Henriette de Bourdic
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Bourdic, pour les Languedociens actuels, cela évoque un village et le bon vin de ses collines. Mais qui se souvient d’Henriette de
Bourdic, poétesse, tenant salon littéraire à Paris pendant la Révolution
Française ? Elle avait échangé des lettres avec Voltaire et avec bien
d’autres « Beaux Esprits ».
Ses poèmes, sa vie sont
étudiés à l’Université de Princeton par un professeur de littérature française
Gilbert Chinard. Mais aussi dans quelques universités françaises.
Benjamin Franklin lors d’un séjour
à Paris avait rencontré la poétesse, « une muse provinciale » :
Anne-Marie-Henriette Payan baronne de Bourdic. Une correspondance de 142
lettres entre eux deux.
Henriette est née à Dresde en
décembre 1746. Son père, Joseph de Payan, baron de L’Estang vient d’une vieille
famille protestante du Languedoc. Il est né en juillet 1711 et baptisé au temple de
Saint-Paul-Trois-Châreaux dans la Drome. Il entre en qualité de Grand Officier
au service de la Russie, capitaine en 1740, puis au service de la France
capitaine de la 4ème Brigade du régiment de Cavalerie légère de
Saxe-Volontaire en 1743, et lieutenant-colonel réformé au régiment d’infanterie
Allemande de Lowendal en 1745. Enfin colonel commandant des Croates Français et
est tué en Flandre en aout 1746, au camp des Cinq-Etoiles.
(Sources : Annuaire Noblesse de France - 1878, auteur : Borel d'Hauterive, Edité en 1878). Son grand-père Hector, protestant aussi, capitaine d’infanterie, avocat au parlement du Dauphiné, dans un second testament affirme sa conversion au catholicisme en 1730 et souhaite être inhumé dans son caveau de l’église de Saint-Paul-Trois-Châteaux. Une famille déchirée par le vent de l’Histoire….
(Sources : Annuaire Noblesse de France - 1878, auteur : Borel d'Hauterive, Edité en 1878). Son grand-père Hector, protestant aussi, capitaine d’infanterie, avocat au parlement du Dauphiné, dans un second testament affirme sa conversion au catholicisme en 1730 et souhaite être inhumé dans son caveau de l’église de Saint-Paul-Trois-Châteaux. Une famille déchirée par le vent de l’Histoire….
La jeune Henriette vient en France vers l’âge
de quatre ans, élevée par son oncle Payan en Ardèche à Aubenas. C’était un
grand propriétaire et un cultivateur très moderne pour l’époque. Il est le
premier à avoir acclimaté et planté des mûriers nains dans cette partie du
Vivarais inculte. Il a aussi perfectionné la culture de la vigne. L’abbé Rozier
dans son « Cours complet d’agriculture » et plus tard Faujas de
Saint-Fond dans son « Histoire naturelle du Dauphiné » en font
l’éloge. Henriette va recevoir une excellente éducation. Mais comme beaucoup de
femmes de l’époque, sa vie ne sera pas pavée de roses….
Un premier mariage pour
Henriette à 13 ans en 1761 avec le marquis de Riberre d’Autremont du Comtat
Venaissin. Le marquis avait 40 ans lors de son mariage ; une vie dissolue
l’avait fait vieillir prématurément, un homme ruiné. Attiré par la dot ou par
une enfant ? Probablement les deux! Les femmes n’étaient souvent que des objets à cette époque. Henriette
se retrouve le lendemain de ses noces au couvent pour ne revenir dans le
château délabré qu’à la veille du trépas de son époux. Veuve à 16 ans. Un
mariage pas très heureux, sans amour ni respect de l’un comme de l’autre. Elle
se retrouve avec un modeste revenu de mille livres de rentes. Un oncle évêque
de Nîmes l’accueille un temps. Elle partage alors sa vie entre Languedoc et
Aubenas. Elle est proche de la famille de Vogué. Elle commence à écrire très
tôt. L’espèce de retraite qu’elle vivait développa ses goûts artistiques. Elle
rimait avec beaucoup de facilités. Elle continue à étudier. Elle parle
plusieurs langues, l’allemand, l’anglais, le latin, l’italien… Bonne musicienne,
touche-à-tout, elle se consacre plus volontiers à la poésie.
