Abel Brunyer médecin des
enfants royaux
Au cours des siècles, Uzès a vu naitre un
grand nombre de médecins, qui souvent avaient fait leurs études à la faculté de
Montpellier. Abel Brunyer est de ceux-là. Uzès a une rue, une impasse à son
nom, mais qui sait encore qui il était ?
(Abel Brunier par Pierre Landry 1661)
Abel Brunyer est né le 22 décembre 1572 (1573 ?) à Uzès. Il est le
fils de Claude Brunyer, protestant d’Avignon. Nous sommes en pleine guerre de
religion. Claude abjure en 1572. La mère d’Abel est Eve de Trouillet. Un
grand-père Jacque Brunyer né à Uzès et décédé à Avignon en 1448, noble
gentilhomme du Gévaudan.
La conversion au catholicisme de Claude est fragile puisque leur premier
fils prend un prénom protestant : Abel.
Vers 1588 orphelin Abel part à Montpellier, il a quinze ans. Bachelier, il entreprend ses études de médecine à
Montpellier puis poursuit sa formation à Cordoue et Salamanque en Espagne et en
Italie à Pavie. Il rentre en France vers 1598 et se fixe à Paris. Il meurt le
14 juillet 1665 après une vie bien remplie. Il ne sera pas seulement médecin,
mais diplomate, botaniste….
Médecin à Paris et réputé à la Cour, il est le docteur des filles du roi
Henri IV en 1602. Gaston de France, second fils de Henri IV, bénéficiera
ensuite de ses soins dès 1608 comme médecin ordinaire. La mort de Henri IV ne
change pas grand-chose à sa position ; il a une riche clientèle et
continue à donner ses soins aux membres de la famille royale. Louis XIII le
récompensera et Richelieu, qui souhaite que Gaston de France (d’Orléans) se
calme, attache Abel le pondéré au frère du roi.
Il se marie en 1618 à Paris à 45 ans avec
Elisabeth Deschamps, fille d’un secrétaire à la Chambre du roi et receveur des
tailles, cousine d’un secrétaire d’Etat. Les témoins du mariage sont des gens
de qualité, le comte de Moret (fils naturel d’Henri IV),
le duc d'Uzès et trois maréchaux de France, Cadenet (frère du connétable de Luynes), Bassompierre et d'Ornano. Abel bénéficiera toute sa vie de
la protection des « Grands » du royaume, ce qui le sauvera malgré sa
religion. Dans le contrat de mariage du
12 septembre 1618 Abel est qualifié de « noble homme maistre conseiler et
médecin ordinaire du Roy et Monsieur frère unicque de sa Majesté ».
Abel de par
sa position va se frotter à la politique. En 1620 Richelieu l’envoie négocier
avec les protestants de Montpellier. Les archives indiquent des Brunyer dans le
département de l’Hérault, le Gard, comme ce Pierre chirurgien en 1577 à St
Hippolyte du Fort. Cette famille a donné plusieurs pasteurs animés d’un grand
zèle.
Cette
mission lui apportera une pension du roi de 3000 livres sur les fonds des
églises. L’année suivante il accompagne l’armée royale au siège de Montauban.
Mais la
politique n’est pas chose facile surtout pour un protestant en ces temps
troublés. On a du mal dans les Hautes Sphères à oublier sa famille, son passé
d’huguenot !! En 1622 il tombe en relative disgrâce sans perdre ses
emplois à la Cour, mais en 1631 Abel est proscrit par Louis XIII pour avoir
accompagné Gaston d’Orléans dans sa fuite en Lorraine, puis à Bruxelles. On
l’accuse de crime de lèse-majesté. Depuis 1624 la plupart des serviteurs, des
amis de Gaston sont jetés en prison. Abel
ne se mêle pas aux intrigues du frère du roi. Il a une réputation
d’honnête homme, inoffensif ce qui lui sauve certainement la mise. Il devient
Premier Médecin du duc d’Orléans jusqu’à la mort de ce dernier en 1660. Il
succède à Rodolphe Le Maistre, nommé par brevet daté de Nancy. Il s’occupe aussi de la santé de l’épouse du
duc, Marguerite de Lorraine. Brunyer rentra en France en 1635, compris dans le
traité d’amnistie du traité d’Ecouen.
(Morison)
En 1635-36,
Louis XIII et son frère font la paix et Abel Brunyer devient directeur du
jardin botanique du château de Blois, propriété du duc d’Orléans. Au jardin de
Blois il est secondé par Jean Langier et Nicolas Marchant apothicaire du duc.
