Marie-Antoinette
dans le ciel de Paris
Les concepteurs de l’engin
Etienne Montgolfier et Jean-Baptiste Réveillon dirigeant de la manufacture royale
de papiers peints sont présents. On a
renoncé à employer deux condamnés à mort, graciés pour l’occasion, et peine
convertie en peine de galères, comme le souhaitait le roi Louis XVI. Question
d’honneur, de symbole : être les premiers hommes dans l’espace. Et puis
deux hommes, des mécréants, passant de l’ombre de la mort à la liberté, le
ciel, le soleil, la forêt, ce n’était pas pensable !!
Maquette-Royal
Military Museum Brussels -12/2007 –photoMarcello—wiimedia.communs
Réveillon, probablement
le papetier le plus important de Paris dispose de grands bâtiments et de
nombreux ouvriers Faubourg Saint-Antoine dans la capitale. A ses heures mécène,
mais surtout quelle renommée pour son entreprise si l’expérience est une
réussite. Nous sommes en pleine guerre de savants : l’homme peut-il
voler ? On parle de bateaux volants, de voiture sans chevaux marchant à la
voile…. Blanchard en 1781 tente de faire monter par bonds de plus en plus hauts
un engin prémices de notre hélicoptère. Le physicien Jacques Alexandre Charles
et les frères Robert industriels (invention du vernis à caoutchouc pour étanchéifier
les tissus) pensent à l’hydrogène comme combustible….
Une décoration affirmant
la royauté : fleurs de lys dans la partie supérieure avec en dessous les
douze signes du zodiaque en couleur or sur un fond peint bleu azur, au milieu
les chiffres du roi Louis XVI, les deux L entrelacés, quatre fois répétés et
entremêlé de soleils éclatants et le bas garni de mascarons, de guirlandes,
d’aigles à ailes déployées. Le ballon est en toile de coton d’emballage encollée
sur papier sur les deux faces et impulsé à l’air chaud.
D’autres expériences
préparatoires ont eu lieu depuis le début de l’année 1783. C’est le 4 juin que
les frères Montgolfier lancent un premier ballon à Annonay en Ardèche. En aout
le lancement d’un ballon à hydrogène des frères Robert sur Paris se termine
mal, la population de Gonesse se ruant sur l’engin avec des piques pour
terrasser la bête, avec en prime un prêtre pour exorciser. Le 11 septembre, le
ballon en préparation des Montgolfier manque de tuer de peu huit ouvriers qui
retenaient l’engin en les emportant dans les airs lors d’un essai : «on vit cette belle machine se remplir
en neuf minutes, se redresser sur elle-même se tendre dans tous les points, et
prendre la plus belle forme. Les huit hommes qui la retenaient furent soulevés
à plusieurs pieds et elle se serait enlevée à grande hauteur si on ne lui avait
opposé de nouvelles forces… ».
Septembre est maussade, pluvieux. Les morceaux du nouveau ballon ne peuvent être assemblés qu’en plein air. On hésitait encore pour l’énergie entre hydrogène ou fumée. Ce ballon est équipé d’une chaufferette de grande taille : on y brule de la paille et de la laine hachée. On tente l’expérience : le ballon s’élève à plusieurs pieds avec une charge de 500kg. Mais un orage soudain avec un vent impétueux ont raison de la machine qui se retrouve en lambeaux.
Le 19 septembre, le temps
tourne au beau ; au château de Versailles, enfin un vol habité par un
canard, un coq et un mouton nommé « Mouton-l’air ». Réveillon a monté
un nouveau ballon en sept jours. Le roi et la reine doivent assister à
l’aventure. Le ballon a été transporté, dégonflé, sur un grand chariot trainé
au pas. Les grilles du château ont été renforcées par une double ceinture de
soldats car une foule immense s’est déplacée. A midi les rues, les fenêtres
sont garnies de spectateurs. Depuis quelques jours des volontaires se
présentent pour monter avec le ballon. Le roi refuse encore une ascension
humaine avant d’avoir la preuve qu’elle n’est pas mortelle. Donc ce sont les
trois pauvres bêtes qui s’y collent !
Un coup de canon annonce
le début du spectacle. « La machine
s’élève, se gonfle… sa forme plait à l’œil, sa capacité imposante étonne… ».
Mais au moment où l’engin atteint son gonflage maximum, un coup de vent et deux
déchirures de près d’une toise s’ouvrent au sommet. Etienne Montgolfier tente
le tout pour le tout pour ne pas perdre la face ; une botte de paille, on
force le feu et le ballon continue sa course doucement. Il plane quelques
minutes, puis finit son vol à une lieue de Versailles en plein bois sur la
route de St Cloud au carrefour de Vaucresson. Deux gardes-chasses le repèrent
sur les hautes branches des arbres. Un groupe de gentilshommes à cheval ont suivi la trajectoire, le nez en l’air.
Les aéronautes se sont élevés à 480m et se posent sans dommage sauf une petite blessure au coq. Pilâtre de Rozier les recueille à l’arrivée. Ces animaux seront récompensés : ils intégreront la Ménagerie Royale de Versailles.
