La Galette des Rois ou de l’Epiphanie –Une Histoire de Galette
Le mois de
janvier semble totalement consacré à manger une galette et à « tirer
les rois » : toutes les occasions sont bonnes, en famille, entre amis, au
travail, dans les réunions d’associations….. Il fait froid, mauvais temps et
nous avons envie de nous réunir pour festoyer en commun !! La galette doit
s’accompagner de la coutume du « Roi boit », bien évidemment. Galette ou couronne des Rois selon les goûts et les régions...
Mais la tradition du partage
d’une galette n’est aucunement liée au christianisme.
La distribution des parts de galette est
théoriquement aléatoire. Il était de coutume que le plus jeune convive se place
sous la table et nomme le bénéficiaire. Etienne Pasquier raconte : « Le gâteau, coupé en autant de parts
qu’il y a de conviés, on met un petit enfant sous la table, lequel le maître
interroge sous le nom de Phœbus ou Apollon, comme si ce fût un qui, en
l’innocence de son âge, représentât un oracle d’Apollon. À cet
interrogatoire, l’enfant répond d’un mot latin domine (seigneur, maître). Sur cela, le maître l’adjure de
dire à qui il distribuera la portion du gâteau qu’il tient en sa main, l’enfant
le nomme ainsi qu’il lui tombe en la pensée, sans acception de la dignité des
personnes, jusqu’à ce que la part soit donnée où est la fève ; celui qui
l’a est réputé roi de la compagnie, encore qu’il soit moindre en autorité. Et,
ce fait, chacun se déborde à boire, manger et danser »
Nos anciens mangeaient lors de
l’Epiphanie une simple « galette de ménage », brioche pour les plus
riches, pâte à pain pour les plus pauvres, agrémentée de confiture, de pâtes de
fruits maison. On l’appelait aussi
« galette de plomb », ce qui laisse entendre qu’elle n’était pas très
légère !! La galette feuilletée nous viendrait des temps des croisades.. Les Turcs en auraient la recette.
EnTurquie, en Perse, de temps immémorial, on mange le « bourreck »
qui est notre galette feuilletée. Les chevaliers de France prisonniers chez l’Infidèle,
durent trouver cette pâtisserie à leur gout !! Quant à la frangipane qui garnit la
galette feuilletée, on la devrait au comte Cesare Frangipani, qui aurait
donné la recette qui porte son nom à Catherine de Médicis.
La « fève » était d’abord un haricot ou une fève. Mais il se trouvait des convives peu scrupuleux qui les avalaient pour se soustraire aux devoirs quelquefois coûteux de leur éphémère royauté, et on les remplaça plus tard par un bébé de porcelaine (enfant Jésus qu’on ne pouvait pas décemment avaler ou discrètement glisser dans sa poche), d’une digestion infiniment moins facile. Il était de coutume que le roi du jour paie une tournée générale à l’assemblée. Au cours des ans, la fève deviendra toutes sortes de sujets, santons, monuments, animaux, figurines de dessin animé et même petit lingot chez un pâtissier….
(Galette
provençale)
D’où nous vient
cette coutume ? Un auteur du 18ème siècle avança une
explication qui « collait » avec son époque :
« Il
s’est glissé, dit-il, dans toutes nos provinces, une très méchante et
détestable coutume, qu’en la veille des Rois on fait des assemblées, où sont
invités pêle-mêle hommes, femmes, ecclésiastiques ou laïques pour souper tous
ensemble.
« On prépare un festin magnifique et on tire au sort un Roi et une
Reine ; et les offices de leur cour sont aussi distribués de la même façon
à tous les conviés. Après quoi, le Roi et la Reine, ayant pris le haut bout,
chaque fois qu’ils boivent, tous les assistants crient à gorge
déployée : Le Roi
boit ! La Reine boit ! »
« Les libertins, ajoute-t-il,
ont accoutumé d’apporter, pour raison de cette bouffonnerie, que les Mages,
entrant dans l’étable, aperçurent le divin Enfant qui prenait pour lors la
mamelle et qu’ils se mirent à crier : le Roi boit !... »
|
L’origine de cette fête n’est probablement pas celle-là. On
mangeait la galette déjà au temps d’Hugues
Capet ; à ce moment-là c’était une pâtisserie lourde et compacte.
