vendredi 4 décembre 2020

Les ouvriers-fouettiers

 

commons.wikimedia.org/wiki/File:Illustration_Celtis_australis1.jpg

Les ouvriers-fouettiers – Les réblaquaires – Les plégaïres 

 

Le micocoulier, des fourches et des cravaches… Nous connaissons les fourches de micocoulier, mais moins bien les fouets, les cravaches fabriqués dans son bois. Et que dire de la liqueur, l’aigardent (eau de vie) à base de baies de micocoulier, les micocoules.

Le nom du micocoulier vient du grec Mikrooudouli « celui qui produit des baies minuscules ». Il existe dans le monde plus de 80 espèces de micocouliers. En France, le micocoulier de Provence est appelé aussi Micocoulier du Midi, falabréguier, bois de Perpignan, poirier à fourches, fabricoulier, farigoulier, fabrigoulier, fabrégoulier, fanabréguier, frégolier….. Nous retrouvons des noms de lieux, des noms de familles qui s’en inspirent, Falabrègues, Faverger, Fabrègues,  Fabas, Fabrezolles….

Selon une légende celte, les femmes offraient à l'arbre une mèche de leurs cheveux afin qu'une corneille ou une tourterelle viennent leur donner des nouvelles de leur époux ou de leur fils partis guerroyer.

Cet arbre peut atteindre des hauteurs et des rondeurs imposantes, jusqu’à 25 mètres de haut ; un tronc lisse qui ressemble à une patte d’éléphant, il orne jusqu’à peu les allées, les rues, les parking de nos villages. Il peut vivre quatre cents ans, parfois bien plus, ce qui en faisait un arbre à planter proche d’une église, d’une chapelle, ornant les lieux pour un bon moment de son port magistral.

 Sous l’effet de la chaleur intense, ses feuilles s’inclinent vers le bas et les deux bords se replient pour réduire la transpiration et la surface au soleil.  Son bois est d’une grande souplesse, il peut être déformé à chaud et il garde sa nouvelle forme après refroidissement.

Son bois va servir dans la fabrication de divers outils et encore maintenant il est utilisé pour la fabrication de la fourche de Sauve (Gard), la cravache et le fouet de Sorède (Pyrénées-Orientales).

Depuis que le cheval nous servait de moyen de locomotion, pour lui flatter la croupe on se munissait de petites branches de micocoulier. Une famille les Massot des Pyrénées-Orientales implantée à Sorède crée une entreprise artisanale de cravaches et fouets. Vers 1850, la vapeur remplace le trempage du bois, le village se spécialise dans cette fabrication. Dans les années 1920, une centaine d’ouvriers-fouettiers travaillent sur ces produits qui sont expédiés jusqu’aux Etats-Unis, Angleterre, Allemagne, Espagne, Canada, Turquie. Ce sera un succès jusqu’aux années 1950, lorsque les tracteurs envahissent les champs. Ce sera le déclin pour les fabriques de micocoulier. Mais la 

cravache, les fouets de Sorède (les fouets de perpignan) et les chambrières sont à nouveau à la mode depuis les années 1981. (ESAT Les Micocouliers © couleursbois.com )

Un Centre d’Aide par le Travail en relance la fabrication. Le boom de l’équitation et de l’attelage remplissent les carnets de commande. Même une grande entreprise du luxe comme Hermès fait fabriquer les cravaches de sa ligne équestre à Sorède : les plus belles pièces sont achetées brutes puis habillées par les selliers des 

maisons de luxe.

La fabrication demande du temps : les troncs ou barres sont sciés puis mis à sécher un ou deux ans, puis tronçonner pour en tirer des « carrats » pour la confection des manches ; les carrats sont ensuite refendus en quatre baguettes qui seront torsadées comme une corde après avoir été étuvées pour les assouplir.

Actuellement, le bois de micocoulier sert dans la fabrication d’avirons, de manches d’outils et de cannes d’appui et de pêche, cercle, essieu, sculpture… et dans la fabrication des colliers des moutons. Son écorce et ses racines nous donnent un colorant jaune pour teinter le cuir. On en trouve aussi cultivés en bonsaï.

« La Trinité, mes frères, est comparable aussi à une fourche, à une jolie fourche, de ces fourches qu’ils font à Sauve ».
Frédéric Mistral. Proso d’Armana. La Trinita

Au pied des Cévennes, le village de Sauve continue la tradition de la fabrication de fourches en micocoulier. Cet arbre a la faculté de repartir du pied ou des racines. Ces drageons sont utilisés pour produire des fourches à trois dents d’un seul tenant, solides et légères, non sujette à vermoulure. C’est une technique qui remonte probablement au 12ème siècle. On en retrouve la trace dans le Cartulaire de Maguelone de cette époque.

 Les drageons naturellement bifurquent en trois branches. On attend quatre à sept ans pour que les arbrisseaux nés de la souche aient la bonne taille., autour d’un mètre20. C’est le travail (reblaquage) du « réblaquaire ». Le sommet s’orne d’une fleur de lys, à l’aisselle de chaque feuille, un bourgeon qui donnera une dent de fourche. A partir de là, on « conduit la fourche » : on élague régulièrement pour répartir la sève dans les trois fourchons. Puis devant un four alimenté de copeaux, on écorce la fourche, on introduit les fourchons dans un moule « escalette » pour les incurver dans une position symétrique. Refroidi, le bois garde sa forme. Ce travail est l’œuvre du « plégaïre ». Un dernier passage au four pendant 15 à 20 heures à 120 degrés ; les fourches en sortent brunies par la fumée, seule la partie protégée par la cravate restera blanche, signe de la production de Sauve. Au 18ème-19ème siècle on produisait autour de 80 000 fourches par an. Maintenant un petit millier.

En 1688 une des premières coopératives agricoles est créée à Sauve et en 1741-42 une assurance mutuelle qui garantit à ses membres leurs récoltes, les assiste lors des procès ou lors de la destruction des excédents pour maintenir les prix. Si les fourches encore sur l’arbre étaient abîmées, tous les propriétaires producteurs supportaient le dommage, en proportion de la quantité de fourches qu’ils produisaient cette année-là.

La coopérative s’installe en 1815 dans les casernes de Sauve. Les fourches moins dangereuses que celles en métal, servent essentiellement aux écuries de chevaux. Antistatique les matelassiers et les industries lainières de Mazamet entre autres les utilisent pour manier le duvet, la laine…

Aujourd’hui surtout utilisée dans les milieux hippiques, les jardiniers, les céréaliers, les lavandiers… et les touristes. La coopérative a fermé en 1994. Une association essaie de maintenir cette tradition.

A visiter :


Sources et pour en savoir plus : nemausensis.com/Traditions/FourchSauv.htm internet

-----fourchedesauve.free.fr › conservatoire fourche › fabric...--www.ville-de-sauve.fr/?page_id=499--- Jean GERMAIN « Sauve, Antique et Curieuse Cité » 1952 – wikipedia.org-- FRANÇOIS CONDOTTA, « Sauve : à la fourche des micocouliers », Midi libre,‎ 17 août 2013 (lire en ligne [archive--- Hubert Delobette Alice Dorques Trésors retrouvés de la Garrigue  édit Papillon Rouge Isbn 2-9520261-0-6----garrigue-gourmande.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=1199&Itemid=102

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