Santons-fèves- collection perso
Les Santons et
la Crèche :
Bientôt Noël et ses
décors scintillants. Depuis quelques
années dans notre belle province se pose et se repose la question de la
Crèche : cultuelle, culturelle, traditionnelle, laïque ? Dans quel
lieu est-elle permise, lieu privé, public ? On accepte sans rien dire les
marchés de Noël, les guirlandes, les étoiles lumineuses dans les rues, qui sont pourtant espace public… Un marché de Noël bientôt à Dubaï. Comme dit ma voisine, au lieu de s’occuper des crèches il y en a
qui ferait mieux de s’occuper de la hausse de la CSG pour (ou contre) les
retraités !!.
La crèche s’enrichit de
l’âne et du bœuf au 4ème siècle, animaux absents de l’Evangile. La
crèche apparait au grand jour sur des sarcophages dans des lieux comme Rome,
Milan, Ancône, Syracuse, Arles, Saint-Maximin. Elle se dévoile sur des
manuscrits, des miniatures, des ivoires, peintures d’Orient….
Contrairement à la tradition, il n'y a aucune trace d'un âne ou d'un bœuf
dans les deux évangiles qui racontent la naissance de Jésus (celui de saint
Matthieu et celui de saint Luc). Les textes
apocryphes comme l’évangile Pseudo-Mathieu du 6ème siècle
mentionnent les deux animaux. Légende, besoin d’enjoliver les choses, de les
rendre plus proches des fidèles avides de détails ? Pourtant des représentations des deux animaux
sont bien plus anciennes. Un fragment de sarcophage avec le bœuf et l’âne porte
le nom des consuls Placide et Romulus, donc vers 343. Une tradition venue de
témoins oculaires et transmise de bouche à oreille ? La question n’est pas
tranchée actuellement. L’historien René Grousset nous dit « C'est à Rome surtout que la sculpture chrétienne
avait fait son œuvre et que de nombreux bas-reliefs avaient habitué l'œil à
voir près de Jésus naissant un Ane et un Bœuf : c'est à Rome que, sous cette
influence toute plastique, les deux animaux avaient commencé d'exister
véritablement. Nous n'avons plus qu’à suivre désormais notre légende à travers
les âges. Jusqu'au seizième siècle on ne la mettra pas en doute ; et
d'ailleurs, quels que soient les arguments qu'on puisse lui opposer, elle
restera toujours vraie pour le sentiment populaire ». Nous nous garderons bien d’avoir une opinion.
Et puis ces animaux sont bien sympathiques et faisaient partie de la vie des
familles.
Sculpture en bois Philippe Péneaud
Le concile de Trente avait épuré certaines
croyances fondées sur les évangiles apocryphes : le bœuf et l’âne
disparaissent des crèches et représentations de la Nativité fin 16ème
et 17ème siècle, à quelques exceptions près. Ils sont oubliés par
Velasquez, Rubens… Mais sous la pression des fidèles et avec le temps, ils
réapparaissent au 18ème siècle.
Traditionnellement on attribue à François
d’Assise la création en 1223 de la première crèche vivante à Greccio en Italie,
dans un ermitage établi dans une grotte donnée par le seigneur du village. Les
personnages sont joués par les gens du village, les animaux bien réels. Une
querelle d’attribution : est-ce la mère de François d’Assise, de Tarascon
ou Beaucaire, qui lors de son mariage avec un drapier de Lombardie, emmena sa
crèche dans ses bagages. Les marchands napolitains vendaient sur les marchés de
Provence et d'ailleurs jusqu'aux Flandres des « Santibelli », figurines religieuses en plâtre. D’où
pour certains historiens l’existence de crèches provençales avant le 13ème
siècle. Pour les Italiens au contraire, la première crèche vivante naquit à
Greccio et de là la tradition gagna les couvents franciscains, des clarisses,
les églises de France durant la seconde moitié du 13ème siècle.
Quoiqu’il en soit, François d’Assise est
le saint patron des santonniers.
Petit à petit les
personnages de la crèche sont sculptés en bois, en cire, en carton-pâte, en
verre. Des chefs-d’œuvre, si fragiles qu’on les fixait dans des caisses en bois
avec une vitre sur le devant. Les verriers d’Arles étaient célèbres pour ce
travail, souvent des religieux, chartreux, carmélites, … La cire de leurs
ruches était utilisée pour faire ces « Belèn » peints. Ce sont des
pièces de musée maintenant.
Les personnages de la
crèche de Louis XIV étaient en porcelaine coloriée, en costume de l’époque.
