vendredi 24 juillet 2020

Le docteur Abel Brunyer


Abel Brunyer médecin des enfants royaux

Au cours des siècles, Uzès a vu naitre un grand nombre de médecins, qui souvent avaient fait leurs études à la faculté de Montpellier. Abel Brunyer est de ceux-là. Uzès a une rue, une impasse à son nom, mais qui sait encore qui il était ?
(Abel Brunier par Pierre Landry 1661)
Abel Brunyer est né le 22 décembre 1572 (1573 ?) à Uzès. Il est le fils de Claude Brunyer, protestant d’Avignon. Nous sommes en pleine guerre de religion. Claude abjure en 1572. La mère d’Abel est Eve de Trouillet. Un grand-père Jacque Brunyer né à Uzès et décédé à Avignon en 1448, noble gentilhomme du Gévaudan.
La conversion au catholicisme de Claude est fragile puisque leur premier fils prend un prénom protestant : Abel.
Vers 1588 orphelin Abel part à Montpellier, il a quinze ans. Bachelier,  il entreprend ses études de médecine à Montpellier puis poursuit sa formation à Cordoue et Salamanque en Espagne et en Italie à Pavie. Il rentre en France vers 1598 et se fixe à Paris. Il meurt le 14 juillet 1665 après une vie bien remplie. Il ne sera pas seulement médecin, mais diplomate, botaniste….
Médecin à Paris et réputé à la Cour, il est le docteur des filles du roi Henri IV en 1602. Gaston de France, second fils de Henri IV, bénéficiera ensuite de ses soins dès 1608 comme médecin ordinaire. La mort de Henri IV ne change pas grand-chose à sa position ; il a une riche clientèle et continue à donner ses soins aux membres de la famille royale. Louis XIII le récompensera et Richelieu, qui souhaite que Gaston de France (d’Orléans) se calme, attache Abel le pondéré au frère du roi.
Il se marie en 1618 à Paris à 45 ans avec Elisabeth Deschamps, fille d’un secrétaire à la Chambre du roi et receveur des tailles, cousine d’un secrétaire d’Etat. Les témoins du mariage sont des gens de qualité, le comte de Moret (fils naturel d’Henri IV), le duc d'Uzès et trois maréchaux de France, Cadenet (frère du connétable de Luynes), Bassompierre et d'Ornano. Abel bénéficiera toute sa vie de la protection des « Grands » du royaume, ce qui le sauvera malgré sa religion.  Dans le contrat de mariage du 12 septembre 1618 Abel est qualifié de « noble homme maistre conseiler et médecin ordinaire du Roy et Monsieur frère unicque de sa Majesté ».
Abel de par sa position va se frotter à la politique. En 1620 Richelieu l’envoie négocier avec les protestants de Montpellier. Les archives indiquent des Brunyer dans le département de l’Hérault, le Gard, comme ce Pierre chirurgien en 1577 à St Hippolyte du Fort. Cette famille a donné plusieurs pasteurs animés d’un grand zèle.
Cette mission lui apportera une pension du roi de 3000 livres sur les fonds des églises. L’année suivante il accompagne l’armée royale au siège de Montauban.
Mais la politique n’est pas chose facile surtout pour un protestant en ces temps troublés. On a du mal dans les Hautes Sphères à oublier sa famille, son passé d’huguenot !! En 1622 il tombe en relative disgrâce sans perdre ses emplois à la Cour, mais en 1631 Abel est proscrit par Louis XIII pour avoir accompagné Gaston d’Orléans dans sa fuite en Lorraine, puis à Bruxelles. On l’accuse de crime de lèse-majesté. Depuis 1624 la plupart des serviteurs, des amis de Gaston sont jetés en prison. Abel  ne se mêle pas aux intrigues du frère du roi. Il a une réputation d’honnête homme, inoffensif ce qui lui sauve certainement la mise. Il devient Premier Médecin du duc d’Orléans jusqu’à la mort de ce dernier en 1660. Il succède à Rodolphe Le Maistre, nommé par brevet daté de Nancy.  Il s’occupe aussi de la santé de l’épouse du duc, Marguerite de Lorraine. Brunyer rentra en France en 1635, compris dans le traité d’amnistie du traité d’Ecouen.
(Morison)
En 1635-36, Louis XIII et son frère font la paix et Abel Brunyer devient directeur du jardin botanique du château de Blois, propriété du duc d’Orléans. Au jardin de Blois il est secondé par Jean Langier et Nicolas Marchant apothicaire du duc.
Son fils ainé Abel II licencié et docteur à Montpellier est attaché à la Maison du Duc le 16 mai 1640 ; il est chargé de la garde des miniatures (des velins) et des médailles. « la garde et la conduite de tous les beaux ouvrages … » Il s’agissait de magnifiques peintures sur velin de toute sorte d’oiseaux. Abel II a beaucoup voyagé, Italie, Allemagne, Hollande. Il a une excellente éducation. Il aurait été exclu en 1637 de la faculté de médecine de Montpellier pour cause de religion ( ?)
.En mars 1645 Abel-père devient garde et jardinier des Jardins Hauts de « notre chasteau de Blois ». En 1650 le médecin Robert Morison, écossais le rejoint à la direction des jardins.
Entre temps, Abel passe les examens de licence de médecine en 1640, reçu à l’unanimité et autorisé à porter le titre du Doctorat. (Est-ce que les chroniqueurs n’ont pas confondu le père et le fils en ce qui concerne les examens de médecine?)
Abel-père va écrire un catalogue de fruits et fleurs des jardins le « Hortus regius Blesensis », publié en 1653 et réédité en 1669 par Robert Morison. 2232 plantes recensées plus 500 dans la nouvelle édition. L’ouvrage est connu dans toute l’Europe. Un recueil d’observations botaniques, un essai de classification assez rationnel, un style simple, rendant la lecture agréable et instructive. « La science nous dit M de Pétigny, n’avait pas encore recueilli assez d’observations pour qu’on pût songer à classer les plantes par familles, Brunyer les réunit au moins par genres d’après les analogies tirées de l’examen de toutes les parties de la plante… ». On le considère comme l’un des créateurs de la botanique moderne.

