Les Papes d’Avignon : Benoît XII :( 1285-1334-1342)
Portrait de Benoît XII imaginé par Henri de Serrur Palais des Papes Avignon |
Après la mort de Jean XXII le 4 décembre
1334, il faudra sept jours au Sacré Collège pour élire l’évêque de Pamiers,
Jacques Fournier. Le conclave se réunit dès le 13 décembre. Mais une violente
altercation oppose les tenants de la résidence pontificale à Rome ou Avignon.
Devant la menace de s’éterniser, Napoléon Orsini, toujours lui, fait passer son
candidat le 20 décembre. Ce sera Benoît XII. Faux modeste, ( ?) le nouveau Saint Père
déclare : »vous venez d’élire un âne ».
Pour les Avignonnais le réveil sera
douloureux car voici un pape à la réputation d’intransigeance. C’est un
ariégeois né à Canté près de Saverdun, fils probablement d’un meunier,
d’origine modeste. Pour certains historiens, sa mère serait la sœur du pape
Jean XXII.
Un oncle moine cistercien et abbé de
Fontfroide dans l’Aude, Arnaud Novel, se
charge de son éducation. Collège Saint-Bernard à Paris, puis les universités et
Jacques devient docteur en théologie. Il succède à son oncle à l’abbaye de
Fontfroide. Le pape Clément V vient de nommer son oncle cardinal et légat en
Angleterre. Jacques qui se signale par son érudition et sa rigueur est nommé
évêque de Pamiers le 19 mars 1317 puis évêque de Mirepoix en mars 1326. A
Pamiers il poursuit avec zèle les hérétiques albigeois, ainsi que les vaudois.
Il dirige le tribunal d’Inquisition avec deux dominicains de Carcassonne
Gaillard de Pomiès et Jean de Beaune.( registre en parchemin de 325 p. in folio conservé à la bibliothèque
vaticane sous le numéro 4030).(Emmanuel Leroy Ladurie, professeur au collège de France et membre de l’Institut, Montaillou, village occitan de 1294 à 1324.publié en 1975). « Cet homme connaît bien le
pays et la langue, contrairement aux inquisiteurs pontificaux qui sont souvent
des Français. Il cherche avant tout la conversion des pénitents et n’est pas
tenté par la répression : les condamnations au « mur » sont nombreuses,
les remises au bras séculier très rares et les peines sont souvent adoucies.
Ses registres sont très minutieux et témoignent d’une grande conscience » (Catharisme et néocatharisme en terre d’Ariège » par Edouard
de Laportalière
Il est couronné le 8 janvier 1335 en l’église des
dominicains d’Avignon par le cardinal Napoléon Orsini qui a déjà couronné les
deux papes précédents.
Dès le 13 janvier Benoît XII nomme un nouveau
trésorier Jean de Cojordan, un homme à lui dont il est sûr. Celui-ci devra réformer
la Curie. Arnaud de Trian et sa clique de racketteurs sont remplacés par Arnaud
de Lauzières, un autre homme du pape. En moins d’une semaine, sa vigoureuse
réputation fait que plus de dix mille personnes quittent précipitamment Avignon
dont un certain nombre de prélats de haut rang. Pendant deux ans Arnaud de
Lauzières épure la ville y compris dans les ordres religieux. Mais il se sert
au passage et en avril 1337 les gardes pontificaux le récupèrent au pied des
remparts alors qu’il cherchait à franchir le Rhône pour rejoindre le royaume de
France en face, avec des coffres bien remplis. Il aura la vie sauve et sera
remplacé par Béranger Cotarel, qui ne sera pas plus vertueux que ses
prédécesseurs.
Le souverain pontife sera un pape austère, prudent, un
homme de principes. Il va s’attacher à réformer les ordres religieux, rappelle
la discipline dans les abbayes, pas toujours avec succès. Par sa bulle du 12
juillet 1335, Fulgens sicut stella il fait obligation aux moines de
pratiquer pauvreté, mortification et travail manuel. L’austérité de ses réformes rencontre l’hostilité de
ses pairs. La plupart des changements ne seront pas suivis par les papes
suivants. Par contre il va aider financièrement à la restauration d’églises et
venir en aide aux pauvres sur les terrains de conflits. Il refuse d’avantager
les membres de sa famille, ce qui est inhabituel à l'époque ; seul son neveu l’augustin Jean de Cardone se
voit confier le siège d’archiépiscopal d’Arles. Quand des parents viennent le
voir, il les dédommage seulement de leurs frais de voyage. Une autre exception :
sa nièce Faïga, orpheline de son père frère du souverain pontife a droit à 2000
florins d’or et à un mariage sans faste.
