Pour les rois comme pour les seigneurs il était important de rencontrer et connaitre ses sujets, réveiller le loyalisme, rappeler l'autorité, et puis voir par soi-même ce qui n'allait pas.
François 1er sera souvent dans notre région, jusqu’en juillet 1538 lors de la rencontre avec Charles Quint à Aigues-Mortes. Charles de Crussol sera de cette entrevue avec les seigneurs d'Uzège dont un de Bargeton, Mathieu probablement, ses fils étant trop jeunes ou peut-être pas encore nés pour certains. Sous la houlette du pape Paul III, Charles Quint et François 1er avait signé à Nice une trêve de dix ans en juin 1538. Charles Quint de retour en Espagne aborde l’Ile Sainte Marguerite sous prétexte d’une tempête et propose à François 1er , à Avignon à ce moment-là, une rencontre à Aigues Mortes. Il faut faire vite. La cour de France est invitée à Vauvert dans un premier temps, puis à Aigues-Mortes.
Les consuls de la petite ville, dont le Premier Consul Franc de Conseil, votent en urgence les fonds nécessaires : d'abord un emprunt auprès des notables de la ville de 850 livres remboursables sur cinq mois, pour le reste on verra plus tard. Le roi sera logé chez le Premier Consul. Le connétable Anne de Montmorency gouverneur du Languedoc est chargé des préparatifs.
A l'occasion de la rencontre François Ier et Charles Quint, selon la formule de l'époque "sous peine de fouet", 6000 pains, 30 barriques de vin,  seront fournis par les habitants. Les chasseurs, les pêcheurs sont invités à apporter gibiers et poissons. Dans le Catalogue des Actes de François 1er (BNF Maréchal Paul), quelques actes indiquent les sommes déboursées par l'Etat. Charles de Vaux viguier d'Uzès reçoit 56 livres pour ses achats en fruits et primeurs pour le festin prévu. Il va d'Aigues-Mortes à Perpignan pour s'approvisionner. Guillaume Vallette chevaucheur d'écurie reçoit 33 livres 15 sous pour aller en poste (en voiture) de Vauvert à Marseille rejoindre le Comte de Tente et les capitaines de galères pour "réception de l'Empereur et sa conduite à Aigues Mortes. (archives nat BNF31463 p237 T3 -31465 juillet 1538). Pour les frais de voyage des valets de la garde-robe du roi, 112 livres, pour le déplacement du maître-queux de la cuisine de bouche, 45 livres. Le barbier et valet de chambre du roi René Pintret, reçoit 225 livres pour divers services et ses frais de voyage.... 100 livres pour le lieutenant d'Arles et le viguier de Nîmes de salaires et vacations pour les préparatifs de l'entrevue, préparatifs et ravitaillement des galères coûteront au Trésor  3 074 livres 10 sous 2deniers, selon Jean Picart «responsable». (31466 à 31490 T3- archives nationales -BNF). Nous voyons que les domestiques royaux sont particulièrement bien payés.

Lorsque le roi arrive le soleil est de la partie. Les habitants sortent de la ville pour accueillir le cortège. Prestige, beauté des costumes… les consuls de la ville attendaient le cortège à la porte principale, revêtus de leurs robes brodées de velours et coiffés de leur chaperon. 300 arquebusiers armés et payés par la ville servaient d’escorte. Le sire de Clermont seigneur d’Aigues-Mortes présente le Premier Consul au roi à qui on remet les clés de la ville. Harangue, salutations, remerciements…. Le roi descend de cheval et vient se placer sous un dais de velours rouge, son épouse la reine Eléonore d’Autriche sous un dais de velours blanc. Et c’est la déambulation dans les rues de la ville, tendues de toiles qui protègent du soleil. La cour est là, Catherine de Médicis femme du dauphin, Henri de Navarre futur Henri IV, son épouse, Marguerite la sœur du roi, le duc de Lorraine, le duc de Guise son frère….cardinaux, évêques, président du Parlement de Paris…. Le dauphin et ses frères n’arrivent que le lendemain.
Ce 14 juillet l’Empereur Charles Quint entre dans la rade avec 52 galères dont 21 de France. Une première entrevue sur l’eau et sur le bateau de l’Empereur, entrevue en français. Le lendemain 15 juillet l’Empereur entre dans la ville à 9 h par la porte de la Monnaie au son des fanfares et des tambours, de l’artillerie de la ville et des bateaux.
On mangea des huîtres qu’on trouva si bonnes qu’on ne cessa d’en redemander. La digestion lourde, Charles Quint gagna sa chambre dans la maison du sieur Chambaud de la Rivière par une galerie qui traversait la rue en guise de pont, galerie nouvellement percée pour l’occasion. La chambre était décorée d’une tapisserie en cuir gaufré représentant des oiseaux becquetant des fruits, des feuillages et des plantes. Un lit avec un baldaquin de soie dont la bordure et les rideaux étaient en franges ornées de perles fines de grand prix….



