La chaleur à Paris en 1911 (groupe de
personnes se faisant servir de l’eau |
Juillet 1911, la France suffoque
Nous avons périodiquement
des vagues de chaleur en juillet. Rien à voir avec ce que nous avons subi cette
année. Celle de juillet 1911 fera date !Sécheresse, températures
anormalement élevées, du 5 juillet au 13 septembre 1911 sur toute l’Europe et
probablement un surplus de
46 719 morts, dont 30 000 dans la petite enfance. Un intense
débat s'engagera en France sur l'hygiène infantile, nourriture, langes,
hydratation, nourrices…. Une vague de chaleur qui compte parmi les plus
longues de l’Histoire.
Elle fait la Une des journaux, mais surtout elle
marque notre peu d’adaptation. Articles de presse alarmant ou rassurant,
ironiques, fatalistes, nous ne comprenons pas ce qui ce passe. Chaleur
sénégalaise !!
Cette chaleur s’installe chez nous
début juillet, excessive. Claude Berton journaliste au Gil Blas du 9/7/1911
écrit : « Paris compte depuis quelques jours une voyageuse
inattendue et dont la visite l’a fort surpris, une voyageuse venue de très
loin : la vague de chaleur. En arrivant, elle tombe des nues cette fille
des tropiques apportant dans les plis de sa robe ces deux enfants : le
siroco et le simoun….. elle est encombrante, envahissante, indiscrète, partout
elle pénètre, elle s’insinue, elle se glisse, et sa présence pesante,
alourdissante, migraineuse, se fait sentir, s’impose impérieusement. Personne
et rien ne lui échappe ».
« . Elle fait haleter
dans la rue les pauvres chevaux recrus de fatigue et en même temps elle
essouffle les moteurs des autos qui chauffent et ne peuvent refroidir leur
circulation d’eau, elle fait éclater les pneus et craquer les vieux meubles.
Les très anciens bois réchauffés croient sentir tout d’un coup la sève remontée
en eux ; ils se dilatent de joie et, crac ! ils se fendent. Les
femmes la haïssent cette révélatrice des teints artificiels, des teintures et
des fards, cette empêcheuse de mettre des corsets trop étroits et des
chaussures trop justes et des gants trop serrés. Elle est brutale avec les
dames, comme ces assistantes des douanes commises à la fouille des
femmes : « Allons, ma petite, ne mets pas tant de noir autour de tes
yeux, il fondra et tu auras l’air de pleurer du cirage. Un corset
cuirassé ? Tu es folle. Tes petits souliers, tes gants à la pointure
étroite ?... Folle ! folle ! tu ne pourras ni respirer, ni
marcher, ni faire un mouvement. Il faut t’habiller à la forme de ton corps et
non à la forme de la mode ». Elle passe aux terrasses des cafés et les
gros hommes buvant la saluent de cet axiome : « Je marche, donc je sue »…. Elle
vide les maisons de leurs habitants qui viennent dans les rues pour la fuir.
Mais dans les rues, ils la retrouvent encore. Elle fait vaciller sur sa base la
glace que le maître d’hôtel grave présente aux convives, rouge comme un homard
cuit ; elle sèche les fleurs du surtout ; elle donne aux meilleurs
vins une tiédeur écœurante, et quand elle n’est pas un sujet de conversation,
elle ralentit les propos et les rend déliquescents et vagues comme la crème des
petits fours dont elle fond le granité et dont elle fait transsuder le beurre
et le sucre. Elle fait tourner les sauces et elle fripe, casse et ramollit les
cols et les plastrons les plus blancs et les plus rigides.
Elle rôtit le couvreur sur
son toit, le batelier dans sa barque, l’arroseur lui-même qui croit la
combattre avec sa lance. Elle endort les gardiens de musées, les sergents de
ville en faction, les midinettes à leur travail, et même sur les fortifs, les
bandits vautrés dans l’herbe, ferment leurs yeux, cédant à son invincible
torpeur…. »--« la grande rôtisseuse, la grande cuisinière de la
nature. Je rôtis, je grille, je rissole, je fais bouillir, mitonner, braiser,
votre nourriture, vos grains, vos fruits, vos légumes, et la pâture de vos
animaux. L’immense menu que la Providence vous dispense, c’est moi qui suis
chargée de vous le servir à point. C’est votre vie que je réchauffe. »
Notre mode de vie de l’époque, notre façon de nous habiller ne
font pas bon ménage avec la canicule ; vêtements amidonnés, corsets,
costumes masculins… Nourritures grasses, alcools, villes aux appartements et
rues étroits, air vicié par les fermentations des égouts… et en campagne, les
prés jaunis, les cours d’eau au plus bas…
Fin
juillet, la vague de chaleur s’est enracinée. On enregistre 40 degrés à l’ombre
le 23 à Paris. Les 22 et 23 juillet, 38 °C sont observés à Lyon, Bordeaux et Châteaudun.