Benoît XII envoie en 1337 lors de l’affaire du
Dauphiné Johannes de Badis, son Grand Inquisiteur de Provence, pour rechercher
les juifs convertis et relaps du Dauphiné. Jacques le Goff explique dans
« La Bourse et la Vie » (Paris 1986) « Dans ce nouveau
monde où l’argent est vainqueur, où la cupidité (avaritia), péché
bourgeois, détrône, à la tête des sept péchés capitaux, l’orgueil (superbia),
péché féodal par excellence, l’usurier, spécialiste du prêt à intérêt, devient
un homme nécessaire et détesté, puissant et fragile à la fois »
Palais Vieux -Tour de la Campagne et en fond Notre-Dame des Doms -photo perso- |
[
Ce pape sera
aussi un grand bâtisseur, nous le verrons plus loin. Il envisage un temps de
retourner en Italie à Bologne. Mais les Bolonais ne sont pas très enthousiastes
et le projet tombe à l’eau.
Le 5 septembre 1335, un lion arrive de Sicile pour
garder le palais des Papes des bords de Sorgue où le Saint Père réside en
attendant les appartements du palais d’Avignon.
En mars 1336 il rappelle au roi de France Philippe VI
et à son fils Jean de Valois le devoir de croisade. Le roi se rend à
Aigues-Mortes, Lattes, Narbonne, Marseille pour inspecter la flotte des Francs.
Elle est jugée trop insuffisante pour faire traverser la méditerranée à 60 000 hommes. Le projet de croisade
sera vite oublié, la guerre de Cent Ans n’étant pas loin (1337-1453 environ).
Benoît XII sera dans l’incapacité d’empêcher cette
guerre qui mettra à genoux les deux royaumes. Déjà en août 1336 le roi
d’Angleterre Edouard III refusant de payer son créancier Navailles est condamné
par le Parlement de Paris. En réponse, il interdit à ses négociants de laine de
commercer avec le comté de Flandre, s’attaquant ainsi à un allié de la France
le comte Louis de Nevers. Les Flandres qui ne vivaient pratiquement que de ses
filatures s’acheminent vers la ruine. Le roi de France Philippe VI ordonne à sa
flotte de rejoindre les ports flamands pour menacer les côtes anglaises. Benoît
XII envoie immédiatement ses légats aux deux rois. La diplomatie va se heurter au
lobby anglais de la laine brute qui inquiet de la présence de la flotte
française incite leur roi à répliquer. Edouard III se revendique alors comme
héritier direct de la couronne de France. Le 10 novembre 1337 les Anglais
prennent pied en Flandre sur l’île de Cadsan et les deux flottes se livrent
bataille à Southampton. Benoît XII sollicite une trêve qui est acceptée par les
deux parties. Les relations entre les deux pays ne cesseront de se dégrader. La
trêve s’achève à la Saint-Michel en 1339, et la guerre reprend.
Des diplomates des deux royaumes sont envoyés à Avignon peu avant Pâques 1340. L’ambassadeur d’Edouard III est le génois Nicolino Fieschi accompagné de son fils Gabriele-André. Une partie de la famille Fieschi habitait Avignon et n’avait pas bonne presse. Déjà en 1339, le cardinal Fieschi avait été attaqué par les gardes français du palais pontifical. Nicolino séjourne dans la résidence familiale à Avignon. Le Saint Père peu enthousiaste, ne peut le recevoir qu’après les fêtes de Pâques. Le 17 avril 1340 soir du Jeudi Saint, au travers des ruelles sombres et désertes, une petite compagnie d’une vingtaine d’hommes sans signe distinctif sur leur haubert, se dirige vers la maison de Fieschi. Soudain, vacarme, la porte en bois cloutée cède, et les soldats pénètrent, fouillent, cherchent, cassent. Dans la chambre de l’ambassadeur, on trouve Nicolino Fieschi en compagnie d’un gentil damoiseau. L’ambassadeur, son compagnon et son fils sont rudoyés quelque peu et en chemise, grelottant de froid et de peur, traversent dans le mistral, le Rhône et le pont Saint-Bénezet et se retrouvent en face en territoire français à Villeneuve.
Des diplomates des deux royaumes sont envoyés à Avignon peu avant Pâques 1340. L’ambassadeur d’Edouard III est le génois Nicolino Fieschi accompagné de son fils Gabriele-André. Une partie de la famille Fieschi habitait Avignon et n’avait pas bonne presse. Déjà en 1339, le cardinal Fieschi avait été attaqué par les gardes français du palais pontifical. Nicolino séjourne dans la résidence familiale à Avignon. Le Saint Père peu enthousiaste, ne peut le recevoir qu’après les fêtes de Pâques. Le 17 avril 1340 soir du Jeudi Saint, au travers des ruelles sombres et désertes, une petite compagnie d’une vingtaine d’hommes sans signe distinctif sur leur haubert, se dirige vers la maison de Fieschi. Soudain, vacarme, la porte en bois cloutée cède, et les soldats pénètrent, fouillent, cherchent, cassent. Dans la chambre de l’ambassadeur, on trouve Nicolino Fieschi en compagnie d’un gentil damoiseau. L’ambassadeur, son compagnon et son fils sont rudoyés quelque peu et en chemise, grelottant de froid et de peur, traversent dans le mistral, le Rhône et le pont Saint-Bénezet et se retrouvent en face en territoire français à Villeneuve.
