mercredi 24 février 2021

Marie Antoinette dans le ciel de Paris

 


(envol de Versailles)

Marie-Antoinette dans le ciel de Paris

 Le 21 novembre 1783, à 1h 30 de l’après-midi, une montgolfière baptisée Marie-Antoinette  en l’honneur de la reine, s’élève dans le ciel parisien depuis la pelouse du château royal de la Muette. Son ombre de 16m de haut et 20m de diamètre sème la terreur chez les Parisiens.







Deux hommes sont à bord, c’est le premier vol libre humain. Ce sont le chimiste Jean François Pilâtre de Rozier, le marquis François Laurent d’Arlandes.

Les concepteurs de l’engin Etienne Montgolfier et Jean-Baptiste Réveillon dirigeant de la manufacture royale de papiers peints sont présents. On a renoncé à employer deux condamnés à mort, graciés pour l’occasion, et peine convertie en peine de galères, comme le souhaitait le roi Louis XVI. Question d’honneur, de symbole : être les premiers hommes dans l’espace. Et puis deux hommes, des mécréants, passant de l’ombre de la mort à la liberté, le ciel, le soleil, la forêt, ce n’était pas pensable !!

Maquette-Royal Military Museum Brussels -12/2007 –photoMarcello—wiimedia.communs

Réveillon, probablement le papetier le plus important de Paris dispose de grands bâtiments et de nombreux ouvriers Faubourg Saint-Antoine dans la capitale. A ses heures mécène, mais surtout quelle renommée pour son entreprise si l’expérience est une réussite. Nous sommes en pleine guerre de savants : l’homme peut-il voler ? On parle de bateaux volants, de voiture sans chevaux marchant à la voile…. Blanchard en 1781 tente de faire monter par bonds de plus en plus hauts un engin prémices de notre hélicoptère. Le physicien Jacques Alexandre Charles et les frères Robert industriels (invention du vernis à caoutchouc pour étanchéifier les tissus) pensent à l’hydrogène comme combustible….


En une huitaine de jours et de nuits, toutes les équipes de Réveillon s’activent pour construire un ballon de forme ovoïde, pointu en haut, une espèce de tente bleue avec des ornements superbes.

Une décoration affirmant la royauté : fleurs de lys dans la partie supérieure avec en dessous les douze signes du zodiaque en couleur or sur un fond peint bleu azur, au milieu les chiffres du roi Louis XVI, les deux L entrelacés, quatre fois répétés et entremêlé de soleils éclatants et le bas garni de mascarons, de guirlandes, d’aigles à ailes déployées. Le ballon est en toile de coton d’emballage encollée sur papier sur les deux faces et impulsé à l’air chaud.

D’autres expériences préparatoires ont eu lieu depuis le début de l’année 1783. C’est le 4 juin que les frères Montgolfier lancent un premier ballon à Annonay en Ardèche. En aout le lancement d’un ballon à hydrogène des frères Robert sur Paris se termine mal, la population de Gonesse se ruant sur l’engin avec des piques pour terrasser la bête, avec en prime un prêtre pour exorciser. Le 11 septembre, le ballon en préparation des Montgolfier manque de tuer de peu huit ouvriers qui retenaient l’engin en les emportant dans les airs lors d’un essai : «on vit cette belle machine se remplir en neuf minutes, se redresser sur elle-même se tendre dans tous les points, et prendre la plus belle forme. Les huit hommes qui la retenaient furent soulevés à plusieurs pieds et elle se serait enlevée à grande hauteur si on ne lui avait opposé de nouvelles forces… ».

Septembre est maussade, pluvieux. Les morceaux du nouveau ballon ne peuvent être assemblés qu’en plein air. On hésitait encore pour l’énergie entre hydrogène ou fumée. Ce ballon est équipé d’une chaufferette de grande taille : on y brule de la paille et de la laine hachée. On tente l’expérience : le ballon s’élève  à plusieurs pieds avec une charge de 500kg. Mais un orage soudain avec un vent impétueux ont raison de la machine qui se retrouve en lambeaux.

