/www.lindependant.fr/2021/06/04/guilhem-belibaste-le-dernier-parfait-cathare-vous-attend-a-villerouge-termenes-9586788.php-- Villerouge-Termenès
Le dernier
Parfait connu :
« Al cap dels sèt cent ans, verdejera lo laurel » (Au cap des 700 ans, le laurier reverdira) Prophétie de Guilhem Bélibaste.1321
Né vers 1280 Guilhem
Bélibaste est une figure marquante du panthéon historique occitan. Un être
tourmenté dans une période qui l’était aussi. Si l’on a retenu son nom c’est à
cause de la brève prophétie qu’il nous a laissé, annonçant un retour du
catharisme 700 ans après son supplice. Renouveau du catharisme dans les temps
qui viennent ? C’était le 24 août 1321, donc rendez-vous le 24 août 2021
pour le renouveau….
Et puis sa vie est riche d’enseignements
pour nous…. Un être de paradoxes qui
nous apprend l’humilité… Un personnage, pris entre des contradictions
permanentes, qui est fort humain, trop humain même.
Il nait à Cubières-sur-Cinoble,
un village du Razès dans la Haute-Vallée de l’Aude. Il sera brûlé vif en 1321 à
Villerouge-Termenès. Ses parents sont des paysans aisés, une famille totalement
acquise au catharisme. La famille est très liée à de nombreux « Parfaits »
comme les frères Autier et Philippe d’Alayriac. Ses frères bergers accompagnent
certains de ces Parfaits dans leurs tournées clandestines. Malgré les buchers, en
ces temps, l’hérésie cathare est encore vivace et même se développe à nouveau
dans l’Ariège, le Sud….
La croisade contre les
Albigeois (1209-1229) est terminée mais l’Inquisition fait des ravages. Des
cathares se cachent ou fuient vers l’Espagne. L’Aragon lorgne toujours sur la
Provence, les rois de France souhaitent reprendre en main les seigneurs
d’Occitanie, troublions riches de salins et d’une fidélité au roi peu fiable.
Par exemple Bermont de Sauve seigneur de Sommières expulsé par Saint Louis, et
bien d’autres. Les papes toujours veulent imposer un pouvoir temporel sur
l’Europe… Le Languedoc depuis la nuit des temps est un lieu de passage entre ce
qui est aujourd’hui l’Italie, l’Espagne, la France et les pays du Nord. Alors
chacun en veut un morceau quand ce n’est pas la totalité !! Un professeur
de droit de l’Université de Lyon disait que si les cathares avaient choisi la
Creuse pour s’installer, personne n’en aurait parlé !!
Et le peuple qui rêve du
paradis promis pour tous par la nouvelle doctrine avec un Dieu bon, indulgent
qu’on n’a pas besoin d’acheter avec des « indulgences ».
Guilhem n’a pas la
vocation au départ. Mais vers 1305-1306 il se bat et tue un berger de
Villerouge. Probablement à cause d’une menace de dénonciation religieuse. Villerouge
était la résidence d’été de l’archevêque de Narbonne, donc nous pouvons penser
que les habitants de ce village étaient de catholiques convaincus. L’Inventaire
des archives de l’archevêché de Narbonne nous indique que la victime s’appelait
Barthélémy Garnier originaire de ce village, berger des troupeaux de
l’archevêque dans les pâturages d’estive de Cubières. Garnier a-t-il menacé de
dénoncer la famille comme hérétique ?
Guilhem est arrêté.
L’archevêque de Narbonne seigneur de Villerouge et de Cubières le déclare
coupable et confisque ses biens. Une copie du 17ème siècle de l’acte
d’accusation de 1307 nous indique les sanctions :
« Item un acte de l’an 1307, duquel resulte
comme les biens d’un nomme Guilhaume Belibaste de Cubiere, feurent confisques
au sieur archevesque de Narbonne, a cause du meurtre par luy commis en la
personne de Barthelemy Garnier de Villerouge. (Coté n° 15). »
Guilhem
rentre dans la clandestinité, abandonnant femme, enfant, qui ne survivront pas
au scandale et décèdent en 1311. Les « parfaits » cathares
l’accueillent. Pour sauver son âme et faire pénitence il doit devenir cathare ;
il est initié et ordonné Parfait par Philippe d’Alayrac à Rabastens dans le
département du Tarn. Il devient un des derniers « bonshommes » ou
« parfaits », les pasteurs-moines du catharisme, ceux qui donnaient
le consolament.
Nous verrons qu’il ne
sera pas toujours un pasteur exemplaire, la chair est si faible !!