Il devient conseiller d’Etat en 1639 puis docteur honoris causa de l’université de Montpellier. Il est anobli en 1663 à l’âge de 90 ans par lettres patentes de Louis XIV « pour la très haute estime à la cour et dans Paris pour sa profession que pour sa façon de vivre »…. Son fils Abel II est associé à l’anoblissement. Le roi mentionne : « Nous avons également pris en considération les services rendus par son fils aîné (Abel II)pendant vingt années auprès de nostre oncle le Duc d'Orléans en la conduite et la garde de tous les beaux ouvrages de miniatures et autres pièces rares et curieuses de son cabinet, desquelles nostre dit Oncle nous a fait présent et qui sont présentement dans le nostre au chasteau du Louvre". Mais il l’écarte de la gestion des collections car huguenot. Abel II reste concierge un temps des jardins de Blois jusqu’en 1678, trop parpaillot au gout de Colbert et de celui du roi.
(Abel I Brunyer) –Abel-père resta attaché à la maison d’Orléans après la mort de Gaston. En 1661, lors de son portrait par Pierre Landry son domicile est encore au Palais du Luxembourg chez les d’Orléans où il va décéder en 1665. Il fut enterré au cimetière protestant du faubourg St Germain, « inviolablement attaché à la foi protestante ». » Il avait su rester tolérant au milieu des fureurs de la Ligue, indépendant sous le despotisme de Richelieu, sage dans les extravagances de la Fronde.. » (Eloge de M de Pétigny). Sa devise : « Que celui qui est debout prenne garde de tomber », une vie de prudence…
Le jardin, son jardin, est détruit à la mort de Gaston d’Orléans. Louis XIV fit apporter les plantes les plus rares à Paris. Il oublia totalement les deux huguenots qui les avaient rassemblées, soignées… Les collections de miniatures sont aussi transportées à Paris laissant Abel-filsII sans emploi. Il meurt en 1685 en janvier, quelques mois avant la Révocation de l’Edit de Nantes. Sur ses cinq fils, trois sortirent de France pour rejoindre Guillaume d’Orange en Hollande et en Angleterre et y faire souche. Son aîné Abel III essaie de rester en France.
Abel III se marie avec la fille de Jean Langier au temple de Blois en 1685. Nouveau converti peu crédible il doit s’enfuir en 1699 avec sa fille aînée de 14 ans, dénoncé par l’évêque de Blois Bertier ; Hollande, Angleterre oû il se fait naturaliser. Il décède en 1715 au Royaume-Uni à 58 ans. Son épouse restée en France meurt dans la misère en 1700. Ses autres enfants sont envoyés dans un couvent mais n’y resteront pas. Son fils ainé Abel IV (1695-1767) obtient la restitution de ses biens et fait souche dans le Vendômois. Il est seigneur de Chicheray, domaine acquis en 1728.
Jules de Pétigny est un de ses petits-gendres qui s’est penché sur la généalogie de cette famille dans sa « Notice historique , biographique et généalogique de la famille de Brunier », Rouen 1869 . Le petit-fils d’Abel IV Jacques-Philippe Abel Brunyer (1761-1828) sera témoin au mariage d’un autre Brunyer célèbre, Pierre-Edouard médecin des enfants de Louis XVI. Nous allons en parler.

