dimanche 14 février 2021

Les Boules de Gargantua

 


Ardèche Montselgues)

Les Boules de Gargantua      


François Rabelais (environ 1483-1553) va faire revivre un géant populaire, Gargantua. La littérature de colportage avant lui, diffusait largement des chroniques sur « le grant et enorme geant Gargantua », littérature qui liait extraordinaire et merveilleux, tout en opposant la sagesse des bons rois à la cruauté des tyrans. Gargantua, Merlin, Mélusine faisaient réver à un monde meilleur, magique. Dans l’imaginaire populaire, son Gargantua va se glisser dans la peau du précédent au point que l’on ne sait plus très bien dans les légendes colportées ici et là lequel est celui de Rabelais.

(portrait anonyme –Versailles-)

 Des curiosités géologiques vont prendre le nom de Gargantua faisant oublier leurs noms véritables ; ce sont les « boules de Gargantua », le « pas de Gargantua »…… Et pas seulement dans le Languedoc.

Rabelais né tourangeau, a séjourné un peu partout en France, Paris, Metz… mais surtout Montpellier et Lyon. Il voyagea aussi en Italie avec le cardinal Jean du Bellay et Guillaume de Langey, aux premières loges de l’Histoire, parfois dans des missions diplomatiques. Melé aux querelles religieuses de l’époque, il aura bien besoin de la protection de la famille du Bellay et d’Odet de Chatillon. Humaniste, il subira la censure des autorités religieuses. Le 16ème siècle est politiquement bouillonnant, culturel, cultuel. On oublie souvent que les premiers bûchers pour pratiques religieuses différentes commencent avec François Ier. Le renouveau de la philosophie de la Renaissance est désagréable à « l’establishment ». Rabelais remet en cause l’enseignement de la Sorbonne. Il prêche pour l’indépendance du pouvoir vis-à-vis de l’Eglise, affirmant sa confiance en la dignité de l’Homme, en sa perfectibilité et ses capacités d’invention. Dans ses écrits sous forme de fable, de parodie héroï-comique, entre deux rires, il dénonce des souverains dévoreurs de peuple et les abus des autorités ecclésiastiques. Il met en avant une culture populaire, paillarde, marquée par le bien-vivre et une foi chrétienne humble, tolérante, ouverte, terre à terre, à l’opposé de toute pesanteur ecclésiastique.

Nous l’avons déjà retrouvé à Aigues-Mortes lors de la rencontre du roi François 1er et de l’Empereur Charles Quint en 1538.(sur ce blog le 25/11/2018 François Ier en Languedoc). Il écrira sur la Camargue  « Dans cette île, vous n'avez que des cages et des oiseaux ; ils ne labourent ni ne cultivent la terre. Toute leur occupation est de s’esbaudir, gazouiller et chanter… N'ayez pas peur que le vin et les vivres manquent ici, car quand le ciel serait de bronze et la terre de fer, les vivres ne nous feraient pas encore défaut pendant sept ans, voire huit, soit plus longtemps que ne durera la famine en Egypte. Buvons ensemble, en chœur, en communion ».

Etudiant en médecine en 1530 à Montpellier, il découvre les Arènes de Nîmes et le Pont du Gard qu’il juge « d’œuvres plus divines qu’humaines ». Son « Pantagruel » met trois heures pour édifier ces deux monuments quand dégouté de la médecine et du droit il fuit Montpellier et passe par Nîmes !!. « Pantagruel » est mis en vente à la foire de Lyon en 1532, ville où Rabelais exerce son métier de médecin, tout en écrivant. Rabelais ou Alcofribas Nasier (anagramme de François Rabelais)

Il revient à Montpellier en 1537 pour payer ses droits de diplôme et prendre ses derniers grades : docteur en medecine le 22 mai 1537.

Et en juillet 1538 à nouveau dans le Gard lors de la fameuse entrevue des deux monarques ennemis à vie.

Pantagruel au cours de quelques pages nous raconte le Gard de l’époque : « à Montpellier il trouva fort bons vins de Mirevault et joyeuse compagnie….. ». Son Gargantua devient un géant bon vivant, marqué d’humanisme, façonnant le paysage.

Gargantua dans le légendaire languedocien à la sauce rabelaisienne ; les veillées au coin de la cheminée parlaient des géants et chacun avait son histoire.

Les Boules de Gargantua languedociennes se situent dans les Cévennes, près de Mialet, un peu après Générargues, sur la colline de Roucan. Deux énormes boules quasi-sphèriques. Pour les Cévenols pourtant à la réputation d’austérité, le jeune Gargantua jouait avec ses boules (déjà la pétanque ?) quand il voulut boire dans le Gardon, il les posa là. Et quand ses parents Grandgousier et Gargamelle l’appellèrent, il oublia ses boules. Pressé et un peu contrarié par ses parents il aurait en buvant avalé un bœuf et un mas, maison et occupants, situé sur les berges du Gardon.

