mercredi 24 mars 2021

Uzès en lutte pour son lycée

 

Uzès son lycée dans la tourmente

 

Pour Uzès Belle aux Bois Dormants à la sortie de la guerre de 39-40, les années 1965-75 annoncent une période de grands changements pour la ville.

En 1965 le centre hospitalier  psychiatrique du Mas Careiron ouvre ses portes avec une capacité d’accueil à terme de 400 malades, 25 agents, 35 infirmières et infirmiers recrutés petit à petit.  Un service pédopsychiatrique est prévu pour l’année suivante. Le maire est André Rancel depuis 1966. Premières nuits musicales en 1971 qui font de la ville un écrin pour la musique classique. Les orgues de la cathédrale sont restaurés et retrouvent un public. Un nouvel éboulement dans l’ancien évêché, et la voûte de la salle d’audience du tribunal, fresques et plafonds à la française sont détruits. Il n’est plus que temps de sauvegarder dans la ville ce qui peut l’être encore. (implication entre autres personnes d’André Malraux et de la Marquise de Crusssol née Marie-Thérèse Béziers 1904-1991 et non la Duchesse d’Uzès comme souvent on l’entend).

La ville obtient en 1974 le « Prix National du développement harmonieux des petites villes ».


 Collège-Lycée 1965

Les effectifs du collège-lycée au lendemain de la guerre de 39-40 étaient très réduits et les pensionnaires peu nombreux. La guerre d’Algérie et l’arrivée d’enfants, de même que l’apport d’élèves exclus d’autres établissements vont doubler les effectifs. La scolarité prolongée jusqu’à 16 ans va doper le nombre d’élèves. En 1960, le collège devient lycée nationalisé mixte. Il s’installe sur un terrain extérieur à la ville pour « assurer à des générations d'élèves les éléments d'une solide culture pour la vie telle que la définit leur temps et en conformité avec l'idéal des familles et l'idéologie du moment''. 

Puis c’est la séparation du premier et second cycle en 1973 : le collège s’installera au Redounet tout neuf en 1977.

Mais une menace de suppression des classes de second cycle du lycée Charles Gide pèse sur notre ville dès 1973. Les élèves de la sixième à la terminale y étaient accueillis, ce qui était bien nécessaire dans une zone rurale. Sans ce lycée, les enfants devraient être scolarisés à Nîmes, soit à 30 km d’Uzès. Pour l’Education Nationale nos effectifs sont insuffisants, pas de section scientifique en Terminale, des locaux vétustes… Le couperet tombe en 1974 : on annonce aux parents la fermeture des classes pour la rentrée suivante.

Lycée Charles Gide et ses préfabriqués

Vient le temps de la « Bataille du Lycée ». Tout l’Uzège se mobilise : fédérations de parents d’élèves, mairies, sénateurs, agriculteurs, anciens et nouveaux élèves, syndicats…. Tous dans une solidarité remarquable, sans faiblir, mettent en avant les activités, économique, culturelle, artistique, marchande, démographique qui seraient affectées par cette décision. Un Comité de Défense se constitue avec à sa tête le maire André Rancel et Nicole Bouyala conseillère municipale et maire de St Quentin la Poterie.

Ils défendent une structure à taille humaine, le maintien pour la ville des classes du second cycle. C’est  l'économie tout entière d'une petite région dont Uzès est comme la capitale, la possibilité de « vivre au pays », et une « qualité de vie » qui est ici une réalité bien plus qu'un programme.

Il faut saluer ici Henri Peladan et son journal Le Républicain qui consacre chaque semaine la Une à cette bataille pendant deux ans. Il entretient le moral, l’espoir des participants. Les agriculteurs montent au créneau : «  nous voulons que la défense et la continuité de nos exploitations passent d’abord par l’éducation de nos enfants… ». Ils pressentent bien que le brevet des collèges ne suffira plus pour gérer des exploitations agricoles. Le ministre diffère la fermeture des classes, espérant probablement une fatigue, un désengagement.. Le Comité décide de poursuivre son action.

