Impudique Fanny :
« Baiser la Fanny » : un culte que les boulistes rendent depuis près d’un siècle et demi à leur Joconde, gage de celui qui perd la partie 13/0.
En fait il s’agit d’un
rite très ancien. Au Moyen-Age, dans tous les jeux, le vaincu devait se
soumettre au « baise-cul ».
Cette farce grivoise
perdure au travers de diverses
représentations. Un simple derrière jusqu’à une jeune femme, fesses à l’air, sur
un petit tableau portatif fermé par un rideau, ou une représentation cachée
dans une boîte fermée par une targette. Un dessin, une photo, une sculpture,
une peinture. La pose suggère que la femme est légère ou au moins généreuse. Une
cloche grosse ou petite, indépendante ou fixée au mur qui sera agitée
furieusement pour annoncer qu’une partie a été gagnée haut la main.
(Fanny en porcelaine). La légende voudrait que son invention soit marseillaise ou tout au moins méridionale. Marcel Pagnol dans la préface de sa Fanny de 1932 parle d’un Américain de passage qui en serait à l’origine.
En fait Fanny serait
lyonnaise, Fanny Dubriand. A la fin du 19ème siècle du
Second Empire, cette jeune femme un peu simple d’esprit, tous les jours
s’asseyait près des boulistes du Clos Jouves, célèbre terrain de jeu de boules
du quartier de la Croix-Rousse à Lyon. Quand un des boulistes ne marquait aucun
point, il devait faire pénitence. Il se plaçait derrière Fanny qui sans
rechignait lui montrait son postérieur à embrasser. Lorsqu’elle mourut dans un
asile, les boulistes continuèrent la plaisanterie en baisant une image de
Fanny. Le rite se propagea rapidement hors de Lyon.
Huile sur toile, laque sur tôle, médaillon en plâtres moulé, cartes postales, photographies…. Font la joie des collectionneurs. C’est un villeurbannais E Billon qui produira le premier ses Fanny sur tôle avec des peintures pastel. (Villeurbanne est dans la banlieue lyonnaise).
De la Fanny pudique
d’avant 1900, succèdent des Fanny audacieusement dévêtues. Des dessinateurs
comme Bourgeois, Dubout le spécialiste des Fanny marseillaises, représenteront
de « belles femmes », dans des postures incroyables.
Dans chaque village, chaque quartier, des artistes ou des peintres du dimanche exécutent des pièces uniques. Des fabricants de boules offraient dans les années cinquante des moulages en plâtre à peindre. Fanny dans un décor champêtre entre boules et bouteilles. Le patron du bar, la partie finie, servait un « mètre » de rouge, douze verres payés, un gratuit. Utrillo, le grand peintre, paya ses verres avec une Fanny dessinée à Neuville-sur-Saône !!
Une tradition exprimant
le sexisme d’une époque, l’humiliation du perdant, glorification de la victoire ou simple
délectation du jeu, farce grivoise ? A chacun son opinion.
L’expression « faire
fanny » s’est étendue à d’autres jeux, et même dans le langage courant.
Un souvenir d’enfance du
café de mon oncle : mes cousins, cousines et moi-même allant soulever le
rideau qui abritait la Fanny au fond du jeu de boules quand les adultes
n’étaient plus là. Rires jaunes devant l’interdit, honte sans trop savoir
pourquoi…
Sources et pour en savoir
plus : Merou et Fouskoudis La fanny et l’imagerie populaire éd Terre et
Mer 1982—Nathalie Dallain Pays de Provence 2003 n)35 p106—
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