Histoire Populaire d’Aigues-Mortes » de Nicolas Lasserre
François 1er donna à son invité une bague ornée d’un diamant de 30 000 écus, l’Empereur mit au cou du roi son cordon de la Toison d’Or, et en réponse François 1er passa au cou de Charles son collier de la Croix de St Michel. On but beaucoup au cours de ces entrevues. Les deux monarques prirent des engagements qu’ils oublieront rapidement. La France garde la Bresse, le Bugey et les deux tiers du Piémont, l’Empereur conserve le Milanais.
Charles Quint déclara en partant le 16 juillet que « jamais en aucun lieu il n’avait passé d’aussi agréables journées". La guerre entre les deux hommes et les deux royaumes recommença en 1542, 4 ans seulement après Aigues-Mortes. Un an  après l’assassinat de Rincon ambassadeur de François1er auprès de Soliman.
François 1er passa encore une nuit à Aigues-Mortes et repartit le 17 juillet après avoir remercié les habitants et le Premier Consul Franc de Conseil qu’il autorisé à décorer son blason de la devise : Rex Fortissimo (le roi au très brave).
  D'aucuns ont plus tard ronchonné sur les frais de fanfares, tambours et d'artillerie, la tapisserie en cuir gaufré de la chambre de l'empereur réalisée pour l'occasion et peu utilisée, les damassés des galères gâtés par les embruns, les velours d'Avignon frangés de perles....et la "claque", cris mille fois répétés de vive le roi et vive l'empereur, payée par le connétable Anne de Montmorency organisateur de la fête ! On savait aussi à cette époque soudoyer les acclamations de la foule.
Rabelais, alors ambassadeur du roi et présent à Aigues-Mortes, relata ces fêtes dans le Cinquième Livre, Chapitre 6 de ses œuvres : « Dans cette île, vous n'avez que des cages et des oiseaux ; ils ne labourent ni ne cultivent la terre. Toute leur occupation est de s’esbaudir, gazouiller et chanter… N'ayez pas peur que le vin et les vivres manquent ici, car quand le ciel serait de bronze et la terre de fer, les vivres ne nous feraient pas encore défaut pendant sept ans, voire huit, soit plus longtemps que ne durera la famine en Egypte. Buvons ensemble, en chœur, en communion.» Heureux de vivre nos Camarguais !!
François 1er n’oubliera pas Nîmes et en 1539 signe les lettres patentes qui autorisent  la création de collège et université dans la ville, avec les mêmes privilèges et droits que pour les établissements de Paris, Poitiers et Toulouse. Lors de ses précédents passages il avait accordé à Nîmes en 1516 le taureau sur son blason, puis en 1535 le fameux blason au crocodile enchaîné. Parlant parfaitement le latin, c'est un grand amateur d'antiquités et d'histoire romaine. Mais pour sa visite de 1533, il impose aux consuls et aux nîmois une nouvelle taxe sur les lieux vacants, les garrigues, les rues et places !!

Lettres patentes du mois de Mai 1539 « Par ces présentes, Nous créons, érigeons, ordonnons et établissons en la ville et cité de Nîmes, Collège, Ecole et Université en toutes Facultés de Grammaire et Arts seulement, et, pour la conservation d icelle, donnons et octroyons à cette Université, Collège, Facultés, recteurs, docteurs, maîtres gradués, étudiants et écoliers, bedeaux, messagers, et autres officiers et suppôts de la dite Université, présents et à venir, telle et semblable juridiction et puissance, autorité, privilèges, immunités, libertés, exemptions et franchise qu'ont accoutumé d'en avoir les Universités de nos bonnes villes de PARIS, POITIERS, TOULOUSE et autres du royaume. Et pourront !es docteurs, maîtres et gradués d'icelle Université élire, instituer et créer recteurs et tous autres officiers, sauf et réservé le conservateur des privilèges royaux d’icelle, dont l'institution et provision nous appartiendra.
Si donnons en mandement, par ces mêmes présentes, à nos féaux conseillers tenant notre Cour de Parlement à TOULOUSE que ces présentes ils fassent lire, publier et enregistrer, et de l'effet d’icelles ils fassent jouir la dite ville et cité de NIMES.
Car tel est notre bon plaisir.
Et afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, nous avons fait mettre notre scel à ces dites présentes, sauf es-autres choses notre Droit et celui d'autrui en toutes...
Fait à FONTAINEBLEAU en MAI de l'An de Grâce 1539.
Signé: FRANÇOIS PREMIER Contre-Signé: ANNE de MONTMORENCY, Connétable et Grand-MaîIre de FRANCE »