Heureusement car le rectorat et l’inspection d’académie refusent de réviser leurs positions malgré la promesse ministérielle. Une manifestation spectaculaire de plus de 300 voitures se rassemble à Uzès au parking des Marronniers, puis traverse Montaren, Serviers, Saint-Quentin, Pouzilhac, Remoulins pour revenir à Uzès. Des banderoles « Non à la fermeture du Lycée », « Gardarem lo licéu »…

Les administrations, le nouveau ministre restent sourds. Mais la mobilisation continue : tracts, macarons, occupations du lycée… Le préfet dit que la demande des Uzétiens n’est pas raisonnable ! Les partis politiques, les syndicats, l’Eglise Réformée de l’Uzège s’engagent dans la bataille. Le Conseil Régional vote à l’unanimité un vœu de soutien. Le ministre reçoit enfin le comité et promet de réexaminer le projet.

Mais c’est surtout la pression médiatique qui va fait bouger les lignes. Un film de 45 mn de Télé-promotion-rurale, Antenne 2 donnent la parole aux membres du comité de défense. Les journaux Le Monde, Le Monde de l’Education, l’hebdomadaire Elle consacrent des articles et interviews sur le sujet. Et la rentrée de septembre 1975 est un pas de plus : une classe sauvage de onze élèves est ouverte dans une salle prêtée et aménagée par la municipalité dans l’ancien évêché. Une expérience d’autogestion avec des professeurs bénévoles, des intervenants extérieurs. Encore plus de médias s’intéressent à ces élèves, les chaînes nationales, France-Culture, l’Express, Le Nouvel Observateur… Trois élèves seulement réussissent le Bac, mais dans quelles conditions !!.

André Rancel leur rend hommage : « ..Vous avez eu du courage, de l’audace, et c’est avec beaucoup d’amitié que je vous ai suivis tous au long de cette année scolaire, partageant vos réunions, vos joies, mais aussi vos soucis…je voudrais dire à ceux dont les efforts n’ont pas été récompensés que pour moi ce qui compte c’est votre action, votre persévérance et nous réalisons bien que si le problème du lycée a pu avoir une audience nationale, c’est à vous que nous le devons »….

1976 promesse officielle de création de classes de terminales scientifiques si les effectifs suivent. Le comité de défense bat la campagne de l’Uzège pour engranger les inscriptions. En 1979 la lutte s’achève avec 280 élèves inscrits, la création de classes, l’inscription du lycée à la carte scolaire.



(quelques Mosaïques trouvées lors des travaux préliminaires pour la construction de l’internat)

Actuellement les lycées Charles Gide et Guynemer ont fusionné avec près de 1200 élèves, une soixantaine d’enseignants.

 


(Cour du lycée Guynemer alors caserne Brueys-Uzès –-Prisonniers allemands1914.--Midi libre Publié le 27/12/2015 et dans ce blog 10/11/2018 « Prisonniers de guerre victimes oubliées »

Sources  et pour en savoir plus : Le Républicain d’Uzès 2000 – Nicole Bouyala Histoire d’Hier et combat de demain 1974-1980 édit Champ Social 2009 --lyc-gide-uzes.ac-montpellier.fr--- www.objectifgard.com---www.uzes.fr>annuaire-des-equipements>lycee-charle---

 

 

dimanche 14 mars 2021

L'Assassinat du maire d'Uzès en 1852

 L’Assassinat deTancrède Cabot de Dampmartin maire d’Uzès

 

Depuis quelques années, des personnes se voient incriminées, condamnées par d’autres grâce aux réseaux sociaux, sans preuves que des affirmations qui tiennent plus du besoin de faire du bruit, d’exister. Des pratiques qui tiennent plus à des lynchages médiatiques. Des vies, des familles parfois détruites. 

Mais bien avant notre période, la vox populi a condamné des gens en oubliant que le Droit et les tribunaux sont là pour éviter, autant que se faire se peut, des erreurs. C’est aussi cela la civilisation.