Guilhem et Philippe d’Alayrac sont arrêtés et emprisonnés en 1309 à Carcassonne dans la prison de l’Inquisition, « Le Mur ». Ils arrivent à s’en échapper et se retrouvent en Catalogne dans le comté d’Ampurias. Philippe d’Alayrac revient en France mais de nouveau il est arrêté et meurt sur le bûcher.
Guilhem change de lieu, de nom : il devient Pierre Penchenier, fabricant de peignes de tisserands. Il fait aussi des travaux saisonniers dans les vignes ou comme berger près de Poblet avec son ami Pierre Maury.
Pauvre
Pierre Maury, dont la naïve confiance fut largement mise à contribution par
notre parfait...
Guilhem pour cacher son état de « parfait » et
passer pour un bon catholique, fait semblant d’être le mari d’une ariégeoise en
exil comme lui, Raymonde. Il affirme son célibat de « bonhomme » en disant
qu’il « ne touchait pas à une femme à chair nue", ou qu'il
gardait son "caleçon" quand il couchait dans le même lit
qu'elle ». Pourtant Guilhem et Raymonde deviennent rapidement amants et la
belle tombe enceinte. Elle a un mari resté en Ariège, Bélibaste le sait disant
même en plaisantant : "vif ou mort,
Arnaud (l’époux de la belle Raymonde) ne risque pas de nous déranger beaucoup
dans ce pays".
Guilhem craint de voir
son autorité spirituelle s’effondrer. Alors il trouve une solution : il
marie en hâte son ami Pierre Maury à sa maîtresse pour étouffer le scandale. On
fait la fête à Morella, mais le mariage ne durera pas plus d’une semaine, juste
pour le nouvel époux d’endosser la paternité de l’enfant à naître. Un comble,
Guilhem est en plus jaloux !!
Notre pasteur par
ailleurs prélève sa part sur les revenus de son ami Pierre. Ils ont en commun
un troupeau de brebis. Lorsque Pierre s’en aperçoit il est si furieux qu’il
insulte Bélibaste et s’en va. Pierre raconte : « « Comme nous avions acheté en
indivision, Bélibaste et moi, six brebis, dont j’avais entièrement payé le prix
(et je lui avais donné en outre cinq sous), l’hérétique voulut emmener avec lui
trois brebis sur ces six, disant qu’elles étaient à lui, et que je lui avais
donné l’argent de ces brebis et les cinq sous pour l’amour de Dieu. »
Mais il prend son rôle de pasteur et de prédicateur très au sérieux. Il anime une petite communauté cathare d’exilés occitans, certains originaires du village de Montaillou en Haute Ariège. Il prêche, bénit, administre le consolament aux mourants. Une de ses phrases : « Quand un homme se fait bonhomme, il doit renvoyer sa femme, ses enfants, ses possessions et richesses. Il se conforme ainsi au précepte du Christ, qui veut qu’on se mette à sa suite ».
Un de ses
fidèles est Arnaud Sicre dont la mère est morte sur le bûcher. En fait Arnaud
est là pour gagner la confiance de Guilhem pour le faire arrêter et récupérer
ses biens confisqués à sa mère. Bélibaste souhaite rencontrer d’autres parfaits
pour se faire réordonner. Il sent bien
qu’il a fait quelques entorses aux règles de la doctrine. Il a péché publiquement
et il doit pour conserver sa légitimité de parfait recevoir à nouveau le
consolament. Il se laisse convaincre par Arnaud Sicre de revenir en Languedoc.
En mars ou avril 1321, dans le diocèse
d’Urgell à Tirvia Arnaud Sicre le dénonce au bayle du comte de Foix.
Arrêté ils sont conduits tous les deux à Castelbon, emprisonnés dans la tour. A
cette époque le dénonciateur et sa victime sont toujours incarcérés ensemble.
Guilhem va tenter Arnaud de recevoir le consolament et de se suicider ensemble
du haut de la tour pour entrer directement au ciel. En vain…. Il est jugé à
Carcasonne et brûlé dans la cour du château de Villerouge-Termenès le 24 août
1321.
Guilhem
meurt en martyr, avec dignité sans abjurer sa foi. Après lui, jusqu’au milieu
du 14ème siècle seuls de simples croyants montent au bûcher. Une
église cathare subsiste en Bosnie dont les membres se convertiront à l’islam au
15ème siècle.
