mardi 4 novembre 2025

Notre four-vieil--de la Boule à la baguette

Notre Four-Viel—de la Boule à la Baguette

Le pain nous accompagne depuis la nuit des temps dès l’instant où nous avons découvert la cuisson des galettes de céréales sur des pierres chauffées. Le four à pain le plus ancien connu remonte à 5000 ans en Mésopotamie…Le pain symbole de survie, de communauté….et des liens très forts avec le pouvoir en place. Denrée de première nécessité, parfois l’unique aliment en période de disette, le pain a été taxé très tôt dans l’histoire de France. Au VIIe siècle, le roi Dagobert est la première autorité connue à faire usage de la taxation.  Le fameux Tour du Chat est obligatoire dans la construction des fours villageois au XIVème siècle sous le roi Charles VI : un espace plus ou moins grand est aménagé entre les murs du four et ceux des maisons alentours par crainte du feu. De même en1719 il est interdit de cuire son pain chez soi. La Révolution de 1793 s’empare du symbole avec le « Pain de l’Egalité ». Napoléon et bien d’autres Politiques vont s’y intéresser…Au XVIIIe siècle, le pain constitue 90 % de la nourriture française. On en consomme jusqu’à un kilo et demi par jour : le pain blanc, signe de pureté et d’élégance, pour les bourgeois et les aristocrates, et le.pain brun pour les autres, voire très noir pour les pauvres. ..

Les premiers fours étaient souvent creusés dans le sol ou construits en pierre, comme en témoignent les vestiges retrouvés dans les cités romaines. Ces installations étaient conçues pour conserver la chaleur et garantir une cuisson régulière. Au Moyen Âge, les fours communautaires se multiplièrent, devenant des lieux de rassemblement où les habitants apportaient leur pâte à cuire. Nécessité pratique mais aussi moment de partage, d’entraide : les familles se succédaient pour cuire leur pâte en respectant un tour de rôle, échangeaient des nouvelles. On cuisait pour la semaine, la quinzaine, parfois plus, des gros pains, miches ou boules, chargés de mie sous une grosse croûte afin d’assurer la plus longue conservation naturelle possible. Les villageois devaient marquer leur pain en indiquant le jour du dépôt. Le responsable du four, le fournier ou baliste, acceptait de faire cuire à la porte du four les tartes et les plats des clientes.. Le four était au cœur de la vie sociale.

Ce qui reste du "four vieil" de Vallabrix route de Masmolène.(propriété privée) .Au 16ème-17ème siècle il était au centre  du village avec la fontaine et le lavoir plus bas. Comme dans les autres villages, notre four a d'abord été un four seigneurial avec droits de banalité. Ces droits seront abandonnés rapidement à la Communauté. En effet dans des délibérations du 17ème siècle, les consuls nomment le tenancier du four et signent le bail. Appelé "four vieil" dans les textes, notre four avait un étage.  Les consuls de 1682 à 1783 s’y réunissaient, profitant de sa chaleur, mais aussi manifestant un certain cérémonial. Le symbole du pain était associé au symbole du pouvoir.


 
 
Thomas Platter nous raconte les pratiques de la fin du 16ème siècle : « ….c’est à la maison qu’on pétrit la pâte pour le pain ; on y met une marque et on l’apporte au boulanger ; on attend que soit achevée la cuisson, afin que ce personnage ne puisse rien garder pour soi de pâte ni de pain ; car la confiance mutuelle ne règne pas dans cette affaire » (p282). A cette époque les blés d’Uzès passaient pour être les meilleurs. (Emmanuel Le Roy Ladurie Le voyage de Thomas Platter II édit. Fayard)

Des travaux récents nous révèlent l’intérieur du four ou ce qui en reste. Chainage d’angle, traces d’une fenêtre à l’étage, belle voute (le four ?)…. De l’ouvrage soigné, un bâti fignolé, nos moellons à bâtir de notre carrière…des modifications probablement au 20ème siècle (escalier, encadrement en ciment …) .