Monseigneur Chabot nous raconte : « la crèche reflète la distinction
et la noblesse qu’on trouvait à la cour du grand roi…les bergers portent
culottes courtes et bas blancs….Les rois Mages ont grand air, avec leur
coiffures empanachées de plumes flottantes… » . La crèche de Louis XV est
« en satin bleu, aveuglante de paillettes.. ». La crèche de Louis XVI
n’a pas la même grâce et la même finesse. Des coquillages et des arbustes en
trop grand nombre nuisent à l’effet. Toute une époque !
Le
peuple voulait aussi sa crèche. En 1775 à Marseille, Laurent construit une crèche
à montrer au public avec des mannequins articulés vêtus de costumes provençaux.
Mais il y ajoute des girafes, des rennes, des hippopotames. Jean-PaulClébert
raconte : « À l'époque du Concordat, Laurent montrait
même un carrosse qui s'avançait vers l'étable ; le pape en descendait,
suivi des cardinaux. Devant eux s'agenouillait toute la Sainte-Famille et le
pape lui donnait sa bénédiction. Pendant l'adoration des bergers, un rideau se
levait, dévoilant la mer sur laquelle voguait un bâtiment de guerre. Une salve
d'artillerie saluait l'enfant Jésus qui, réveillé en sursaut, ouvrait les yeux,
tressaillait et agitait les bras ».
La
Révolution française supprime la messe de minuit et bouleverse l’organisation
des églises. Les représentations publiques de la nativité sont parfois autorisées.
Alors dans l’intimité des foyers de chaque famille provençale sont apparus les
« santoun », les petits saints, les santons. Ce que le peuple veut…. La
crèche entre dans l’espace privé.
Foire aux santons à Marseille au milieu du
XIXe siècle .En 1803, a lieu à Marseille la
première foire aux santons. Santons peints, habillés, santons d’ailleurs. Et
tous les accessoires pour le décor : la crèche est devenue un
ensemble : l’étable, mais un village, avec son église, des maisons, des
ponts, des puits, des arbustes…. Combien de villes maintenant ont pareille
foire pour la joie de tous.
Jean-Louis
Lagnel de Marseille eut le premier l’idée de construire des moules pour ses
figurines en argile. Il représentait ses voisins dans différents métiers, vêtus
dans la mode populaire de l’époque Louis-Philippe. Ces moules permettaient de
reproduire à l’infini les sujets à moindre coût. Ses premiers santons sont sans
bras, sans coiffure, sans accessoires qui sont moulés à part et collés au corps
à la barbotine (argile diluée). Puis expérience aidant, il créa ses santons
d’une seule pièce, installant le véritable santon
Moules de Jean-Louis Lagnel (1764-1822) premier santonnier marseillais. Musée Marcel Carbonnel (collection privée M Carbonnel – photo Ph Renoux-Carbonnel mars 2012- wikipedia-wikimedia common)
Les
santonniers d’aujourd’hui réalisent d’abord un modèle dans l’argile crue placé
sur un socle qui fera partie du sujet. Ensuite vient la confection du moule
coulé en plâtre. Dans une moitié du moule talquée, on presse un colombin
d’argile fraîche. Après pression des deux parties du moule, le santon est
sorti, mis à sécher, ébarbé pour éliminer toute trace du moulage. Après un
nouveau séchage, il est cuit dans un four à 800°. La décoration se fait à la main. Les santons habillés à l’origine étaient confiés à des familles
qui confectionnaient les vêtements. Des petits métiers qui aidaient financièrement les familles.
lavandières Arles |
Toutes
les catégories sociales, les métiers, et maintenant des célébrités du moment
sont représentées. Le Vieux Grasset et sa Vieille Grassette qui marchent dans
l’innocente vie santonnière, bras dessus bras dessous rivés l’un à l’autre dans
la tendresse, le Ravi, le Tambourinaire, le pêcheur et la poissonnière, le
boulanger, le porteur d’eau, la lavandière, le vannier, le pistaché aux
nombreux gilets et son gros ventre….. et l’Arlésienne, l’aveugle et son fils,
les bohémiens, Margarido la grognon…. Des vies !! Le maire a revêtu ses
plus beaux habits, son écharpe tricolore, son chapeau haut-de-forme, son
parapluie. Une montre en or pend de sa poche de veston, habituellement appelé
Mathieu et il inscrit la naissance de l’Enfant sur le registre d’Etat-Civil du
village. Le brigand et l’enfant volé offrent un sujet de morale qui se
terminera par la rédemption finale. Le curé traditionnellement représenté
bedonnant, joues rouges. Un moine capucin, souvent présent en hommage à celui
qui dans son couvent de Marseille avait eu l’idée de distribuer aux pauvres des
petites sujets en mie de pain parfumés à l’anis. Son supérieur fit cesser cette
distribution, peut-être parce que les petits pains étaient mangés avant le 25
décembre, ou parce que le succès de l’opération les dépassait.