Chanson de Scarron (Légendes des Bourbons)
Son Altesse peu de temps but,
Car dessus ses jambes il chut
Une très douloureuse goutte,
Mais où nul vivant ne vit goutte,
Fût-ce Brunier, son médecin,
N'en déplaise à Jean Calvin.
C'est grand dommage que cet homme
Ne croie pas au pape de Rome,
Car à tout le monde il est cher,
Quoiqu'en Carême mangeant chair
Là Guénault, de bains l’Esculape.
Et comme Brunyer anti-pape 
Donnait à chacun ses avis   De tous heureusement suivis.

M de Petigny qui a beaucoup travaillé sur cette famille de Brunyer nous indique que Abel-père avait deux frères, l’aîné resta à Avignon, catholique, et le deuxième s’installa à Montpellier, protestant. Ce dernier a un fils Pierre, branche qui devient catholique vers 1668 et qui va nous donner Pierre Edouard Brunyer (1729-1811) médecin des enfants de Louis XVI.
Mais avant, il a fait carrière comme chef de l’hospice de Versailles, dans les armées de Corse, d’Allemagne, des hôpitaux civil de Saint-Germain et militaire de Metz.
Pierre-Edouard sera appelé comme témoin lors du procès de la reine Marie-Antoinette. Courageusement il refusa d’entrer dans le jeu des accusateurs. Interpellé par le président sur ce qu’il savait de la femme Louis Capet, il répondit que pendant 15 ans il avait été médecin de ses enfants ; elle l’avait souvent chargé d’être son intermédiaire secret « auprès de la pauvreté honteuse et de lui porter des secours pécuniaires, des consolations et souvent les conseils de la médecine »… «  il ne connaissait de Marie-Antoinette que la bonté de son cœur qui la faisait compatir à toutes les infortunes »… 

Il dut après cela se cacher et attendre des jours meilleurs. Il va passer le cap de la Révolution et finir sa vie le 3 mai 1811 à Versailles, (78646, Yvelines, Ile-de-France, France,) à l'âge de 81 ans.

Aux archives parlementaires (1789-1860 vol 13 –Internet) nous avons trouvé le détail de ses pensions pour 1783-85 : 4000livres au titre de médecin consultant des armées du roi et des enfants de France, l’une pour ses services dans l’armée d’Allemagne et premier médecin de Corse et de l’hôpital militaire de Metz, l’autre pour ses services à l’infirmerie royale de Versailles et aux titres de retraite.