L’exemple qui suit nous montre à quel point c’est pernicieux : l’instruction de l’affaire a été menée à charge, gangrénée dès le départ par l’opinion publique et nous ne savons pas en définitive si c’est le « bon assassin » qui a été guillotiné et si oui pourquoi…


Le 30 septembre 1852 le maire d’Uzès Tancrède Cabot de Dampmartin est assassiné sous les arceaux de la place du Puits-des-Cercles. Il est 4h et demi du matin. Il partait pour Nîmes, convoqué par le préfet pour régler les dispositifs du passage du nouveau président le futur Napoléon III. Deux coups de feu tirés à quinze ou seize pas de distance, et le maire meurt. Son domestique court après l’assassin en vain.

Tancrède (Jean Antoine Roch Anne Tancrède) Cabot de Dampmartin est né à Uzès le 6 novembre 1786 (ou peut-être plutôt à Montségur-sur-Lauzon dans le département de la Drôme). Il décède à 65 ans après avoir été élu maire légitimiste en 1848. Dampmartin était aussi membre du Conseil Général du Gard.

Une vie bien remplie au service de l’Etat : à 24 ans il est au Conseil d’Etat ; en 1813 il est attaché au 4è Régiment des Gardes d’Honneur, 1816 chevalier de la Légion d’Honneur, sous-préfet sous la Restauration à Carpentras puis à Orange. Il est maire d’Uzès depuis 1848. Des ancêtres conseillers à la Cour des Aides de Montpellier, commandant de la ville d’Uzès, grand voyer général aux finances de Montpellier, maréchal de camp et littérateur distingué (Henri son père)…. Des ancêtres communs au 16ème siècle avec les Clausel et les Bargeton de Vallabrix.

Ci-après mention des Cabot de Dampmartin dans l’ »Armorial de la Noblesse du Languedoc » de Louis de La Roche. (Gallica BNF)


Square Cabot –Montreal –Canada--photo Andrevruas 19/8/2013wiipediz.org

Il appartient à une vieille famille d’Uzès. Peut-être un lointain ancêtre vénitien Giovanni Caboto (vers 1451-1498), en français Jean Cabot, marchand, navigateur, explorateur au service de l’Angleterre. C’est l’époque des Christophe Colomb, des découvertes de routes vers les Indes…Le roi d’Angleterre Henri VII lui donne le droit de naviguer à la rechercher d’une route vers l’Asie en passant par l’Ouest. Il veut aussi des terres non revendiquées par un monaque chrétien. Trois voyages, des bancs de morues gigantesques, et surtout la possibilité pour l’Angleterre de revendiquer un droit sur l’Amérique du Nord. Le Canada se souvient de cet aventurier. Mais c’est une autre histoire.

La famille a passé relativement bien la période de la Révolution. Son père (1755-1825) Anne-Henri Cabot est un militaire, colonel des Dragons et homme politique. Il commande les troupes d’Uzès qui répriment la révolte des Masques Armés. Il est nommé vicomte sous la Restauration.

Il émigra en 1792 et publia à Berlin le « Journal de Littérature », "Evénements qui se sont passés sous mes yeux pendant la Révolution Française" 1792…

Il rentre en France après brumaire 1799. Il continue d’écrire différents ouvrages comme « la France sous ses rois » en 1810. Il est membre de l’Académie de Nîmes. Député au corps législatif (1813-1814-1814-1815), censeur impérial des journaux en 1815, conseiller au Conseil des prises en 1812, bibliothécaire du Dépôt de la Guerre en 1816…. Il est enterré à Paris au cimetière du Père-Lachaise.

Tancrède a épousé à Nîmes Marie Gabrielle Clémentine de Mérignargues (1796-1876) le 22 mai 1817. Trois enfants de cette union, deux filles et un garçon Jean Anatole Cabot de Dampmartin dont une fille Jeanne épouse François de Broglie. Tancrède sera Chevalier de la Légion d’Honneur.

Une de ses sœurs est prénommée joliment Fanny Gracieuse.

Portrait XIXe Henri Cabot de Dampmartin Uzès Gard Révolte des Masques Armés 1821 Musée Borias d’Uzès – père de Tancrède -

Mais revenons à ce 30 septembre 1852. Dampmartin est apprécié à Uzès et les habitants sont consternés par ce drame. Il faut aussi se souvenir que depuis la Révolution de 1789, le calme dans la ville et les alentours est très précaire. On enchaine les régimes politiques, république, empire, royautés, révoltes… rerépublique et reempire… Crime politique ?