Au
moment de la crèche, nos rues, nos centres commerciaux résonnent de chants de
Noël, s’illuminent de guirlandes. On prépare les cadeaux, on imagine les repas
de fêtes… Même si l’on manque de moyens, on fait un geste, pour marquer le
coup. Actuellement la tradition des crèches existe dans beaucoup de pays.
Chaque santonnier apporte sa touche personnelle. Les Chinois nous en envoient
en plastique, en résine. Les Polynésiens les sculptent dans des noix de coco,
habillés de fibre de palme....
Les
expositions nous enchantent par la diversité des sujets. Et chaque spectateur y trouve ce
qu’il a envie d’y trouver. Les non-croyants ne sont pas les derniers à
se réjouir du spectacle. Je connais nombre d’athées ou de protestants qui
chaque année font leur crèche avec des décors modifiés d’une année sur l’autre,
des nouveaux santons. On ne peut pas les taxer d’infantilisme. Peut-être un
besoin de merveilleux !
La crèche, légende,
religion, folklore, traditions, Histoire ? Quand on aborde la Pastorale
provençale qui fait naître Jésus chez nous et non en Palestine, avec le
maire pour l’inscrire sur notre registre d’Etat-civil, il y a de quoi
s’interroger !!!! Toutes les catégories sociales y sont représentées, de la
gardienne d’oies, à la marchande de légumes, du curé qui n’existait évidemment
pas à l’époque de la naissance, le bohémien, du boulanger à la vendeuse d’ail….,
tous naturellement présents pour célébrer la naissance de l’Enfant. Il y a de quoi rêver à Noël, respirer le chocolat, le sapin, et surtout admirer le
savoir-faire de nos santonniers !! Le message de Noël c’est avant tout un
message de paix, d’amour. Une trêve dont nous avons bien besoin, un
renouveau, un espoir ! C'est un message qui échappe à la seule sphère religieuse. Ce n’est pas innocent si la tradition a fait naître
Jésus en décembre au lieu de l’été,
lorsque la lumière revient, et que les jours paraissent s’allonger petit
à petit. "A la sainte Luce les jours allongent
d'un saut de puce et pour la Noël d'un pied de coq ». ("Avant 1582, dans le calendrier julien, la Sainte-Luce
tombait deux jours après le solstice d'hiver, le calendrier grégorien
a avancé la Sainte-Luce de dix jours et elle tombe aujourd'hui huit jours avant
le solstice). Ce besoin de fête lors du renouveau de la lumière a existé bien avant le Christianisme, bien avant les Romains, l'Antiquité, probablement depuis la nuit des temps. Quoi de mieux que la naissance d'un enfant pour illustrer ce renouveau ?
Et puis Jésus est aussi mentionné dans le Coran (par exemple Sourate 19, 16-35). Une forme de laïcité avant l’heure ?!!
Et puis Jésus est aussi mentionné dans le Coran (par exemple Sourate 19, 16-35). Une forme de laïcité avant l’heure ?!!
Pour répondre à nos
reboussiers, Gaston Doumergue, président de la République avait reçu en son
temps santons et santonniers dans les salons de l’Elysée.
(Autres réflexions que suggère cette polémique : attention à l'intégrisme laïc qui peut tuer la laïcité - ce que le peuple veut, il finit toujours par l'obtenir - nous payons encore maintenant l'intégrisme républicain de la période de la Terreur e 1794.)
(Autres réflexions que suggère cette polémique : attention à l'intégrisme laïc qui peut tuer la laïcité - ce que le peuple veut, il finit toujours par l'obtenir - nous payons encore maintenant l'intégrisme républicain de la période de la Terreur e 1794.)
Farandole des santons, fresque de David
Dellepiane
Sources : Marie Mauron Le Monde des Santons
ISBN 2-262-00052-2 octobre 1976 - Françoise Lautman, Crèches et traditions de Noël, Ed. de la Réunion des Musées
nationaux, 1986, p. 39 – René Grousset Le Bœuf et l’Ane à la Nativité du
Christ 1884 V4 N°1 Persée.fr - Jean Paul Clébert Guide de la Provence mystérieuse, Éd.
Tchou, Paris, 1972 - www.peneaud.com/sculpture-noel/noel-1.htm - wikipedia
- VFhorizon-provence.com - Régis Bertrand
"Crèches et Santons de Provence"publié en 1992, éditions Barhélémy.
- A
voir Le Salon international d’Arles
des Santonniers, santons d’ici et d’ailleurs -Du 18 novembre 2017 au 14
janvier 2018 Cloître Saint-Trophimesalondessantonniers.over-blog.fr
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privée- la bergère à la lanterne, le tambourinaire et une vache ancienne
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privée – quelques santons
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