Sources et pour en savoir plus : Persée Les Trois Brunyer- Jules de Pétigny Félix Bourquelot compte-rendu 1841 T2p308--- Joseph Leroy Histoire de Versailles, ses rues, places 1797-1873T2--  gallicabnf.fr/ark/12148/---- généanet famille Charles Henri Capelle--- Relevés de Chassin St Hippolyte du Fort--- wikipedia.org--- Société d’Histoire Protestante française 1853--- archives AD 77, Archives du temple protestant de Charenton le Pont p.53 --Archives protestantes du Département du Val de Marne, p.III-- AD 41, régistre protestant 1685, p.16 ---Famille: Bulletin de la Société archéologique, scientifique et littéraire du Vendômois--- Société des Sciences et Lettres de la Ville de Blois -+Loir et Cher 1886T11—Pierre Gatulle Gaston d’Orléans entre mécénat et impatience du pouvoir E-Book internet--- Ernest Daniel Hippolyte Daniel 1832 Biographie des hommes remarquables de Seine et Oise …gallica BNF---



mardi 14 juillet 2020

Robespierre et les paratonnerres


Un nommé Robespierre :



Nous sommes en juin 1783 à Arras dans le Pas-de-Calais. Maximilien de Robespierre est encore un avocat inconnu sauf pour quelques bourgeois de la ville. Il va faire connaitre son nom grâce à sa plaidoirie sur « le par-à-tonnerre ». Il a 24 ans. Il habite avec sa sœur Charlotte qui lui fait office de servante après le couvent où elle a appris à tenir une maison avec renoncement, soumission comme il sied à une fille sans dot. Elle a 23 ans. Une autre sœur Henriette décédée en 1780, un frère Augustin-Bon-Joseph plus jeune, au destin étroitement lié à celui de son frère. Ils sont orphelins de mère et leur père abandonne le foyer ; ils seront élevés  par leur grand-père maternel, un brasseur d’Arras, plutôt prospère et très pieux.
(Claude-André Deseine 1791-terre cuite-collection Musée de la Révolution Française-achat1986 ---/commons.wikimedia.org/wiki/File:Robespierre_IMG_2303.jpg?uselang=fr)
Leur père était avocat, issu d’une famille de petite noblesse de robe. Maximilien après de bonnes études et une licence en droit, devient avocat, tradition familiale oblige. Il s’inscrit en 1781 au Conseil Provincial d’Artois occupant un temps la charge de juge au tribunal épiscopal, ce qui prouve qu’il avait ses entrées dans les milieux ecclésiastiques et la bourgeoisie traditionaliste.
On ne lui connait pas d’épouse, ni d’aventure sentimentale. Il est décrit introverti, studieux, mais très élégant, jusqu’à la manie.

En 1783, il n’est pas riche, quelques grappilles d’héritages, quelques plaidoiries. Sa vie est réglée comme du papier à musique : lever à 7 heures, 6 les jours de procès, travail jusqu’à 8 ou 9 heures sur ses dossiers soigneusement rangés dans son cabinet. Puis le perruquier chaque matin pour le rasage, le poudrage des cheveux…. Un réflexe qui ne le quittera plus et qui est essentiel dans son milieu : paraître…
(Charlottte –wikipédia.
Ensuite, un repas de laitages et il se remet au travail jusqu’à 10 heures. Puis il s’habille et va au Palais de Justice à pied. Il rentre dîner chez lui avec sa sœur Charlotte ; ils font bourse et table communes. « Il mangeait peu et ne buvait que de l’eau rougie. Il ne témoignait aucune préférence pour tel ou tel aliment. Il aimait les fruits et la seule chose dont il ne pouvait se passer c’était une tasse de café… ». Puis il s’octroyait une promenade hygiénique d’une heure à la mode de Rousseau. Il reprenait ses dossiers jusqu’à 8 heures. La soirée se passait parfois avec ses tantes ou les quelques amis de son milieu. « Lorsqu’on jouait aux cartes ou qu’on ne parlait que de choses insignifiantes, il se retirait dans un coin de l’appartement, s’enfonçait dans un fauteuil et se livrait à des réflexion comme s’il avait été seul. Cependant il était naturellement gai, savait plaisanter et riait quelquefois jusqu’aux larmes… »(Mémoires de Charlotte in A J Paris La Jeunesse de Robespierre et la convocation de Etats-Généraux en Artois édit Robert Laffont –BNF)