Son fils
ainé Abel II licencié et docteur à Montpellier est attaché à la Maison du Duc
le 16 mai 1640 ; il est chargé de la garde des miniatures (des velins) et
des médailles. « la garde et la conduite de tous les beaux ouvrages
… » Il s’agissait de magnifiques peintures sur velin de toute sorte
d’oiseaux. Abel II a beaucoup voyagé, Italie, Allemagne, Hollande. Il a une
excellente éducation. Il aurait été exclu en 1637 de la faculté de médecine de
Montpellier pour cause de religion ( ?)
.En mars
1645 Abel-père devient garde et jardinier des Jardins Hauts de « notre
chasteau de Blois ». En 1650 le médecin Robert Morison, écossais le
rejoint à la direction des jardins.
Entre temps,
Abel passe les examens de licence de médecine en 1640, reçu à l’unanimité et
autorisé à porter le titre du Doctorat. (Est-ce que les chroniqueurs n’ont pas
confondu le père et le fils en ce qui concerne les examens de médecine?)
Abel-père va écrire un catalogue de fruits et fleurs
des jardins le « Hortus regius Blesensis », publié en 1653 et réédité
en 1669 par Robert Morison. 2232 plantes recensées plus 500 dans la nouvelle
édition. L’ouvrage est connu dans toute l’Europe. Un recueil d’observations botaniques, un essai de
classification assez rationnel, un style simple, rendant la lecture agréable et
instructive. « La science nous dit M de Pétigny, n’avait pas encore
recueilli assez d’observations pour qu’on pût songer à classer les plantes par
familles, Brunyer les réunit au moins par genres d’après les analogies tirées
de l’examen de toutes les parties de la plante… ». On le considère comme
l’un des créateurs de la botanique moderne.
Il devient
conseiller d’Etat en 1639 puis docteur honoris causa de l’université de
Montpellier. Il est anobli en 1663 à l’âge de 90 ans par lettres patentes de
Louis XIV « pour la très haute estime à la cour et dans Paris pour sa
profession que pour sa façon de vivre »…. Son fils Abel II est
associé à l’anoblissement. Le roi mentionne : « Nous avons également pris en considération les services
rendus par son fils aîné (Abel II)pendant vingt années auprès de nostre oncle
le Duc d'Orléans en la conduite et la garde de tous les beaux ouvrages de
miniatures et autres pièces rares et curieuses de son cabinet, desquelles
nostre dit Oncle nous a fait présent et qui sont présentement dans le nostre au
chasteau du Louvre". Mais il
l’écarte de la gestion des collections car huguenot. Abel II reste concierge un
temps des jardins de Blois jusqu’en 1678, trop parpaillot au gout de Colbert et
de celui du roi.
(Abel I Brunyer) –Abel-père resta attaché à la maison
d’Orléans après la mort de Gaston. En 1661, lors de son portrait par Pierre
Landry son domicile est encore au Palais du Luxembourg chez les d’Orléans où il
va décéder en 1665. Il fut enterré au cimetière protestant du faubourg St
Germain, « inviolablement attaché à la foi protestante ». » Il
avait su rester tolérant au milieu des fureurs de la Ligue, indépendant sous le
despotisme de Richelieu, sage dans les extravagances de la Fronde.. » (Eloge
de M de Pétigny). Sa devise : « Que celui qui est debout prenne garde
de tomber », une vie de prudence…
Le jardin, son jardin,
est détruit à la mort de Gaston d’Orléans. Louis XIV fit apporter les plantes
les plus rares à Paris. Il oublia totalement les deux huguenots qui les avaient
rassemblées, soignées… Les collections de miniatures sont aussi transportées à
Paris laissant Abel-filsII sans emploi. Il meurt en 1685 en janvier, quelques
mois avant la Révocation de l’Edit de Nantes. Sur ses cinq fils, trois
sortirent de France pour rejoindre Guillaume d’Orange en Hollande et en
Angleterre et y faire souche. Son aîné Abel III essaie de rester en France.
Abel III se marie avec
la fille de Jean Langier au temple de Blois en 1685. Nouveau converti peu
crédible il doit s’enfuir en 1699 avec sa fille aînée de 14 ans, dénoncé par
l’évêque de Blois Bertier ; Hollande, Angleterre oû il se fait naturaliser. Il
décède en 1715 au Royaume-Uni à 58 ans. Son épouse restée en France meurt dans
la misère en 1700. Ses autres enfants sont envoyés dans un couvent mais n’y
resteront pas. Son fils ainé Abel IV (1695-1767) obtient la restitution de ses
biens et fait souche dans le Vendômois. Il est seigneur de Chicheray, domaine
acquis en 1728.