Sources :Lionel d’Albouisse « Entrevue de François 1er et de Charles Quint à Aigues-Mortes en 1538 édit. Lacour1909-2005 – Jean marie Le Gall  L’honneur perdu de François Ier Payot 2015—archives départementales gard-hérault—archives nationales—BNF—B Voisin-Escoffier Mathieu de Bargeton seigneur de Vallabrix site de Vallabrix internet p22 et suivants---élements de la façade Renaissance de Vallabrix milieu 16ème siècle probablement due à Mathieu de Bargeton. Photos collection privée--Rabelais le Cinquième Livre, Chapitre 6 -- fr.wikipedia.org/wiki/Entrevue_d%27Aigues-Mortes --www.lefigaro.fr/lefigaromagazine/2009/07/25/01006-20090725ARTFIG00206--le-roi-contre-l-empereur-.php- Charles Marins Une ville oubliée Aigues-Mortes son passé son présent son avenir Revue des Deux Mondes 3èpériode T1 1874 p780-816--Gazette de Nîmes n°865 -842 François Wiart---


 élements de la façade Renaissance de Vallabrix milieu 16ème siècle probablement due à Mathieu de Bargeton- photos collec privée--



















































(François 1er Marignan anonyme - in André Castelot François 1er édit Perrin 1999)

samedi 17 novembre 2018

L'Accent du Midi ou la Musique sans les paroles



                                           « L’Accent » par Miguel Zamacoïs (1866-1955)


L’accent du Midi

Ou la musique sans les paroles.


Régulièrement mon mari se fait reprocher son accent qu’on a du mal à définir : bressan, lyonnais, stéphanois ?... Lorsque les « r » se mettent à rouler j’y vois plutôt une émotion, l’expression d’une tendresse, d’une vérité. C’est un retour à son enfance, à son village, à ses parents. De quel droit peut-on lui en faire reproche ?

Le mot « accent » ou ad cantum en latin, peut se traduire par « pour le chant ». Lorsqu’il devient obligatoire fin 19ème siècle de parler « français » et non plus patois comme nos aïeux, l’accent restait ce qui nous permettait de reconnaître de quelle région était notre interlocuteur. On se sentait moins seul !
Parfois par provocation, on l’accentue, il devient alors identitaire. C’est par exemple l’accent des quartiers où il est exhibé chez les jeunes qui cherchent à se recréer une communauté, une appartenance. Mais là il est souvent accompagné de tournures de phrases, d’un mode de sociabilité.
Il parait qu’à Marseille on exagère l’ »accccen » pour se moquer des « Parisiens » c’est-à-dire de tous ceux qui ne sont pas de la cité phocéenne !! Un homme politique de Marseille devrait y penser avant de se moquer de l'accent toulousain d'une journaliste!
Au début du 20ème siècle, dans la plupart des régions françaises, on ne parlait français qu’à l’école. Les langues régionales avec leurs accents étaient la langue maternelle parlée à la maison, avec les amis, les commerçants, au marché…. Le patois ou la langue régionale était totalement interdit à l’école sous peine de punition. Les coups de règle sur les doigts, les mises au coin avec bonnet d’âne, parfois à genoux, n’étaient pas rares. Il fallait que le français rentre dans les caboches !! Des techniques pédagogiques qui en ont rebuté plus d'un...

Pourtant toutes ces langues patoisantes racontent notre histoire, nos cultures. Elles sont riches de sens, de synonymes qui veulent dire quelque chose. « Cultures » ce n’est pas simplement jolis costumes et danses en sabot, mais aussi un mode de vie, des coutumes y compris juridiques ou législatives, des influences, tout ce qui nous a construit petit à petit. Ces langues ont des tournures qui racontent parfois des guerres, des voyages, tout un passé. Elles sont souvent très riches de sens, très imagées. L'accent magnifie le verbe, parfois soutient une colère, une tendresse, une passion de l'instant...