Sa correspondance avec
Voltaire est connue dans les milieux littéraires. Elle composa plusieurs pièces
fugitives qu’elle envoya à Voltaire qui lui répondit en vers élogieux. Ce fut
le début de sa réputation et l’encouragea dans ses penchants poétiques.
En 1770 un recueil de ses
poésies est imprimé, mais le fascicule n’est pas mis en vente. Elle se dépeint
ainsi dans son Epitre au marquis de Saint-Just : « Je suis si bien dans mon obscurité ! Le
grand jour nuirait trop aux petits riens que j’aime, un demi-jour suffit à la
félicité…. ». Elle a 24 ans. Un premier amour ensoleille son univers
dans cette période : un jeune homme qui l’aime et qu’elle aime, riche,
spirituel. Mais il meurt la veille du jour fixé pour signer le contrat de
mariage.
En secondes noces, en 1776
elle épouse le baron de Bourdic, major de la ville de Nîmes et ancien capitaine
d’infanterie, d’une vieille famille du Languedoc. Un mariage heureux qui dura
20 ans. De 1780 à 1788 la citadelle de Nîmes devient une prison politique
gouvernée par le major. Henriette tient alors dans son appartement un salon
littéraire où les beaux esprits se retrouvent. L’Intendant du Languedoc l’avait
autorisée à organiser des pièces de théâtre, parmi lesquelles son opéra en
trois actes « La Forêt de Brama ». Henriette est reçue première femme
à l’Académie de Nîmes en 1782. Elle y sera correspondante.
En 1778 on peut acheter des
sonates dédiées à madame de Bourdic à Nîmes, Lyon, Paris, Marseille,
Toulouse… : « Six fonates pour
le clavecin avec accompagnement de violon, dédiées à madame de Bourdic ,
ci-devant marquife d'Antremont , par M. Arnaud de Nifmes. Œuvre I. Prix 9 liv.
A Nifjnes , chez l'auteur, & chez M. Bouleron ; à Paris, chez M. la
Chevardiere, marchand de mufique , rue du Roule ; à Lyon , chez M. Caftaud ; à
Marfeille , chez M. Genoyer , organifte; à Touloufe, chez M. la Barthe, faéieur
de clavecin ».
Elle avait de la répartie,
vive, spirituelle. Les Académies savantes des Arcades de Rome, les musées de
Bordeaux, Toulouse, la Société patriotique de Bretagne, les Lycées Littéraires
de Paris l’associèrent à leurs travaux.
Monsieur de Bourdic meurt en
1788 après quatre ans de paralysie. La fortune qu’il laisse à Henriette n’est
pas grosse : 6000 livres de rentes qui ne pèsent pas lourd à la veille de
la Révolution. Doublement veuve d’un
aristocrate, Henriette se retrouve en prison à Versailles. Son courage, son
esprit, sa conversation semée d’anecdotes piquantes et de réflexions
philosophiques aident les prisonniers. Monsieur Viot administrateur des
domaines nationaux la rencontre lors d’une visite à un de ses parents détenu
dans la même prison qu’Henriette. Le coup de foudre existe même dans ces
antichambres de la mort ! Il résolut de la faire sortir et de l’épouser.
Le Comité de Salut Public rechigna d’abord à libérer une femme de famille
noble, mais finit par accepter. Donc un troisième mariage pour Henriette de
Bourdic. Elle se chargea de l’éducation des quatre enfants de son époux.
De taille élégante, elle ne se
trouvait pas très jolie : « l’architecte a manqué la façade »
disait-elle.