Jusqu’à ce juin 1783 il plaide pour ceux qui le payaient, en pratiquant l’attaque ou la défense. Mais l’affaire des « par-à-tonnerre » va tout changer, cette innovation qui provoque disputes dans tout le pays, de l’Artois jusqu’à Montpellier.
Un médecin Ansart raconte à son ami Langlet, étudiant en droit à Paris : « Rien de nouveau dans notre ville d’Arras, si ce n’est qu’un  nommé Robespierre nouveau débarqué du pays, vient de débuter ici dans une cause fameuse, où il plaida trois audiences d’une manière à effrayer ceux qui voudront dans la suite suivre la même carrière…. Il laisse bien loin après lui par la manière de débiter, par le choix des expressions, par la netteté du discours tous les avocats les plus connus… ».

Le client de Robespierre est Vissery de Bois-Valé, un avocat retiré, inventeur à ses heures qui avait construit et planté un paratonnerre sur sa cheminée, un engin qui correspondait relativement aux normes appliquées par Franklin. Le fil conducteur  est installé sur le pignon de la maison voisine. La propriétaire a peur du tonnerre, de cet engin nouveau, peur qu’elle communique à d’autres.. La rumeur envahit la ville, pétitions, requête, plainte et Vissery endosse l’habit de martyr du progrès. L’affaire se retrouve en appel au tribunal d’Arras. Un avocat connu pour son intérêt pour les sciences de la nature Antoine Buissart se charge de l’essentiel de l’argumentation, des informations que son confrère Robespierre va mettre en forme, lui donner du relief et le présenter publiquement. Juristes et académiciens de Paris envoient de la documentation. Dont Guyton de Morveau futur conventionnel pendant la Révolution, Maret, futur duc de Bassano bras droit de Napoléon…De Montpellier, le Franklin du Languedoc l’abbé Bertholon…
La rhétorique de Robespierre se met en place ;  son style cadencé, malgré une prolixité et une certaine pédanterie, se retrouvera dans tous ses discours jusqu’à la fin. Il s’exprime debout, face aux trois juges, vu de côté par un public assez dense car l’affaire intéresse aussi bien les pro que les "anti-par-à-tonnerre". Un dossier très fouillé, très charpenté. La pensée est là soutenue par le verbe. Refuser la foudre c’est refuser le doigt de Dieu. Mais « Les Arts et les Sciences sont le plus riche présent que le Ciel ait fait aux hommes, par quelle fatalité ont-ils donc trouvé tant d’obstacles pour s’établir sur la terre ?... ». « L’ignorance, les préjugés et les passions ont formé une ligue redoutable contre les hommes de génie, …. ». Son ton est monocorde, demande une écoute, mais la conviction, la richesse du texte sont là. Un texte rationnel, ironique, un panorama des sciences physiques de l’époque avec les persécutions dont on les a poursuivies.
Maximilien s’appuie sur Galilée, Descartes, Franklin, Harvey qui avait découvert la circulation du sang et condamné pour cela…. Il raconte l’installation des paratonnerres de par le monde, sur les magasins à poudre de Genève, de Venise, sur le Sénat, chez le Grand-Duc de Toscane, Voltaire, Buffon, l’Electeur de Bavière, l’Impératrice de Russie…. Il flatte les juges, il les endort, occupe tout le terrain. Le monde entier connaîtra la décision des juges, Paris, Stockholm, Saint-Petersbrourg…, « ce monument de votre sagesse, et de votre zèle pour le progrès des sciences… ».