Des exemples : La langue lyonnaise est un dérivé du franco-provençal lui-même une langue gallo-romaine. Elle sera parlée dans toute la région lyonnaise, jusqu’à la Suisse romande et Val d’Aoste. Dans le nord de la France, les langues d’oïl ont influencé les langues régionales comme le normand, le picard, le champenois, le lorrain roman, le bourguignon…. En 1995, un curé a dit sa messe en picard, un film a célébré cette langue...Le patois de ma mère qui venait du Haut-Bugey s’harmonisait avec celui de Maria qui était née en Italie du Nord. Et combien de mots de dialecte régional sont passés entiers ou déformés dans la langue officielle !!

L’accent parisien et sa langue ont été choisis comme modèles pour tous les Français car Paris était la capitale de l’Ile-de-France, capitale de la royauté. Il est assez paradoxal que les républicains de 1789 et de 1880 aient privilégié cette langue qui pourtant sentait le soufre ! Et quand nous évoquons l’accent parisien ce n’est pas celui de Gavroche ou du Titi parisien, fabriqué au cours des siècles, mais celui de la bourgeoisie triomphante.

Notre accent du Midi accompagnait les langues basque, occitane, catalane, provençale. Il faut même parler de diverses langues occitanes et provençales : à Marseille le dialecte n’est pas le même qu’à Toulon ou Nice. L’italien, le corse, l’arménien, l’arabe… s’y sont immiscés en catimini. Dans notre Languedoc, l’occitan ardéchois est différent de celui de Montpellier ou de Nîmes. Les treize départements de l’Occitanie ont chacun une particularité occitane, selon les influences italiennes, espagnoles, arméniennes, portugaises au gré de notre histoire. Sans compter les mercenaires suisses ou germaniques des diverses guerres qui ont ravagé notre contrée, les Vikings qui hivernaient en Camargue, les pèlerins qui tous nous ont laissé un petit quelque chose au passage...
Toutes ces langues et accents sont en perte de vitesse depuis quelques années. Dans notre village il y a trente ans en arrière, les Anglais qui venaient habiter chez nous, chopaient l’accent lorsqu’ils parlaient français en même temps qu’ils apprenaient la pétanque !!
Une certaine uniformisation était certainement nécessaire pour se comprendre dès l’instant où les gens se déplaçaient, mais c’est aussi une perte de diversité culturelle, de l’histoire de sa province, de son Histoire. Peut-être aussi une occasion de former nos cerveaux au bilinguisme. Jongler avec les mots est une gymnastique recommandée. En Finlande, plusieurs dialectes sont parlés en plus de la langue officielle, plus l'anglais, parfois l'allemand, le néerlandais... Et cela ne gène personne.

De façon naturelle la langue et l’accent disparaissent : les anciens qui parlaient la langue du pays ne sont plus là, les enfants et petits-enfants se déplacent, ne sont plus cantonnés dans le lieu où ils ont grandi. Les médias audiovisuels diffusent un parler parisien, sauf quelques émissions culturelles, quelques journalistes qui osent faire sonner leur accent. Et puis pendant longtemps, parler avec un accent c’était faire « paysan qui sortait de son trou » : après la guerre de 1940, la réussite sociale était de devenir fonctionnaire, et donc de parler comme une « personne de la ville ». L’accent faisait « provincial ». C'était assez méchant pour les campagnards qui avaient participé largement à la guerre de 39-40, y compris comme résistants ou hébergeurs, nourriciers des résistants. 
Parler sans accent c’est encore aujourd’hui affirmer une réussite sociale. C’est l’accent de la bourgeoisie, un accent de classe. Parler avec l’accent et nous devons faire face à des moqueries qui peuvent aller jusqu’à la caricature lorsque nous affirmons notre appartenance régionale. Et pourtant chaque culture est respectable et doit être respectée. Qui peut dire actuellement qu’il a la vérité de l’accent ?  On peut parler parfois d’ostracisme intellectuel. A chacun son identité, son patrimoine génétique. Un élu de Castelnau le Lez disait que « l’accent ça permet de mieux faire passer des choses dures », peut-être parce qu’il sait mieux les dire « ave » l’accent.

Actuellement le mouvement commence à s’inverser. Les gens du Sud revendiquent leur particularisme linguistique mais sans aller jusqu’à apprendre la langue de leurs ancêtres. Quelques mots des autrefois, de ci de là dans la conversation, avec l’accent. A Paris parler « pointu » n’est plus obligatoire. Fernand Carton, spécialiste de la langue française, explique : «Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, ce qui était rural, âgé et sédentaire était rejeté. Dans les années 60-70, la tendance était à la standardisation. Aujourd'hui, on ne veut plus d'une langue de robot.» Certaines entreprises songent à créer des voix synthétiques avec accent régional pour leurs standards ou leurs services d’appel téléphonique.