(François d'Arlandes BNF Cabinet des Estampes)
L’Académie des Sciences
recommande aux Montgolfier de travailler avec Pilâtre de Rozier. Il faut
avancer, mais d’autres expérimentations doivent avoir lieu pour envisager un
vol habité.
Le roi Louis XVI paie sur
sa cassette personnelle Réveillon pour la construction d’un nouveau ballon
amélioré. Tout le mois d’octobre, les badauds voient au-dessus du jardin de
Réveillon monter et coulisser des mâts, des cordes. Un petit homme perché sur
une estrade avec un porte-voix fait des signes aux hommes qui sont à la
manœuvre en bas. C’est Pilâtre en personne qui dirige les opérations.
L’expérience montre qu’un homme seul ne suffit pas pour diriger le ballon,
alimenter le feu, jeter du lest, observer les vents, le terrain… D’Arlandes est
présent,
enthousiaste, encombrant. Mais il a un carnet d’adresses chez les Grands de ce
monde et il peut être utile.
Louis XVI n’a pas oublié
les déchirures du ballon lors de l’expérience de Versailles. Il hésite pour une
nouvelle ascension, habitée celle-ci par des hommes. C’est d’Arlandes qui a
l’idée de se servir du château de La Muette, un rendez-vous de chasse donné
depuis peu au Dauphin et par là-même à Madame de Polignac gouvernante des
enfants de France. Cette dernière y entretenait une petite Cour « composée de personnes instruites à qui les
travaux des beaux-arts ne sont pas étrangers… ».
Utiliser La Muette
c’était aussi couper la route à Louis-Philippe
de Chartres (le futur Philippe Egalité de 1792). La reine intervint alors
auprès du roi qui avait bien d’autres soucis. Il accepta enfin de guerre lasse de
rencontrer d’Arlandes, il ne promit rien mais n’interdit pas.
Et ce sera le vol du 21
novembre 1783. Le roi n’est pas présent. Quelques centaines de spectateurs
invités par madame de Polignac, tous très élégants, installés sous les arbres.
Il se joue à cet instant un acte de la guerre entre savants, les uns tenant des
carlines à hydrogènes, les autres les montgolfières à foyer. Etienne
Montgolfier tente une dernière expérience captive avant de lâcher des vies dans
l’espace. Mais le vent pousse l’engin et une déchirure apparait. Réveillon avec
ses meilleurs ouvriers est là avec du taffetas gommé, des colles fortes, des
aiguilles, du fil. Quelques dames offrent d’aider… Deux ou trois heures plus
tard le ballon est rafistolé.
(château de La Muette)
Une victoire pour les montgolfières à foyer. Mais dix jours plus tard leurs concurrents Jacques Alexandre Charles et les frères Robert obtiennent l’autorisation d’essayer la première carline à hydrogène. Elle s’envolera le 1er décembre devant plus de cent mille personnes dont la reine. Ils vont écrire l’histoire des vrais aérostats, des ballons sphériques, en caoutchouc, filet, nacelle, baromètre….et hydrogène.
Charles lors de cet envol,
présente à Montgolfier la ficelle qui retient un petit ballon
pilote : » C’est à vous Monsieur qu’il appartient de nous ouvrir la route des
airs… »
A Paris, Jean François Pilâtre (1754-1785) est intendant des cabinets de Physique, de Chimie et d’Histoire Naturelle de Monsieur, comte de Provence frère du Roi, ainsi que valet de la Comtesse de Provence. En 1781 il crée le premier musée technique : il y fait des expériences et y donne des cours de sciences aux nobles. Le 15 juin 1785 il se tue près de Boulogne-sur-mer dans le premier accident aérien de l’histoire.
Sources et pour en savoir plus :Claude Manceron Le Bon Plaisir 1782-1785 édit Robert Lafont 1976—Faujas de Saint-Fons Description des expériences de la machine aérostatique de MM Montgolfier Paris Panckouche 1783 TII--www.parismatch.com/Royal-Blog/royaute-francaise/Quand-Louis-XVI-faisait-voler-coq-mouton-et-canard-Dans-Secrets-d-Histoire-de-Stephane-Bern-sur-France-2-ce-19-mai-2015-765868--Dollfusa Pilâtre de Rozier Premier Navigateur aérien édit Paris Association Française pour l’avancement de Sciences 1993—Clement PL Les Montgolfières leur Invention, leur Evolution du 18è à nos jours Paris Tardy 1982----/www.parismuseescollections.paris.fr/fr/musee-carnavalet/oeuvres/la-mongolfiere-marie-antoinette#infos-principales--wiipedia.org--Jean Dominique Brignou Marie Antoinette passe dans le ciel de Paris in Histoire de l’Antiquité à nos jours n°100 nov-dec 21018-- Geneviève Touzain-Lioud, Monsieur le Marquis d'Arlande, premier navigateur aérien ; le premier vol libre de l'histoire le 21 novembre 1783 à Paris par le major François-Laurent d'Arlandes et son compagnon F. Pilatre de Rozier sur le ballon des frères de Montgolfier ; le Château d'Arlempdes et la Maison d'Arlempdes puis d'Arlendes, 1971.--