La Dame Blanche de St Quentin La Poterie
Dans la garrigue à l’extérieur de
St Quentin il y avait une tour qui pointait encore il y a peu son nez au
-dessus des arbres. Ce ne sont plus que des ruines maintenant. Les
« estrangers d’ici » l’appelaient « Cantadur ». Les genss
d’ici la nommaient « Cantaduc ». Monseigneur le Duc d’Uzès y venait
faire ses fredaines et lorsqu’il était content il chantait à tue-tête. Et quand
Monseigneur le Duc était content, les paysans tout autour étaient aussi
contents !! D’où Cantaduc… Il y a d’ailleurs une rue Cantaduc à St
Quentin, donc on est un peu près dans le vrai, du moins en ce qui concerne l'orthographe de la tour….. D'où vient vraiment son nom ?
La légende dit qu’au pied de
cette tour, il y a très longtemps, il y avait un château hanté par une Dame Blanche. Les archives ne
mentionnent pas de château à cet endroit, mais dans ce village il y a eu à une
époque jusqu’à 22 coseigneuries donc une flopée de châteaux et de maisons
nobles. Alors un château de plus ou de moins !! Pourquoi par là.
Or donc, ce soir-là, le village
essuyait un de ces orages déchaînés que l’automne nous réserve. Maintenant on
appelle ces orages des épisodes cévenols. Les hommes s’étaient rassemblés au
café de Paris, dans la fumée des pipes et les relents de vin. La pluie tambourinait
le toit, la terre et les graviers giclaient devant l’auberge. L’eau dévalait la
pente, en rigoles cascadantes. Le village attendait dans une peur refoulée,
dans les prières muettes des grand-mères. On disait qu’un platane de la place
devant le temple avait cassé déjà une branche ; à quand la
prochaine ?
Le cabaretier avait prévu des
grillades, cela sentait l’ail, le thym, le gras brûlé… Pour ne pas entendre la
pluie, chacun parlait fort, disait n’importe quoi, des bêtises le plus souvent.
On riait un peu jaune. On ne pouvait pas jouer aux cartes, le ciel était
tellement bas que l’on n’y voyait goutte dans la salle. Et bien sûr un plus
malin que les autres se mit à parler de la Dame Blanche qui se promenait les
jours de tempête sur les remparts du château de la Tour Cantaduc.
- - C’est des histoires de vieilles femmes, cria un
ouvrier agricole venu de la plaine.
- - Tais-toi ! il va t’arriver malheur, lui
répondit un vigneron du village. Moi je l’ai vue comme je te vois, et même
plusieurs fois. Un jour d’orage elle est venue jusque dans ma vigne derrière le
maset. On voit pas bien son visage, elle est enveloppée de voiles blancs,
brillants qui flottent alors que toi tes vêtements sont collés par la pluie du
Bon Dieu. C’est comme si on voyait à travers, derrière elle.
- - Et tu ne l’as pas attrapée ?
Comme si on pouvait !! Ricanent
les uns, se tapent sur les cuisses les autres, les regards devenaient noirs.
Ces gens de la plaine ne savent vraiment rien et ils donnent des leçons !!
Ils vont bien nous porter la poisse !! Le cabaretier sentait la bagarre
venir entre ceux qui croyaient à la Dame Blanche et ceux qui n’y croyaient pas.
La conversation devenait orageuse elle aussi, les moqueries volaient bas, même
en dessous de la ceinture.
- - Taisez-vous cria brusquement quelqu’un au fond
de la salle. Je vais vous départager moi.
L’inconnu noir
comme un cep de vigne, les yeux clairs, se leva !
Un grand silence s’installa, les
bûches de la cheminée en profitèrent pour approuver l’intervention en un
craquement sinistre.
- - Voilà dit l’homme, qui croit en la Dame
Blanche ?
- - Moi, cria le vigneron qui se nommait Cyrille.
- - Qui ne croit pas à la Dame Blanche ?
- - Moi hurla l’ouvrier agricole qui venait de la
plaine et qui se nommait Etienne
- - Voila ce que nous allons faire. C’est une nuit
de tempête, une nuit pour la Dame Blanche disent certains, une nuit comme les
autres disent ceux qui n’y croient pas. Tous les trois nous allons monter jusqu’aux
ruines du château et on reviendra vous dire ce que nous avons vu.
Cyrille et
Etienne ne pouvaient reculer, ils étaient devenus des héros malgré eux, en trois coups de
mots !
La porte se referma sur les trois hommes et le cabaretier en profita pour remplir les verres.
La porte se referma sur les trois hommes et le cabaretier en profita pour remplir les verres.
Et les trois
hommes grimpent dans la pierraille sous la pluie battante. Ils arrivent devant
la porte arrondie de la muraille. Un moment d’hésitation devant le trou noir de
l’intérieur de la cour du château. Les nuages bouchaient le ciel, le vent s’était mis de
la partie. Quand ils pénétrèrent dans la cour du château, les plaintes des
arbres et des pierres devinrent moins violentes, la tempête semblait s’apaiser.
Un souffle froid sortait des ruines.
- - On ne va pas tarder à savoir qui à raison,
chuchota l’inconnu en prenant une voix profonde et mystérieuse.
Les nuages
au-dessus des créneaux prenaient des allures étranges, chevaux, sorcières,
fumées.. Des ombres agitaient les buis, les petits herbes folles de la cour.
Soudain
Etienne poussa un cri. La Dame Blanche avançait lumineuse, lentement au milieu
de la cour du château, enveloppée de voiles blancs. Ses cheveux blonds
flottaient mais on ne pouvait distinguer son visage, jeune ou vieux. Les nuages
déformaient cette vision, lui donnaient un aspect troublant, irréel.
Cyrille le
vigneron était heureux sans crainte, devant elle et elle, royale, s’avançait vers lui, d’une
démarche aérienne.
- Dame Blanche que faisais-tu dans mon champ,
Dis-moi ton malheur, dis-moi ce que je peux faire pour que tu sois en paix…,lui
demanda Cyrille.
Mais la Dame
Blanche devant lui ne le regardait pas, elle fixait maintenant Etienne avec un sourire
sauvage de vieille sorcière.
Etienne essaya
de reculer, de courir, d’éviter la Dame Blanche. Elle s’avançait toujours,
cruelle. Etienne reculait, reculait, jusqu’au bord d’une faille qui s’ouvrait
dans le vide. Quand il bascula dans la nuit, le fantôme disparut dans un
mouvement comme un soupir, presque comme un chant de rossignol.
Cyrille
chercha l’homme du café qui les avait embarqués dans cette aventure. Il ne le
vit pas, il s’était évanoui dans la nature. Cyrille le cœur battant, retrouva
la porte du château, et revint en courant dans le village. Il pleuvinait, le vent s’était
calmé.
Lorsqu’il
ouvrit la porte de l’auberge, ceux qui étaient restés dedans à les attendre,
comprirent immédiatement. On ne plaisante pas avec les Dames Blanches !!!
Malheur à ceux
qui croient que la Dame Blanche n’existe pas !!!
Certains
maintenant disent que les Dames Blanches sont là pour effrayer ceux qui
voudraient voir de trop près ce qu’il y a dans les dames-Jeanne qui sont
transportées nuitamment. Qui sait ?
Autre Dame-Jeanne |
Dame-Jeanne |
Sources : Michel Cosem Contes traditionnels du Languedoc – dessin
Souzine – merci à Adrien Castanet pour son adaptation -
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