Carte des différents dialectes (patois ou langues, aux lecteurs de choisir le mot qui lui convient !)

Les préjugés, les clichés sont encore très forts : l’accent du Nord évoque la pluie, les pavés, les odeurs de frites, celui du Sud, la lavande et le soleil, le poisson.... Pour les populations au nord de Valence, les méridionaux partagent leur temps entre la pétanque et l'anisette alors que Marseille est un des ports de France des plus actifs, et que les cultivateurs du Sud n'ont guère le temps de faire la sieste lorsque vient la saison des cerises ou des vendanges. 
L’accent du Midi est acceptable s’il est léger. Les milieux populaires sont la plupart du temps ceux qui ont le plus fort accent.  Parfois il faut le gommer pour trouver un emploi. Les « chercheurs de tête » ne savent plus très bien si un accent est positif ou non.

Les langues régionales comme le breton, le basque, l'occitan et le catalan se maintiennent petitement. Dans notre Sud, environ 4000 élèves apprennent l’occitan dans des écoles publiques, dans les calandretas, (même en option dans des établissements scolaires de Lozère). Mais il faut pour intéresser les parents à cette culture un enseignement de qualité. La France est la seule nation d’Europe qui n’a pas ratifié la charte des langues régionales. Les langues patrimoniales ne paraissent pas essentielles à nos dirigeants. Et pourtant les gens ont voté pour le nom de notre région «Occitanie ». Et les Catalans revendiquent fortement leur appartenance à un territoire. Probablement que tous ne sont pas d’origine catalane. Peut-être pour eux, une histoire récente avec la guerre d'Espagne dont le deuil est difficile ? Un manque de considération de notre part ? Nous devons nous interroger sur ce besoin. On voit arriver de nouveaux étudiants qui apprennent l’occitan comme une langue étrangère : l’an dernier la meilleure élève de l’université était une étudiante sénégalaise nous raconte l’universitaire Marie-Jeanne Verny. Ce n’est certainement pas l’expression d’un nationalisme exacerbé !.Peut-être un besoin de diversité, une réflexion sur la communication verbale et écrite ? Un besoin de se démarquer du groupe tout en revendiquant une appartenance ? Un autre linguiste y voit une envie de sens des mots devant une langue officielle qui s’appauvrit ; il semble en effet que nous n’utilisions de manière habituelle dans notre monde moderne que trois cents  à quatre cents mots. Peut-être trop d'uniformisation, de standardisation dans les vêtements, les objets, les repas.... ? Il y a de quoi philosopher !!! Exister dans le groupe en tant qu'individu, telle est la question !! pour paraphraser Shakespeare.

L'Histoire des mots pourrait nous rendre plus modestes face aux théories du "sang gaulois"!!

On peut lire ou relire Alphonse Daudet quand il chante "la lengo", la langue qu'il entend à la campagne, chez les anciens, dans les champs, les bergeries. "ces ardents vocables des rues et des campagnes étaient pour mon désir comme ces petits fruits rouges, d'une acidité sauvage et gamine, jujubes, alizes, azeroles étalés à pleines mannes débordantes parmi des chapelets d'oignons et de gimblettes sous les platanes du tour de ville..." (Vie d'enfant présentation OCI XIVa pVI)


Sources : Denis Autesserre  L’Express 31/5/2001 – Fr Wiart La Gazette de Nîmes 955 21 septembre 2017  - Monique Léon et Pierre Léon, La prononciation du français, Paris, Nathan, 2002 (réimpr. 2009), 4e éd. (1re éd. 1997) (ISBN2091904937 et 978-2200244149)-- Lorant Deutsch Romanesque La Folle Aventure de la Langue Française 2018édit Michel Lafon--




Le Sud c’est aussi un ciel et une mer de plomb !! septembre 2017 Saintes-Maries de la Mer et les Salins d’Aigues-Mortes -photos perso


Evènement rare : photo des Saintes Maries descendues de la Chapelle Haute qui est en réfection (Eglise des Saintes-Maries de la Mer sept 2017) - Culture, Histoire, ???

vendredi 9 novembre 2018

Prisonniers de guerre, victimes oubliées





Prisonniers allemands dans la cour de la caserne Brueys-Uzès.--Midi libre Publié le 27/12/2015


Prisonniers de Guerre victimes oubliées :

La guerre de 1914-1918 « LA plus monumentale Anerie que le monde ait jamais faite." Maréchal  lyautey.