Le Duc Louis de Bourbon à la fin du 14ème siècle avait
coutume de fêter l’Epiphanie et montrer ainsi sa piété : « il
faisait roi un enfant de huit ans, le plus pauvre que l’on trouvât en toute la
ville. Il le revêtait d’habits royaux et lui donnait ses propres officiers pour
le servir. Le lendemain, l’enfant mangeait encore à la table du duc, puis
venait son maître d’hôtel qui faisait la quête pour le pauvre roi. Le duc de
Bourbon lui donnait communément quarante livres, tous les chevaliers de la cour
chacun un franc et les écuyers chacun un demi-franc ». « La somme montait à près de cent francs que l’on donnait
au père et à la mère pour que leur enfant fût élevé à l’école »..
En 1311 dans la charte de Robert II de Fouilloy évêque d’Amiens,
la galette feuilletée est mentionnée. Il arrive même que l’on paye les
redevances seigneuriales avec ce gâteau !!!
En fait, il semble que la galette des rois trouve son origine dans
les Saturnales romaines, fêtes situées entre fin décembre et début janvier,
lorsque les jours « grandissent » à nouveau. Un esclave était désigné
comme « roi d’un jour » dans chaque famille au cours d’un banquet par
tirage d’une fève d’un gâteau. Ce roi ou Prince des Saturnales avait le pouvoir
d’exaucer tous ses désirs pendant une journée avant parfois d’être mis à mort
ou plus simplement de retourner à sa servitude. Il pouvait pendant ce jour
donner des ordres à son maître.
Plus tard sous les règnes des rois Louis XIII et Louis XIV, des
« coqs » ou « cuiseniers » turcs sont très présents dans
notre pays et surtout à Paris ; ont-ils amené avec eux la fameuse
galette ? C’est peut-être pour cela que la galette feuilletée se dit
« parisienne », à la différence de la galette aux fruits confits de
notre sud. Ce qui est sûr, c’est que la galette feuilletée nous vient d’Orient.
Aussi loin que l’on puisse remonter dans l’histoire, il n’y eut
pas de festin d’Epiphanie sans galette. Au Moyen-Age, souverains et peuple ne
manquaient pas de se réjouir à l’occasion de l’Epiphanie. Chez les ducs de
Bourgogne, se déroulaient des fêtes somptueuses où les pauvres et le menu
peuple avaient leur part. Dans la plupart des contrées il était de coutume de
garder une part pour le pauvre qui attendait à la porte…Les corporations
tiraient au sort par la découverte de la fève, un roi qui toute l’année gardait
cette dignité. Les clercs du Parlement et de la Chambre des Comptes allaient en
cortège porter des parts de galette aux conseillers et dignitaires. La fête
dépassait largement le cadre de la famille, se répandait dans les rues…
Au 16ème siècle sous le roi François 1er,
celui qui était le roi de la fève était réputé chanceux pour l’année. Il était
d’usage lorsque l’on se rencontrait au début de l’année de dire :
« Je suis aussi ravi de vous avoir rencontré que si j’étais roi de la
fève. »
Louis XIV gros mangeur, ne manquait jamais de célébrer cette fête
brillamment et bruyamment. Lorsqu’apparaissait la galette le roi donnait le
signal du vacarme. Dangeau nous a
rapporté le souvenir de ces soirs de fête des Rois où le souverain — que
l’histoire nous présente trop volontiers comme un personnage rogue et figé dans
sa dignité — frappait et faisait frapper chacun de sa fourchette ou de son
couteau contre son assiette et menait le charivari « comme dans un franc
cabaret ». Fi de la rigoureuse étiquette, du protocole imposé à la
cour !!!
