Madeleine Brès Première Femme Médecin au 19ème siècle
Madeleine (Magdeleine Alexandrine) est née le 25 novembre 1842 à
Bouillargues dans le Gard, à l’époque une petite bourgade d’un peu plus de
mille habitants. Son père Jean Gebelin est charron, maréchal-ferrant, mais il
travaille souvent à l’hôpital de Nîmes, réparant, construisant des échelles,
des brancards …. Madeleine l’accompagne et l’aide. Elle ne s’effraye pas des
gémissements, des odeurs de sang, d’urine. Elle observe le travail des
sœurs-infirmières. Petit à petit elle est prise en affection par le personnel
soignant et elle va donner quelques soins chaperonnée par une religieuse. Elle
donne des tisanes, du bouillon, soigne de petites blessures, confectionne des
cataplasmes…
La famille part pour Paris, Madeleine a 12 ans. A 15ans elle est mariée à
Adrien-Stéphane Brès conducteur d’omnibus en 1858. Trois enfants à élever. Mais
le rêve de devenir médecin est toujours là. Un rêve fou, pour une petite
méridionale sans instruction, sans diplôme..
A l’époque, pas vraiment d’interdiction légale pour une femme de devenir
médecin, mais les mœurs faisaient que la question ne se posait même pas : selon
Désiré Dalloz, célèbre juriste, (1795-1869)
« Bien que l'exercice de la médecine ne
soit pas interdit aux femmes, la nature des études exigées pour être reçu à
exercer cet art représente un obstacle moral à ce qu'elles puissent s'y
livrer ».
Un obstacle juridique
cependant, pour s’inscrire en faculté de médecine, il fallait le baccalauréat
et pour les femmes mariées le consentement de leur époux pour se présenter à ce
diplôme. Les femmes mariées n’avaient pas la majorité civile et dépendaient encore de
leur maris. Ce diplôme sera accessible aux femmes en 1861. Julie-Victoire
Daubié, institutrice dans les Vosges, est la première bachelière française à 37
ans. Un peu moins de 300 femmes obtiendront ce diplôme de 1861 à 1896.
Madeleine contacte en 1866
le doyen de la faculté de médecine de Paris Charles Wurtz pour s’inscrire ;
celui-ci lui conseille de passer d’abord son baccalauréat en lettres et
sciences. Elle l’obtient en 1869 en candidat libre après un travail acharné, le
soir, quand sa maisonnée est couchée, à la lueur des bougies. Charles Wurtz
sera un des 72 savants dont le nom est
inscrit sur la Tour Eiffel. Un progressiste, connu pour des ouvrages sur la
chimie médicale.
En 1869, lors d’un conseil
des ministres présidé par l’impératrice Eugénie, se référant à la loi du 19
ventôse an XI proclamant la liberté du travail, les femmes sont admises à
s’inscrire en médecine. Le doyen Wurtz, le ministre de l’Instruction Publique
Victor Duruy sont favorables à une certaine émancipation féminine. Madeleine
Brès est enfin inscrite avec trois autres femmes, l’américaine Mary Putman, la
russe Catherine Gontcharoff, la britannique Elizabeth Garrett. Toutes ont
acquis, soit le baccalauréat, soit un diplôme équivalent.
Madeleine à 26 ans, trois
enfants et son mari donne son consentement en la mairie du 5ème
arrondissement de Paris.
Le ressenti de la communauté
universitaire et médicale est glacial. Le docteur Henri Montanier écrit en 1868
dans la Gazette des hôpitaux (n°42 p34-35) :
« pour faire une femme médecin, il faut
lui faire perdre la sensibilité, la timidité, la pudeur, l'endurcir par la vue
des choses les plus horribles et les plus effrayantes (...) Lorsque la femme en
serait arrivée là, je me le demande, que resterait-il de la femme ? Un
être qui ne serait plus ni une jeune fille, ni une femme, ni une épouse, ni une
mère ! »..
Richelot, G. dans son livre « La femme-médecin »,
écrit : « Pour être médecin il faut avoir une intelligence ouverte et
prompte, une instruction solide et variée, un caractère sérieux et ferme, un
grand sang froid, un mélange de bonté et d'énergie, un empire complet sur
toutes ses sensations, une vigueur morale, et au besoin, une force musculaire.