Il a gagné ! « Le Mercure de France » publié à Paris mais diffusé dans tout le pays raconte le procès dès le 21 juin et récidive le 1er mai 1784. Un bénédictin d’Arras, Dom Devienne y fera référence dans divers écrits parisiens ou de province. Cet érudit semble à l’origine de l’impression et de la diffusion des plaidoyers qui »font le plus grand honneur à M de Robespierre à peine sorti de l’adolescence… ». Cette brochure sera tirée à cinq cents exemplaires, vendus dans les librairies parisiennes ou chez Topino libraire d’Arras. Une centaine seront destinées par Robespierre aux savants qui les avaient aidés. Franklin en recevra une avec une lettre d’accompagnement qu’on retrouvera dans ses papiers en 1903, un temps à la bibliothèque de Philadelphie.
Antoine Buissart, pourtant d’une certaine manière co-auteur, laissera à Robespierre tout le triomphe à la cause défendue.
Robespierre et toute la famille sont heureux. Un cousin se souvient de lui et l’invite à Carvin l’Epinoy pour fêter cette victoire ; il est pâtissier et notre Maximilien va oublier sa frugalité. Il va y rencontrer et même dîner avec  les édiles de la ville et le représentant du roi, le commandant militaire de la garnison. Champagne, sourires… »J’ai vu tout cela moi.. » Robespierre est aux anges !
Ce verdict des juges d’Arras marque l’orée de la carrière de Robespierre, mais aussi un changement des mentalités même en province. Le pays est-il en marche vers un autre monde ?


Robespierre et sa gestion de la Révolution de 1789 font encore débat à l’heure actuelle. Les fondateurs de la IIIème République et les historiens de l’Ecole Libérale lui reproche son rôle dans l’instauration de la Terreur et la nature autoritaire du Comité de Salut Public. Il n’a pas été tendre avec ses opposants et la guillotine a tué un peu à tort et à travers, pour finir par lui. Il a des phrases qui nous glacent pour justifier la Terreur :  « La terreur n'est autre chose que la justice prompte, sévère, inflexible ; elle est donc une émanation de la vertu ; elle est moins un principe particulier qu'une conséquence du principe général de la démocratie, appliqué aux plus pressants besoins de la patrie ».(5/2/1794)
Pour ses défenseurs il aurait tenté de limiter les excès de la Terreur ; il aurait essayé de soutenir la démocratie directe et la justice sociale. On ne peut lui nier d’avoir été l’un des acteurs de la première abolition de l’esclavage. Il nous faut remarquer que le 9 Thermidor, date de sa chute, coïncide avec l’arrêt des mesures sociale en faveur des pauvres comme la loi du maximum général qui contrôlait les prix du pain et du grain. C’est aussi l’avènement du libéralisme économique…


Sources : Claude Manceron Les hommes de la Liberté Le Bon Plaisir 1782-1785-édit Robert Laffont1976--/www.herodote.net/L_Incorruptible-synthese-224.php
---AJ Paris La Jeunesse de Robespierre et la Convocation des Etats-Généraux en Artois BNF -- wiipedia.org--