Le 19 septembre, le temps tourne au beau ; au château de Versailles, enfin un vol habité par un canard, un coq et un mouton nommé « Mouton-l’air ». Réveillon a monté un nouveau ballon en sept jours. Le roi et la reine doivent assister à l’aventure. Le ballon a été transporté, dégonflé, sur un grand chariot trainé au pas. Les grilles du château ont été renforcées par une double ceinture de soldats car une foule immense s’est déplacée. A midi les rues, les fenêtres sont garnies de spectateurs. Depuis quelques jours des volontaires se présentent pour monter avec le ballon. Le roi refuse encore une ascension humaine avant d’avoir la preuve qu’elle n’est pas mortelle. Donc ce sont les trois pauvres bêtes qui s’y collent !

Un coup de canon annonce le début du spectacle. « La machine s’élève, se gonfle… sa forme plait à l’œil, sa capacité imposante étonne… ». Mais au moment où l’engin atteint son gonflage maximum, un coup de vent et deux déchirures de près d’une toise s’ouvrent au sommet. Etienne Montgolfier tente le tout pour le tout pour ne pas perdre la face ; une botte de paille, on force le feu et le ballon continue sa course doucement. Il plane quelques minutes, puis finit son vol à une lieue de Versailles en plein bois sur la route de St Cloud au carrefour de Vaucresson. Deux gardes-chasses le repèrent sur les hautes branches des arbres. Un groupe de gentilshommes à  cheval ont suivi la trajectoire, le nez en l’air.


Les aéronautes se sont élevés à 480m et se posent sans dommage sauf une petite blessure au coq. Pilâtre de Rozier les recueille à l’arrivée. Ces animaux seront récompensés : ils intégreront la Ménagerie Royale de Versailles.

(François d'Arlandes BNF Cabinet des Estampes)

L’Académie des Sciences recommande aux Montgolfier de travailler avec Pilâtre de Rozier. Il faut avancer, mais d’autres expérimentations doivent avoir lieu pour envisager un vol habité.

Le roi Louis XVI paie sur sa cassette personnelle Réveillon pour la construction d’un nouveau ballon amélioré. Tout le mois d’octobre, les badauds voient au-dessus du jardin de Réveillon monter et coulisser des mâts, des cordes. Un petit homme perché sur une estrade avec un porte-voix fait des signes aux hommes qui sont à la manœuvre en bas. C’est Pilâtre en personne qui dirige les opérations. L’expérience montre qu’un homme seul ne suffit pas pour diriger le ballon, alimenter le feu, jeter du lest, observer les vents, le terrain… D’Arlandes est 
présent, enthousiaste, encombrant. Mais il a un carnet d’adresses chez les Grands de ce monde et il peut être utile.

Louis XVI n’a pas oublié les déchirures du ballon lors de l’expérience de Versailles. Il hésite pour une nouvelle ascension, habitée celle-ci par des hommes. C’est d’Arlandes qui a l’idée de se servir du château de La Muette, un rendez-vous de chasse donné depuis peu au Dauphin et par là-même à Madame de Polignac gouvernante des enfants de France. Cette dernière y entretenait une petite Cour « composée de personnes instruites à qui les travaux des beaux-arts ne sont pas étrangers… ».

Utiliser La Muette c’était aussi couper la route à  Louis-Philippe de Chartres (le futur Philippe Egalité de 1792). La reine intervint alors auprès du roi qui avait bien d’autres soucis. Il accepta enfin de guerre lasse de rencontrer d’Arlandes, il ne promit rien mais n’interdit pas.

Et ce sera le vol du 21 novembre 1783. Le roi n’est pas présent. Quelques centaines de spectateurs invités par madame de Polignac, tous très élégants, installés sous les arbres. Il se joue à cet instant un acte de la guerre entre savants, les uns tenant des carlines à hydrogènes, les autres les montgolfières à foyer. Etienne Montgolfier tente une dernière expérience captive avant de lâcher des vies dans l’espace. Mais le vent pousse l’engin et une déchirure apparait. Réveillon avec ses meilleurs ouvriers est là avec du taffetas gommé, des colles fortes, des aiguilles, du fil. Quelques dames offrent d’aider… Deux ou trois heures plus tard le ballon est rafistolé.