(…) Ne sont-elles pas au contraire de la nature féminine."
Elève
stagiaire d’abord dans le service du professeur Broca de l’hôpital de la pitié,
puis « interne provisoire » de septembre 1870 à 1871. Ce dernier
poste obtenu du fait du départ de nombreux médecins au front de la guerre franco-allemande de 1870. Elle demeure à son
poste durant le siège de Paris et sous la Commune ; on admire et admet son
zèle et son dévouement. Gérer l’urgence, les nombreux blessées, un redoutable
baptême du feu qui démontre son sang-froid, ses capacités.
Ses
collègues médecins et l’administration hospitalière sont élogieux à son égard. . Le professeur Broca écrit : « Madame Brès,
sur ma proposition, fut désignée comme interne provisoire. En cette qualité,
pendant les deux sièges de Paris, et jusqu'au mois de juillet 1871, elle a fait
son service avec une exactitude que n'a pas interrompu le bombardement de
l'hôpital. Son service a toujours été bien fait et sa tenue irréprochable ».
"Par
son ardeur au travail, par son zèle dans le service hospitalier, nous nous
plaisons à reconnaître que Mme Brès a, par sa tenue parfaite, justifié
l'ouverture de nos cours aux élèves du sexe féminin et obtenu le respect de
tous les étudiants avec lesquels elle s'est trouvée forcément en rapport." Jules Gavarret, Constant Sappey, Paul Lorain, et
Charles Adolphe Wurtz font également son éloge dans un rapport commun.
Elle souhaite se présenter au concours de l’Externat d’octobre 1871. Mais
malgré l’appui du professeur Broca, le directeur des hôpitaux de l’Assistance
Publique le lui refuse : « S'il
ne s'était agi que de vous personnellement, je crois pouvoir vous dire que
l'autorisation eut été probablement accordée. Mais le Conseil a compris qu'il
ne pouvait ainsi restreindre la question et l'examinant en thèse générale dans
son application et ses conséquences d'avenir, le Conseil a eu le regret de ne
pouvoir autoriser l'innovation que notre Administration aurait consacrée ».
Cette décision déclenche une très violente
campagne de presse et une quasi émeute le jour du concours...
(Charles Wurtz)
Les pétitions qui suivront aboutiront à
l'Arrêté préfectoral du 17 janvier 1882 : "Les
femmes sont admises à prendre part au concours de l'externat sous la réserve
formelle qu'elles ne pourront, en aucun cas, se prévaloir de leur titre
d'élèves externes pour concourir à l'internat". Puis l'Arrêté préfectoral du 31 juillet 1885 : "Les élèves externes femmes qui rempliront les conditions
déterminées par le règlement sur le service de santé seront admises à prendre
part au concours de l'internat. Les internes femmes seront soumises à toutes
les règles d'ordre intérieur et de discipline qui concernent les internes
hommes".
En fait, les étudiantes en médecine devront attendre 1882 pour se présenter
au concours d’externat avec Blanche Edwards-Pillet (1848-1941) première femme
française externe des hôpitaux. Le concours d’internat sera ouvert aux femmes
en 1886 et la première française interne titulaire sera Marthe Francillon-Lobre
(1873-1956) reçue en 1900. Les « internes en chignon » sont malmenées
par les autres étudiants : places isolées et regroupées dans les
amphithéâtres de la faculté, bombardées de projectiles, insultées… Elles
doivent attendre dans le vestiaire le professeur pour entrer dans l’hémicycle
souvent sous les huées !!
Madeleine Brès parallèlement à ses études de médecine, passe quatre ans au
Muséum d’Histoire Naturelle avec Edmond Frémy (1814-1894) et trois ans dans le
laboratoire de Charles Adolphe Wurtz. Elle prépare une thèse de recherche qui
sera soutenue le 3 juin 1875 : « De la Mamelle et de
l’Allaitement ». Elle y démontre que la composition chimique du lait
maternel se modifie pour correspondre aux besoins du développement du bébé.