Jules de Pétigny est un de ses petits-gendres qui
s’est penché sur la généalogie de cette famille dans sa « Notice historique , biographique et généalogique de la
famille de Brunier », Rouen 1869 . Le petit-fils d’Abel IV Jacques-Philippe
Abel Brunyer (1761-1828) sera témoin au mariage d’un autre Brunyer célèbre, Pierre-Edouard
médecin des enfants de Louis XVI. Nous allons en parler.
Chanson de Scarron (Légendes des Bourbons)
Son Altesse peu de temps but,
Car dessus ses jambes il chut
Une très douloureuse goutte,
Mais où nul vivant ne vit goutte,
Fût-ce Brunier, son médecin,
N'en déplaise à Jean Calvin.
C'est grand dommage que cet homme
Ne croie pas au pape de Rome,
Car à tout le monde il est cher,
Quoiqu'en Carême mangeant chair
Car dessus ses jambes il chut
Une très douloureuse goutte,
Mais où nul vivant ne vit goutte,
Fût-ce Brunier, son médecin,
N'en déplaise à Jean Calvin.
C'est grand dommage que cet homme
Ne croie pas au pape de Rome,
Car à tout le monde il est cher,
Quoiqu'en Carême mangeant chair
Là Guénault, de bains
l’Esculape.
Et comme Brunyer anti-pape
Donnait à chacun ses avis De tous
heureusement suivis.
M de Petigny
qui a beaucoup travaillé sur cette famille de Brunyer nous indique que Abel-père
avait deux frères, l’aîné resta à Avignon, catholique, et le deuxième
s’installa à Montpellier, protestant. Ce dernier a un fils Pierre, branche qui
devient catholique vers 1668 et qui va nous donner Pierre Edouard Brunyer (1729-1811)
médecin des enfants de Louis XVI.
Mais avant,
il a fait carrière comme chef de l’hospice de Versailles, dans les armées de
Corse, d’Allemagne, des hôpitaux civil de Saint-Germain et militaire de Metz.
Pierre-Edouard
sera appelé comme témoin lors du procès de la reine Marie-Antoinette.
Courageusement il refusa d’entrer dans le jeu des accusateurs. Interpellé par
le président sur ce qu’il savait de la femme Louis Capet, il répondit que
pendant 15 ans il avait été médecin de ses enfants ; elle l’avait souvent
chargé d’être son intermédiaire secret « auprès de la pauvreté honteuse et de lui porter des secours
pécuniaires, des consolations et souvent les conseils de la médecine »…
« il ne connaissait de Marie-Antoinette que la bonté de son cœur qui la
faisait compatir à toutes les infortunes »…
Il dut après cela se cacher et attendre des
jours meilleurs. Il va passer le cap de la Révolution et finir sa vie le 3 mai 1811 à Versailles, (78646,
Yvelines, Ile-de-France, France,) à l'âge de 81 ans.
Aux archives
parlementaires (1789-1860 vol 13 –Internet) nous avons trouvé le détail de ses
pensions pour 1783-85 : 4000livres au titre de médecin consultant des
armées du roi et des enfants de France, l’une pour ses services dans l’armée
d’Allemagne et premier médecin de Corse et de l’hôpital militaire de Metz,
l’autre pour ses services à l’infirmerie royale de Versailles et aux titres de
retraite.
Sources et pour en savoir plus : Persée Les Trois Brunyer- Jules
de Pétigny Félix Bourquelot compte-rendu 1841 T2p308--- Joseph Leroy Histoire
de Versailles, ses rues, places 1797-1873T2--
gallicabnf.fr/ark/12148/---- généanet famille Charles Henri Capelle---
Relevés de Chassin St Hippolyte du Fort--- wikipedia.org--- Société d’Histoire
Protestante française 1853--- archives AD 77, Archives du temple protestant de Charenton le
Pont p.53 --Archives protestantes du Département du Val de Marne, p.III-- AD
41, régistre protestant 1685, p.16 ---Famille: Bulletin de la
Société archéologique, scientifique et littéraire du Vendômois--- Société des
Sciences et Lettres de la Ville de Blois -+Loir et Cher 1886T11—Pierre Gatulle
Gaston d’Orléans entre mécénat et impatience du pouvoir E-Book internet---
Ernest Daniel Hippolyte Daniel 1832 Biographie des hommes remarquables de Seine
et Oise …gallica BNF---
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