Une variante : Sur  la route de Mialet, Gargantua lançait ses boules à travers tout le Massif Central  pour aller démolir les Menhirs de Bretagne. Une boule lui échappa et roula dans le Gardon. On peut y voir, paraît-il, l'empreinte de Gargantua.




 (label-rando.fr/les-boules-de-gargantua-1150m/)

 

(Vallée de la Drobie entre Ardèche et Cévennes – Les Boules de Gargantua de Montselgues)

 

Le Pas de Gargantua se situe près de Roquemaure dans la vallée du Rhône en plein vignoble des Côtes du Rhône. La légende dit que Gargantua de passage dans cette région, fut pris d’une grande soif. Pour boire plus confortablement, il posa un pied près du village de Pujaut, l’autre dans la campagne en évitant les vignobles : ce second pied ne trouvant pas de rocher, s’enfonça dans la terre meuble et y laissa des traces encore visibles. Il but d’une seule lampée la mare. Mais en contrepartie, il urina si abondamment qu’il forma l’étang du village de Pujaut !!

(cros-cevennes.fr/curiosites-et-monuments/)

Ailleurs dans le Gard, il but la rivière de l’Arre (Roc d'Esparon --Bez-et-Esparon) et avala un char, des bœufs, …A Tarascon, des bateaux chargés de bois… sur le Causse, une charretée de buisson !!

On voit les empreintes de ses mains, de ses pieds, de son nez dans le Vidourle à Malignos. Si le Vidourle disparait à Cros, c’est que Gargantuas l’a bu…

Gargantua s’assied sur le clocher de la cathédrale d’Agde ou sur les tours d’une église de Montpellier, et prend un bain de pied dans l’Hérault.

On raconte à Vallergues que Gargantua s'est arrêté, un pied sur le Ventoux, l'autre sur le pic Saint-Loup pour boire à la mer. Il avale ainsi un vaisseau de ligne dont la provision de poudre s'enflamme, ce qui permet à Gargantua de l'évacuer dans un gros pet.

 

Quand la réalité rejoint la fiction : en 1440 on découvre au pied de la falaise de Crussol, en face de Valence dans la vallée du Rhône, les ossements d’un homme d’une taille gigantesque. Il n’en fallu pas plus pour qu’on l’appella Samson ou Briar (Briarée), le père de Gargantua. La légende s’en empara et ce géant se serait montré cruel envers la population. Mais il repeupla la ville de Valence en s’activant auprès des filles de la ville !! On voit dans cette légende l’avant et l’après Rabelais. Gargantua et sa famille deviennent de bons gros géants après Rabelais.


Plus de  400 sites en France font référence à Gargantua, pratiquement tous les départements ont un site Gargantua.

Les bretelles de sa hotte se cassent et son chargement devient la Hottée de Molinchart dans le département de l’Aisne..


(La Hottée de Gargantua de Molinchart –6/5/2012photo-X-Javier)


(Peyrat la Nonière dans la Creuse)
 

Ci-contre la Tasse de Gargantua, en fait probablement des fonds baptismaux creusés dans un rocher (mais peut-être bien dans une boule de Gargantua !!)


Sources et pour en savoir plus : Mireille Huchon, Rabelais, Paris, Gallimard, coll. « Biographies », 2011, 429 p. (ISBN 978-2-07-073544-0, notice BnF no FRBNF42375842)--- Alfred Glauser, Rabelais créateur, Nizet, 1966---Guy Demerson, Rabelais, Paris, Fayard, 1991, 350 p. (ISBN 2-7158-0566-7) ---Lucien Febvre (postface Denis Crozet), Le Problème de l'incroyance au XVIe siècle : La religion de Rabelais, Paris, Albin Michel, coll. « Bibliothèque de l'Évolution de l'Humanité », 2003 (1re éd. 1947), 579 p. (ISBN 2-226-13561-8, ISSN 0755-1770, lire en ligne [archive---Jacques Bonnaud  Rabelais et le Gard chez Lacour1990--Bulletin de l’Académie de Nîmes  1939-45 « Rabelais les arènes et le Pont du Gard Marcel Fabre,membre résidant--- Devic et Vaissete 1844 réédition Lacour Nîmes 1994 Jp Paya Toulouse---John Charpentier Rabelais et le génie de la Renaissance 1941—Henri Dotenville La France mythologique Paris 1988---www.mythofrancaise.asso.fr/mythes/figures/GAlocal.htm--wikipedia.org---www.rando-sud-est.com › 2013/09/21 › les-boules-de-...--- label-rando.fr/les-boules-de-gargantua-1150m/--www.cirkwi.com › ... › ardèche › montselgues-- /petitparis07.wordpress.com/2012/01/29/les-boules-de-gargantua-une-des-plus-belle-randonnee-en-ardeche/


 Deux éléments de la façade Renaissance de Vallabrix-époque de Rabelais--photo perso..



 

 


 

 

 

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.