En 1714 à Paris, boulangers et pâtissiers entrent en
conflit à propos de la galette : jusqu’alors seuls les
pâtissiers-oublieurs et fabricants de pain d’épice avaient le privilège de fabriquer la galette. Mais
les boulangers se mirent à faire des galettes qu’ils envoyaient en cadeau à
leurs clients… Le Parlement dut intervenir par deux arrêts : interdiction
absolue aux boulangers absolue « de
fabriquer et donner à l’avenir aucune espèce de pâtisserie, d’employer du
beurre et des œufs dans la pâte et même de dorer leur pain avec de
l’œuf. »
Les pâtissiers triomphaient et cela jusqu’à la Révolution. Mais la défense n’a d’effet que pour Paris et
l’usage prohibé continue d’exister dans la plupart des provinces.
Toujours au 18ème siècle on raconte que le cardinal de Fleury donnant un dîner pour l’Epiphanie avait réuni autour de la table onze convives tous plus âgés que lui si bien que ce fut lui, pourtant à 92 ans passés, qui eut l’honneur de « tirer le gâteau » comme étant le plus jeune.
En 1774, il parait que les trois petits-fils de Louis XV tirant
les rois, la fève se cassa en trois. Chacun d’eux en eut un morceau et on y vit
un avenir où tous les trois règneraient. Ce qui fut le cas : Louis XVI,
Louis XVIII, Charles X !!
Une année, en 1711, le Parlement de Paris
interdit la galette : le pays était ruiné, affamé, le blé était rare. Mais
l’année suivante la royauté et le pays étaient sauvés et la galette refit son
apparition.
La Révolution de 1789 essayait en vain
d’abolir la fête des Rois. Pierre-Louis Manuel en 1792 réclama l’interdiction
de cette « réjouissance anticivique
et contre-révolutionnaire ». La Convention se contenta de baptiser la
galette « gâteau de l’Egalité »
et l’Epiphanie devint « la Fête du Bon Voisinage » après
s’être appelée « le jour des Sans-Culottes ». Mais pour le peuple et
les pâtissiers la galette resta le « gâteau des Rois ». L’éphémère royauté
de la fève sera plus forte que les bouleversements politiques et les
révolutions….
Au début du 19ème siècle, à Paris, la vogue
des galettes était telle qu’un établissement célèbre la « Mère
Marie »près de la barrière de Fontainebleau, utilisait jusqu’à 20 sacs de farine par
jour !!
Une autre idée des ventes de galettes à Paris :
avant la Première Guerre Mondiale, les marchands de galette du Gymnase
« Le Père Coupe-Toujours » en moins de vingt ans, avaient passé trois
mille kilos de papier chaque année pour envelopper les morceaux de galette
distribués aux clients. Les propriétaires successifs de cet établissement,
fortune faite, se sont retirés dans de belles villas à Saint-Cloud ou à
Ville-d’Avray !!
Chaque année une galette géante est livrée au Palais
de l’Elysée depuis 1975. Mais au nom du respect des principes de la République,
pas de fève dans la galette !!
Maintenant chacun invente sa galette : aux
pommes, à la crème de marron, noisettes, chocolat… Vive la Galette !!!
Sources et pour en
savoir plus : Pierre Jean-Baptiste Legrand
d'Aussy, Histoire
de la vie privée des Français depuis l’origine de la nation jusqu’à nos jours ;
Paris, 1783, 3 vol. in-8o.--Étienne Pasquier, Recherches de la France, Paris,
Martin Colet, 1633.--/www.nationalgeographic.fr/histoire/epiphanie-dou-vient-la-tradition-de-la-galette-des-rois
Margot Hinry –D’après « Le Petit Journal illustré », paru en 1935)-France
Pittoresque--
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