A la perfection …
Autrefois dans les temps de carnaval, périodes propices aux rapprochements amoureux, on racontait aux jeunes gens et aux jeunes filles de Saint-Hippolyte de Montaigu l’histoire d’Anselme, un brave garçon robuste, raisonnement travailleur et raisonnablement sobre. Sa mère ne comprenait pas pourquoi, avec toutes ces qualités, il était encore célibataire, la trentaine passée.
« Malheureux, qui te repassera tes chemises quand
je ne serai plus là ! Qui te fera cuire la soupe quand tu seras trop vieux
pour te lever de ton fauteuil ? Marie-toi tant que tu as assez de cheveux
sur la tête !! »
Chaque matin en servant le café, elle repartait à
l’assaut en lui vantant les charmes et les avantages des filles du
village :
-
«si tu prenais la Josette, elle est plutôt
pas mal et très sérieuse d’après ce que l’on m’a dit ?
-
- les gens parlent trop ! Comme
Josette d’ailleurs qui est bavarde à vous donner la migraine du matin au soir.
Je serai sans arrêt chez le pharmacien !!
-
Et bien la Berte ? Elle pour sûr sait
tenir sa langue
-
-C’est le moins que l’on puisse
dire ! Quand elle prononce deux phrases dans la journée, on se demande si
elle est malade. Avec une femme pareille, je serais tout de suite
neurasthénique.
-
Ne dis pas de bêtises, malheureux !
Et la Paule, quand penses-tu ?
-
Elle a au moins une tête de plus que
moi ! J’aurais l’air de quoi si elle se promenait à mon bras !
-
Tu n’auras pas ce problème avec Gertrude…
-
C’est certain, même avec des talons, elle
ne m’arrive pas à la ceinture !
-
Et la petite de l’épicier,
Célestine ?
-
Sa famille est trop riche pour nous. De
plus elle est fille unique et a un de ces caractères !! Très peu pour
moi !
-
Alors Clarisse la fille du
puisatier ?
-
Elle est gentille, mais ses parents n’ont
pas un sou vaillant. Et elle a toute une flopée de frères et sœurs qui
attendent qu’elle trouve un mari pour ramener un peu d’argent à la maison.
-
Il reste Marcelle ; un beau sourire
et elle aura un bel héritage.
-
Plusieurs galants lui tournent autour déjà
et cela ne l’effarouche guère….
Toutes les demoiselles de Saint Hippolyte et du canton
avaient quelque chose qui clochait pour Anselme. Un jour sa mère excédée lui
dit : « mais enfin que veux-tu à la fin ? Tu crois que tu soirs
de la cuisse de Jupiter ? C’est la lune qu’il te faut ? «
-
Non mère, ce que je veux c’est une femme
réelle qui existe en chair et en os, mais une femme parfaite, absolument
parfaite..
-
Une femme pareille n’existe pas, la
perfection ne se trouve pas sur cette terre et c’est tant mieux !!
-
Moi je la trouverai déclara le jeune
homme ; je la ramènerai ici et je l’épouserai.
-
Pauvre innocent, je ne suis pas près
d’être grand-mère !! »
Et Anselme partit à la poursuite de son rêve. Il
parcourut le monde pendant trois longues années, sans envoyer une lettre à sa
mère.
Très inquiète, elle se rongeait les sangs jusqu’au
jour où elle le vit arriver, barbu, triste et seul !!
-
Tu vois, persifla la mère, tu ne l’as pas
trouvé ta perle rare ! Je le savais !!
-
Détrompe toi mère, soupira Anselme les
yeux dans le vague. Après avoir marché pendant des jours et des jours pour
traverser un nombre faramineux de pays dont le nom parfois m’était inconnu,
après avoir visité une multitude de vallées, de villes et après avoir rencontré
des milliers de femmes toutes merveilleusement différentes, j’ai enfin trouvé
celle que je voulais, celle que j’espérais. D’après moi elle était en tout
point parfaite !
-
Mais alors, grand Carnaval, pourquoi ne me
l’as-tu pas ramenée ?
-
Malheureusement dit Anselme avec un soupir
à renverser la table, elle n’avait qu’un défaut : elle voulait se marier
avec un homme parfait !! »
Sources ; photo A la découverte des mariages d'autrefois – ci-dessus chapelle de La Capelle-Masmolène--RTN votre radio régionale – Merci à Esther pour ce joli co