Au 19ème siècle, dans les villages, la frontière entre boulangerie, entreprise privée, et le fermage du four communal devient floue. Déjà en 1830, chez nous, un four privé appartenant au sieur Guiraud enlève 1/3 du fournage du four communal ce qui occasionne une perte de revenus au baliste le sieur Aubert. La commune lui allouera une indemnité compensatoire. En 1835 c’est le sieur Aubert qui a un four privé, peut-être celui du Plan Du Four, construit contre le mur du fort ou en face, quant au lieu,  les archives et les mémoires sont défaillantes. Construit sur un terrain communal sans autorisation !! Mais à cette date nous avons encore un baliste le sieur Agniel et ses deux ouvriers donc nous avons un four communal, le  four-vieil ou un autre ?.Les élus municipaux se réunissent chez le maire en attendant la construction de notre première mairie, « la Maison Ronde ». Les élus vont refuser la démolition de ce four privé, démolition pourtant accordée par le préfet, et diminuent la redevance du baliste le sieur Agniel.

 

En 1772-1773, le fournier-baliste doit aussi contre salaire prendre en charge les cochons des villageois ou prendre un berger. Ces bêtes vagabondent et causent des dégradations dans les champs de blé et dans une pépinière de jeunes oliviers : les villageois donneront  2sols 6 deniers par cochon par mois, pendant 9 mois, 3 sols les 3 mois d’été, 5 sols par truie allaitante—pour les cochons à tuer, gratuit du 11 octobre au dernier  jour de carnaval et une amende de 5 sols pour les gens qui laissent vagabonder leurs bêtes… Les porcs vont ainsi nettoyer, désherber les chênaies. En 1789 le baliste est autorisé à prendre dans la garrigue du »bois broussailleux ».

En 1861 le four communal de Vallabrix est à reconstruire, presque hors d’usage : les travaux coûteront 2162frs. Le maçon  est de St Quentin, M Fillioux et l'architecte M Chabanon. Trois ans après la facture n’est pas réglée, il  manque 196 frs. Un architecte est nécessaire pour garantir la sécurité.

La cuisson du pain se fait par contrat d’affermage. Ce système va perdurer au moins jusqu’en 1924 chez nous. En 1866 on attribue la ferme du four communal à un adjudicataire (le fournier ou baliste) avec un contrat pour quatre ans, et non plus deux ans, paiement en deux fois à verser au receveur municipal de Vallabrix. L’adjudicataire est tenu de cuire deux jours par semaine, le jeudi et le vendredi après être allé chercher la pâte chez l’habitant. Il doit rapporter le pain cuit au domicile du client. Son tarif est indiqué : un pain pour lui contre 30 pains cuits ou 1kg contre 30 kg au choix des habitants. (En 1789 son tarif était différent : 8 gros pains contre 50, mais possibilité de faire des petits pains d’une livre : les gouts évoluent !!) Il peut vendre les pains qui lui restent aux personnes qui ne cultivent pas de blé ou qui préfèrent vendre leur récolte. Il doit fournir une caution et est responsable de tout dommage advenu aux fournées ou aux locaux. La commune lui fournit 3000 fagots de bois. Déjà il est possible de payer son pain en farine donc l’adjudicataire avait la possibilité de pétrir lui-même ou avec un commis.

En 1876, il est urgent de changer diverses clauses du cahier des charges : en particulier les habitants peuvent toujours payer en pain (1 contre 30 ou 1kg contre 30 kg) mais ils peuvent par voie d’abonnement de 3 ou 6 mois, payer en argent : 3 francs par tête pour les plus de 12 ans, 1,50 francs pour les 10-12 ans, gratuit en dessous. De l’argent à cette période rentre donc dans les foyers, artisans, ouvriers, les temps changent !!

Patrice François le 24 décembre 1876 remportera l’adjudication pour quatre ans et pour 310 frs l’an. Affiches « en lieu et époques voulus » ont prévenu de l’adjudication qui s’est faite au plus offrant avec une mise à prix à 250 frs. Donc plusieurs candidats se sont manifestés. 

En fait, le fermier du four communal des siècles précédents s’était transformé au fil du temps en boulanger.

Jusqu’en 1901 la commune fournit 3000 fagots par an pour le four. Puis de 1907 à 1911 on ne parle dans les PV municipaux que de 400 fagots pour les besoins de l’administration municipale (mairie, école).  Pendant la guerre de 1914 et jusqu’en 1924 le four reprendra du service (« avec conditions de ne pas mettre de substances dégageant de mauvaises odeurs »), mais chacun apportera son bois. En 1924 l’adjudication se fait à 40 frs pour un an….au lieu des 300 à400 frs un demi-siècle avant.

