Le Gardois Joseph Monier et le béton armé
Au 19ème siècle le
paysage urbain des cinq continents allait se transformer pour prendre son aspect
actuel grâce en partie à un enfant de Saint Quentin la Poterie, notre village
voisin.
Selon la légende, Joseph Monier est
le père du béton armé !
Joseph est né le 8 novembre 1823. Il
décède à Paris le 13 mars 1906. Son père Pierre-André est cultivateur et
jardinier du duc d’Uzès, sa mère se nomme Marie Auvergne. Joseph apprend son
métier de jardiner avec son père. Le nom de Monier (vient de meunier ?)
au gré des générations et villages n’est pas stabilisé et se transforme
encore dans les archives en Mounier, Monnier….
Le 19ème siècle est
riche de « Géo Trouve-tout », des inventeurs prolifiques ; on
bricole, on cherche, la curiosité est là, on ose dans des domaines qui ne
sont pas forcément les siens.
Joseph est jardinier et inventeur.
En 1848, le duc d’Uzès lui demande de s’occuper du jardin de son hôtel
particulier parisien. Joseph s’installe à Paris et c’est là qu’il a l’idée de
mettre au point une technique pour faire des vases à fleurs de jardin solides
imputrescibles. Il cherche à produire des pots à orangers, pour le parc des
Ducs d’Uzès, moins chers et plus résistants. Il s‘agissait d’intégrer du fer
en couche dans le béton de mortier de ciment pour rendre certaines parties de
la construction plus rigides. Cette méthode va révolutionner et transformer
la construction dans le monde entier. Gratte-ciel, ponts, statues… aux USA,
Brésil, Russie, Paris…
Joseph Monier inventeur du ciment
armé ? C’est oublié Joseph Louis Lambot né à Montfort-sur-Argens en mai
1814 et mort à Brignoles en août 1887. Agriculteur, et inventeur. Il
confectionne dès1845 des caisses pour orangers, des étagères, des réservoirs
en fil de fer recouvert de ciment. En 1848 il fabrique une barque en ciment
armé et l’essaye sur le lac de Besse-sur-Issole. Le prototype original était
conservé au musée des comtes de Provence de Brignoles, il y a encore peu.
Elle est présentée lors de l’exposition universelle de 1855. Le brevet en est
déposé en janvier de cette même année
à la préfecture de Marseille. Il explique : « Mon
invention a pour objet un matériau nouveau servant à remplacer le bois en
construction navale et partout ailleurs où il est confronté à l'humidité,
comme les planchers en bois, les réservoirs d'eau et les bacs à plantes. Ce
nouveau matériau de substitution consiste en un treillis métallique constitué
de barres et d’étrésillons ligaturés entre eux ou assemblés en une corbeille
de forme déterminée. Je donne à ce treillis la forme la plus adaptée à
l'objet que je veux produire et le noie ensuite dans du ciment hydraulique,
ce qui règle aussi le problème des joints éventuels ».
Il nomme ce nouveau matériau « Ferciment »ou
« ferro-ciment ». Mais celui-ci passe complètement inaperçu lors de
l’exposition universelle. Trop tôt ou problème de communication comme on
dirait maintenant.
https://escales.wordpress.com/2008/11/18/l’incroyable-filiation-d’un-petit-bateau-un-peu-fou/
On peut aussi penser au
Lyonnais-Parisien François Coignet à la même
époque et sa maison en moellon de ciment armé à Saint-Denis.
(1855
L’Ingénieur 1novembre 1855 architecte Théodore Lachez-
wikipédia.com-wikimedia.communs))
Mais revenons à Joseph Monier. A-t-il
vu la barque en ciment à l’exposition universelle ? A ce jour nous
n’avons pas la réponse.
