Changement
d’heure :
Avant
de penser à « changer l’heure » selon les saisons, il a fallu
domestiquer la division de la journée, des saisons…..
(clocher église St
Etienne Vallabrix –photo collection privée)
Depuis
la nuit des temps, l’être humain s’est heurté au problème métaphysique du temps
qui passe. La lumière qui disparait d’un horizon pour renaitre de l’autre côté,
les périodes de froid qui succèdent à celles de chaleur… Les religions ont
essayé d’apporter une réponse à ces phénomènes. Très vite les hommes se sont
rendu compte que celui qui savait diviser la journée et imposer cette division
avait un grand pouvoir sur les autres. Il pouvait imposer une organisation du
groupe social, les plages de durée du travail, du repos, de la spiritualité, et
le pouvoir politique qui allait avec…. Romains, Gaulois divisaient la journée
en 12 heures de lumière et 12 heures de nuit. Ces divisions étaient
temporaires, inégales selon les saisons. Au Moyen-Age, la vie sociale dépendait
des sonneries des cloches des églises, les heures étaient
« canoniales » correspondaient aux offices liturgiques, temps de
prière, messe, matines, laudes, prime, tierce…., toujours des heures inégales
selon la longueur de la journée.
Puis sont arrivées les horloges, les montres et le problème des plages horaires est devenu peu à peu une simple mécanique. Les heures deviennent équinoxiales ou égales données par le cadran solaire qui va servir de référence pour l’horloge. Le temps se « laïcise », devient un temps civil, perd un peu de sa « magie ».
En 1876 l’ingénieur et
géographe canadien Sir Sandford Fleming propose un système, celui des fuseaux
horaires. 24 fuseaux horaires de même taille divise le globe terrestre en
partant du méridien de Greenwich. D’un fuseau à l’autre l’heure augmente ou diminue d’une heure. Mais chaque
ville avait son heure particulière. Il était midi
quand le soleil se trouvait au zénith. Il était donc midi à Paris alors qu’il
était déjà midi 19 à Nice et seulement 11 heures 42 à Brest. Un télégramme
parti de Paris à 11h arrivait à 10h 30 à Brest selon l’heure locale.
La loi française du 14 mars 1891 unifie
l’heure sur l’ensemble du pays : c’est « l’heure légale temps moyen
de Paris » ou méridien de Paris. Les compagnies de chemins de fer avaient
déjà choisi pour leurs réseaux une heure uniforme. L’administration du
télégraphe avait emboité le pas, un système horaire uniforme apportait ordre,
simplicité, clarté. Pour Vallabrix la différence entre l’heure légale et l’heure
locale est de 8minutes 38 secondes. (voir Revue du Midi-Nîmes 1891/07/A5 T Bouzigue --Couradou
septembre 2021 p47 tableau Heure Légale et heure locale, correspondancesGard
section Vallabrix)
Pour certains historiens, l’installation de
l’heure légale est un autre signe de l’unification du pays au même titre que
l’abandon des patois. Plus probablement une nécessité découlant de
l’industrialisation, du développement des transports de voyageurs et de
marchandises.
Puis par la loi du 9 mars 1911 la France
renonce à imposer le méridien de Paris : l’heure légale sera désormais
l’heure du temps moyen de Paris retardée de 9 minutes 21 secondes, donc un
alignement sur le temps universel ou temps moyen de Greenwich (GMT)
(horloge St Quentin la Poterie –photo collection
privée
Mais l’idée de décaler les horaires pour économiser
l’énergie selon les saisons fait son chemin. En 1784 Benjamin Franklin aurait
évoqué cette possibilité dans une lettre anonyme adressée aux « Auteurs du
Journal » publiée dans le quotidien français Le Journal de Paris. Il
s’agissait d’un canular, mais le débat est lancé ce qui veut dire que certains
s’interrogent sur « le gaspillage de lumière ». Les pour et les
contre s’affrontent déjà.
L’idée est reprise en 1907 par William Willet qui
relance le débat. L’Allemagne instaure ce changement d’heure le 30 avril 1916,
puis le Royaume-Uni le 21 mai 1916, puis la France le 14 juin 1916. Les
Etats-Unis installent ce système en 1918.
Le changement d’heure dans « Le Petit
Parisien » des 14 et 15 juin 1916.
Gallica – Bibliothèque
nationale de France
En France en 1916
l’idée d’avancer l’heure légale l’été déclenche des débats passionnés entre les partisans» « du
devoir impérieux de ne négliger aucune source d’économie en temps de
guerre » et les réfractaires à l’édiction « d’une mesure aussi grave qui jetterait un trouble général dans la vie
nationale… Pour un bénéfice reposant sur des données assez incertaines ».