Des boulangeries se sont installées à Vallabrix et dans les environs livrant du pain, les routes étant plus praticables.  Marius Bouchet en 1901 était notre boulanger. Faustin Gouffet dans son ouvrage sur Vallabrix nous donne quelques noms de boulangers : Mrs Robert, Bouchet, Basile Pascal et Marius Pascal… Il est certain que des boulangeries existaient sur notre commune en 1883 à côté de l’activité du four communal comme le montre le résumé du conseil municipal qui suit.

« L'arrêté communal du 23 août 1883 interpelle nos boulangers et détaillants de pain. Des plaintes fondées démontrent que le prix de vente du pain est trop élevé. Ils sont mis en demeure de se conformer à la taxe officielle. Un bulletin de taxe est à récupérer à la mairie et doit être affiché dans leurs boutiques à un endroit le plus visible pour le client ». Le tampon officiel de la mairie indique encore le nom ancien de la commune : « Vallabris ».

Et la baguette détrônera la boule ou la miche. Quand ? Sous Napoléon III, sous la 3ème République ? Petit à petit…De façon plus certaine, on parle de  baguette en 1904 dans un manuel de boulangerie. D'une longueur de 80 cm et d'un poids de 250 g, cette baguette se diffuse dans toute la France entre les deux guerres mondiales, après le vote d'une loi interdisant aux boulangers de travailler avant 4 heures du matin, ce qui ne leur laisse plus le temps de façonner la boule traditionnelle….

« Les savoir-faire artisanaux et la culture de la baguette de pain » sont inscrits à l'inventaire du patrimoine culturel immatériel en France le 23 novembre 2018 et au patrimoine culturel immatériel l'UNESCO le 30 novembre 2022 »     ---Archives  municipales Vallabrix +archives Gard

 

 

 

vendredi 25 avril 2025

Quand les Canadiens voulaient être français

 


Montréal, en 1750, 13 ans avant le traité de Paris. Domaine public

Quand les Canadiens voulaient être français

Actuellement nous voyons des dirigeants politiques lorgner sur les terres de leurs voisins, sans vergogne, se justifiant par des mensonges qui se veulent historiques, sans s’occuper des habitants de ces territoires, de leurs envies, de leur culture…. Depuis la nuit des temps, resurgissent des prétentions territoriales, trop souvent dans des bains de sang. Nos très lointains ancêtres visaient les territoires de chasse et les femmes des tribus voisines. Evolution ??

Mais parfois des peuples appellent au secours contre l’envahisseur. Ce fut le cas des Canadiens contre les Anglais en 1805.

Depuis 1791 les Canadiens d’origine française vivent sous l’Acte Constitutionnel. Dans le bas-Canada ils sont fortement majoritaires. Mais la minorité britannique détient le pouvoir. Ce qui entraine rapidement des querelles entre cette minorité et les députés canadiens de l’Assemblée. Des querelles qui mèneront petit à petit à des soulèvements dont la rébellion des Patriotes de 1837 et les morts du village de Saint-Eustache…

1837 Habitants du Bas-Canada -domaine public

En septembre 1805, Jean-Baptiste Noreau, canadien de Saint Constant, débarque à Bordeaux. Il a traversé l’Atlantique à bord d’un navire américain en provenance de New-York. Il représente un groupe de onze Canadiens de la rive sud de Montréal. Il doit contacter l’empereur Napoléon ou du moins il est porteur d’une missive, lettre et pétition, pour le souverain.

Cela fait 42 ans que la Nouvelle-France a été cédée à l’Angleterre par le traité de Paris de 1763. En France, la Révolution de 1789 a transformé le pays pendant une dizaine d’années. L’Empire est instauré et Napoléon rêve de conquêtes en  l’Europe et d’implanter une dynastie familiale.

Dans cette lettre, conservée aux archives du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères de France, les signataires demandaient à l’empereur de reconquérir le Canada pour «  que les Canadiens puissent porter de nouveau le nom glorieux de Français ». Attachement, affection envers l’ancienne mère-patrie ? 

Les douze signataires s’engagent « à subvenir aux frais que cette entreprise exigera ». Ils « sont «prêts à tout entreprendre, à la première vue des Français que nous regardons toujours comme nos frères». « Un bon général français mettra les Anglais en échec et les boutera hors du Canada »..

Le découvreur de cette missive est le chercheur Sylvain Pagé.