Il annonce
avec certaines idées du catharisme et avec quelques siècles d’avance, Luther et une prise de conscience du monde
catholique. Il critique la rapacité du clergé catholique d’alors, le pape y
compris, qui agit à l’opposé de son prédécesseur Saint Pierre :"Le pape gobe la sueur et le sang
des pauvres gens. Et de la même manière agissent les évêques et les prêtres,
qui sont riches, honorés, jouisseurs… Alors que saint Pierre, lui, avait
abandonné sa femme, ses enfants, ses champs, ses vignes et ses possessions pour
suivre le Christ »….« Les indulgences du pape coûtent cher et elles ne valent
pas grand-chose ».
Les cathares ne croyaient ni à l’enfer ni au purgatoire,
tout être humain était destiné à regagner le paradis après une série
d’incarnations successives. Donc les « indulgences » que seuls
les riches pouvaient payer et s’offrir le paradis devenaient inutiles.
"Il y a quatre grands diables qui
régissent le monde: le seigneur pape, diable majeur; je l'appelle Satan; le
seigneur roi de France est le second diable; l'évêque de Pamiers, le troisième
; et le seigneur inquisiteur de Carcassonne, le quatrième diable".
Pour marquer les esprits il brosse des
tableaux très satiriques, on est dans le discours oral, de camelots de
foires : « Les évêques, les prêtres, les Frères mineurs ou
prêcheurs entrent dans les maisons des femelles riches, jeunes et belles ;
ils leur prennent leur argent ; et, si elles consentent, ils couchent
charnellement avec elles, tout en faisant des faces d’humilité ».
Un homme de son temps. Pour lui, l’homme
mauvais est possédé, manipulé par un esprit malin.
« Quand un homme
dérobe, vole le bien d’autrui ou fait le mal, cet homme-là n’est rien d’autre
qu’un esprit malin qui entre en lui : cet esprit lui faut commettre des
péchés, il lui fait quitter la bonne voie pour la mauvaise. »
Pour Bélibaste, les saints et
les miracles sont l’œuvre du diable. Mais le peuple a besoin de croire en leur
pouvoir guérisseur. Pour les cathares, Dieu est dans le monde spirituel et le
diable dans le monde matériel.
Ce que l’on connait de Guilhem Bélibaste
est dans les dépositions d’Arnaud Sicre et de Pierre Maury enregistrées par l’inquisiteur
Jacques Fournier, le futur pape Benoît XII. (voir Jean Duvernoy : Le registre d’inquisition de Jacques Fournier (Évêque de Pamiers),
1316-1325 aux éditions Mouton, Paris, 1978.)
Sources et pour en savoir plus : René Nelli, Bélibaste,
La vie quotidienne des cathares en Languedoc au XIIIe siècle, Paris, 1969, p.
283.-- Gauthier
LANGLOIS-: « Note sur quelques
documents inédits concernant le parfait Guilhem Bélibaste et sa famille » ,
dans la revue Heresis publiée par le Centre
d’Études Cathares, n° 25, 1995. Sur le site de la mairie de Cubières----paratge.wordpress.com/2012/12/21/belibaste/-- « Bélibaste, l’imparfait », paru dans Pays Cathare magazine, hors-série n° 1, décembre 1997,
pp. 70-71. René Nelli, Bélibaste,
La vie quotidienne des cathares en Languedoc au XIIIe siècle, Paris, 1969, p.
283.--- wikipedia.org ---Frédéric Vidal Morphéus n°
107, sept.-oct. 2021 www.morpheus.fr/la-prophetie-cathare-de-guilhem-belibaste/------- Anne Brenon, Cathares
: la contre-enquête.---
Emmanuel Le Roy Ladurie, Montaillou, village occitan.---
, Henri
GOUGAUD lui a consacré un roman : Bélibaste, publié aux éditions du Seuil en
1982.
Tous ces
ouvrages peuvent être consultés et pour certains commandés au Centre d’Études
Cathares à Carcassonne. (Tél. 04 68 47 24 66).
Le
château des archevêques de Narbonne à Villerouge-Termenès (11), abrite une très
belle exposition permanente sur Bélibaste et son temps. (Tél. 04 68 70 09 11).
---Henri Gougaud, Les Cathares, brève histoire d'un mythe
vivant, Points collection, 1997.---Claude Pelet, Gauthier
Langlois, Dominique
Baudreu, L’Aude
dans l’Histoire, Béziers : Aldacom, 2006, 56 p. [Bande dessinée
historique].---Michel Gayraud, Bélibaste,
téléfilm co-produit par France 3 télévision, 2000.-- www.babelio.com/livres/Gougaud-Belibaste/32664--www.editions-cairn.fr/histoire/857-belibaste-le-dernier...
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