Là les historiens ne sont pas tous d’accord : deux ou trois hommes à bord. Pour l’équilibre de l’engin, nous allons privilégier la première hypothèse. Pilâtre et le marquis s’envolent donc à une heure cinquante-quatre, chacun d’un côté du foyer pour faire contrepoids. Ils ne pouvaient se voir. Les bras nus jusqu’aux épaules ils entretenaient le feu. Les spectateurs étaient silencieux, partagés entre admiration, pitié et peur.

(château de La Muette)

Le récit du voyage sera fait par le marquis d’Arlandes dans une lettre à Faujos de Saint-Fond du 28 novembre 1783. Il ne parle que de deux hommes à bord, lui et Pilâtre. Rapidement ils suivent la Seine, le confluent de l’Oise, Poissy, Saint-Denis…..l’Ecole Militaire, les Invalides… Des petits trous apparaissent, deux cordes lâchent, mais on est au-dessus de Paris, impossible de descendre. On frise les moulins, puis c’est la Butte aux Cailles l’atterrissage entre Moulin des Merveilles et Moulin Vieux. Le ballon est vide, aplati. L’amas de toile recouvre les deux hommes. La garde survient et la machine est rapidement en sureté pour être installée chez Réveillon. Pilâtre se fait voler sa redingote par le peuple accouru. On lui en prête une.

Une victoire pour les montgolfières à foyer. Mais dix jours plus tard leurs concurrents Jacques Alexandre Charles et les frères Robert obtiennent l’autorisation d’essayer la première carline à hydrogène. Elle s’envolera le 1er décembre devant plus de cent mille personnes dont la reine. Ils vont écrire l’histoire des vrais aérostats, des ballons sphériques, en caoutchouc, filet, nacelle, baromètre….et hydrogène.

Charles lors de cet envol, présente à Montgolfier la ficelle qui retient un petit ballon pilote : » C’est à vous Monsieur qu’il appartient de nous ouvrir la route des airs… »

 

A Paris, Jean François Pilâtre (1754-1785) est intendant des cabinets de Physique, de Chimie et d’Histoire Naturelle de Monsieur, comte de Provence frère du Roi, ainsi que valet de la Comtesse de Provence. En 1781 il crée le premier musée technique : il y fait des expériences et y donne des cours de sciences aux nobles. Le 15 juin 1785 il se tue près de Boulogne-sur-mer dans le premier accident aérien de l’histoire.


Sources et pour en savoir plus :Claude Manceron Le Bon Plaisir 1782-1785 édit Robert Lafont 1976—Faujas de Saint-Fons  Description des expériences de la machine aérostatique de MM Montgolfier   Paris Panckouche 1783 TII--www.parismatch.com/Royal-Blog/royaute-francaise/Quand-Louis-XVI-faisait-voler-coq-mouton-et-canard-Dans-Secrets-d-Histoire-de-Stephane-Bern-sur-France-2-ce-19-mai-2015-765868--Dollfusa  Pilâtre de Rozier Premier Navigateur aérien  édit Paris Association Française pour l’avancement de Sciences 1993—Clement PL  Les Montgolfières leur Invention, leur Evolution du 18è à nos jours  Paris Tardy 1982----/www.parismuseescollections.paris.fr/fr/musee-carnavalet/oeuvres/la-mongolfiere-marie-antoinette#infos-principales--wiipedia.org--Jean Dominique Brignou  Marie Antoinette passe dans le ciel de Paris in Histoire de l’Antiquité à nos jours n°100 nov-dec 21018-- Geneviève Touzain-Lioud, Monsieur le Marquis d'Arlande, premier navigateur aérien ; le premier vol libre de l'histoire le 21 novembre 1783 à Paris par le major François-Laurent d'Arlandes et son compagnon F. Pilatre de Rozier sur le ballon des frères de Montgolfier ; le Château d'Arlempdes et la Maison d'Arlempdes puis d'Arlendes, 1971.--

marie-antoinette.forumactif.org › t316p60-la-conquete-../www.letemps.ch/societe/premier-crash-aerien-lhistoire-lieu-gonesse-217-ans-concorde---expositions.bnf.fr/sciencespourtous/grand/spt_004.htm

 

 

 

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