L’Empereur, a-t-il lu cette lettre et cette pétition ? A peine descendu du bateau, Jean Baptiste Noreau fait un malaise et est hospitalisé dans un hospice d’où on perd sa trace. Quelle aurait pu être la réponse de l’Empereur ?

Durant le Consulat, des projets de reconstituer l’empire colonial français en Amérique du Nord avaient été échafaudés. Mais la situation est différente en 1805. Napoléon vient de vendre la Louisiane aux Etats-Unis. La bataille de Trafalgar en octobre voit la défaite de la flotte franco-espagnole et l’empereur va se concentrer sur le continent européen. Nous sommes à la veille de la victoire d’Austerlitz (en décembre) qui marque l’apogée du règne de l’Empereur.

Pourtant une lettre de Talleyrand ministre des Affaires Etrangères français, en 1802 adressée à l’ambassadeur de France à Londres, montre que nous nous tenons informés de la situation coloniale des Canadiens  et de leurs sentiments vis-à-vis de la France. Peut-être que la reconquête du Canada était envisagée mais la conjoncture géopolitique n’était pas favorable….

Sources et pour en savoir plus : Martin Lavallée octobre2023 www.journaldequebec.com/auteur/martin-lavallee---

 

jeudi 10 avril 2025

Uzès le Duc--en Algérie

 


 


UZES-LE-DUC  en Algérie


En 1894 en Algérie le village de Fortassa devient Uzès-le-Duc par décision du conseil municipal de la commune mixte de Cacherou. Il s’agissait d’honorer le jeune duc d’Uzès Jacques-Marie Géraud de Crussol (1868-1893) décédé au Congo à Cabinda. Il faisait partie d’une expédition coloniale et combattait contre les « Banda dans la vallée de Kotto dans l’actuelle République Centre-Africaine.

 

La région de Fortassa à l’époque romaine faisait partie de la Maurétanie Césarienne et le village s’appellera Frontensis jusqu’à l’époque ottomane et la colonisation française (1515-1830-1962). Puis ses habitants prononceront Fortassa, nom d’un bourg situé à quelques 50 km de Mascara. Après l’Indépendance en septembre 1965, ce bourg prenait l’appellation de Oued El Abtal, nom d’une bataille de 1804 gagnée par les combattants soufis contre les Ottomans.

Ce village à moins de 300 m d’altitude se situe dans l’ouest algérien.

La haute plaine de Mascara est colonisée plus tard que celle de Tlemcen (1842-1897) et plus tard que celle de Sidi Bel Abbas (1849-1875). Mais on peut penser que les environs de Mascara furent cultivés dès 1848. Cependant la véritable exploitation agricole de la région ne commencera qu’après 1870.

La ligne ferroviaire entre Perregaux, maintenant Mohammadia, et Saïda (120 km) va développer l’économie et augmenter sa population. En 1879 cette ligne est inaugurée, Mascara y est relié en 1886. Grâce au train, Uzès le Duc va devenir un centre commercial important avec en particulier son marché du lundi très fréquenté. La population peut y écouler ses productions maraichères et s’approvisionner. Les embauches pour les moissons ou les labours s’y faisaient aussi.

 (vers 1900) Gendarmerie et mairie Uzès le Duc

A l’origine, un peuplement assez faible, une trentaine d’immigrants et 70 Algériens. En 1886, deux ans après la création d’Uzès le Duc, on compte 142 habitants, et en 1901, 485 personnes dont 222 Français, 193 Algériens et 70 étrangers. De 1872 à 1902, on enregistre une petite centaine de naissances. La région va profiter de l’élan économique : la population de la tribu des Chellog passe en 1886 à 2739 âmes, en 1891 elle était de 3102, et en 1901 de 3752, soit une augmentation de 1013 unités en quinze années.

Les souvenirs de Monsieur Jules Alcaras: « Uzes le Duc était un petit village avec une démographie européenne très faible par contre entouré par un nombre très important de Douars dominés par des familles de fellahs. L'activité du secteur était orientée vers les céréales (européens) et l'élevage bovins et bovins pour la population Arabe. Les rendements étaient faibles. Les échanges économiques se faisaient soit vers Prevost Paradol soit vers Djilali Ben Amar. »  

 (Mairie)

Un bourg essentiellement agricole avec 4 000hectares de terres à  céréales, 50 de vignes, 30 de cultures maraichères, jardins, arbres fruitiers… Des animaux de ferme, quelques bœufs, des moutons, des chèvres en grand nombre, des chevaux, des mulets. Des constructions agricoles, un moulin à farine… Les Européens se spécialisent dans la culture des céréales, les Arabes pratiquent l’élevage. Un inventaire enregistre 350 charrues.