Une proposition de loi du 9 juin 1916 est adoptée dans un article unique, loi
proposée par le député André Honorat, votée le 19 mars 1917 par 291 pour et 177
contre :
« Jusqu’au 1er octobre 1916, et à partir d’une date qui sera déterminée par décret, l’heure légale, telle qu’elle a été fixée par la loi du 9 mars 1911, sera avancée de soixante minutes. »
Mais les choses ne sont pas aussi
simples. Nous sommes en guerre (14-18) et des territoires français se
retrouvent à l’heure française ou allemande selon qu’ils sont ou non occupés
par l’ennemi. Mulhouse par exemple passera de l’heure allemande à l’heure
française le 8 août 1914, puis à l’heure allemande le 10 et repassera à l’heure
française le 22, le 24 à l’heure allemande et enfin à l’heure française le 17
novembre 1918. En 1940 cette ville repassera à l’heure allemande puis française
le 24 novembre 1944 !!
En mai-juin 1940 la France est à
l’heure d’été GMT+1 de mars à octobre depuis 1923. Les autres mois, comme la
Grande-Bretagne, notre pays est à GMT. Mais lorsque les armées nazies
envahissent notre sol, à Berlin il est une heure plus tard. Alors l’Allemagne
va imposer son heure au fur et à mesure de la progression de son armée. Parfois
avec la bénédiction officielle : à Paris le bulletin municipal du 15 juin
invite à avancer d’une heure les horloges, pendules et montres le 14 juin à 23
h de façon à les porter à minuit.
Autre casse-tête, au moment de
l’armistice du 25 juin 1940 à 01h 35, heure des territoires occupés GMT+2.
Mais les soldats français ont continué à tirer des obus inutilisés jusqu’à
GMT+1, heure française. Les Allemands en ont déduit que la ligne Maginot ne
respectait pas l’armistice.
Pendant
le début l’Occupation, notre pays est
scindé en deux par la ligne de démarcation : le décalage horaire s’en
mêle. Paris a une heure d’avance sur Vichy où siège le gouvernement. On imagine
aussi les problèmes pour la circulation des trains. Un décret du 16 février
1941 avance l’heure légale de deux heures dans les territoires non occupés et
d’une heure dans les territoires occupés. Tout le pays passe donc à GMT+2, donc
à l’heure allemande et cela pendant toute la durée de la guerre.
En
Espagne Franco tout à son désir d’un rapprochement avec le régime nazi, impose
en 1942 l’heure allemande à son pays.
A
la Libération, notre pays passe d’abord à GMT+1 toute l’année. Décret annulé
pour des raisons obscures, et la France restera à l’heure GMT+1 l’été et
l’hiver à l’heure allemande. Jusqu’au 28 mars 1976 lorsque le régime d’été est
réintroduit suite à la première crise pétrolière et des économies d’énergie à
faire. Le président Valéry Giscard d’’Estaing conduit cette réforme. A tort ou
à raison ?
La gestion de ces changements d’heure
n’est pas aussi simple qu’elle en a l’air. Pour éviter les
malentendus ou d'éventuels
bugs informatiques,
les transporteurs évitent de programmer des départs au moment du retour à l'heure
d'hiver. Par exemple en Europe,
entre 2 h et 3 h : car en raison du décalage de
1 heure, il sera deux fois 2 h pendant la nuit.
Au
sein de l’Union Européenne, des intérêts diplomatiques vont ajouter à la
cacophonie ambiante : les pays ne s’accordent pas toujours sur le fuseau
horaire à adopter comme l’Estonie qui ne veut pas être sur le même fuseau
horaire que la Russie ce qui rappellerait aux habitants de ce pays l’occupation
russe.
Nous
devons les termes de « heure allemande » au premier roman de Jean
Louis Bory « Mon village à l’Heure allemande » prix Goncourt 1945.
Il semble que ces changements d’heure ont fait leur temps. Qu’en sera-t-il demain ?
Sources et pour en
savoir plus : www.sudouest.fr/premium/art-de-vivre/ce-week-end-on-change-d-heure-tout-ce-qu-il-faut-savoir-sur-l-histoire-de-l-heure-en-france-1700823.php---
/fr.wikipedia.org/wiki/Heure_d%27été---Cathy Lafon, « C’est le retour à l’heure d’été ! Tout
ce qu’il faut savoir sur l’histoire de l’heure en France », Sud Ouest, 23
octobre 2020 (lire en ligne [archive], consulté le 29 mars 2021).-- Revue du Midi-Nîmes 1891/07/A5 T Bouzigue --Couradou
septembre 2021 p47 tableau Heure Légale et heure locale, correspondancesGard
section Vallabrix—wiipedia.org---
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