Le travail à Paris chez le Duc
d’Uzès lui laisse assez de temps pour suivre des cours du soir pour apprendre
à lire et écrire. En effet son instruction ne s’est faite qu’auprès de son
père, instruction pratique, et il ne sait pas lire. Il intervient aussi dans
les jardins d’amis du duc. C’est ainsi que Joseph rencontre un jardinier
travaillant aux jardins du Louvre
En 1846, une place se libère aux
jardins du Louvre et Joseph quitte le service du duc d’Uzès. Pendant trois
ans il suit en plus de son travail les cours de l’école botanique d’André
Thoin au Jardin des Plantes. 4500 plantes et arbustes sont présentés durant
les cours. Il arrête l’école en mai 1849 et en plus de son travail de
jardinier au Louvre, il ouvre un petit atelier qui lui permettra de faire des
travaux pour des particuliers, même loin de Paris, comme à Strasbourg, Versailles,
Hyères… Les grands travaux haussmanniens de 1852 à 1870 vont bénéficier aux
entreprises comme celles de Monier.
La France est encore secouée par
la politique, le coup d’Etat de décembre 1851, le plébiscite de novembre 1852
et le sacre du nouvel empereur en décembre 1852. Louis-Napoléon, devenu
Napoléon III donne le bois de Boulogne à la ville de Paris pour qu’il soit
aménager comme Hyde Park de Londres que l’empereur avait bien connu lors de
son exil londonien.
C’est l’art du rocaillage qui se développe
très rapidement. Rocaillage qui demande ciment et grillage de fer. Joseph
Monier va pouvoir exploiter tout son talent. Le jardin de rocaille n’est pas
très couteux à faire. On privilégie les plantes vivaces faciles d’entretien, ne nécessitant pas de
jardinier à son service à l’année.
En janvier 1860, Monier emploie
quinze ouvriers et trois contremaîtres dans sa petite entreprise. Paris
s’agrandit, les limites de la ville vont jusqu’à l’enceinte de Thiers. Une
nouvelle bourgeoisie demande confort, jardins, parcs, eau courante…. Bassins,
réservoirs, abreuvoirs, terrasses, escaliers s’ajoutent aux pots de fleurs,
d’après la revue Le Ciment de 1860. Cette bourgeoisie veut afficher sa
réussite et les jardins sont le premier signe extérieur de richesse et d’art
de vivre. A chaque invention, Monier va déposer des brevets d’exploitation
dans divers pays, Autriche, Allemagne, Belgique, Russie, Hollande… 1877,
1880, 1885,86…les dates des brevets s’enchainent.
Mais la situation politique met un
frein à la prospérité. La guerre franco-allemande de 1870, la capitulation de
la France, la Troisième République…. En janvier 1871 les bombardements
prussiens sur Paris ont raison des bâtiments de l’entreprise de Joseph
Monier. C’est la ruine.
( Pont de Chazelet-wikimédia.org)
En 1875, l’architecte Alfred
Dauvergne à la demande du propriétaire du château de Chazelet souhaite que
Joseph Monier réalise un pont en ciment armé pour franchir les douves du
bâtiment. C’est le premier pont conçu au monde dans ce matériau. 13,80 m de
long 4,25m de large.
Les entreprises qui utilisent ses
brevets oublient de lui verser des redevances. Le 27 juin 1888 son entreprise
est déclarée en faillite. Le fisc est à sa porte. Joseph lance des poursuites
judiciaires internationales trop coûteuses pour lui. Les tribunaux en
particulier allemands refusent de lui donner raison en dépit du droit. En
Angleterre seulement il obtiendra justice mais pour une infime partie des
sommes qui lui sont dues. Il tentera de faire effacer sa dette fiscale en
France, en vain.
Il continue
de travailler : Réservoir Joseph Monier sous la direction le
l’architecte Léon Ginain pour la maison de retraite de la Fondation
Brignoles-Galliera à Clamart inauguée le 3 novembre 1888. 10m de haut, 8m de
diamètre. La décoration extérieure est de Prosper Bobin.
En 1889 construction d’un escalier
de 140 marches en ciment armé dans le donjon du château de Blandy-les-Tours.
Le 13 avril 1889 la liquidation
judiciaire de l’entreprise est prononcée. Joseph Monier dépose un dernier
brevet en avril 1891.