En 1892, deux jours de sirocco et les sauterelles et criquets anéantissent les récoltes. Les sols sont pauvres et dans nombre de concessions, 10 à 15 hectares seulement sur 30 à 35 pouvaient être cultivés avec de réels profits.

 Situé entre deux rivières, la Mina et l’Oued El Abo, le village sera dans ses débuts, très sensible aux fièvres paludéennes. Des travaux pour amener l’eau des sources du Mediaref ainsi qu’une politique de plantation vont améliorer la situation sanitaire.

La nouvelle gare vers 1930


4 juin 1949 création de l’équipe du Galia Club Uzesienne


 

Un auteur à lire, Djebbar Abid né le 1er octobre 1953 à Oued El Abtal (ex Uzès-le-Duc) en Algérie. Enseignant retraité, il est collaborateur au journal Le Quotidien d’Oran, le journal français de l’ouest algérien, et au journal La République, en arabe.
Il a édité un essai en français intitulé Tranche d’histoire de Fortassa aux Éditions Dar Gharb d’Oran en Algérie.


Monument à la gloire du jeune duc d’Uzès, tout en symbole de l’époque, drapeau, pose triomphante et rameurs africains courbés par l’effort

 

Sources et pour en savoir plus : /jeanyvesthorrignac.fr/wa_files/info_539_uzes_le_duc.pdf--- Brigitte Martinez Le Républicain d’Uzès et du Gard n)4007 11 juillet 2024-----bnafn.fr/Sites/SITE%20ALGERIE%20MA%20MEMOIRE----JY.Thorrignac/wa_files/info_539_uzes_le_duc.pdf--  www.vitaminedz.com/fr/Algerie/fortassa-uzes-le-duc-oued-el-7183767-Articles-0-0-1.html---

 

 

samedi 22 mars 2025

L'Invention du rail

 

l’arrivée du train dans l’univers de nos ancêtres.


Maintenant le train nous parait naturellement indispensable. Il correspond à trois nécessités, durée des déplacements, le volume ou poids des biens transportés, les distances. Et maintenant en plus le souci de l’énergie dépensée.

Le 18ème siècle dans notre pays, avait vu l’essor du réseau routier mais la population avait fortement augmenté et donc les besoins en transport des marchandises et des personnes avaient explosé. Nos ancêtres vivaient encore enracinés dans leur village. Mais l’extension du réseau routier avait ouvert leur horizon jusqu’au canton, bien malgré eux et grâce aux corvées royales. En 1780 la diligence permet de se rendre de Paris à Angers en trois jours à la vitesse de 10 à 11 km/heure. Le monopole d’état organisé par Turgot en 1775 structure le transport des voyageurs dans de meilleures conditions standardisées avec l’apparition des diligences « turgotines », plus légères et plus rapides. On réglemente aussi le transport de nuit avec deux cavaliers de la maréchaussée escortant les voyageurs.

Mais les chevaux qui trainaient les diligences avaient des limites quant au poids maximum qu’ils pouvaient transporter. Des charges plus lourdes demandaient de renforcer les véhicules donc de les alourdir. Les routes devaient supporter plus de déformations, de dégradations du fait des véhicules …. Donc moins roulantes… Comment répondre à ces besoins de transport ?

Le 19ème siècle est celui de la révolution industrielle donc nécessité du déplacement de la main d’œuvre dans un lieu particulier, besoin de transporter des matières premières et ou des produits finis ou transformés. Nos arbres généalogiques nous montrent des déplacements de populations pour installer les chemins de fer, puis pour trouver du travail ailleurs. Les mines embauchent les hommes, les familles bourgeoises en ville ont besoin de domestiques, les jeunes filles des campagnes feront l’affaire…

La solution, nous allons la trouver au fond des mines. En France, en Allemagne, en Angleterre pour transporter les minerais extraits on utilisait le rail ! (étymologie du mot rail : il est issu de l’ancien français reille = barre, lui-même tiré du latin regula (= règle, barre).

