(la mer –digue des Saintes-Maries)
La Camargue, une
bien vieille Histoire
S’il est un territoire
qui est là pour nous apprendre que rien n’est statique en ce bas monde, c’est
bien la Camargue. Rien n’est ici permanent, tout y est fluidité. La mer
construit, détruit, c’est toujours elle qui mènera le jeu. Ce qui suit est le
survol modeste d’une Histoire bien remplie. L’homme depuis un siècle essaie de
dompter la bête, probablement en vain.
Il y a 45 millions
d’années environ, les Pyrénées sont en train de se former : la chaine
s’étire de Bayonne au massif des Maures et à l’Estérel. La Camargue n’existe
pas encore. Des forces prodigieuses dues à la lente avancée de la plaque africaine
vers nous amorcent la construction de notre monde : compressions,
étirements, dépressions, affaissements….
Vers 35 millions
d’années, un pan énorme des Pyrénées s’affaisse de Cerbère à Toulon. Il va
de soi que tous ces lieux et villes n’existaient pas encore sous ces noms, nous
les mentionnons pour que le lecteur s’y retrouve. Ils servent en quelque sorte de GPS !
De cette dépression
naîtra plus tard le golfe du Lion et la Camargue. Mais nous n’en sommes pas
encore là !!
(Les Saintes-Maries
dans l’église)
Vers 5 millions d’années, la mer revient à son niveau initial, remonte
près près de Lyon : c’est la mer pliocène. Un chenal plus étroit,
quelques kilomètres seulement. Mais entre Montpellier, Remoulins,
Port-Saint-Louis, il se forme un triangle, colmaté par d’épaisses couches
d’argiles ou de marnes.(voir Fournès par exemple).
Vers 2 millions d’années, la mer se retire peu à peu et ne reviendra
plus dans ce chenal. Périodes de glaciations, de réchauffements. A cette aube
du quaternaire, il fait très froid. Le volume des glaces augmente, le niveau
des océans et des mers baissent. Dans les zones méditerranéennes, l’amplitude
de niveau peut atteindre 100 à 120 mètres. Le plateau continental du Golfe du
Lion est largement découvert. Le delta commence à se dessiner : à l’ouest
le Rhône qui roule ses eaux dans la Vistrenque, entre garrigues de Nîmes et les
hauteurs des Costières, et à l’est la Durance qui ne connait pas encore
Cavaillon, mais qui oblique vers un passage étroit au niveau du village de
Mallemort, à l’est des Alpilles, et débouche sur les plaines des Craus d’Arles
et de Miramas, laissant au passage les fameux galets d’Hercule.
Vers 600 000 ans avant notre ère, la partie orientale de la Camargue
s’enfonce par de légers mouvements verticaux d’un sol instable. Le Rhône va
s’orienter vers Arles, plein sud. La Durance migre vers Salin-de-Giraud, Port
St-Louis… Vers 10 000 ans avt notre ère, elle oublie de passer au pertuis
de Lamanon, et rejoint Cavaillon, frôle Avignon et rencontre le Rhône au milieu
d’une plaine.
Une dernière remontée de la mer vers 15 000ans avt notre ère, de
14 000 à 5200 environ elle remonte lentement, envahissant les régions
basses. De 5200 à 4500 elle arrose La Grande Motte, effleure la Tour
Carbonnière.
La Camargue à partir de là sera le jouet de la houle de la mer et du
Rhône. Le delta sera ni fluvial comme celui du Mississipi, ni marée comme celui
du Gange. Plus proche de celui du Nil. La houle par un mouvement de grande
amplitude attaque la barre frontale de sédiments apportés par le fleuve, les
disperse sur les côtés. Les étangs vont naître de cette lutte, le delta
s’allongeant et piégeant des étendues marines.
Vers 4000 -3800 ans environ avt notre ère, un troisième bras du Rhône de
Saint-Ferréol se développe : celui d’Ulmet : il passe près de la
Capelière, touche le Vaccarès près de la pointe de Fumemorte, pour se perdre
après. Nous ne savons pas où il débouchait, tant son débit était lent :
dans l’étang du Fournelet, la Gacholle, le Fangassier, la mer ?
Les hommes vont tenter d’habiter ce territoire pourtant inhospitalier. Donner
une échelle de temps est difficile, les différentes transformations de la
Camargue ont enterré les traces des toutes premières implantations. Nous
tacherons d’y voir plus clair dans un autre chapitre.