Une pensée
philosophique : « ce n’est pas l’homme qui sort de la vie qu’il faut
plaindre ; il ne pleure qu’en y arrivant !! ».
Leur maison à Paris devint le
lieu de rendez-vous de tout ce qui comptait de personnalités. Une grande
vivacité d’esprit, une grande culture, et surtout une bonté rare en cette
période de tensions politiques extrêmes où un mot pouvait vous envoyer à la
guillotine. Son amie Madame du Boccage grâce à elle put avoir du gouvernement
une pension à vie.
Ses écrits, des lettres, des pièces fugitives et
surtout l’Eloge de Montaigne qui avait été lu en 1782 à l’Académie de Nîmes,
texte en deux parties, l’une consacrée aux écrits du philosophe, l’autre à un
travail d’analyse de ces travaux.
La plupart de ses écrits ont
été imprimés dans la collection annuelle de l’Almanach des Muses. L’Eloge de
Montaigne sera imprimé en 1801. La majorité de ses poésies lui seront dérobées.
Elle nous a laissé aussi son Ode au
Silence, des poésies plus légères dans l’esprit d’un Jean Jacques Rousseau,
L’Eté, la Romance de la fauvette… L’Epitre à M de la Tremblaye sur son voyage
en Grèce, et son opéra La Forêt de Brama en trois actes.
Mais son époux dut changer de métier,
malgré 33 ans de services aux domaines nationaux. Il sollicita une place de
consul. Il obtient le poste de Barcelone. Henriette ne quittait pas Paris de gaieté de cœur. Loin de ses anciens et fidèles amis, après avoir traversé tant
de galères… Elle écrivait à une amie : «
Je ne voudrais jamais arriver à Barcelone, ne surviendra-t-il pas quelque
événement qui m’éloigne de cette ville et me rapproche de vous !! ».
Elle trouvait toujours des prétextes pour s’arrêter en route. Et à l’approche
de Bagnols-sur-Cèze à la Ramières, des douleurs aigues lui traversent le
ventre. Elle décède dans l’espace de vingt-quatre heures, le 19 thermidor
an 10(1802) à 56 ans.
Sources : Payan
Demoulin www.retronews.fr/journal/gazette-nationale-ou-le-moniteur-universel/2-novembre-1802/149/1330467/4#--wikipedia.org---Société des Gens de Lettres (France) L’Esprit des Journaux Français et
Etrangers vol1778 v5 internet archives--- Académie de Nîmes --- Dictionnaire historique,
littéraire et bibliographique des Françaises, et des étrangères naturalisées en
France, connues par leurs écrits ou par la...Auteur : Briquet, Fortunée B. (Fortunée
Bernier), 1782-1825Edité en 1804---
Dictionnaire historique des musiciens : artistes et amateurs, morts ou vivants
: qui se sont illustrés en une partie quelconque...Auteur : Choron, Alexandre, 1771-1834--- Biographie des jeunes demoiselles: ou, vies des femmes
célèbres, depuis les h'ebreux jusqu'a nosAuteur : DufrénoyEdité en 1820--- Dictionnaire historique ou histoire abrégée des hommes qui
se sont fait un nom François-Xavier Feller La Baronne de Bourdic ----Un salon
littéraire dans la citadelle (vauban.unimes.fr/lettres/)--- Autorisation
à Mme de Bourdic de jouer des pièces de société dans une salle Vide de la
citadelle. Inventaire sommaire série C t5 - AD Herault---Calendar of the papers
of Benjamin Franklin in the library of the American Philosophical Society
(Volume 3)Auteur : American Philosophical Society. LibraryEdité en 1908--- Philippe Gérard
Busoni, Chefs-d’œuvre poétiques des dames françaises depuis le XIIIe siècle
jusqu’au XIXe siècle, Paris, Paulin, 1841, p. 505.
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