Au
XVIIème siècle des cotonnades peintes nous arrivent des Indes; de Perse, de
Turquie par le port de Marseille. Déjà une trace dans les écrits en 1567, un
commerce d’indienne passe par le port-relais de Marseille. Succès immédiat, des
décors luxuriants, des couleurs vives, joyeuses : ce sont les
« indiennes », ce que nous appelons maintenant des tissus provençaux.
Deux fabricants de cartes à jouer (Benoît Ganteaume et le graveur Jacques
Baville) en 1648 vont copier ces indiennes en se servant du même procédé que
pour les cartes : les tampons d’imprimerie en bois. Leurs tissus se
vendent bien, moins chers que les indiennes importées. Ils habillent les dames
de la cour comme la petite vendeuse, l’ouvrière ou la domestique. Un hic, les
couleurs avec le temps palissent, perdent de leur vigueur. Soleil, lavages
répétés, nos couleurs ne résistent pas. Colbert en créant la Compagnie des
Indes en 1664 et avec l’assentiment du roi Louis XIV fait venir alors une
centaine de familles d’Arménie (400 personnes environ) qui maitrisent la
technique de la couleur sur tissu, l’indiennage. Déjà auparavant, des
négociants arméniens commerçaient dans notre sud. Ces familles s’installent de
Marseille jusqu’à Sommières dans le Gard.
Présence attestée de ces compagnons peintres d’ »indiane » en
1677 Avignon, 1678 Nîmes, 1680 Arles. Madame de Sévigné est une
inconditionnelle de ces tissus, Molière consacre les « indiennes »
dans la bouche de son Bourgeois Gentilhomme en 1670. Tout va pour le mieux.
Mais les fabricants de tissus de soie
et de lin s’inquiètent devant l’engouement de la population pour le coton et
les indiennes. Ils manifestent et après la mort de Colbert sous l’influence de
Louvois, le roi Louis XIV en 1686 le 26 octobre en interdit la fabrication le
commerce et le port de vêtements en indienne dans tout le royaume. Les
sanctions sont démesurées : porter une indienne c’est une amende et prison si récidive, trois
ans de galère pour en avoir fait le commerce et peine de mort pour en avoir
fabriqué ! Les fabricants doivent brûler tous leurs tampons en place
publique : on perd ainsi des chefs-d’œuvre de gravures sur bois. La plupart des indienneurs provençaux et
languedociens s’exilent en Suisse, en Allemagne, Toscane, Sardaigne…,
grossissant le flot de fugitifs français et huguenots. La Basse-Ardèche, le
Vivarais se vident de leurs indienneurs et les femmes qui majoritairement
étaient employées dans ce secteur se retrouvent au chômage. Les Uzétiens, les
fils Pourtalès vont créer une puissante entreprise d’indiennage à Genève et
Neuchâtel. Un musée de Genève et un
autre de St Pétersbourg en Russie ont dans leurs réserves des tampons arrivés
avec nos indienneurs, les Négret d’Anduze, les Claparède de Nîmes. Un Bosanquet
de Lunel s’installe à Cadix… L’argent et le savoir-faire partent avec eux..
Les
pouvoirs politiques locaux vont bien essayer dans un premier temps de freiner
la répression. Mais ils devront fermer les yeux et faire le deuil d’un secteur
économique pourtant en bonne santé, riche d’emplois et de bénéfices.
Tampons soleiado |
Tampon indien |
Des résistances parfois violentes. On frappe, insulte les
sergents chargés d’appliquer la loi. En 1738 une révolte à Sommières oppose
tous les habitants et les sergents du roi qui s’apprêtaient à verbaliser des
femmes en jupes d’indienne. Le sang coule. Les représentants de la loi sont
jetés hors la ville. Ce sera une émeute qui fera date. Louis XV enfin en 1759
abroge ces décrets. A la fin du 18ème siècle, le pays compte pas
moins de 150 entreprises d’indienneurs, dont les fameux établissements nîmois
Faussard, Altier, Rigot associés, célèbres dans toute l’Europe pour leurs
mouchoirs imprimés. Des tampons réapparaissent comme par magie. Des graveurs
sur bois n’ont pas perdu la main et fabriquent des merveilles.
Que sont devenues les familles
arméniennes ? Certaines sont reparties mais la plupart ont fait souche
dans notre province, souvent par mariage avec des gens du cru. Les fabricants
de soieries ont profité de leurs compétences : arrivent sur le marché des
motifs, des couleurs fortement inspirés d’Asie Centrale. De nos jours, leurs
descendants sont boulangers, fonctionnaires, artisans, médecins, sportifs…
Actuellement un musée est consacré à cet art qu’est l’indiennage à Tarascon (39
rue Proudhon dans l’hôtel particulier d’Ayminy – pour le visiter voir horaires
et jours d’ouverture -souleiado.lemusee.com) - musée organisé par l'entreprise Soleiado qui a sauvé la tradition de l'indiennage..
Sources : Gazette
de Nîmes n°797 supplément dossier et photos tampons Patrimoine Daphné Arthomas -- Olivier Raveux La Naissance de l’Indiennage Européen ,
l’Exemple de Marseille CNRS UMR Telemme Aix en Provence –CH Diran-Tékezian Marseille la Provence et les Arméniens 1929
Mémoires de l’Institut d’Histoire de Provence arch dép des Bouches du Rhône B
138 et E201 registres paroissiaux. – généanet généalogie – Journal de Nîmes
1786 numérisé BNF + Carré d’Art Nîmes- photos musée Soleiado- a little mercerie.com-certi'ferme- internet wikipédia
Musée Soleiado Planches et Tampons |
Couturières 18ème siècle Arles Tableau A Raspal- |
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