La Maison Ronde ou notre première école et mairie
Le 21 novembre 1831 un projet de
construction d’une école primaire voit enfin le jour : nous avons un
potentiel de 40 enfants à scolariser. Les enfants sont « élevés dans
l’ignorance et ils seront privé de la connaissance indispensable soit du devoir
de citoyen ou surtout du devoir de religion ». Ceci dit sur les quarante
susceptibles de suivre l’école, 15 la fréquenteront et payeront la quote-part
mensuelle pendant huit mois : 1franc pour la première année de classe,
1,50 f pour le deuxième niveau, et 2 f pour le troisième. Par le coût, on
encourage toujours l’apprentissage de la lecture (1er niveau) au
détriment de l’enseignement de l’écriture et du calcul (2è et 3è niveaux). Cette quote-part va fluctuer au cours des
années. La commune prend en charge trois ou quatre enfants indigents.
En 1839 on réaffirme la nécessité
d’une école et d’une mairie : des archives et des papiers ont été égarés,
les réunions se font chez le maire. (avant la Révolution à l’étage du four).Nous
allons faire des sacrifices, une réimposition, des coupes de bois, une demande
de subvention… La révolution industrielle du 19ème demande des
ouvriers instruits un minimum (développement
du chemin de fer et des industries associées, métallurgie, mécanique,
charpente.. et industrie chimique avec la crise viticole).
Un devis et un plan de la future
école-mairie arrive le 1er août 1839, architecte d’Uzès Pralong. Le
plan est de 1836. La loi du 12 juin 1833 nous donne six ans pour construire.
Elle est située à l’intérieur du fort, contre les remparts, sur un terrain
communal, face à l’église : un étage, trois cheminées et un tuyau pour un
poêle dans la salle de classe. C’est en gros, l’actuelle « maison ronde »
qui à ce moment n’avait pas d’enceinte ronde. Ce plan reçoit l’accord du comité
local d’instruction. Le procès-verbal nous dit que « cette construction
offre un local sain et commode, un logement convenable pour l’instituteur…. Un
emplacement commode soit pour sa position soit par sa centralisation qui est
dans la commune la plus agréable ». On a vraiment l’impression que le
village tourne une page. La philosophie des Lumières est là, humaniste,
pratique, moderne…
Il faudra encore attendre faute
de moyens. Mais ce plan est intéressant. On voit que les remparts existent
encore à cette date. Une croix à l’angle marque une ouverture dans les
remparts, vraisemblablement ancienne porte du fort. Elle sera plus tard déplacée. La rue n’est
pas encore percée entre le presbytère et l’église. Le portail 18ème
devant le presbytère existait à cette époque, donc peut-être une maison sinon
noble du moins de la haute bourgeoisie s’abritait derrière ce portail,
éventualité renforcée par la mention d’une basse-cour à l’emplacement de l’actuelle
maison de Pierre Gouffet. Peut-être le logis de Denis de Bargeton, le dangereux
homme de guerre de Vallabrix qualifié
ainsi par l’intendant Lamoignon en 1680 et époux d’Honorade de Guiraud
vallabrixoise non convertie..
Devant la future école, un vacant
communal, donc un terrain qui a eu un propriétaire à une époque. Ce qui
renforce notre intuition de constructions démolies au cours des orages
politico-religieux des années 1700.
On relance le projet en 1842, en
1845. En septembre 1845 une institutrice est nommée, Adélaïde Roche en
attendant « Un » remplaçant qui semble pour nos élus, plus apte qu’une
femme. Elle devra « se contenter de 200f pour gages et loyer », quand
son remplaçant viendra, les gages seront revus. On ne nous dit pas où elle
enseigne.
Et nous manquons de ressources.
Il nous faut réparer le clocher, payer une partie de la nouvelle cloche, payer
des travaux sur la D5…..Notre situation financière n’est pas très bonne.
La situation politique aussi peut
expliquer que les villages tournent au ralenti. En effet, les troubles qui
agitent l’Uzège dans les années 1830 ont nécessité la présence de la garde
nationale, logeant chez l’habitant dans nos villages jusqu’à fin 1831. La Terreur Blanche et
ses Taillons avaient déjà par sa sauvagerie immobilisé la région en 1815. Le
pays avait du mal à se stabiliser après les revers politiques de la première
moitié du 19ème siècle. Les villages sont passés en une génération,
de1804 à 1852 d’un empire à trois régimes royalistes différents, puis à une
république pour finir par un autre empire avec Napoléon III, avec tout ce que
cela veut dire de tâtonnements, de retournements, de conflits. Sans compter la
Révolution de 1789 et surtout la période de Robespierre qui avaient laissé des
traces dans les mémoires.
En mai 1845 nous envisageons une
coupe de bois pour financer notre école-mairie. Exemple de la gue-guerre
catho-royaliste contre républicains ? En face de l’école-mairie, l’église
va s’agrandir, se transformer grâce au conseil de Fabrique.
En mai 1846 un devis de Maurice
Bègue, l’architecte du diocèse se monte à 5237 frs contre les 4800frs de
Pralong. Grosso modo il reprend le plan de Pralong. Le comité d’instruction approuve, nous sommes
déjà très en retard sur les délais. Nous relançons ce projet en juin 1847. Le
sous-préfet trouve la salle du conseil trop grande. Nous allons la cloisonner
pour faire un logement pour l’instituteur.
(Sur le plan à voir les toilettes
extérieures avec leur creux à fumier).
Les travaux ne seront engagés qu’en 1848 pour
un devis de 4390 f. C’est le maçon Dumozel qui intervient. Son fils se blesse
lors des travaux, la commune paie les frais. Les Assurances accidents du
travail n’existaient pas encore !!