Thèse qui obtient la mention
« extrêmement bien » et qui est remarquée en France ainsi qu’à
l’étranger. Elle devient la première Française docteur en médecine. La
Britannique Elizabeth Garrett Anderson l’a devancée de cinq ans.
Elle est veuve avec ses trois enfants à charge. Elle installe son cabinet
médical en ville rue Boissy-d’Anglas à Paris. Elle a très vite une riche
clientèle bourgeoise. Elle fait de sa natte de cheveux enroulée autour de la
tête « par pure commodité, afin de pouvoir ausculter les malades »
une sorte de signature. Elle va se spécialiser dans tout ce qui touche la
relation entre la mère et le bébé, l’hygiène des jeunes enfants. A la demande
du préfet de la Seine, elle anime des causeries-conférences en direction des
différents personnels des crèches, garderies, et écoles maternelle des vingt
arrondissements de Paris. La mortalité infantile ainsi que cette des jeunes
mères est importante en ville comme dans les campagnes où encore souvent, des
« matrones » sans diplôme, et avec leurs seules expériences, officiaient auprès des accouchées. Madeleine
pendant cinquante ans va essayer de mettre en place une médecine préventive
auprès des femmes enceintes et auprès des jeunes mamans. Elle écrit plusieurs
livres et dirige un journal « Hygiène de la femme et de l’enfants ».
En 1885 elle fonde avec son propre argent une crèche 83 rue Nollet dans le
quartier des Batignolles ; les enfants jusqu’à l’âge de 3 ans y sont
soignés et gardés gratuitement. Cette crèche pilote sera visitée le 28 mai 1893
par Théophile Roussel, sénateur et auteur d’une loi sur la protection de
l’enfance et par Marie-Louise Loubet.
En 1891 le ministre de l’Intérieur la missionne pour une étude de
l’organisation et le fonctionnement des crèches et des asiles suisses.
Plusieurs distinctions ponctuent son travail : officier d’académie en
1875, officier de l’Instruction Publique en 1885, plusieurs fois médaillée de
la faculté de médecine de Paris….
Elle sera oubliée, mais un élan est donné. Elle décède en 1921 à 79 ans, à
Paris dans le quartier de Montrouge presque aveugle et dans la pauvreté. Depuis quelques années, des
crèches, des relais assistantes-maternelles, des écoles maternelles portent son
nom à Bouillargues et Montpellier mais aussi dans d’autres départements. Quelques
rues aussi…. Elle aimait à s’intituler la « Doyenne
des Femmes-Médecins de France »
Ses publications : De la mamelle et de l'allaitement, E. Martinet, 1875 (lire en ligne Thèse pour le doctorat en médecine présentée et soutenue le
jeudi 3 juin 1875--- 'Allaitement artificiel et le biberon, Paris, G. Masson, 1877, 77 p disponible sur
Gallica.---
Analyse du lait des femmes galibies, 1882. (Il s'agit de femmes caraïbes alors exhibition au Jardin d’Acclimatation)---Mamans et bébés, 1899.
www.medarus.org/Medecins/MedecinsTextes/bres_mad.htm
Sources : Jean-Louis Debré Les oubliés de la République édit Fayard 2008---www.sciencesetavenir.fr/high-tech/web/qui-etait-madeleine-bres-mise-a-l-honneur-sur-google_139249--Hubert
Delobette Femmes d’Exception en
Languedoc-Roussillon édit Le Papillon
Rouge 2010-Ibsn 978-2-917875-13-1----- "Figures, personnages et
personnalités d'Occitane", les Nîmois Catherine Bernié-Boissard et Michel
Boissard---www.medarus.org/Medecins/MedecinsTextes/bres_mad.htm--- Mme
Sorrel-Dejerine, « Centenaire de la naissance de Melle Klumph », Association
des femmes médecins, 1959, n°8, p. 14---- Richelot, G. La femme-médecin, Paris
: E. Dentu, 1875, p.43 et suiv.---
/www.legeneraliste.fr/actualites/article/2014/11/25/naissance-de-madeleine-bres_255456
https://data.bnf.fr/fr/10521235/madeleine_bres/---wikipedia--- Midi libre-www.midilibre.fr/2019/11/25/gard-la-bouillarguaise-madeleine-bres-a-lhonneur-sur-google,8562002.php
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