lundi 14 septembre 2020

Les Quatre Henri : un destin tout tracé ?

Les Quatre Henri : un destin tout tracé ?

Nous avons commémoré la Saint Barthélémy et ses morts au mois d'août.(voir sur ce blog le 20/08/2017 La nuit de la Trahison). Ce qui suit est une fable, un conte, raconté le soir entre voisins tout en préparant les châtaignes.  

 Nous sommes dans la funeste période des guerres de religion qui ont ensanglanté notre pays de 1562 à 1629. Les rois François 1er et son fils Henri II étaient morts. Catherine de Médicis l’épouse de ce dernier était régente du royaume pour épauler tour à tour ses fils rois, François, Charles. C’est la période où les grandes familles du royaume rêvent de prendre le pouvoir grâce à leurs rejetons. L’expression religieuse est plus l’expression d’un parti politique ou plutôt d’un clan familial.

Un livre imprimé à La Haye au titre évocateur « Le Doigt de Dieu »  évoque  cette histoire sous forme de la "Fable des Quatre Henri", morts tous de façon tragique en cette période. Il est vrai qu’il était rare en ce temps-là pour un homme politique de mourir dans son lit.
Deux, Henri de Bourbon-Condé, et Henri de Guise et les deux autres Henri de Valois futur Henri III, et Henri de Bourbon-Navarre, futur Henri IV.

Voici la fable, une fable qui raconte à sa façon les événements de cette période :

Un soir de tempête dans la forêt de Saint-Germain, dans une pauvre cabane, une vieille femme, peut-être un peu sorcière, ouvrit sa porte à un cavalier qui lui demanda l’hospitalité. Le cheval trouva une place dans la grange et le gentilhomme entra dans la cabane. La vieille femme activa le feu qui mit un peu plus de clarté dans la petite pièce. C’était un jeune homme, 16 ans tout au plus, avec un habit trempé mais qui montrait une certaine qualité. Elle lui proposa à manger un petit quelque chose, un bout de fromage, un morceau de pain noir, c’était toute la provision de la vieille femme.

HenriIer de Bourbon, prince de Condé,
mort empoisonné par son épouse Charlotte qui avait eu des « amabilités avec un page »-
Crayon de l'école de Clouet représentant Henri d Bourbon, prince de Condé (1552–1588)-anonyme- Joconde database: entry 50520001102 wikimedia )

- Je n’ai rien de plus, dit-elle au jeune gentilhomme ; voilà tout ce que me laissent à offrir aux pauvres voyageurs, la dîme, la taille, les aides, la gabelle, le souquet, l’arrière-souquet : sans compter que les manants d’alentour me disent sorcière et vouée au diable, pour me voler, en sûreté de conscience, les produits de mon pauvre champ…
-     ---  Pardieu, dit le gentilhomme, si je devenais jamais roi de France, je supprimerais les impôts et ferais instruire le peuple. C’était Henri de Bourbon-Condé….
-          -- Dieu vous entende ! répondit la vieille.
Comme il allait s’approcher de la table pour manger, on toqua à la porte. Un autre cavalier trempé de pluie demanda l’hospitalité. Encore un jeune gentilhomme.
- C’est vous, Henri ? dit l’un.
-         -- Oui, Henri, dit l’autre. C’était Henri de Guise.
Tous les deux faisaient partie de la chasse royale de Charles IX, dispersée par l’orage.
  (Henri de Guise –Musée Carnavalet)
Le nouveau venu demandé à la vieille femme de quoi manger ; mais comme elle n’avait rien, il proposa de partager le maigre repas. Le premier Henri fit bien grise mine, mais devant l’œil résolu et la prestance du second Henri, il accepta le partage. Il pensait « partageons de peur qu’il ne prenne tout !! ».
Mais un troisième coup à la porte interrompait son geste de couper le pain en deux. Un troisième gentilhomme, encore un Henri, se tenait dans l’encadrement de la porte. Le premier Henri voulut cacher fromage et pain, mais le second l’en empêcha en posant son épée sur la table.  Le troisième Henri comprit que les deux autres n’étaient pas partageux.
— Vous ne voulez donc rien me donner de votre souper ? dit-il ; je puis attendre, j’ai l’estomac bon.
— Le souper, dit le premier Henri, appartient de droit, au premier occupant.
— Le souper, dit le second, appartient à qui sait mieux le défendre.


Le troisième Henri devint rouge de colère, et dit fièrement :
— Peut-être appartient-il à celui qui sait mieux le conquérir. C’était Henri de Navarre.
Le premier Henri tira sa dague, les deux autres leurs épées. Ils allaient en découdre dans la petite maison. Mais un quatrième coup est frappé à la porte et un autre jeune homme, le dernier Henri entra. C’était Henri de Valois, le futur Henri III. Voyant les épées nues, il tira la sienne et attaqua.

(Henri de Valois - Jean Decourt, Paris, BnF, département des estampes, après 1578.)
Leur hôte est épouvantée, le combat fracasse tout ce qui est à portée des épées et des sauts d’esquive des combattants. La lampe s’éteint et chacun frappe dans l’ombre au jugé. Puis c’est le silence. Alors la vieille sort de son trou et rallume la lampe, les quatre sont parterre, chacun avec une blessure. Légère la blessure physique mais plus grande la blessure de honte de ce qu’ils venaient de faire.
Finalement le rire de la jeunesse l’emporte et ils décident de souper « de bon accord et sans rancune »…Mais le souper était par terre, souillé de sang. La cabane était dévastée. La vieille femme fixait de ses yeux fauves les quatre jeunes gens.
-         -- Pourquoi nous regardes-tu ainsi ? demanda l’un des Henri.
-        -- Je vois vos destinées écrites sur vos fronts.
Cela les fit rire, un peu jaune, on était superstitieux en ce temps-là.

-         --- « Comme vous êtes réunis tous quatre dans celle cabane, vous serez réunis tous quatre dans une même destinée. Comme vous avez foulé aux pieds et souillé de sang le pain que l’hospitalité vous a offert, vous foulerez aux pieds et souillerez de sang la puissance que vous pouviez partager ; comme vous avez dévasté et appauvri cette chaumière, vous dévasterez et appauvrirez la France ; comme vous avez été blessés tous quatre dans l’ombre, vous périrez tous quatre par trahison et de mort violente. »

Les quatre gentilshommes s’amusèrent de cette prédiction. Pourtant,
Henri de Condé sera empoisonné à Saint-Jean d’Angély par sa femme ; Henri de Guise, assassiné à Blois par les Quarante-cinq ; Henri de Valois (Henri III), assassiné par Jacques Clément à Saint-Cloud ; Henri de Bourbon (Henri IV), assassiné à Paris par Ravaillac.




(assassinat d’Henri IV –détail d'une peinture de Charles-Gustave de Housez 1860)

Quand on veut prendre le pouvoir dans un pays ou dans sa maison, il faut éviter de se croire le plus fort, le plus intelligent, il faut se méfier de ses certitudes !! Cette fable est valable de tout temps….
Sources : Revue des Feuilletons 1844 –France pittoresque jeudi 7 avril 2016—wikipedia.org


 
 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.