On va couper du bois pour
renflouer les finances en 1848, en 1849. A l’occasion, on évalue la surface des
bois sur la commune à 312 hectares. Mais lors de la réception des travaux de
l’école-mairie, le 11 novembre 1849, la somme de 1020 f plus les intérêts,
reste à payer.
Et en janvier 1848 c’est le début
de la ruée vers l’or en Californie : des Français, dont bon nombre de
Languedociens se lancèrent dans l’aventure. Ils seront surnommés les
« keskydees » à cause de leurs éternelles questions :
« qu’est-ce qu’ils disent ». Des Vallabrixois sont partis chercher
fortune (par exemple les Aubert). On évalue à près de soixante millions les
Européens qui quittent le Vieux Continent entre 1815 et 1915 pour se rendre en
Amérique du Nord.
Questions à propos de ce bâtiment :
- Dans le compoix
de 1728, à cet endroit pas de construction ce qui est illogique. Les maisons,
jas, casals et autres bâtisses auraient dû s’entasser. Le compoix nous montre
des familles installées dans les caves ou dans les rez-de-chaussée
semi-enterrés.
-En 1833 toujours pas de construction à cet endroit, alors que les maisons de Vallabrix se rehaussent ou se reconstruisent. En effet des salaires tombent tous les mois (pour les hommes, industries, chemin de fer, mines etc, pour les jeunes filles ou les jeunes femmes, usines d’Uzès, service chez les bourgeois…), donc on peut engager des frais. Ce que ne permettent plus l’agriculture, la viticulture, le textile. Et ce qui va grossir le nombre de personnes par maison : oncles, tantes, grands-parents…parfois expropriés par les mines et la construction des chemins de fer, surtout sans fils ou gendre pour reprendre la ferme, tous habitent ensemble. Dans ma maison un oncle appelé «l’évêque» logé dans un des greniers et une grand-tante impotente dans une cave avec une fenêtre sur la rue qui lui permettait de vendre du tabac sans sortir de la maison.
-En 1833 toujours pas de construction à cet endroit, alors que les maisons de Vallabrix se rehaussent ou se reconstruisent. En effet des salaires tombent tous les mois (pour les hommes, industries, chemin de fer, mines etc, pour les jeunes filles ou les jeunes femmes, usines d’Uzès, service chez les bourgeois…), donc on peut engager des frais. Ce que ne permettent plus l’agriculture, la viticulture, le textile. Et ce qui va grossir le nombre de personnes par maison : oncles, tantes, grands-parents…parfois expropriés par les mines et la construction des chemins de fer, surtout sans fils ou gendre pour reprendre la ferme, tous habitent ensemble. Dans ma maison un oncle appelé «l’évêque» logé dans un des greniers et une grand-tante impotente dans une cave avec une fenêtre sur la rue qui lui permettait de vendre du tabac sans sortir de la maison.
-
Un terrain vacant
devant la construction : un terrain sans héritier retourné à la commune,
ce qui est rare à cette époque. Un cousin même lointain se déclare toujours
pour hériter, même pour un terrain de petite superficie.
-
Un fossé en arrondi au pied du mur
d’enceinte : a-t-on voulu faire coquet en réduisant la cour d’école à un demi-cercle
plutôt qu’un rectangle logique par rapport à la façade de l’école, plus grand,
à une époque où soufflait un vent d’hygiénisme. Ou a-t-on suivi la trace d’une
ancienne construction ? Le restant de calade aperçue en 2014 lors des
inondations va dans ce sens. (construction sur du remblai, pierres usées donc
installation ancienne…)
-
Pour construire
ce bâtiment, on démolit le rempart, on ne s’appuie pas dessus, le rempart
aurait pu faire le quatrième mur de la maison comme cela se faisait habituellement.
-
Trois marches
d’escalier sur l’extérieur qui ne mènent à rien et qui couvrent un reste de
rempart ?Peut-être pour desservir une boîte aux lettres d’après les Anciens.
Notre hypothèse partagée avec d’autres historiens est qu’à cet endroit
des personnes sont mortes brûlées. Sur un bûcher ou dans leurs maisons à l’époque
des dragonnades de 1685 ou des incendies de 1703-1705? Dans notre société
judéo-chrétienne, pendant longtemps, personne ne pouvait vivre là où l’on
pouvait trouver des restes humains même infimes qui n’avaient pas été enterrés
en terre consacrée. Ce serait même une des origines des légendes des fantômes
et autres mystères d’outre-tombe. C'est l'hypothèse que l'on aime raconter lors des visites de village. Une autre hypothèse plus terre-à-terre est que ce terrain était aussi un vacant : après la Révocation de l'Edit de Nantes de 1685, en 1688, les biens des émigrés retourneront à l'Etat, loués jusqu'au milieu du 18ème siècle, date à laquelle les héritiers qui pourraient se faire connaitre pourront récupérer ces biens. Bien peu le feront, et les communes se retrouvent avec des vacants en grand nombre au 19ème siècle.
Il est vraiment dommage que les murs ne puissent parler !!
Sources : archives communales –décisions municipales de 1838-
1838/1850 1850/56/68/70 – Couradou de
Vallabrix septembre2011 – février 2015 Fonds Historique de Vallabrix Biblio
Vallabrix - Jean Bernard Vazeille St Quentin (1981) - archives départementales du Gard (plan et
devis projet Pralong) – Jean Danielou L’Eglise des Premiers Temps BNF – AriellaAtzmann
Mythes judéo-chrétiens 2012 PUF- Photos collection privée
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