samedi 4 juillet 2020

Charles-Marie de Buonaparte


Charles-Marie de Buonaparte



Il a dit :
Si pour être libres, il ne s'agissait que de le vouloir, tous les peuples le seraient ; cependant l'histoire nous apprend que peu sont arrivés au bienfait de la liberté, parce que peu ont eu le courage, l'énergie et les vertus nécessaires.
Charles-Marie Bonaparte ou Carlo-Maria de Buonaparte est le père de Napoléon 1er empereur des Français et le grand-père de Napoléon III empereur du second empire. Plusieurs de ses enfants seront rois ou mariés dans les grandes familles européennes pendant le règne de Napoléon.
Charles est né à Ajaccio en Corse le 27 mars 1746 et va mourir à 38 ans à Montpellier le 24 février 1785. La Corse est sous la dépendance de la République de Gênes. Il fait ses études de droit à Rome et à Pise. Il a 17 ans à la mort de son père et se retrouve mineur sous la tutelle de son oncle paternel Lucien Bonaparte archidiacre d’Ajaccio. La majorité était à 25 ans pour les hommes à cette époque.
En 1764 il épouse Maria Laetizia Ramolino (née en 1749 ou 1750 ?) ; elle a 14 ans, lui 18. Son père Jean-Jérôme est capitaine dans l’armée génoise, puis inspecteur général des Ponts et Chaussées de l’île. Sa mère Angela-Maria Pietra-Santa est originaire de Sartène. Le premier Ramolino à s’établir à Ajaccio avait épousé la fille d’un doge de Gêne.
Bonaparte ou Buonaparte ? Dans les archives, le nom de la famille va varier. Dans l’acte de mariage de Charles, la particule « de » est mentionnée mais pas de « uo ». Lorsque enfin la famille est reconnue noble, Charles enregistrera son nom et celui de ses enfants avec particule et uo, comme pour la famille florentine de Buonaparte, qui les reconnut d’ailleurs comme parents.
Les Bonaparte sont des proches de Pascal Paoli. Charles-Marie aurait contribué à allumer la guerre d’indépendance contre la république de Gênes. Laetizia suit à cheval son mari dans ses expéditions, même enceinte. Charles est estimé de Paoli et de ses compatriotes. Lorsque les patriotes corses sont défaits en 1769 à Ponte-Novo, Charles et sa famille refusent de s’exiler en Italie. Laetizia était là lors de la retraite et aurait répété plusieurs fois sur le chemin de la déroute jusqu’au Monte Rotondo que le bébé dans son ventre (Napoléon) serait le vengeur de la Corse !!
Ils prennent le maquis. Puis quand Pascal Paoli s’exile en Angleterre, ils choisissent le parti de la France.
Charles reconnu de la noblesse devient l’un de 23 députés de l’assemblée générale des Etats de Corse qui dure du 11 mai au 23 juillet 1777. Par contre l’un des postes de représentants de la noblesse corse auprès des Commissaires du Roi lui échappe. Le 15 décembre 1778 il part pour Versailles ; il sera reçu par le roi Louis XVI. Il l’avait peut-être déjà rencontré en 1776. Il en profite pour déposer ses fils Joseph, Napoléon au collège d’Autun. Lucien intégrera le collège en 1784. Napoléon trois mois plus tard intégrera l’Ecole Royale Militaire de Brienne-le-Château dans l’Aube. Charles doit assurer un avenir à ses enfants. Il est à bout de ressources, il doit emprunter. Il intrigue, affirme « il est réduit à l’indigence par l’entreprise du dessèchement des salines et l’injustice des Jésuitees… ». Charles Louis de Marbeuf, nouveau gouverneur de Corse et ami intime de la famille aurait aidé la famille à placer ses enfants dans les écoles pour filles et garçons de la noblesse.
Fin 1784, Charles se rend à Montpellier pour rencontrer des médecins renommés pour soigner les maux d’estomac. Il souffre de vomissements. Il doit manger avec parcimonie. Un cancer, un ulcère, les soucis ? Les enfants !! Joseph ne veut plus être prêtre, les trousseaux à payer pour les filles à St Cyr, les bien marier, et les autres enfants à caser… Joseph était sûr de devenir évêque, soutenu par l’évêque d’Autun .. Quels bénéfices pour la famille !!
Son voyage avait mal commencé : son bateau deux fois rejeté à la côte par les tempêtes d’hiver. Il était arrivé à Marseille, vieilli de vingt ans, méconnaissable, sans avoir vraiment pu s’alimenter pendant les quinze jours de la traversée. Charles avait d’abord rejoint le demi-frère de Laetizia, l’abbé Fesch à Aix. Le mistral, les mauvais chemins l’avaient achevé ; l’abbé l’avait tout de suite expédié à Montpellier pour consulter. Joseph le fils ingrat y est convoqué.