Canicule dans les rues de Paris en juillet 1911
Le chroniqueur scientifique Max de Nasouly du journal Les
Annales Politiques et littéraires du 30
juillet 1911 ne juge pas cette chaleur anormale. Les maxima à Paris se
produisent presque toujours en juillet et août, de 36,1 à 39 degrés. Lors de
l’Exposition Universelle de 1900 se fut le cas. Température excessive,
inconfortable mais habituelle… C’est sa persistance qui est surprenante. « La façon systématique avec laquelle soufflèrent en juin les vents d’Est, du
Nord-Est et du Nord, devait nous faire prévoir que l’on ne pouvait éviter, en
juillet, une grande sécheresse ; et cela, aux approches de la canicule,
fixée, depuis l’antiquité, vers le 20 juillet, et dont les anciens
disaient : Bibit ardens
Canis (Le Chien céleste est assoiffé). »
« Depuis le 2 juillet, date à laquelle on reçut quelques ultimes
gouttes de pluie, jusqu’au 23 du mois, l’arrosage céleste a été interrompu. Il
convient de constater, d’ailleurs, que la quantité de pluie tombée depuis le 1er janvier
en 1911, est de 202 millimètres, alors que la normale, la moyenne, aurait
dû être de 303 millimètres. C’est donc bien la sécheresse : mais ne
nous exclamons pas trop ! Au grand courant « à base d’Est » que
nous venons de supporter succédera logiquement un « courant d’Ouest »
compensateur ; il faudra bientôt probablement consoler les gens de ne
pouvoir sortir sans parapluie. Attendons un peu et méfions-nous du
« virage météorologique ».
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Une nouvelle vague de chaleur en août après une
brève accalmie. A Paris à midi sur le boulevard, 47 degrés, à trois heures, 37
degrés, 14 jours à plus de 30 degrés dans la capitale.
Septembre, après une nouvelle accalmie, la
chaleur est à nouveau là. Le 10 septembre dans le Petit Parisien, un article
mentionne 35,6 à l’ombre. L’observatoire de Montsouris enregistre la même
température. La moyenne thermométrique a été supérieure de 8,4 degrés à la
normale.
La fatigue est là. Deux ou trois jours de forte
chaleur sont supportables. Mais lorsque
le thermomètre s’obstine, et que les nuits sont sans fraicheur, nous ne
comprenons plus. La dépression n’est pas loin. Perte d’appétit, d’énergie
physique, on ronchonne,….C’est d’ailleurs la même chose en cas de froid
excessif et persistant.
Même en ayant conscience de l’imprécision
des instruments de mesure de l’époque, nous sommes bien obligés de conclure que
ce supplice thermique est anormal. (1872 ? autre canicule enregistrée mais à l’époque, « l’abri
météo », la boîte blanche qui accueille le thermomètre, était entrouverte et
orientée au nord. D’où un risque de réverbération du soleil, faisant monter le
mercure.) L’académicien Jules Claretie y
va de son article :
« Dame Nature est ironique et se moque des créatures. Elle
les gèle en hiver, elle les étouffe en été. C’est une mère qui tourne
facilement à la marâtre. Barbey d’Aurevilly, qui aimait ce vieux mot, eût dit
volontiers : « C’est une « bourrelle ».
Les conseils politiques ou qui se veulent pratiques pleuvent. Ces docteurs d’occasion commandent de rester chez soi aux heures chaudes, de ne sortir que le soir, prendre les choses comme elles viennent… Mais l’ouvrier, le paysan doivent bien travailler, les mères de familles doivent faire bouillir la marmite !! Prendre le frais sous les platanes, ou au parc, c’est réservé à certains et pas à d’autres.
« 8, impasse
Mortagne, dans le onzième arrondissement, quarante à cinquante locataires sont
obligés de passer leurs nuits sur le trottoir », photo parue dans le Journal le
14 août 1911 - source : RetroNews-Bnf
Cette année-là, on chercha des
explications : El Nino qui débute en mai 1911 et persiste jusqu’en 1913, la
vague de chaleur sur les Etats-Unis avant de venir chez nous…Les « taches du Soleil », qui
ont été observées depuis longtemps par notre éminent maître Camille Flammarion
et par l’abbé Moreux…. Déjà en 1870 puis en 1884, une vague de chaleur
inexplicable déferla sur le pays.
Maintenant les scientifiques se demandent si l’emploi massif de la
lignite au 19ème siècle comme source d’énergie n’est pas une des
causes de ce réchauffement climatique. En effet, la machine à vapeur entre en
masse dans l’industrie, les logements, chez les artisans, dans le transport
(bateaux, chemins de fer….), la pollution industrielle chimique, minière serait
aussi incriminée dans une société non préparée à de tels dangers.
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Sources et pour en savoir plus : /www.geo.fr/histoire/canicule-a-lete-1911-cette-vague-de-chaleur-qui-a-fait-plus-de-40000-morts-210946---
sciencepost.fr/ete-1911-la-canicule-fait-plus-de-40-000-morts-en-france/
---- lesavoirperdudesanciens.com/2018/08/ete-1911-la-canicule-a-fait-plus-de-40-000-morts-en-france/----D’après
« Gil Blas » des 9 juillet et 10 août 1911,--« Les Annales
politiques et littéraires » des 30 juillet et 20 août 1911et « Le
Petit Parisien » du 10 septembre 1911)Publié
/ Mis à jour le JEUDI 17 AOÛT 2023, par REDACTION
La France Pittoresque—wikipédia.org-- Catherine Rollet, « La canicule de 1911. Observations
démographiques et médicales et réactions politiques [1] » [archive], sur Annales de démographie historique n°120, 2010 (consulté
le 7 août 2018)
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