Clemenceau le
Premier Lycée de Filles de France
Le 10 octobre 1881 le premier lycée de France pour jeunes filles ouvre ses portes à Montpellier dans les locaux du collège communal. Ce lycée est installé au faubourg Saint-Denis dans d’anciens bâtiments achetés par la ville à la famille Castelnau, (anciennement la villa Nouguier devenue clinique du docteur Delpech, puis immeuble Castelnau qui sera acquis par la ville pour y installé le collège-rentrée 1880). De nouveaux bâtiments pour l’internat et l’externat sont édifiés et inaugurés en 1890 par le président de la République Sadi-Carnot.
Jules Ferry est ministre
de l’instruction publique et le gouvernement est républicain. La Revue de
l’Enseignement Secondaire des Jeunes Filles de 1882 indique ce que l’on attend
de ces établissements : « l’enseignement
secondaire qui est donné dans ce lycée a avant tout un but désintéressé : le
développement du cœur, de l’esprit et du jugement des jeunes filles. Le lycée
doit leur donner une instruction solide qui ne le cède en rien à celle des
garçons. » (Revue de l’Enseignement Secondaire des Jeunes Filles de 1882)
En cette fin de siècle,
l’Etat souhaite « déchristianiser » l’enseignement. Mais l’Eglise n’a
pas envie de lâcher une miette en ce qui
concerne les consciences en particulier des jeunes filles, élément essentiel de
la transmission des « valeurs » catholiques. (ou plutôt de la
bourgeoisie catholique)….
A Montpellier, un lycée
pour garçon est déjà installé depuis 1804, dans les bâtiments de l’ancien collège
des Jésuites, face à l’Esplanade, des bâtiments de la fin du 17ème
siècle (Antoine Giral architecte).
En 1880, une loi à
l’initiative du député alsacien Camille See est votée et promulguée : elle
institue les lycées pour jeunes filles, soulevant des critiques virulentes de
la part des partis conservateurs. Ces établissements ne seront évidemment pas
mixtes.
Pourtant ces lycées ne
ressembleront pas aux lycées des garçons. Pour le député, il pose les bases
d’un tout premier pas : « il faut choisir ce qui peut leur être
le plus utile, insister sur ce qui convient le mieux à la nature de leur esprit
et à leur future condition de mère de famille, et les dispenser de certaines
études pour faire place aux travaux et aux occupations de leur sexe… Il ne
s’agit pas de détourner les femmes de leur véritable vocation qui est d’élever
leurs enfants et de tenir leur ménage, ni de les transformer en
savantes ».
La femme avant tout doit
être une bonne maîtresse de maison, faire honneur à son mari et à sa
belle-famille par sa culture.
Des établissements
secondaires dédiés aux jeunes filles existaient, religieux ou publics, souvent
à l’initiative des maires comme Montpellier avec ses 56 000 habitants,
établissements fréquentés majoritairement par la communauté protestante. Mais
très vite ces établissements manquaient d’élèves et d’argent.
Bonaparte alors premier consul en 1802 avait créé les lycées mais pour les garçons uniquement. En 1808 ils sont intégrés à l’Université Impériale qui reçoit le monopole de l’enseignement. Une tentative en 1867 de créer un enseignement secondaire féminin par Victor Duruy, mais après la loi Falloux de 1850 qui supprime le monopole universitaire pour les établissements secondaires, les grands établissements congréganistes s’épanouissent au détriment des institutions laïques.
Lycée Clémenceau
A l’origine de ce lycée, la volonté du maire Alexandre Laissac, épaulé par la communauté protestante de la ville et des environs. Il a rejoint le groupe Libre-pensée Victor Hugo de Montpellier. Républicain modéré il prend position contre le cléricalisme, interdisant par exemple les processions dans les rues de la ville mais sans entrer en conflit ouvert avec l’évêché de Montpellier.
La première rentrée
scolaire se fait dans l’immeuble assez vétuste Castelnau au 27 avenue de
Toulouse (avenue Clemenceau maintenant). 76 élèves, une superficie de
11 000m2 en 1881. Un an avant les Nîmoises et les Lyonnaises, deux ans
avant les Toulousaines et les Parisiennes !! En 1882, 100 élèves, en 1885,
297….puis chute des effectifs pendant cinq ans, probablement due à la crise
économique, conséquence du phylloxera. (83 élèves en moins). En 1890 hausse à
nouveau des effectifs, 220 élèves dont 90 pensionnaires jusqu’à 368 en 1903.
