Formation à l’accouchement au 18ème
siècle :
Forceps de Levret fin 18ème siècle Collection CHU Tours –
exposition 2008
Pendant
longtemps, la naissance d’un enfant représentait un danger pour la mère et
pour le bébé. C’était un enjeu médical mais aussi politique. Avec la
Révocation de l’Edit de Nantes en 1685 et dès 1680, les
« sages-femmes » protestantes qui avaient pourtant de bons
résultats ne sont plus autorisées à exercer. On n’avait pas encore découvert
les microbes et les bactéries, mais les médecins de Montpellier et d’ailleurs
avaient compris qu’un minimum d’hygiène et des connaissances du corps
arrangent bien les choses et ils avaient commencé à former des femmes pour
intervenir. Restaient malgré tout, les cas complexes où la vie de la mère et
de l’enfant était en jeu. A cela s’ajoutaient des problèmes d’héritage :
lorsque la famille n’avait pas d’autre enfant, le nouveau-né devait
absolument vivre un instant pour hériter de sa mère décédée et alors le père
pouvait hériter de l’enfant. On a vu des « arrangements » où les
témoins, la sage-femme, parfois le curé certifiaient souvent de bonne foi,
avoir vu le bébé bouger un orteil, faire un « vent »… Donc encore
vivant après le décès de la mère.
Dans
les villages, le curé désignait une femme d’expérience, la
« matrone »ou la « bonne-mère », pour assister la future
mère. La matrone était certifiée de bonne vie et catholique. C’était aussi
l’occasion pour l’église d’avoir un œil sur les avortements ou les
accouchements prématurés, sur les naissances, le baptême du bébé…. Les femmes
de la famille, les voisines, les « commères », étaient présentes,
avec leurs recettes, leurs amulettes, leurs propres histoires d’accouchement…
La matrone connaissait les secrets de famille, parfois elle présidait aussi à
la toilette des morts du village. Elle était capable d’ondoyer le bébé en cas
de risque, c’est-à-dire de donner une sorte de baptême. Et la mortalité
infantile et maternelle était impressionnante.
Les familles aisées avaient des
accoucheuses plus qualifiées, mais les risques étaient toujours là, surtout à
cause des maternités chez des femmes très jeunes ou après trente ans, et
aussi à cause des mariages consanguins. Mais dans ces familles-là dès 1650 petit
à petit des chirurgiens s’intéressent aux accouchements. « Les
princesses et toutes les dames de qualité choisissent des accoucheurs :
les bonnes bourgeoises suivent leur exemple et l’on a entendu dire aux femmes
des artisans et du menu peuple que, si elles avaient les moyens de les payer,
elles les préfèreraient aux sages-femmes. » Pierre Dionis,
chirurgien parisien en 1718.
A
la fin du 18ème siècle apparaît une méthode d’enseignement à
l’accouchement mise au point par une sage-femme Angélique Le Boursier du
Coudray (1712/14-1789). Elle est maîtresse sage-femme au Châtelet, sage-femme
jurée à Paris. Elle est née dans une famille de médecins. Elle publie
en 1759 un livre Abrégé de l’Art des accouchements qu’elle fera illustrer de
charmantes gravures en couleur. Elle parle ainsi de l'accouchement :
"En attendant le moment de délivrer la
femme, on doit la consoler le plus affectueusement possible : son état
douloureux y engage ; mais il faut le faire avec une air de gaieté qui ne lui
inspire aucune crainte de danger. Il faut éviter tous les chuchotements à
l'oreille, qui ne pourraient que l'inquiéter et lui faire craindre des suites
fâcheuses. On doit lui parler de Dieu et l'engager à le remercier de l'avoir
mise hors de péril. Si elle recourt à des reliques, il faut lui représenter
qu'elles seront tout aussi efficaces sur le lit voisin qui si on les posait
sur elle-même, ce qui pourrait la gêner..."
La
plupart des femmes ne sachant pas ou à peine lire, il fallait un enseignement
pratique, accessible, par le toucher, la vue. Celle-ci invente une machine
qu’on appelait « fantôme obstétrique », sorte de mannequin souple
représentant le ventre, le bassin de la femme et tous les organes de la
reproduction avec le bébé à l’intérieur. Des bébés nés à terme, prématurés,
des jumeaux… Le roi Louis XV délivra un brevet autorisant l’enseignement de
cette méthode dans toutes les provinces du royaume.
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Modèle de
serment, proposé par l’Eglise en 1786 pour les sages-femmes formées à l’Hôtel
Dieu de Paris :
« Je [...] promets et jure à Dieu, le créateur
tout puissant, et à vous, Monsieur qui êtes son ministre, de vivre et de mourir
dans la foi de l’Eglise catholique, Apostolique et Romaine, et de m’acquitter,
avec le plus d’exactitude et de fidélité qu’il me sera possible, de la fonction
qui m’est confiée. J’assisterai de nuit comme de jour dans leurs couches les
femmes pauvres comme les riches ; j’apporterai tous mes soins pour qu’il
n’arrive aucun accident ni à la mère et ni à l’enfant. Et si je vois un danger
qui m’inspire une juste défiance de mes forces et de mes lumières, j’appellerai
les médecins ou les chirurgiens ou des femmes expérimentées dans cet art pour
ne rien faire que de leur avis et avec leur secours. Je promets de ne point
révéler les secrets de familles que j’assisterai ; de ne point souffrir
qu’on use des superstitions ou des moyens illicites, soit par paroles, soit par
signes, ou de quelque autre manière qui puisse être, pour procurer la
délivrance des femmes dont les couches seront difficiles et paraîtront devoir
être dangereuses ; mais de les avertir de mettre leur confiance en Dieu,
et d’avoir recours aux sacrements et aux prières de l’Eglise. Je promets aussi
de ne rien faire par vengeance, ni par aucun motif criminel ; de ne jamais
consentir sous quelque prétexte que ce soit, à ce qui pourrait faire périr le
fruit ou avancer l’accouchement par des voies extraordinaires et contre
nature ; mais de procurer de tout mon pouvoir, comme femme de bien et
craignant Dieu, le salut corporel et spirituel tant de la mère que de l’enfant.
Enfin, je promets d’avertir sans délai mon pasteur de la naissance des
enfants ; de n’en baptiser ou de ne souffrir qu’on en baptise aucun à la
maison, hors le cas d’une vraie nécessité, et de n’en porter aucun à baptiser
aux ministres hérétiques. »
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