Le 18 avril
vendredi saint : Benoît XII devant l’affront, en oublie le matin de
célébrer l’office. Tout Avignon hurle au scandale dans toutes les langues (sauf
le français). Des hommes d’armes étrangers se sont introduits dans une ville
entourée de remparts gardés, et profanation des profanations en période
sainte !! L’après-midi Benoît se rend aux Cordeliers pour expédier l’office
à toute vitesse. Il exige une enquête de police expéditive. Avignon a vu bien
des turpitudes depuis l’installation des papes, mais jamais d’enlèvement
politique !! Le cardinal de Modene chargé de l’enquête établit rapidement
la complicité du maréchal de justice Béranger Cotarel. Une porte des remparts,
celle d’Aiguière était restée ouverte. Le maréchal arrêté, meurt empoisonné dans sa cellule, son
corps pendu pour l’exemple et jeté dans le Rhône. Les deux rois, le pape vont
se rejeter la responsabilité de cet enlèvement. Mais les trois prisonniers sont
placés sous la garde française de Villeneuve, forteresse royale française. Deux
mois plus tard le 16 juin ils vont réapparaître sans que l’on sache comment à
Avignon dans la rue Carreterie. Contre rançon ? Mystère !!! Benoît XII
fait pendre laïcs et religieux qui avaient participé de près ou de loin à cet
enlèvement. La maison des Fieschi sera décorée des pendus à sa poutre de façade
sur la rue. Nicolino Fieschi regagna Londres sans avoir rencontré le pape.
Palais Vieux -Tour du Pape - photo perso |
Benoît XII nous laisse à Avignon un palais des Papes
restructuré. Il craint une intervention armée de l’empereur Louis de Bavière,
allié de l’Angleterre. « Nous avons pensé et mûrement
considéré qu’il importe beaucoup à l’Église Romaine d’avoir dans la cité
d’Avignon où réside depuis longtemps la Cour romaine et où nous résidons avec
elle, un palais spécial où le pontife romain puisse habiter quand et aussi
longtemps qu’il lui paraîtra nécessaire. »
Des historiens ont dressé un portrait de Benoît XII
sévère : un homme sectaire, autoritaire et ivrogne peut-être à cause de
son teint rougeaud. Il a remis de l’ordre dans la Cour Pontificale, punissant
les fonctionnaires indélicats. Comme son prédécesseur il a augmenté les taxes
fiscales au profit du Saint-Siège.
Dans les caisses de la Révérende Chambre Apostolique
(le Bercy papale), on découvrit pas moins de 1 117 000 florins. Malgré
les dépenses pour la construction du Palais des papes. Alors resurgit dans
l’Avignonnais, la légende de la vieille Mourdacaï.
Jacques Fournier encore enfant avait fait connaissance
dans le ghetto d’Avignon d’une vieille juive dévorée par les puces, du nom de
Mourdacaî. Le garçonnet lui dévoila comment se débarrasser de ces bestioles. En
remerciement elle lui prédit qu’un jour il serait pape. Elle lui fit fouiller
dans la poche de sa juge : l’enfant y trouva deux petites clefs d’or…
« Dès que tu seras élu, reviens chez moi et
creuse sous le plancher de ma maison. Tu y trouveras le trésor des juifs du
Comtat…Il te servira à bâtir un palais magnifique ».
Les clefs symboles de ce qui permet d’accéder à un
univers différent, au mystère. Symboles aussi de lien, ici entre chrétien et
juif. En hébreu, « trésor » signifie aussi musée, bibliothèque…. On peut toujours rêver à une autre richesse
trouvée grâce à ces clefs, acquisition des Savoirs, de l’éternelle et universelle
Vérité, d’un monde apaisé…
Après Benoît XII, un quatrième pape avignonais s’installe
sur le trône pontifical : Pierre Roger, un Français du Limousin, sous le nom de
Clément VI, encore un Français. Aristocrate ruiné, théologien, grand orateur, mécène, prince fastueux.
Nous aurons rendez-vous avec lui prochainement.
Sources : Claude
Mossé Les histoires de l’Histoire ISBN2-7144-1437-0 H60-2094-5édit Acropole
1981 - Daniel Réju France-secret Les
légendes d’Avignon internet francenervie-secrets.com - D. Paladilhe, Les Papes en Avignon, Éd. Perrin,
Paris, 1975. - B. Guillemain, Les
Papes d’Avignon (1309 – 1376), Paris, 1998. - S.
Gagnère, Le Palais des papes d’Avignon,
Les Amis du Palais du Roure, Avignon, 1983. Edit RMG - E. Le Roy Ladurie, Montaillou, village occitan de 1294 à 1324, Éd. Gallimard, 1975,
646 p. – J. Duvernoy, Le Registre d'inquisition de Jacques Fournier, évêque de Pamiers
(1318-1325), Toulouse, Privat, 3 volumes, 1965. - « Catharisme
et néocatharisme en terre d’Ariège » Edouard de Laportalière - wikipedia
--photos perso sauf celles avec légende - A relire Michel Peyramaure La Tour des Ange édit Robert Laffont -
A visiter absolument le Palais des Papes -
A visiter absolument le Palais des Papes -
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