Le Dernier Duel
Le duel, à l’origine pratique aristocratique pour régler des
conflits, renforcer ou dissiper la renommée des duellistes. Exposer sa vie pour
son honneur et ses convictions pour mettre en scène son courage, son intégrité
devant l’opinion…. Cette pratique existe ou a existé dans tous les pays, à
toutes les époques, jugement de Dieu ou de la chance, de l’expérience ? Mais
se venger d’une offense, n’est-ce pas se mettre au niveau de son ennemi, et
passer outre c’est se placer au-dessus de lui ?
Entre 1550 et 1650 les
duels font une hécatombe dans notre pays. On estime entre 8000 gentilshommes
tués en duel entre 1598 et 1608. Dangereux, d’une fréquence excessive, ils sont
un sujet majeur du règne de Louis XIII et de Richelieu. Il s’agit de sauver la
noblesse malgré elle !! Déjà en 1566 sous Charles IX ces rencontres
sont interdites. En vain. Et l’édit de Fontainebleau de 1609 qui annule cette
interdiction !! La vie de nos gentilshommes ne doit être qu’au seul
service du roi !!. En 1576 par l’ordonnance de Blois, les duellistes sont
déclarés coupables de lèse-majesté en usurpant le droit de justice dévolu par
Dieu au roi. Mais le fond du problème ce n’est pas la vie des duellistes qui
est en jeu mais leur honneur !
Parfois
l’honneur était à géométrie variable, plus meurtre que duel. Certains
« duellistes » se servaient de ce rituel pour masquer leurs
massacres. Le chevalier d’Andrieux par exemple aurait tué 72 hommes avant
d’être jugé puis exécuté.
En 1613 le chevalier de Guise aperçoit le long de la rue Saint-Honoré à Paris, le baron de Luz, qui avait calomnié son père. Il dégaine son épée et appela le baron à faire de même. Le baron était un vieil homme incapable de se défendre contre un impétueux jeune homme qui le tua d’un seul coup. Mais les choses ne s’arrêteront pas là. Après avoir enterré son père, le nouveau baron de Luz envoya son écuyer chez Guise avec une lettre pour défier l’assassin de son père : « Monsieur, je vous prie de me faire l’honneur de votre présence avec votre épée en main, pour que justice soit rendue à mon père. Ce jeune homme [l’écuyer] vous emmènera à l’endroit où je vous attendrai avec un cheval et deux épées. Vous pourrez choisir celle que vous préférez. »…Et le chevalier de
Guise après avoir tué le père, tua le fils….
(PHOTOGRAPHIE
DE ERICH LESSING, ALBUM-Descartes
Parfois, romantisme,
dignité, esprit chevalesque sont de la partie. Descartes le grand philosophe,
maîtrisait parfaitement l’art de l’escrime. Un jour, alors qu’il était en
compagnie d’une dame qu’il courtisait, il est attaqué par un rival. Descartes
le désarme puis lui rend son épée en lui disant : « Vous devez votre
vie à cette femme pour qui je viens de risquer la mienne. »
La Révolution de 1789 aurait dû mettre fin à cette tradition. Plusieurs cahiers de doléances réclamaient d’ailleurs cette interdiction. Mais les roturiers voient dans le duel une manière de se montrer égaux des ci-devant aristocrates !! En 1790, Barnave et le capitaine de Cazalès s’affrontent et ce dernier est tué d’une balle au front. Et tout au long du 19ème siècle, des duels vont tuer des orateurs, des polémistes, des hommes politiques. Lamartine dira : « il faut plus de courage pour refuser un duel que pour en accepter dix » ! En 1834, le député avocat brillant Dulong sera tué à 42 ans par le général Bugeaud pour une phrase lancée dans un débat sur l’Algérie. L’affaire Dreyfus occasionne pas moins de 40 duels politiques. Car le monde politique montre le mauvais exemple : ministres, maires, nationalistes, antiparlementaristes….pour un oui, pour un non, pour exister, pour s’affirmer ?
(Le colonel Picquart partisan de l’innocence de Dreyfus contre le commandant Henry antidreyfusard--le Petit Journal)
Après 1919 et
l’hécatombe de la Grande Guerre, le duel tombe en désuétude jusqu’à devenir
anachronique dans les années 1950. En 1947, un duel déjà entre Gaston Defferre
et Paul Bastid au pistolet. En 1949, Roger Nordmann et l’avocat Jean-Louis
Tixier-Vignancour pour une accusation de dénonciation de résistants pendant la
guerre…Serge Lifar chorégraphe d’opéra, et le marquis de Cuevas en mars 1958…le
premier 53 ans et le second 72 ans avec pour témoin un certain Jean-Marie Le
Pen.