En 1889, Pierre Monier, fils de
Joseph, monte la société « Entreprise Monier Fils » à la
Plaine-Saint-Denis. Il fera quelques constructions en ciment armé. Puis sous
le nom de Société des Travaux en ciment » en 1899 participe à la
construction du pavillon du Cambodge de l’Exposition Universelle de 1900. Le
système Monier est toujours appliqué avec les méthodes de calculs développées
par Chaudy ingénieur de l’Ecole centrale de Paris.
Le ciment armé fait fureur. De
1887 à 1891 pas moins de 300 ponts sont construits en Allemagne et Autriche
par des entreprises qui utilisent les brevets Monier. En 1890 le pont-route
sur le canal de l’Aar en Suisse avec le système Monier avait une portée de
37m et une largeur de 3,90m, ce qui est un record mondial pour l’époque.
Des entreprises vont chercher à
monopoliser à leur seul profit les brevets Monier. D’autres vont travailler à
la mise au point et à la compréhension du fonctionnement du ciment armé. Des
situations, des controverses, des procès. Jusqu’à la publication des
premières instructions d’emploi et de calculs en Prusse en 1904, et en France
en 1906.
Mais que devient Joseph
Monier ?
En juin 1902, dans la revue Le Ciment
cinq entreprises européennes sollicitent Emile Loubet président de notre
République pour une intervention en faveur de Joseph Monier. Celui-ci répond
le mois suivant : « je suis profondément touché de
votre bon souvenir envers moi … . Je vous remercie de vous être souvenus de
votre ancien maître, Joseph Monier, l'inventeur du ciment armé. Je me console
de ma peine de n'avoir pas été oublié….je suis trop heureux d'avoir pu
réaliser une invention profitable à tous les peuples civilisés ».
Sans résultat.
L’année suivante, 70 ingénieurs, entrepreneurs, industriels adressent une
pétition au ministre des Finances « pour la famille Monier le bureau de tabac au sujet
duquel une instruction est en instance et qu'il est désirable de lui voir
attribuer dans le plus bref délai ». A cette époque les
bureaux de tabac étaient attribués à des personnes méritantes pour leur
permettre de vivre d’un revenu et d’un travail.
Là aussi sans
résultat. Joseph décède à 82 ans dans la pauvreté, en 1906, chez son
beau-fils,
Quant aux barques en ciment de
Joseph Lambot, des compétitions dans les universités ont lieu depuis les
années 1970 aux Etats-Unis. La France s’y est mis depuis l’an 2000, ainsi que
le Canada, le Japon, l’Allemagne…. Les 6 et 7 mai 2009 le 7ème
challenge a eu lieu à Cercy-Pontoise dans notre pays. L’Ecole des Mines de
Douai organise une compétition en avril 2012 sur la base nautique de StLaurent-Blangy.
En avril 2019 c’est l’Ecole polytechnique canadienne qui gagne la compétition
aux Etats-Unis à l’université Rochester Institute of Technology dans l’Etat
de New York…. La barque de Joseph Lambot
a encore de beaux jours !!!
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Sources : Paul Christophe, Le Béton Armé
Et Ses Applications, 1902 (IISBN978-5-87526-167-1,,
p. 240--- J.-L. Bosc, J.-M. Chauveau, Jacques Degenne et Bernard Marrey, Joseph
Monier et la naissance du ciment armé,
éd. du Linteau, 182 p. (ISBN 2-910342-20-4)--https//data.bnf.fr<joseph-monier--- wikipedia.org/joseph-monier ---
Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier
français édit de l'Atelier, Cederom---https://jardin-secrets.com/joseph-monier-article-588,964,fr.https---www.mondedesgrandesecoles.fr/une-competition…-en-beton/---www.polymtl.ca/carrefour-actualite/nouvelles/victoire-en-competition-aux-etats-unis-pour-la-societe-technique-canoe-de-beton-avec-sa-nouvelle
--www.monbeaubeton.com/actualites/a-lire/joseph-monier
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