Pourquoi chez nous une certaine frilosité devant ce système ? En Angleterre dès les années 1700, des wagons avec roues en bois renforcées étaient utilisés dans les mines et dès le milieu du 18ème siècle les premiers rails métalliques étaient posés dans ce pays. Le train va permettre un gain de temps considérable. L’arrivée en France du rail est timide. Les guerres napoléoniennes ralentissent le développement du chemin de fer. Les investissements sont lents à s’orienter vers ces innovations. Nous avons un important réseau de canaux qui permet en haut lieu d’attendre et voir venir.

Et comment le rail est-il arrivé dans les galeries des mines ?


Au départ, le transport du minerai dans les galeries se faisait par simple portage de sacs : on faisait appel à une main d’œuvre la moins qualifiée, les femmes avec des sacs jusqu’à 30 kg et les enfants avec des sacs jusqu’à 20 kg. Une technique aussi vieille que l’extraction des minerais. Nos lointains ancêtres utilisaient les esclaves, les prisonniers …. Puis devant l’augmentation des quantités de minerais extraites, le wagonnet sur roues en bois s’imposera, tiré à la bricole par des femmes et poussé par des enfants.

Mais des ornières apparaissent avec les passages répétés des roues au même endroit et le chemin devint vite impraticable. Alors on installe des planches de bois sous les roues des wagonnets. Un chemin de halage est aménagé pour assurer la stabilité du wagonnet et le parallélisme des planches est assuré par des traverses immobilisant les planches. Mais il fallut devant la flexibilité des planches rigidifier celles-ci en les remplaçant par des barres en bois, servant à la fois de support et de guide pour les roues des bennes : le rail était né !!


Les roues en bois sont ensuite cerclées de fer pour les renforcer et limiter l’usure. Le poids chargé des wagonnets ira jusqu’à 450kg de minerai avec un seul homme pour pousser (le rouleur).

A partir de 1820 en France, le rail en bois est remplacé par le rail en fer, amenant une diminution substantielle des frottements et permettant une économie d’énergie importante, énergie encore humaine.

L’agrandissement des galeries des mines permettra la traction par des chevaux et des trains de douze wagonnets.


Les rails sortent alors des mines pour rejoindre le carreau de l’exploitation, les gares, les ports fluviaux où des péniches assurent le transport des minerais et du charbon.

Ces rails étaient exposés aux intempéries et pour drainer et stabiliser l’ensemble, les traverses seront mntées sur un ballast. 



Le rail était prêt pour rencontrer sa locomotive, de la grande famille des machines à vapeur, autre innovation qui va bouleverser la société. Le fardier de Cugnot date de 1770, le premier brevet de locomotive à vapeur de James Watt de 1784.

1827 : ouverture de la première ligne de chemin de fer française, longue de 23 km. Elle transporte le charbon des mines de Saint-Etienne à la Loire avec 3 wagonnets. Le train descendait par gravité et remontait tiré par des chevaux.

1829 : première locomotive française – ligne Saint-Etienne-Lyon, 58km avec une locomotive à chaudière à tubulaire du français Marc Seguin –

1830 : premier transport de passagers – sur la ligne Saint-Etienne-Lyon, les voyageurs installés dans les wagons servant au transport du charbon, tirés par des chevaux

1834 : ligne Roanne-Saint-Etienne-Lyon 140 km – on remarquera que tout ou presque a démarré avec la mine du bassin stéphanois.

1837 : première ligne parisienne de voyageurs  - 19 km Paris-Saint Germain en Laye en 25 minutes (15 à l’aller et 10 au retour) soit 80km/h –

1842 : à partir de Paris, projet d’un tracé du réseau en étoile à 7 branches – il a fallu une loi pour valider ce projet

Malgré peurs et réticences des uns et des autres, tout va aller très vite. De 1852 à 1870 on passe de 59 km à 20 000 km de voies ferrées.

1850                                                   1860                                              1911

Implantation des réseaux ferroviaires en 60 ans.

 

La progression du nombre de lignes montre à quel point le transport marchandises-voyageurs est vite devenu essentiel. C’était avant l’invention de l’automobile et de l’avion. Mais on doit noter aussi en parallèle au train, l’évolution des liaisons entre village par car, bus, tramway dans quelques grandes villes.

Le nombre de cheminots va passer de 45 000 en 1855 à 237 000 en 1882 environ pour l’ensemble des compagnies ferroviaires.

