Le Salaire de la Peur tournage dans le Gard:
Un tournage au bout de l’enfer
Le 15 avril 1953 le film d’Henri-Georges Clouzot
« Le Salaire de la Peur » est projeté au 6ème festival de
Cannes. L’un des juges le comédien Edward Robinson à la sortie de la projection
s’exclame : »Je viens de recevoir un génial coup de pied au
bas-ventre ». Le Grand Prix, l’équivalent aujourd’hui de la Palme d’Or est
attribué au film. Fait exceptionnel il reçoit aussi l’Ours d’Or de Berlin. Les
récompenses vont se succéder : le Prix Méliès en 1953, le British Academy
Film Award du meilleur film en 1955… Un succès immense avec plus de sept
millions de spectateurs.
Clouzot en visite au Brésil constate que
les grands groupes pétroliers volaient allégrement les ressources naturelles
d’Amérique du Sud. Cela lui donne l’idée d’adapter au cinéma le livre de
Georges Arnaud « Le Salaire de la Peur ».
L’histoire est celle d’un
groupe d’exilés en Amérique Centrale qui tentent de s’échapper de l’enfer du
lieu en transportant de la nitroglycérine sur des routes à peine praticables. 500
km dans deux camions, pour éteindre un incendie dans un puits de pétrole. Une
compétition mortelle, surhumaine.. Un sinistre jeu de « quitte ou
double » périlleux avec une énorme prime, seul moyen de quitter ce village
de Las Piedras (Les Pierres en français, ce qui en dit long sur cet
environnement).
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Georges Arnaud |
(Georges Arnaud Libération.fr 1986- Photo
Louis Monier. Rue des archives)
En 1951, la Production
cherche des lieux pour tourner l’adaptation du roman de Georges Arnaud, ou
Henri Girard. L’auteur du livre, est né à Montpellier en 1917. Il décède en
1987à Barcelone. A l’âge de 24 ans il est accusé puis acquitté du meurtre de
son père, de sa tante et d’un domestique. Après avoir dilapidé son héritage il
part pour le Venezuela où il exerce tous les métiers, chercheur d’or, barman, contrebandier,
chauffeur de camion. Il rentre en France en 1949. Son livre est vendu à plus de
deux millions d’exemplaires. C’est son premier roman. Plus tard il se lance
dans le journalisme d’investigation et prendra parti pour le FLN lors de la
Guerre d’Algérie. Son activiste politique lui vaudra un autre emprisonnement
pour avoir entre autre écrit un livre en 1957 avec Jacques Vergès sur Djamila
Bouhired militante FLN qui risquait la peine de mort. En 1960 il est incarcéré
pour ne pas avoir dénoncé des indépendantistes algériens ; il reçoit le
soutien de personnalité telles que Joseph
Kessel, Jean-Paul Sartre, Jacques Prévert, François Maspero, André Frossard..
Théoriquement
l’action se passe au Guatemala. Clouzot veut tourner en décors naturels. Clouzot
dira cette phrase qui résume bien son état d’esprit : "Je ne peux pas supporter qu'on fabrique.
Peu importe si la colère que je réclame a d'autres motivations que celle du
rôle, il suffit qu'elle soit vraie."
L’Amérique Centrale est
trop loin et trop cher. Yves Montand et Simone Signoret après un voyage à Rio
devant tant de misère en Amérique Latine avaient jugé indécent de tourner dans
ces pays. On évite l’Espagne, Yves Montand l’acteur principal ayant
déclaré : « Franco vivant, je ne franchirai pas les
Pyrénéens » !!
Clouzot et son frère
Jean, devenu Jérôme Geronimi planchent dix mois pour mettre au point le projet.
Le budget initial se monte à 102 millions de francs, reparti en trois, le
distributeur Cinédis, le Crédit National, et les deux coproducteurs (CICC et
Vera Film). Yves Montand se fait un peu tirer l’oreille pour accepter le rôle
de Mario. Jean Gabin refuse le rôle de Jo le faux-dur : ce sera Charles
Vanel qui y gagnera le prix de la meilleure interprétation masculine. Vanel
sera doublé pour les scènes violentes par un boxeur nîmois Capdeville. La femme
de Clouzot, Vera jouera le seul rôle féminin du film. Un Hollandais Peter Van
Eyck tout en muscles, et l’Italien Folco Lulli tout en rondeurs parachèvent
l’équipe de camionneurs kamikazes.
Midi
libre 28/8/2017 : Peter Von Eyck, Clouzot, Folco Lullli, Montand. »
Clouzot a voulu
faire de coin de terre gardoise l’un des vestibules de l’enfer où le travail
des hommes est comme le tribut d’une damnation, Des sites inhumains, des
camions qui ahanent au long de rampes impossibles, des belvédères escarpés où
des titans torses nus s’agrippent aux rochers » Pierre Jaoul.
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Peter et Dario Moreno |

(Gorges
du Gardon-)
Le film sera tourné en deux temps, de juillet 1951 à
novembre 1951, puis après des pluies cévenoles, reprendra l’année suivante en
juin 1952.