Un récent propos acide concernant les prisonniers de guerre, éructé par le président des Etats-Unis, m’a interpellé : les prisonniers de guerre sont souvent des victimes oubliées, « Vaincus parmi les vaincus ». Oublié le temps où les captifs représentaient une éventuelle rançon à espérer. Ils sont devenus suspects de désertion, de s’être laissé prendre, d’espionnage. C’est forcément la faute du soldat, de sa lâcheté si on ne gagne pas une bataille !!!….. On peut relire à ce sujet sur ce blog ce qui a été écrit sur « Le Crime des Midis » du 12-11-2017.

Ceux de la guerre de 14-18 vont pourtant servir les politiques, surtout après guerre.
En 1914, dans tous les pays concernés par le conflit, on est persuadé que la guerre serait courte et donc rien n’est prévu pour d’éventuels prisonniers. Les événements se chargent de nous remettre les pieds sur terre avec réalisme. La première année on s’échange ses prisonniers mais dès 1915 et le blocage du Front Ouest les échanges sont interrompus. Le comité international de la Croix Rouge devient le principal négociateur entre la France et l’Empire Allemand pour l’échange de prisonniers. Ceux-ci ne pouvaient plus prendre une part active au conflit. Les grands blessés, les aveugles, les amputés seront prioritaires lors de ces échanges.
Les premiers prisonniers allemands sont transférés vers l’arrière pour y être interrogés. Mais la plupart sont envoyés dans des camps pour être utilisés comme main d’œuvre pour remplacer les Français mobilisés.
Nous allons nous intéresser ici (sommairement ! il y aurait tant à dire) aux prisonniers de 14-18 de tous les pays.



Mission Centenaire--prisonniers allemands-
Gard. Au mas de Fontfroide (emprise actuelle du camp des Garrigues de Nîmes)

Dès avril 1915 la caserne Brueys d’Uzès (l'actuel lycée des Métiers d’Art) devient un centre spécial de prisonniers de guerre, allemands, austro-hongrois, ottomans, bulgares. Puis en août 1916 seuls des officiers allemands y sont accueillis jusqu’en 1920.
Le docteur Max Brausewetter témoigne. En route de Malaga pour Gêne, il est arrêté à Marseille et se retrouve le 4 mai 1915, dans le camp d’internement d’Uzès, un des plus mauvais de France. Cris de joie et de haine de la population. Une chambre pour dix, une cour de 70m sur 30 faiblement éclairée, un matelas de paille… Il se retrouve au cachot car il a protesté contre les violences subies. Il raconte la saleté, la maladie, les sévices, les injures. Son journal clandestin arrive à Berlin. Il meurt en 1916. (Prisonnier des Français Dr Brausewetter traduit par jean-Louis Spieses édit La Fenestrelle)





(baraquement prisonniers français)

Les prisonniers français en Allemagne n’étaient pas mieux traités. Les autorités allemandes sont rapidement dépassées par l’afflux de prisonniers venus de Belgique, de Russie, de France. L’hiver 1914-1915 se passera souvent sous des tentes de toile. Le froid, le manque d’hygiène, de sanitaires, et pourtant pas de véritable épidémie pour cette première année de guerre. Plusieurs dizaines de camps seront construits dans l’Empire Germanique, au confort très primitif : un robinet pour des milliers de prisonniers, des latrines simples planches percées au-dessus d’une fosse qui débordait lors de fortes pluies…. Ceci-dit, à cette époque, les toilettes dans nos campagnes n’étaient pas très confortables non plus, souvent au fond du jardin ou près du tas de fumier.

Le jour de l’armistice du 11 novembre 1918, environ sur 530 000 Allemands capturés au cours de la guerre, 421 000 étaient encore prisonniers. La différence s’explique par les décès, les rapatriements des malades et des invalides, des échanges du début de la guerre. 535 000 Français à la même date étaient encore prisonniers du Reich. La plupart des prisonniers viennent des grandes offensives de 1914, la Marne, Champagne, la Somme…. Peu pendant la guerre de position où la mortalité était pratiquement le seul avenir. Mais les chiffres selon les sources et selon de quoi on cause, sont divergents. Au total on estime qu’il y a eu un peu plus de 7 millions de captifs durant la Grande Guerre qu’il a fallu loger, nourrir, répartir… Environ 25 000 prisonniers allemands décèdent en France pendant la guerre, maladie, accidents sur les chantiers, suicides…
Les prisonniers alsaciens, lorrains et polonais capturés sur le front de l’Est, après accord avec la Russie, sont transférés en France. Ceux qui acceptent de s’engager dans l’armée française reçoivent la nationalité française, environ 17 650 qui sont orientés vers le front de l’Orient ou dans la marine. Les autres travaillent sur des chantiers. Environ 1500 tchèques, slovaque de l’armée austro-hongroise constitueront la nouvelle armée tchécoslovaque à la fin de la guerre.