Le rail et son réseau ferroviaire seront un support essentiel de la révolution industrielle du 19ème – début 20ème siècle et contribueront à l’exode rural. Les mines qui ont besoin d’extraire de plus en plus de charbon pour les machines à vapeur, vont embaucher, exploiter des terres agricoles, exproprier. Pour échapper à la misère et rêver à une autre vie, on quitte son village. Tout au long du tracé des voies, on construit des gares, des bâtiments annexes, des entrepôts, des logements. Des métiers non-agricoles fleurissent le long des trajets, mais très vite les produits qu’ils fabriquent sont apportés par les manufactures à moindre cout par le train.

L’exilé servira d’exemple, de refuge pour accueillir des membres de sa famille, de son village d’origine. Mais et c’est la moindre des choses, le train permettra de maintenir un lien social entre les exilés et leur famille restée au pays. Le courrier postal devient un service postal ferroviaire en 1845, le timbre-poste date de 1849, le facteur distribue le courrier dans un peu près tous les villages. On s’organise, il y avait toujours une personne qui pouvait lire et écrire une lettre. (dans son village mon grand-père, son père avant lui appelés « le ministre », un locataire de ma maison appelé « l’évêque »..).

Mais le train servira aussi dans les conflits armés pour le déplacement des troupes, des armes, du matériel. La guerre de sécession américaine (1861-1864) inaugura l’usage du train, sans réelle influence sur l’issue du conflit : les deux adversaires l’utilisèrent et cet usage concomitant n’accorda que peu d’avantages à l’un au détriment de l’autre.

Il n’en est pas de même lors de la guerre de 1870 entre la France et la Prusse. En seulement douze jours, la Prusse mobilisa sur la petite centaine de kilomètres de la frontière 450 000 soldats opérationnels plus 80 000 des armées de la Bavière, du duché de Bade et du Wurtenberg, avec matériels, intendance etc. Ce fut possible grâce à l’utilisation rationnelle et systématisée du réseau ferroviaire prussien.

Chez nous 240 000 soldats dans ce même délai alors que c’était nous qui avions déclaré la guerre !!

Le train pour le meilleur et pour le pire !!


Illustration du chemin de fer en France – Auteur inconnu | Domaine public

Sources : Thierry Sabot gazette@histoire-genealogie.com--  Michel Baumgarth—wikipedia.org--- revue-histoire.fr/actualite-histoire/le-rail-francais-une-histoire-de-coeur-mais-surtout-de-passionnes/----

 

 

 

 

lundi 10 mars 2025

La Saga de Castors

 

 

Une famille devant une maison construite par les Castors mutualistes dans le quartier Beausoleil

Archive Comité de quartier de Beausoleil

 

Beausoleil—La Saga des Castors de Nîmes

 

A la sortie de la guerre de 1939-40 dans les années 50, la France est en ruine. La guerre a fait table rase de certains quartiers, dans les villes ou villages. Le manque de ressources, les urgences sanitaires n’aident pas à penser reconstruction. Plus de 700 000familles sont impactées par le manque de logements. On loge où l’on peut, dans des caves, dans des abris de fortune, dans des logements vétustes. A Courbessac par exemple des wagons servaient de logement sans eau ni électricité. A Lyon, dans le quartier des Brotteaux, les caves de certains immeubles étaient squattés, bien qu’elles soient inondables. Des abris des jardins ouvriers se transformaient en habitations. Les villes surtout sont touchées par les difficultés de se loger. Dans les campagnes la solidarité familiale joue son rôle, mais dans quelles conditions !! Le travail qui doit nourrir les familles se trouve essentiellement dans les agglomérations où l’on a du mal à se loger….

 

Un mouvement de solidarité va prendre vie un peu partout en France comme Les Castors mutualistes cheminots à Nîmes. Les familles vont-elles-même construire leur logement. Au niveau national, toutes les fonctions étaient représentées, fonctionnaires, postiers, instituteurs, ouvriers. A Nîmes le mouvement sera essentiellement initié par des cheminots.


Au départ, pour le premier lotissement, 54 familles, guidées par un esprit mutualiste, une volonté, une grande solidarité, une persévérance, une foi en l’avenir et en l’être humain !! Fin des années 50, quatre lotissements sortiront de terre avec environ 300 maisons. Mais c’est le premier lotissement qui marque les esprits et l’Histoire. .. construit entre la rue de Barcelone et la place de a Mutualité. (deuxième lotissement le long des rues d’Alger et Ernest Bruxelles, le troisième au-delà de la rue Salomon Reinach)

 A l’origine de cette idée un peu folle, deux cheminots « mutualistes » Emile Michel et Aimé Longuet. Un terrain de 17 000 m2, soit 1,7 hectare, situé derrière la gare de Nîmes, leur plait bien, un lopin de terre pour construire leur foyer de l’autre côté de ponts de la voie de chemin de fer.