L’enquête s’oriente vers une brouille, un différend personnel. Peut-être un peu vite, depuis 1848 les tensions se sont amplifiées, légitimistes-monarchistes (comme Dampmartin) contre républicains et bonapartistes, socialistes contre conservateurs. La République de 1848 tangue et glisse  doucement mais surement vers le Second Empire et le Languedoc n’est pas épargné. Des Languedociens se sont retrouvés au bagne.

Décembre 1851 c’est le coup d’état du président Louis-Napoléon Bonaparte. Le parti de l’Ordre espère faire élire à la présidence en 1852 un candidat monarchiste…. Mais le 2 décembre 1852 l’Empire est proclamé et Napoléon III est empereur.

Un suspect est vite arrêté, un certain Pierre Monet, (Mounet selon les certaines archives), maître-maçon, et ancien conseiller municipal qui avait plusieurs fois menacé le maire verbalement. L’instruction va vite. En juillet 1853 moins d’un an après le crime, le procès a lieu. La cour d’assises de Nîmes ne jugera pas le dossier pour cause de suspicion légitime et c’est celle de la Drôme à Valence qui jugera l’affaire. Pourquoi soupçonner une suspicion légitime s’il s’agit d’une affaire banale, presque une querelle de voisinage qui tourne mal. Monet est condamné à mort fin juillet et exécuté à Valence le 19 septembre 1853 sur la place St Félix à 6 h du matin. Une rapidité qui laisse penser qu'on veut se débarrasser de l'affaire. 

Les débats à l’audience laissent peu de chance à l’accusé.  Le journal « La Gazette » nous raconte le procès. (22/7/1853 et suivants—source RetroNews)

Pierre Monet ancien conseiller municipal, ancien officier et porte-drapeau de la Garde Nationale est condamné d’abord par la voix populi. On nous le décrit ainsi : il a 55 ans, d’une taille moyenne, mais d’une carrure de taureau. Une tête au poil ras et d’un gros volume, brun de teint, un front large et rugueux ; une mâchoire carrée, des pommettes saillantes, un « nez vigoureusement attachés à des sourcils épais »… Une petite mouche noire (verrue) sous la lèvre. Un aspect peu engageant,  bestial. Plus tard on dira de lui après une tentative de suicide en prison qu’il est d’une « nature énergique et demi-sauvage ». C’est l’époque où l’on pense que le criminel a forcément la tête de l’emploi.

Le lieu de l’assassinat ne se prêtait pas à un tel forfait : un clair de lune, une place fréquentée par des Uzétiens qui se préparaient au départ pour Nîmes pour voir le chef de l’Etat et participer aux fêtes offertes par le département du Gard. Aucun nuage, ni obscurité pour faciliter l’acte. Il fait tiède, les fenêtres sont ouvertes donc peu de chance de passer inaperçu. Une audace de la part de l’assassin, une inconscience ou un coup de sang ? Mais il y a préméditation car on ne se promène pas à cette heure avec un fusil à moins d’être braconnier, et encore !!

Les coups de feu ont été tirés par un chasseur ou un ancien soldat expérimenté, six projectiles ou fragments dans le corps de Monsieur de Dampmartin, trois dans la porte de la maison de Maitre Poncin, notaire.

Le sieur Cavalier dans une rue adjacente a vu l’assassin ajuster le maire à une distance d’à peine 18 mètres.

Dampmartin s’était fait beaucoup d’amis à Uzès et dans le Gard. Il avait été élu haut la main en 1848 à un scrutin de liste. En 1852 il avait fait entrer au conseil des hommes sur lesquels il pouvait compter et avait empêché d’autres d’être élus ou réélus, dont Pierre Monet. Il était suffisamment riche pour ne pas profiter de la situation et ses débiteurs étaient poursuivis avec humanité.