(otages lorrains prisonniers des Allemands camp de Hozminden)
Un service des internés administratifs est créé dans notre pays en août 1914 pour les civils ressortissants allemands, austro-hongrois, fonctionnaires allemands d’Alsace-Lorraine présents en France au début du conflit. Répartis dans des camps, comme celui de l’Ile-Longue près de Brest qui a hébergé jusqu’à 5 000 civils. Environ 50 000 au total au début de la guerre, plus que 15 000 dont 6 000 Allemands à la fin, les femmes avec enfants, les plus de 50 ans seront les premiers libérés.



(Prisonniers allemands encadrés par des Spahis)
Un peu plus de 5 000 prisonniers allemands sont envoyés au Maroc pour des travaux publics et autour de 4650 en Algérie et Tunisie comme ouvriers agricoles remplaçant les autochtones mobilisés. Protestations du gouvernement allemand car ces hommes ne supportent pas le climat. Maladies, tortures, mauvaises conditions de vie et ils sont rapatriés en France.


600 grammes de pain par jour fin 1917 pour les prisonniers allemands et 4 cartes + 2 lettres par mois à envoyer. Les prisonniers français à cause du blocus maritime britannique de l’Allemagne ne reçoivent que 250 g de pain par jour. Les besoins en pain pour les prisonniers français sont de 500 tonnes/jour. Les importations ne couvrent même pas les besoins du peuple allemand. Ce sera l’ère des ersatz et des inventions diverses pour remplir les estomacs. Pour certains prisonniers, les familles, la Croix Rouge envoient des colis. Les commandos agricoles sont nourris à la ferme où ils travaillent.
Tous n’étaient pas logés à la même enseigne. L’Italie refusera d’envoyer des colis à ses soldats prisonniers qu’elle suspectait de désertion. Les Russes n’avaient pas de colis de leurs familles ni de leur pays. Les Roumains étaient carrément martyrisés pour leur intervention en 1916.



Le typhus, la tuberculose, le manque de nourriture, le confinement dans des baraques insalubres, les poux, la folie…. Les cimetières sont progressivement ouverts dans les camps pour enterrer les prisonniers décédés.

En France conformément à la Convention de la Haye, les officiers allemands prisonniers étaient exemptés de travail. Un peu près 500 sites de détention très variés, anciens couvents, casernes désaffectées, même bateaux-pontons particulièrement insalubres.
Les autres prisonniers sont mis à la disposition d’employeurs qui s’engagent à fournir nourriture, savon, chauffage, outillage nécessaire et un salaire de 15 centimes minimum par jour plus d’éventuelles primes de rendement. Fin 1917, nous comptabilisons, 48 000 prisonniers employés dans l’agriculture, 36 000 dans l’industrie d’armement, 40 000 dans les manutentions portuaires, 42 000 dans les mines, et les travaux publics. A la date de l’armistice, 400 000 environ travaillaient dont 10% dans les industries d’armement ce qui était interdit par les Conventions de la Haye. On leur doit le percement du tunnel du Rove entre l’étang de Berre et la Méditerranée, le stade de Gerland de Lyon, son hôpital Herriot-Louis Pradel, la construction de voies ferrées, des travaux forestiers, l’assainissement du marais de la Salièvre dans le département du Puy-de-Dôme…..