Il appartient à la famille Dhombes, mais trop grand pour la bourse de nos cheminots. Alors avec quelques copains, ils ont l’idée d’acheter ce terrain et le diviser ensuite. Aimé Longuet est secrétaire de l’Union Mutualiste des cheminots, les gens lui font confiance. Très simplement une feuille de papier circule et ceux qui voulaient s’inscrire écrivaient leur nom. Malgré les crédits qu’il fallait prendre, le succès sera au rendez-vous.

Le terrain est divisé en 54 lots, les permis de construire sont délivrés en juin 1952. Un syndicat est créé, son nom  « bèu Soulièu », Beausoleil…

Mais tout est à construire. Le terrain est planté de vignes rachitiques, de quelques épis de blé…Les cheminots font venir du matériel de Marseille. Les officiels de l’époque ne croient pas au projet, la SNCF leur fait même payer une partie du trajet Marseille-Nîmes. La ville n’aide pas plus. « On a tout fait à la force des bras » raconte Emile Michel.

 

Construction des maisons mais aussi : l’ouverture des rues, la création de réseaux d’eau et d’électricité. Le gros œuvre étaient réalisé par des entreprises extérieures, la plomberie, l’installation électrique par des cheminots qualifiés. Les achats groupés revenaient moins chers, le centre mutuel d’achat permettait des ristournes importantes. Pas d’architecte car Emile Michel était dessinateur industriel. C’est lui qui s’occupait des côtés pratiques. Aimé Longuet s’occupait plutôt de la paperasse, des achats.


Des maisons mitoyennes pour économiser un mur… Par contre tous ont voulu un garage. Mais les familles n’avaient pas de voitures, Alors, les garages ont servi à autre chose, un lieu pour bricoler… Les jours fériés, les fins de semaines, après le travail, les hommes sont sur les chantiers communautaires, chacun apporte son savoir-faire. A cette époque la plupart de métiers manuels sont représentés dans l’entreprise des Chemins de fer. A chaque toit posé sur une maison en construction, c’est l’occasion d’une petite fête. Carnaval, Fête de la Saint Jean, bal concours de chant, course en sac…. On s’amuse aussi.

Les premières familles s’installent dès 1953, dans des maisons de près de 100m2, tout équipées, eau courante, gaz. Un luxe : des salles de bains ! Des maisons à deux niveaux, qui se ressemblent, un quartier qui s’organise avec une épicerie La Cigale au rez de chaussée de la maison de l’ancienne propriétaire du terrain. Des enfants qui jouent dans la rue ou sur la place, les portes ouvertes.. A l’époque, seules quelques femmes travaillent, les autres s’occupent de leur maison et des enfants. Elles se connaissaient toutes. Les jardins sont reliés entre eux, pas de clôture extérieure, des poulaillers…Une semi-autarcie s’installe.

 

C’était avant la création des ZUP, avant l’invasion de la télévision dans les foyers….

 


Aux côtés d’Aimé Longuet et d’Emile Michel, d’autres personnalités vont marquer le mouvement comme Franc Pic, Raymond Dizier….Le 5 octobre 2024, la ville de Nîmes inaugure le Jardin des Castors cheminots nîmois avec plaque commémorative au square de la rue Ernest Bruxelles.

 


Sources et pour en savoir plus : exposition « Il y a 70 ans les Castors cheminots pour barrer la route à l’oubli » 5crue Guybemer salle Emile-Gauzy--photos Anthony Maurin—Midi Libre /www.midilibre.fr/2024/10/05/il-y-a-70-ans-le-quartier-beausoleil-sortait-de-terre-village-cheminot-dans-la-cite-12242032.php- Publié le 01 novembre 2024  Article Publié le 01 novembre 2024ArticlePar Julien Ségura---Gazette de Nîmes n)1322 3/9octobre 2024 et n)470 5 juin 2008 Alexandre Stobinky--- www.objectifgard.com/gard/nimes/nimes-les-castors-creent-leur-environnement-135751.php--- www.vivrenimes.fr/formats/articles/qui-etaient-les-castors-batisseurs-du-quartier-beausoleil-a-nimes