(le café de Las
Piedras- Jeronimo Mitchel (Dick), Folco Lulli (Luigi), Vera Clouzot (Linda),
Yves Montand (Mario), Peter Van Eyck (Bimba), Dario Moreno (Hernandez le
cafetier), Jo Dest (Smerloff))
(Clouzot accroupi,
Simone Signoret en spectatrice)
Le 21 juillet 1951
l’équipe s’installe au Grand Hôtel du Midi square de la Couronne à Nîmes qui
devient le QG de la production. René M. jeune garçon de café de l’établissement se souvient d’un Charles
Vanel, froid, passant son temps à jouer aux dames avec Clouzot, d’un Folco
Lulli sympathique et d’un Yves Montand, toujours vêtu d’un maillot de corps
comme dans le film. Simone Signoret très jolie femme qui buvait du whisky
Johnny Walker à étiquette rouge, une femme très polie, très humaine, à l’écoute
des autres…. Le propriétaire de l’hôtel était M Roux surnommé Toto, dont le
père Paul avait été propriétaire de la Colombe d’Or à St Paul de Vence où
Montand et Simone s’étaient rencontrés ; ils se marieront en décembre
1951. Un petit rôle sera attribué à Toto Roux : celui de l’indigène qui
ramasse le mouchoir sur la route qui devait prévenir le camion suivant du
danger.
Le
village de Saliers sur la commune d’Arles est aménagé pour devenir le décor du
village principal du film Las Piedras. Saliers avait servi pendant la Seconde
Guerre mondiale de camp d’internement pour les Roms. Au moins 700 d’entre eux y
moururent de faim, de maladies, de froid.
Camp
de Saliers
René
Renoux le décorateur s’active pour transformer les lieux : une église, une
usine, un café sont rapidement construits en béton chaulé. L’eau des marais est
amenée pour donner l’impression d’humidité, de flaques d’eau…On ajoute des
palmiers en métal et des cactus en plâtre qui vont se promener pour les besoins
de l’action. Les explosifs utilisés seront fournis par un fabriquant nîmois les
Etablissements Rey Frères rue de Serbie.
Le 7ème
Régiment du Génie d’Avignon sera mis à contribution : il construit un
ponton en bois au-dessus du ravin et un câble entre les deux rives pour
transporter le matériel sur la rive gauche du Gard. Deux soldats vont se noyer
accidentellement et ce sera une des raisons d’arrêter et de repousser le
tournage.
Mais les orages
s’invitent et c’est la catastrophe : les décors déteignent, s’écroulent, les
véhicules s’embourbent, les comédiens s’ennuient et mettent de l’ambiance au
Grand Hôtel et dans la ville : disputes pour rire, assiettes cassées…. Le
journaliste Jean Charles Lheureux raconte que les rumeurs les plus folles couraient
sur les comédiens, nombreuses minettes pour Montand, opium pour Vanel. Simone
Signoret et Vera Clouzot faisaient les boutiques. Quarante jours de pluie !!
Le moral est en berne. La poisse s’installe : Vera tombe malade, le
réalisateur se casser la cheville, les figurants gitans s’estiment mal payés et
se mettent en grève… En novembre 1951 tout le monde rentre à Paris, la
production jette l’éponge. Le budget prévu est largement dépassé. Deux nouveaux
financeurs sont contactés.
Le tournage redémarre en juin 1952. L’été est caniculaire
et le travail difficile. C’est à ce moment-là que se joue la dernière scène
du film quand le héros perd la vie dans les gorges du Gardon entre Poulx et
Pont Saint Nicolas. Léonce Larnac en 1904 décrit ces gorges de Poulx dans
La Bambouseraie de
Prafrance à Anduze sert de décor à la scène où Vanel et Montand sont plongés
dans une mare de pétrole. Ce n’était pas une eau teintée, mais une vraie mare
d’eau avec une épaisse couche de mazout. Avec Clouzot il fallait toujours faire
vrai. Cette scène dura des jours et les comédiens malgré une douche en plein
air, restèrent de longs moments dans le pétrole et dans son odeur.
Le tournage prend fin le
3 novembre 1952, avec un budget doublé et un dépassement du temps prévu.
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Montand et Vanel |
Ce tournage est resté
dans les mémoires des Languedociens, fiers d’attirer des vedettes, et d’avoir
des paysages si cinématographiques. Et puis cela mettait du remue-ménage dans
le quotidien.
Lors de sa diffusion aux
Etats-Unis, le film sera amputé de ses trois premiers quarts d’heure. Il
apparut comme un violent pamphlet contre la dictature capitaliste des
Etats-Unis envers les pays d’Amérique Centrale.
Sources :
Georges Arnaud Le Salaire de la Peur 1950 édit Julliard –allocine.fr/film
– film.blog.lemonde 21/2/2015 – wikimédia Georges Arnaud édit Finitude –Gazette
de Nîmes n° 951 24 août 2017 Bernard Bastide—José-Luis Bocquet Marc Godin
Clouzot Cinéaste édit de la Table Ronde Paris 2012 –Simone Signoret La
Nostalgie n’est plus ce qu’elle était
édit du Seuil Paris 1975 ISBN
2-02004-520-6 – photos pinterest.fr/pin – photos H Collignon --pokerlille.com/phpBB3-disjecta membra
canalblog—DR --Le Salaire de la Peur collector DVD Blu-Ray TF1Vidéo—Georges
Mathon nemausensis/midi libre 16/11/2008 – midi libre 29/8/2017 22/6/2017
30//7/2017 –wikipedia.org/wiki –Le salaire de la Peur + Clouzot -
![]() |
Charles Vanel --Pinterest.fr/pin –DR (Charles Vanel) |
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