François Blanc
Les frères Blanc, premiers « hackers » du monde ?
Pour mieux comprendre voir sur ce blog Le télégraphe de Chappe 10/01/2019
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Nous sommes dans les années
1830 au 19ème siècle et dans l’affaire du réseau télégraphique
détourné. Le télégraphe aérien inventé par Claude Chappe est une révolution qui
nous mettait en communication avec presque l’ensemble de notre territoire et
même jusqu’à nos frontières. En 1790, il fallait trois
jours en malle-poste pour porter un courrier de Paris à Lille et quatre de
Paris à Strasbourg. En 1820 grâce au télégraphe, dans le premier cas, 56
minutes suffisaient et dans le deuxième cas 76 minutes. Une dépêche de 40 mots mettait moins de deux heures entre
Montpellier et Paris par temps favorable !! Le transport de la pensée va être révolutionné dès la fin du
18ème siècle grâce à
l’invention de Claude Chappe. Et cela ne sera qu’un début !
Les différents gouvernements
du 18-19ème siècle, Empire, Restauration, celui de Juillet,
augmentent nos lignes, créant une toile d’araignée de structures. Mais le siège
administratif était toujours situé rue de l’Université à Paris dans un hôtel d’accès
facile et qui aisément pouvait être enlevé d’un coup de main.
Les départements étaient encore desservis
par les télégraphes aériens dans les années 1830. C’était là une vive
préoccupation pour le gouvernement. Sous les Bourbons et sous Louis-Philippe
les émeutes n’étaient pas rares à Paris. Et puis des hommes d’affaires y
verront un moyen de s’enrichir sans trop de peine. Celui qui a un renseignement
avant les autres a toutes les chances de toucher le jackpot !! Un exemple
parmi tant d’autres : le cours de la Bourse de Paris n’était connu à Bordeaux,
Rouen, Lyon, Marseille qu’à l’arrivée de la malle-poste. Celui qui connaissait
le mouvement des fonds publics douze heures avant les autres pouvait faire des
bénéfices assurés !
Reddit-CultureCarte des lignes
de télégraphe optique (Télégraphe Chappe) établies entre 1793 et 1852 ..
Dans chaque poste du téléphone
aérien, deux stationnaires, de l’aube à
la nuit tombante ; l’un manipule le télégraphe, l’autre à la lunette pour
lire les messages des autres postes. C’est un métier réservé à des invalides,
parfois à des artisans ou des fils de paysans. Très mal payé, peu de gens envient
leurs places. Plus tard chacun ne fera qu’une demi-journée et pourra avoir
d’autres activités, jardinage, artisanat… Ils sont sous l’autorité d’un
inspecteur qui surveille leur travail soit sur place, soit de loin avec une
lunette particulière. Il a la responsabilité du poste, décide des
réparations, vérifie l’état du matériel, rédige un rapport, apporte la paye des
stationnaires. Il est lui-même sous l’autorité d’un directeur de ligne qui a la
responsabilité de décoder et coder les messages. Celui-ci est le seul à détenir
et utiliser le vocabulaire télégraphique. C’est lui qui va décider d’envoyer le
message à son destinataire ou au poste suivant.
Avant le télégraphe, on avait bien utilisé
les moulins dont les ailes étaient disposées d’une certaine façon, les pigeons
voyageurs… Mais le gouvernement y perdait son latin et la loi n’avait rien
prévu pour ce problème ou pas grand-chose d’efficace.
En mai 1836, le directeur des télégraphes
de Tours Monsieur Bourgoing est informé que deux employés Guibout et Lucas,
stationnaires du télégraphe n°4 situé sur la mairie faisaient un usage bizarre
de leurs signaux. Une enquête prudente est diligentée, mais Lucas très malade
et près de mourir fait des aveux complets. Guibout aussitôt après l’arrivée de
la malle-poste de Paris, introduisait un faux signal dans la première dépêche
qu’il avait à transmettre sur la ligne de Bordeaux, et qu’aussitôt après il
indiquait : erreur. Mais le faux signal n’en parcourait pas moins sa route
forcée, était répété de station en station, allait à fond de ligne,
c’est-à-dire jusqu’à Bordeaux, où le directeur le rectifiait, corrigeait la
dépêche fautive et empêchait qu’elle ne parvînt plus loin avec cette indication
parasite et inutile. La fraude partait donc de Tours pour aboutir à Bordeaux.
Les frères François et Louis Blanc,
bordelais, agents de change, joueurs de bourse et spéculateurs de profession
entrent en jeu. Leur intelligence et leur sens aigu de la communication vont
assurer leur réussite. Ils ont l'idée d'utiliser les ressources, alors
réservées à la seule administration, du télégraphe Chappe. Renseignés ainsi
avant tout le monde, ils vont amasser une fortune confortable,
Un de leur agent à Paris était en contact
avec Guibout. Lorsque la rente à 3% baissait dans une certaine proportion, il
envoyait par la poste à Guibout à Tours une paire de gants ou une paire de bas
gris : lorsqu’au contraire, la hausse était là, il envoyait des gants
blancs ou un foulard. Selon la nature ou la couleur de l’objet reçu, le préposé
faisait un faux signal convenu qui arrivé à Bordeaux était communiqué par le
stationnaire de la tour Saint-Michel au commis des frères Blanc. Ils
connaissaient ainsi 24 heures à l’avance la cote de Paris, et empochaient
d’importants bénéfices.
Tout ce petit monde est arrêté et emprisonnés vers la fin du mois d’août 1836 et envoyés devant la cour d’assisses de Tours le 11 mars 1837.