Dès l’annonce de cet attentat, des voix unanimes d’Uzès à Nîmes désignaient Monet comme l’assassin. « C’est cadet Monet…c’est une bête féroce qui a commis cet acte de barbarie…il m’a fait peur…. ». « il a du sang dans les yeux…c’est un habile chasseur… », »ça ne peut être que lui… ».  Monet assiste à l’enterrement de Dampmartin : les témoins le trouvent pâle, défait, tremblant. Il n’entre pas dans la maison de la victime pour la levée de corps, ni dans l’église, n’assiste pas à l’offrande. Plusieurs personnes l’avaient vu après le crime, marchant dans la rue d’un pas assuré, essayant de cacher contre lui un fusil. Une jeune fille entend marcher sur le toit au-dessus de sa chambre : c’est forcément Monet qui rentre chez lui, son forfait accompli. Pourquoi passe-t-il par les toits ? Pour cacher son fusil…

Des incidents ponctuent les audiences du procès. Un gendarme à côté du prévenu l’entend dire « donnez moi votre sacre que je lui coupe le cou » pendant qu’un témoin dépose à la barre. Des témoins contredisent cette déclaration : Monet aurait dit « donnez moi votre sabre que je me coupe le cou ».  Mais il parle en patois.. Une personne raconte ce qu’une autre lui a dit avoir entendu…Des témoins se rétractent ; ils n’ont en fait pas vu Monet assassiner le maire. Des discordances dans la description du bonnet, des vêtements de Monet ce jour-là ; une blouse blanche ou grise, une veste verte ?… Ils n’ont pas vu le visage de l’assassin. Un se trompe de jour. Monet se défend mal, agace le président de la Cour, fait rire le public aux dépends des magistrats. Il s’en prend aux témoins, souvent violemment, les accusant d’avoir reçu de l’argent de Monsieur de Dampmartin. Il n’est pas sympathique. C’est du pain béni pour l’accusation.

Son attitude à l’enterrement de Monsieur de Dampmartin est analysée : il est  une superstition qui veut que l’assassin ne peut s’approcher de sa victime sinon les blessures se rouvrent et saignent. Ce qui expliquerait que Monet ne se soit pas approché du cercueil. Monet répond qu’il y avait trop de monde dans la maison et à l’église, mais qu’il était présent au cimetière et qu’il peut répéter ce que le prêtre a dit.

Les déclarations de l’architecte Bègue nous rapprochent peut-être plus de la vérité ou d’une des vérités. Monet a été exclu des contrats de rénovation des prisons d’Uzès par le maire essentiellement à cause de son mauvais caractère. Et Bègue avait peut-être des plans qui convenaient mieux. Monet travaillait régulièrement pour la municipalité, en 1830-31 par exemple au cimetière catholique. Bègue va remporter beaucoup de contrats de travaux, églises, mairies, écoles dans tout l’Uzège. Des menaces ont été proférées par le maitre-maçon à l’encontre du maire, déjà en 1848. Monet aurait prêté de l’argent à l’architecte. Il avait aussi des ambitions municipales qui n’aboutirent pas : le 12 et 19 septembre 1852 il n’avait pas remporté les élections.

Et la condamnation tombe : c’est la peine de mort. Monet va faire une tentative de suicide en prison en se tailladant les veines avec des morceaux de verre d’une bouteille de vin qu’on lui avait apportée. ( ?)

Etait-il l’assassin, avait-il été manipulé par des opposants au maire, avait-il tué pour une question d’ego, d’argent, de jalousie, un trop plein de rancune ?…. A quatre heures du matin on peut supposer qu’il n’était pas ivre. Pourquoi avait-il ce fusil ce matin-là s’il n’avait pas prémédité son geste ? Monet apparait comme quelqu’un de primaire, sanguin, réagissant au quart de tour, ce qui ne plaide pas pour la préméditation. Comment avait-il prévu que le maire passerait là à cette heure ? Il a toujours clamé son innocence, mais est-ce suffisant pour se faire une opinion ?

Comment s’y retrouver quand les témoignages affluent mais qui ne s’appuient que sur des impressions, des « on-dit », des « à peu près ». Des bavardages…. Aucune autre piste n’a été explorée ni même imaginée par les magistrats instructeurs. On n’aura jamais la réponse.

