« Abus criminel des dances »
Un petit bijou trouvé
aux archives départementales du Cantal :
Le dimanche1er mai 1700 à Cézens petit village du
Cantal un procès-verbal est établi contre un groupe de jeunes gens qui se sont
rassemblés entre amis : Antoine Palagou vacher de son état jouait de la
musette, ses compagnes et compagnons originaires de Cézens et de Brezons
dansaient devant la grange d’Estienne Roullant, lieu en haut de la place
publique du village. Le vicaire de la paroisse le sieur Blanc, devant témoins
leur demande d’arrêter sans succès : «malgré toutes nos remontrances et
menace qu’on leur a fait de les dénoncer à mondit seigneur (l’évêque), bien
loin de cesser, ils ont escandaleusement continué à dancer ».
Insouciance de la jeunesse, effronterie envers un vicaire bougon.. ?
(1607 fête au village
gravure BNF).
Ce procès-verbal est envoyé au tribunal diocésain, c’est-à-dire à
l’évêque. Mais les archives de l’officialité ayant disparu nous ne savons pas
comment fut traitée cette affaire. Habituellement il était prévu une amende de
100 livres par contrevenant, somme importante pour le peuple.
C’est effectivement en connaissance de cause que le vicaire
intervient. Sous l’Ancien Régime, il est défendu de danser les jours de fêtes
religieuses, comme le dimanche, jour du Seigneur. Un arrêt des Grands Jours d’Auvergne (tribunal) en 1665, une déclaration du roi Louis XIV en 1688 et les ordonnances de l’évêque
de Saint-Flour le rappellent : « deffandent la profanation des festes
par l’abus criminel des dances ».
Depuis 321 et l’empereur Constantin, le jour du Seigneur, c’est-à-dire
le dimanche, est jour de repos dans les villes. Au Moyen Age, l’ensemble des
travailleurs, à la ville comme à la campagne sont concernés et le chant et la danse sont
interdits. François Ier le rappelle en 1520, les ordonnances sur ce sujet s’accumulent
ce qui laisse à penser combien leur application était difficile.
Gravure A Durer-1514- BNF
La danse apparaissait comme un mouvement
impudent, indécent dès lors que les deux sexes se côtoyaient. Fléchier en 1665
dans ses Mémoires sur les Grands Jours d’Auvergne décrit une danse « la
goignade » sorte de bourrée comme : « la danse
du monde la plus dissolue », avec « des figures qui sont très hardies et qui
font une agitation universelle de tout le corps. Vous voyez partir la dame et
le cavalier avec un mouvement de tête qui accompagne celui des pieds, et qui
est suivi de celui des épaules et de toutes les autres parties du corps, qui se
démontrent d’une manière très indécente »… « ils tournent sur un
pied, sur les genoux, fort agilement ; ils s'approchent, se rencontrent,
se joignent l'un l'autre si immodestement, que je ne doute point que ce ne soit
une imitation des bacchantes dont on parle tant dans les livres anciens ». Plus tard Taine
dans ses Essais décrit la goignade « danse
fort tortillée et fort risquée » (Taine, Essais crit. et hist.,1858, p. 239). Qu’aurait-il
dit de nos danses modernes, rock, hip pop et même d’une simple valse ou java de
papa !!
En fait, nos rois craignaient surtout les rixes, les abus,
ivrogneries etc. qui trop souvent sont la suite logique des rassemblements de
jeunes gens venus s’amuser, peut-être aussi les attroupements où l'on pouvait discuter et se "monter la tête"contre le pouvoir du lieu.
Le tribunal d’exception de Clermont de 1665-1666 rappelle l’interdiction
de tenir foire, marchés et danses publiques les jours de dimanche et fêtes, qui
sont cause « de toutes sortes de lascivetés, yvrogneries, blasphèmes exécrables, et
batteries sanglantes qui s’y font et des meurtres qui y arrivent ». Seigneurs
et consuls avaient pris l’habitude d’autoriser la tenue de foires, de
spectacles lors des jours de fêtes, ce qui amenait du monde et permettait de
percevoir des taxes en conséquence. il n'y a pas de petits profits !!
Bonne année 2018 et si l’an prochain nous ne sommes pas
plus, que nous ne soyons pas moins !!
Et puis dansons !!!
Procès-verbal recto-verso |
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