(Carte des évolutions de la Camargue au 18ème
siècle –scan book 14-5-2011 –JPS68 via photoshop)
Du 16è au 19ème siècle de nombreux savants vont essayer de
comprendre ce delta. Son exploration n’était pas chose facile et les
naturalistes méridionaux auront pendant longtemps un rôle plus descriptif et
spéculatif que véritablement exploratoire. Les cartographes officiels
renoncèrent même à cartographier ces rivages tellement difficiles d’abordages
qu’ils se protégeaient contre d’éventuels ennemis. Hors crues et les passages
de glaces (retour des glaces fluviales en 1564-1565,
général en Europe), deux
moyens de pénétrer ce territoire : le pont de bateaux entre Arles et
Trinquetaille et sur le Petit Rhône le bac d’Albaron (dit Le Baron). Les
maladies des marais en rebutaient plus d’un. Mais le nord du delta était
pourtant cultivé en de grands domaines. La basse Camargue était à demi-sauvage
parcourue par des inondations fréquentes. La visiter demandait l’aide de guides
locaux qui étaient tout aussi sauvage que ce territoire.
Quelques praticiens, arpenteurs ou cartographes sur place accumulèrent
observations et matériaux pour comprendre les processus de formation de ce
territoire. Sollicités d’abord pour les procès et chicaneries dus aux
déplacements des limites de propriétés occasionnés par les crues et
inondations, ils vont prospérer dès le 14ème siècle comme Bertrand
Boysset arpenteur et mémorialiste arlésien célèbre.
Les premiers ingénieurs du roi comme Vauban au 17è-18ème
siècle vont s’y intéresser lorsque le problème des embouchures devient crucial
pour la protection de l’habitat et le commerce ou pour l’approvisionnement des
arsenaux de Toulon et Marseille.
On se doit ici de mentionner les travaux de Charles Virgile de la
Bastide de Beaucaire qui le premier a formulé l’hypothèse d’un ancien golfe
antérieur à la construction du delta.(1731 et 1750 « Observations
physiques sur les terres qui sont à la droite et à la gauche du Rhône depuis
Beaucaire jusqu’à la mer ». Il affirme : « on croit pouvoir
avance que la mer a été autrefois jusqu’à Beaucaire…. »
Les premières cartes de la Camargue : la carte des ingénieurs
militaires piémontais de 1591-92 presque complète – la carte de Pierre-Jean
Bompar de 1591, gravée – la carte des côtes provençales de 1635 des
cartographes de Richelieu dont l’arlésien Flour…..
Après la Révolution de 1789, les hommes vont tenter de mettre en valeur
ce territoire. On se souvient de la grande catastrophe de 1755 pendant laquelle
troupeaux, habitants, maisons, chaussées sont noyés, disparus…
Le retour des crues catastrophiques de 1840-1842 et de 1856 amène une
réflexion plus large qui lia les événements deltaïques à l’état des bassins
fluviaux : Alexandre Surell
travailla sur l’influence du Rhône et des torrents alpins. On voit bien
maintenant les fleuves en crue qui sont dans l’incapacité de se vider dans la
mer lorsque celle-ci est démontée par vent du sud.
Au 19ème siècle le gouvernement dissout les associations de
défense de la Camargue et ordonne la formation d’un syndicat général qui aura
une vue et une doctrine d’ensemble. Il faut se protéger des crues du Rhône. En
1858 on décide la construction de digues : 56km de long sur le Petit Rhône
et 40 km sur le Grand Rhône. On surélève la chaussée le long du fleuve. Ouvrage
terminé en 1869. La « Digue de la Mer » entre le village des
Saintes-Maries et Salin-de-Giraud est réalisée, de 1857 à 1859 ; elle est
équipée de vannes permettant l’évacuation de l’eau des étangs inférieurs et
empêchant la mer d’y pénétrer. Mais le Rhône n’est plus là pour inonder ces
terres d’eau douce. Le sel est en train de transformer les sols en désert.
Alors à côté de l’agriculture, vont se développer l’art des saliniers, et une
nouvelle économie…
Actuellement les hommes ont essayé de domestiquer le Rhône plus en
amont ; les barrages, les digues calment son débit. Mais il n’apporte plus
autant de sédiments pour consolider le littoral. Et la mer en profite pour
grignoter les terres, saler les marais, s’infiltrant ici et là….
La Camargue vaste sujet de réflexions ….
(Salins d’Aigues-Mortes)
Sources : Clément Martin L’Ile de Camargue presse du
Languedoc Max Chaleil 1989—photos personnelles --- Cartes de Clément Martin
sauf indications contraires ---Georges Pichard La découverte géologique de la
Camargue du 16è au début du 19è siècle Comité Français d’Histoire de la
Géologie 14 décembre 2005 ---www.annales.org/archives/cofrhigeo/camargue.html-gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k33256185.texteImage
--Camargue, fille du Rhône et
de la mer, Frédéric Simien, Éditions
Sutton 2010--fr.wikipedia.org › wiki › Histoire_de_la_Camargue--- Camargue, Jean
Proal, Denys Colomb de Daunant, illustré de 94 photographies, Éditions
Marguerat 1955--etc
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.