Une foule importante se déplacait chaque jour pour assister aux débats. On notait la présence du préfet d’Indre et Loire, le directeur du télégraphe de Tours, des experts comme Joseph Marie Allard et Jean Gabriel Flocon qui avaient longuement et minutieusement préparé l’enquête.
Les accusés font des aveux complets ;
Guibout recevait des frères Blanc 300 frs par mois et 50 frs de gratification
par faux signal. A cette époque, un employé gagnait par jour autour de 1,50
frs. Un ténor du barreau plaida, Gustave-Louis Chaix d’Est-Ange. Il fut habile
comme à son habitude ; il joua avec le jury, le fit rire, l’émut, le
troubla. Pourtant les frères Blanc avaient reçu pas moins de 120 fois le signal
indicatif du mouvement de fonds ! Mais il n’y avait pas lieu de recourir
aux articles 177 et 179 du Code Pénal…
Les frères Blanc se défendent en invoquant
que tout moyen d’information était licite pour gagner de l’argent. Pour eux,
les gens de bourse avaient pour unique préoccupation de savoir d’avance le
cours des fonds publics pour jouer à coup sûr !! Ils s’appuient sur
d’autres exemples comme celui des Rotchild qui utilisent aussi les lignes
télégraphiques et les pigeons voyageurs. Des témoins plaident en leur faveur,
ils n’ont jamais eu de démêlés avec la justice….Bref ils n’avaient rien à se
reprocher… Dans le domaine des communications télégraphiques nous sommes en
présence d’un vide juridique, et ici pas de véritables preuves… Ils sont
acquittés et condamnés à régler les frais de procédure et une amende pour
corruption de fonctionnaire. Les sommes gagnées restent en leur possession.
Leurs complices ne sont plus autorisés à exercer.
Cet épisode fit réagir le ministère qui
dès lors voulut posséder le doit d’un monopole réel sur l’usage du télégraphe.
Le 6 janvier 1837 Adrien de Gasparin ministre de l’Intérieur s’exprime avec
raison : « Nous sommes forcés
de demander plus à la législation que nos devanciers, parce que nous demandons
moins à l’arbitraire. » En février 1837 une commission parlementaire
présente un rapport appelant à réserver exclusivement l’usage du télégraphe à
l’Etat. Le 28 février suivant, Portalis rapporteur de la commission de la
Chambre des Députés conclut à l’adoption d’un article unique qui tient compte
des progrès techniques futurs :
« Quiconque transmettra, sans
autorisation, des signaux d’un lieu à un autre, soit à l’aide de machines
télégraphiques, soit par tout autre moyen, sera puni d’un emprisonnement d’un
mois à un an et d’une amende de 1000 à 10 000 francs. L’article 463
du code pénal est applicable aux dispositions de la présente loi. Le tribunal
ordonnera la destruction des postes, des machines ou moyens de
transmission. »
« L’esprit humain est
inépuisable en ressources nouvelles et il s’agit de prévoir ce qui n’existe pas
encore, ce qui n’a été ni connu, ni imaginé, ce qui pourrait être inventé pour
éluder la loi, si des expressions trop restrictives venaient enchaîner la
conscience du juge. Il faut atteindre toutes les combinaisons à l’aide
desquelles on pourrait arriver à ce résultat. »
Le ministre de l’Intérieur déclara que « si des entreprises particulières pouvaient
fonder des établissements semblables, les fauteurs de troubles et de désordres
y trouveraient un moyen efficace pour l’exécution de leurs projets ».
Regrettant qu’aucune autre solution n’ait pu être trouvée, il ajouta : « Nous n’aimons pas les monopoles pour
eux-mêmes, et nous serions heureux de pouvoir sans péril étendre à tout le
monde les facilités que le télégraphe présente au gouvernement. » Il
conclut : « Vous penserez avec nous que de tels avantages doivent
être réservés au gouvernement... Les privilèges dont i jouit ne sont pas des
privilèges, car le gouvernement, c’est tout le monde, et l’on peut dire ici
sans paradoxe que le seul moyen d’empêcher le monopole c’est de l’attribuer au
gouvernement. »
La loi est votée le 14 mars 1837 avec 249 votants (sur
les 556 députés), dont 212 pour l’adoption et 37 contre. L’argumentaire
reposait sur le fait que la télégraphie deviendrait un instrument de sédition
des plus dangereux, si par malheur on ne lui interdisait pas sévèrement de
servir aux correspondances du public.
Les frères Blanc continueront sur leur lancée, casino, roulette, établissement thermal, salle de spectacle, de bal, jardins, restaurants et hôtels de luxe construits par d’autres entrepreneurs mais avec des parts pour eux, puis Monte-Carlo, en jouant sur une nouvelle industrie « la publicité » vantant les charmes de la station et sachant utiliser, bien avant tout le monde, les ressources de la « relation presse », payant journalistes et publicistes pour répandre une image idyllique…
Arrêté d’absolution des frères Blanc et de
Pierre Guibout
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Sources et pour en savoir
plus : « Paris : ses organes,
ses fonctions et sa vie dans la seconde moitié
du XIXe siècle » (par Maxime Du Camp) Tome 1 édition de 1879
et « Communications » (sous la direction de Georges Friedmann) paru
en 1974)--- La France Pittoresque février 2023------ 2U235 et 2U236 , Journal d'Indre-et-Loire - Archives d'Indre-et-Loire--- Article
de Jean-Michel Boubault, membre de l’Association Recherche et Histoire
Postes et Télécommunications de la région Centre "François Blanc, auteur d'une fraude au télégraphe Chappe, édifie
le Monac actuel"---
Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Piratage_du_t%C3%A9l%C3%A9graphe_Chappe ---
BLANC
FRANÇOIS & LOUIS - Encyclopædia Universalis--- /www.appl-lachaise.net/blanc-francois-1806-1877/
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