Charles s’installe d’abord à l’auberge du Parc sur le « faux-bourg » de la Sonnerie. Mais il sentait la mort et l’aubergiste ne voulait pas de ce pensionnaire. Charles s’installe alors chez Madame Delon, dans une grande maison de vigneron en dehors de la ville, le temps de suivre un traitement de lait d’ânesse et de poudre de gomme prescrit par les médecins. Une amie Laure Pernon, corse mais d’origine grecque, est venue aider Mme Delon. Elle sera la mère de Laure Junot duchesse d’Abrantès. On a susurré qu’elle avait eu une aventure avec Charles à Ajaccio lorsque son mari était contrôleur des recettes du Roi. Napoléon loge chez les Pernon à Paris lors de ses jours de sortie dans leur hôtel particulier de Sillery au 13 place de Conti. C’est la raison pour laquelle la future Laure Junot peut nous décrire le jeune homme.
Mais pendant trois semaines, Charles-Marie rejette tout aliment, et les taches de sang sur les draps et les serviettes n’augurent rien de bon. Les prêtres sont appelés, des franciscains. Les médecins, Vigouroux, Sabatier, Barthès, ont largement permis de donner de l’opium contre la douleur. Le 24 février 1785 il s’éteint à 39 ans.
Joseph assiste à l’agonie de son père. L’oncle Fresh est là aussi. On ne parle plus de prêtrise pour lui. Il doit rentrer en Corse pour aider la famille, surveiller les métayers, les notaires. Laetizia sait à peine écrire son nom.  Napoléon apprendra la mort de son père le 23 mars. Il sera hanté par cette mort « à cent lieues de son pays, dans une contrée étrangère, indifférente à son existence, éloignée de tout ce qu’il a de plus précieux… ». Une prémonition de ce que sera sa propre mort ?
(Buste de Charles-Marie Bonaparte Ajaccio Musée Fesh –Joseph-Charles Marin)
On ne peut transférer le corps sur son île. Il est descendu dans un des caveaux du couvent des Cordeliers. Mme Pernon paie les obsèques, Charles n’avait plus un sous et Joseph encore moins. Il sera exhumé en 1803 par son fils Louis Bonaparte pour la chapelle du château de Saint-Leu ; En 1819 ses cendres sont transférées dans la crypte de l’église de Saint-Leu-la-Forêt par le prince de Condé. Puis Charles retournera à Ajaccio en avril 1951 et il repose dans la chapelle Impériale aux côtés de son épouse. La boucle est bouclée.
A l’autopsie, quatre médecins dont un chirurgien-major du régiment de Vermondois, vont découvrir une tumeur volumineuse au niveau du pylore. Ses enfants Napoléon et Caroline vont mourir de la même maladie.

Certains de leurs enfants vont vite oublier la Révolution : Joseph, roi de Naples puis roi d’Espagne – Napoléon empereur et roi d’Italie- Lucien prince de Canino par le pape Pie VII – Elisa grande-duchesse de Toscane – Louis époux d’Hortense de Beauharnais, roi de Hollande – un fils Charles-Louis empereur Napoléon III – Pauline duchesse de Guastalla – Caroline Bonaparte épouse Murat roi de Naples – Jérôme roi de Westphalie…….


Sources : André Castelot  « Bonaparte » Librairie Académique Perrin 1967—Alain Decaux « Letizia R Bonaparte, la mère de l’Empereur éd Amiot Dumont 1951—Patrick de Carolis Letizia R Bonaparte la mère de toutes les douleurs  Plon2014 roman historique---Claud Manceron Les Hommes de la Liberté Le bon Plaisir 1782-1785  édit Robert Laffont1976—Max Gallo Napoléon t1 --Hervé Pinoteau, Vingt-cinq ans d'études dynastiques, Paris, Ed. Christian, 1982, p.228. --
wwwhistoireeurope.fr/RechercheLocution.php?Locutions=Charles+Marie+Bonaparte
--www.napoleon.org/jeunes-historiens/napodoc/charles-et-letizia-bonaparte-les-parents-de-napoleon/