 


 Hôtel de Dampmartin
avant et après rénovation-Uzès

Sources : La Gazette de France Procès 23-29 juillet 1853 --Gallica BNF


jeudi 4 mars 2021

Le Diable à Saint Siffret

 

(Saint Siffret- uzes-pontdugard.com)

Le Diable à Saint Siffret

Il arrive dans nos terres gardoises que Jésus apparaisse en personne au détour d’un chemin. Un jour Jésus et Saint Pierre arrivent à Saint Siffret, petit village près d’Uzès. La promenade est agréable, le soleil luit, les oiseaux chantent à tue-tête, tout respire le bonheur, la sérénité.

Et pourtant à l’entrée du village, un vigneron est assis sur le seuil de sa maison et il sanglote et il soupire à fendre le cœur d’un rocher. « Que t’arrive-t-il lui demande Jésus doucement ? « 

n  ----Ma femme m’a quitté sans un mot, elle s’est enfuie avec un va-nu-pieds, un caraque (gitan), un rémouleur de passage que personne ne connait !! Après quinze ans de mariage !!

n  ----Si ton épouse est partie, avait-elle de bonnes raisons pour te quitter ?

n  -----Mon malheur, c’est qu’elle est bavarde, mais bavarde à casser la tête, même à un sourd. Alors parfois ça me met en colère et là… Il a un geste évocateur, la main énorme levée

n   ---Tu sembles bien malheureux, je suis sûr que tu regrettes tes colères… Nous allons partir à sa recherche et te la ramener. En attendant réfléchis à ta conduite…

Jésus et Saint Pierre repartent sur la route. Au bout d’une heure, ils fatiguent, le soleil est au plus haut. Alors ils s’accordent une petite sieste sous un olivier centenaire.

Mais à peine installés, des cris stridents éclatent, une femme hurle un peu plus loin. Adieu la sieste…

-         -----Pierre, va voir ce qui se passe et fait taire cette braillarde !!

Vous l’avez compris, la femme qui hurle est la femme du vigneron. Le caraque avec lequel elle s’est enfuie, c’est l’Autre, le Velu, le Beau Galant, Pied Tordu, bref le Diable en personne, en corne et en os. Voyant que les hommes pour la plupart vivent en couple, il lui a semblé malin de prendre femme pour passer inaperçu. C’est tombé sur la femme du vigneron. Mais elle est si bavarde, qu’à lui aussi elle lui a cassé la tête. Et il n’est pas patient et il a la main leste et lourde.

Après quelques glapissements, le silence revient. Saint Pierre rejoint Jésus, la mine un peu longue, l’air gêné de celui qui a fait une bourde.

-         -----Pourquoi cette femme hurlait-elle de la sorte ?

-         -----Oh pour trois fois rien, une dispute de couple répondit Saint Pierre

-        ------ Tu as arrangé la chose ?

-         ------D’une certaine façon murmura Saint Pierre. J’ai peut-être eu un geste malheureux. Mon bon Seigneur, vous savez comment cela se passe : vous essayez de vous mettre entre un homme et une femme qui se disputent et ils se retournent contre vous. Ils se sont jetés sur moi, ongles en avant. Lui avait de petits yeux rouges. J’ai eu peur, j’ai sorti mon couteau et je leur ai coupé la tête à tous les deux !

-        ------ Ah coquin de sort comment as-tu pu faire une chose pareille ? Allons vite jusqu’à ces malheureux, il est encore temps de faire un miracle !

Au détour du bosquet, ils découvrent les deux corps et les deux têtes. Tout émotionné, Jésus soulève une des têtes, crache dans sa main, passe un peu de salive sur la plaie et colle la tête sur un des corps. Ensuite il fait la même chose avec l’autre tête. Mais dans la précipitation, tout chamboulé, Jésus s’est trompé : il a collé la tête du diable sur le corps de la femme et celle de la femme sur le corps du Malin….

Depuis il se dit dans les environs d’Uzès qu’il est possible que parfois Mesdames vous ayez mauvaise colère !!!

 

Merci à Josette, Esther, Françoise pour ce joli conte de leurs grand-mères.