Le 21 avril 1967
dans un jardin ombragé d’un hôtel particulier de Neuilly-sur-Seine, deux hommes
croisent le fer. Quatre minutes plus tard, le combat s’arrête, l’un des deux
est touché par deux fois au bras.
La veille, Gaston
Defferre (1910-1986) avait tonné « taisez-vous abruti ». Il s’adressait
au gaulliste René Ribière (1922-1998). Cette interruption passe inaperçue dans
le brouhaha des débats et ne figure même pas au compte rendu officiel de la
séance. Mais Ribière rejoint Defferre dans la salle des Quatre-Colonnes et
devant les journalistes il demande réparation par les armes !
Deux parlementaires,
élus du peuple et théoriquement représentant une certaine éducation, un
exemple. Gaston Defferre est maire de Marseille, député SFIO président de
son groupe à l’Assemblée Nationale. René Ribière est élu du Val d’Oise depuis
1958, mais révoqué de la préfectorale pour avoir assisté en tenue de
sous-préfet à une manifestation du RPF (Rassemblement du peuple français). L’offensé
envoie deux témoins à Gaston Defferre. Il a le choix des armes et choisit
l’épée. Il veut se montrer digne de son grand-père Marcel Ribière député
radical de l’Yonne de 1906 à 1913 qui s’était battu en duel en 1910. Il cherche
la notoriété. Ce qui n’est pas le cas de Defferre qui n’a pas envie de faire de
la publicité à un ambitieux. Mais les élections législatives récentes n’ont
apporté la majorité qu’à un siège près pour les gaullistes et leurs alliés. Les
résultats de l’Outre-Mer sont très contestés. Ce duel apportera une diversion
utile. Le président de l’Assemblée Nationale Jacques Chaban-Delmas essaie une
médiation, en vain et Ribière prend en urgence une leçon d’escrime à la salle
d’armes du Palais-Bourbon avant d’affronter l’adversaire. Il n’avait jamais
touché une épée de sa vie.
Le Général de Gaulle
n’apprécia pas cet épisode et envoya des émissaires pour faire annuler ce duel,
sans succès.
Le lendemain malgré
la surveillance policière, les deux adversaires et leurs témoins se retrouvent
dans le parc d’une villa de Neuilly. Defferre refuse les épées car trop
émoussées. Il a apporté de « vraies épées ». Et le combat commence,
vite fini. Ribière est touché par deux fois au bras sans gravité. Jean
Lipkowski, gaulliste de gauche et arbitre des échanges, met fin au duel qui
aura duré moins de cinq minutes.
Ribière se mariait
le lendemain et Defferre de dire : »si je l’avais su, je l’aurais
touché autre part !! »
Ce duel sévèrement jugé, sera le dernier de la vie parlementaire. Les joutes oratoires les remplaceront avec plus d’intérêts. Un journaliste parla de « mascarade » dont la victime était le sérieux de deux députés.
(duel Déroulède –Clémenceau—échange de six balles sans
résultat)
Sources et pour en savoir
plus : Bruno Fuligni Historia n)929 mai 2024-- --/www.lemonde.fr/m-moyen-format/article/2017/04/21/il-y-a-cinquante-ans-le-dernier-duel-de-france_5114729_4497271.html---
Exposition Duels l’art du combat musée
de l’Armée Paris 7è jusqu’au 18 août--- www.historia.fr/histoire-de-france/xxeme-siecle-a-aujourdhui/21-avril-1967-gaston-deferre-contre-rene-ribiere-le-dernier-duel-en-france-2095876---
www.geo.fr/histoire/lhistoire-vraie-de-jean-de-carrouges-et-jacques-le-gris-les-heros-du-film-le-dernier-duel-de-ridley-scott-206686---//www.nationalgeographic.fr/histoire/2020/08/en-garde-pourquoi-la-france-etait-elle-capitale-la-capitale-europeenne-des-duels---h
ttps://cultea.fr/1967-dernier-duel-a-lepee-de-france-entre-deux-deputes.html---
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