La scolarité n’y est pas
gratuite bien que l’établissement soit public. Pour les externes libres en
primaire 100 frs par an, 150 frs pour les externes surveillées. En secondaire,
350 frs pour les « libres », 450 frs pour les
« surveillées ». Une cotisation de 5 frs pour l’entretien de la
bibliothèque, 1,50 frs pour les frais administratifs, la correspondance..
« Les livres et les fournitures scolaires sont à la charge des familles
ainsi que les leçons de pianos ». (1frs de 1890 égal environ à 2,37
euros).
Un préau couvert, un
gymnase, on agrandit l’externat affecté dans le vieil immeuble Castelnau.
Hygiène, solidité posent question, impropre à l’usage…Malgré son charme, ce
vieil immeuble va être transformé : galeries, constructions nouvelles,
agrandissement de la cour… Des locaux neufs, dans le style haussmannien, des
galeries reliant les bâtiments dans le style Eiffel, des constructions typiques
de la IIIème République, insérées dans le tissu urbain.
L’internat définitif sera
construit à neuf par la municipalité sur des terrains acquis en bordure du
chemin de Saint-Martin de Prunet (rue Ernest Michel). Construction terminée en
1887, tout de suite occupée par les élèves installées précédemment dans un
vieil immeuble de la rue Mallet.
Une surface totale de 16 495m2, 5 858m2 pour le lycée d’Etat et 10 637m2 pour l’internat municipal.
L’emplacement de la chapelle fait discussion : les élèves protestantes sont majoritaires, il ne s’agit pas de rouvrir une guerre de religion. En avril 1883 le ministre fait des recommandations au recteur : « les chapelles des protestants et des catholiques sont mitoyennes, il est préférable qu’elles fussent plus éloignées l’une de l’autre… »
Les travaux sont vraiment
terminés en avril1892. Le montant des dépenses s’élève à la somme considérable
pour l’époque de 1 039 806 frs 17 centimes, à partager entre le
ministère et la ville. Les nouveaux locaux sont « spacieux, et bien
éclairés, avec des classes agréables.. le jardin planté de beaux arbres est un
véritable enchantement… l’internat est un vaste local qui pourrait accueillir
deux cent quarante enfants dans des conditions d’hygiène et de salubrité
vantées par les prospectus comme étant un atout …. ».
La loi du 27 février 1880 fixe les matières enseignées : enseignement moral, langue française, lecture à voix haute, langue vivante, littérature ancienne et moderne, géographie et cosmographie, histoire nationale et aperçu de l’histoire générale, arithmétique, éléments de géographie, chimie, physique et histoire naturelle, hygiène,
économie domestique, notions de droit usuel, dessin, musique, gymnastique.
Discipline et tenues
réglementaires : interdiction de fréquenter les élèves d’autres classes
par exemple, maquillage interdit, pour sortir gants obligatoires, La tenue
quotidienne est le tablier noir avec le nom brodé en rouge. Après 1914 le
tablier devient beige. En hiver, une jupe bleue, un chemisier de même teinte à
pois blancs, pour sortir un manteau bleu marine et un chapeau de feutre. En été
un tailleur blanc à pois bleus, un chapeau de paille. Le choix des souliers est
libre. Tout est taillé sur mesure par un tailleur de la rue de La Loge.
Les sanctions sont nombreuses : retenue,
privations de sortie, suppression d’une partie des vacances scolaires….
Le lycée n’est pas coupé du monde. Pendant la Première
Guerre Mondiale il est transformé en hôpital militaire.
georges-clemenceau.mon-ent-occitanie.fr/l-etablissement/un-lieu-historique/
Le lycée va suivre son chemin. Rénové depuis peu par
la Région Occitanie. Il est devenu mixte en 1970. En son sein un collège avec
16 classes et près de 450 élèves, un lycée et environ 1300 élèves. Une section
franco-allemande Abibac, un enseignement théâtre-musique-danse avec le
Conservatoire de Montpellier et un enseignement de l’occitan pour les grandes
sections…..
Dans une de ses cours, un parc séculaire aux espèces
protégées. Un petit bâtiment
récent agrandit l'espace restauration...
Sources
et pour en savoir plus : Didier PORCER *www.etudesheraultaises.fr/publi/la-construction-du-lycee-clemenceau-de-montpellier-premier-lycee-de-jeunes-filles-de
france/#:~:text=Le%20Lycée%20Clemenceau%20à%20Montpellier,un%20Lyc--- La
Gazette de Montpellier Journées du Patrimoine 2020 Deux Lycées dans l’Histoire
--- /georges-clemenceau.mon-ent-occitanie.fr/l-etablissement--- /www.montpellier.fr/4227-alexandre-laissac-1834-1913-.htm-- wiipedia.org---
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