Collection particulière --Camp de Coëtquidan : la corvée de terrassements

Le retour en France de nos prisonniers quelques jours après la signature de l’armistice se fera dans l’amertume. Ils seront soupçonnés d’avoir déserté, de s’être rendus volontairement, d’avoir été « retournés » par l’ennemi. La situation est la même pour les prisonniers qui ont réussi à s’évader. Pourtant pendant les hostilités, l’armée encourageait les prisonniers à s’évader, à saboter leur travail, bref à être des Poilus infiltrés en Allemagne, des soldats au même titre que les combattants des tranchées.
Les interrogatoires seront parfois musclés. On les soupçonnera d’être des planqués, des embusqués comme si les camps avaient été des clubs de vacances. Ils perdirent le rappel de leur solde et leur prime de démobilisation sera inférieure à celle des soldats qui ne connurent pas la captivité. Ceux morts dans les camps allemands ne seront pas « morts pour la France » jusqu’en 1922. Ils n’ont pas leur place dans les cérémonies de l’armistice, à quelques exceptions près, dans certains villages. Ces hommes n’entrent pas dans le culte de la guerre, de l’héroïsme qui justifie et permet d’accepter la mortalité très élevée des soldats. Les rapatriés auront beaucoup de mal à se faire reconnaître par le biais d’associations, comme l’Union Nationale des Évades de Guerre, la Fédération Nationale des Anciens Prisonniers de Guerre, l’Union nationale des Combattants …...
A la fin des hostilités jusqu’en 1920, les prisonniers allemands pour la plupart restent en France pour travailler au déminage, à la reconstruction des zones dévastées. En novembre 1919, 306 000 étaient encore au travail, otages des politiques. Le gouvernement français se servira des prisonniers allemands pour obtenir de leur pays sa soumission aux exigences françaises du traité de Versailles. Le pape Benoit XV à la demande des familles dut intervenir et les premiers rapatriements de prisonniers allemands commencèrent en janvier 1920, aux frais de la République de Weimar. Chaque homme reçoit un colis de vêtements et la somme de 350 marks. Il passe une visite médicale et les autorités allemandes ont « unanimement constaté le bon état physique des rapatriés », contrairement aux articles qui paraissent dans la presse allemande. Néanmoins les rapatriés rentrent chez eux aigris, énervés, haineux contre la France. Fin mars 1920 il ne reste en France que 600 prisonniers. Ils ont été condamnés pour des délits et crimes de droit commun et sont internés dans des camps spéciaux, comme le fort Lamalgue de Toulon, la prison militaire d’Avignon… Finalement leur rapatriement s’échelonnera jusqu’à fin 1921, graciés ou réclamés par d’autres pays.

Clemenceau dans sa correspondance avec le maréchal Foch définit les prisonniers comme un « instrument pédagogique » pour obtenir de l’Allemagne le tracé définitif des frontières orientales. Il fallait forcer l’Allemagne à payer les réparations et à envoyer des travailleurs en France pour participer à la reconstruction et endosser la totale responsabilité de la guerre. De janvier 1919 à janvier 1920, 250 000 à 310 000 Allemands déblaient les ruines de 600 000 maisons, 20 000 usines et déminent trois millions d’hectares de terres agricoles. Les tâches les plus dangereuses leur sont confiées comme punition. Vengeance, culpabilisation personnelle et collective….ce qui permet d’oublier notre propre responsabilité dans le conflit.
Ces humiliations se paieront par une autre guerre, celle de 1939. L’Allemagne se servira de ses prisonniers allemands comme d’une arme de propagande dirigée contre la France.

En ce jour du 11 novembre, il faut se souvenir des Hommes et des familles, certainement pas des hauts-gradés qui ont fait ce qu'ils pouvaient certes, mais qui sont tout aussi coupables que les gouvernements pour ces tueries inutiles. Mon grand-père, ses copains qui en sont revenus ont porté dans leurs tripes toute leur vie cette guerre. Et on peut dire qu'ils en sont morts à petit feu pendant quarante-cinquante ans !


German prisoners in France LOC 17256352495.jpg--: 1 janvier 2011 /fr.wikipedia.org/wiki/Prisonniers_de_guerre_allemands_de_la_Première_Guerre_mondiale_en_France#/media/File:German_prisoners_in_France_LOC_17256352495.jpg

 Sources : Maryse Cathébras « Perdue dans la garrigue loin du bruit des canons »     --Dr Brausewetter Prisonnier des Français traduit par Jean-Louis Spieser édit Fenestrelle  --O Abbal Soldats oubliés, les prisonniers de guerre Bez et Esparon Etudes et communication 2004 (ISBN 2911722057)-- Annette Becker, Oubliés de la Grande guerre: humanitaire et culture de guerre, 1914-1918: populations occupées, déportés civils, prisonniers de guerre, Paris, Éditions Noêsis, 1998  ( ISBN 291160623x)-- Georges Cahen-Salvador, Les prisonniers de guerre (1914-1919), Paris, Payot, 1929.---Frédéric Médard, Les prisonniers en 14-18. Acteurs méconnus de la Grande Guerre, Éditions SOTECA, 2010  (ISBN 978291638562—photos Midi libre Publié le 27/12/2015 ---wikipédia –photos Mission Centenaire internet ---photos Larousse en ligne --guerre1418.org/html/thematiques_prisonniers.html
--(Photos : collection in chez-alice.fr/listoco – museevirtuelmilitaire.centerblog.net – Les chemins de Mémoire n°187 Ministère de la Défense)—Bernadette Voisin-Escoffier Couradou de Vallabrix février 2015p 12 et suivantes site internet Vallabrix Fonds Historique-