vendredi 31 mars 2017

Le Brigand de Vallabrix

Le Brigand de Valabris

Une légende tenace voudrait que le nom de Vallabrix vienne de Val à l'abri où des brigands séviraient. (voir origine du nom de Vallabrix blog du 11-03-2017) Une complainte du 19ème siècle parle "du brigand de Valabris". Mais le brigand dont il s'agit n'est pas celui qu'on croit, mais notre dernier seigneur Jean-François-Gaspard d'Arnaud de Valabris qui va bien décevoir ses contemporains en ce début de 19ème siècle.

Jean-François-Gaspard d’Arnaud de Valabris va laisser des traces indélébiles dans l’Uzège. Il fait une brillante carrière militaire. Mousquetaire noir en 1767 (13-14ans), sous-lieutenant au régiment du Beaujolais en 1769, Capitaine aux Bouffers-dragons en 1779, Lieutenant-colonel en 1785, Colonel au 14è de dragons, aide de camp du maréchal de Rochambeau en 1792. Campagne du Canada avec Lafayette..Les chroniques militaires le décrivent comme intrépide, casse-cou, un homme à poigne.
Il se retira, décoré chevalier de Saint-Louis en 1793. Il est élu candidat au corps législatif sans être appelé à y siéger. Nous allons le retrouver dans l’Annuaire de la Révolution de 1788, en compagnie de plusieurs Bargeton. Il décède le 27 juin1834 au Moulin Neuf (St Quentin la Poterie - Gard) chez sa fille Eulalie, comtesse de La Rochette depuis 1817. Il a 79 ans nous dit l’acte de décès qui lui donne pour prénom Jacques, François et Gabriel  (arch municipalesSt Quentin). Il est le fils de Jeanne-Marguerite de Bargeton, héritière des Bargeton seigneurs de Vallabrix depuis 1536 et le règne de François 1er. Et à ce titre il est notre dernier seigneur.

Il s’est marié le 27/12/1787 au château de Barret. Son père est baron de Fontcouverte, son beau-père lieutenant général et capitaine au régiment du Lyonnais Son épouse Gabrielle Dauphine Rocplant de l’Estrade décède à 32 ans le 24 pluviôse de l’An 6 (1798), à Saussac en Haute Loire.. Sa fille Eulalie vient de naître. Est-elle morte en couches ou peu après ? Une autre petite fille était née le 5 frimaire an V Marie-Pauline-Augustine-Camile d’Arnaud, décédée en l’an X. Eulalie a 13 ans en 1810 donc naissance vers 1797.. (nobiliaire du Velay et du Puy G de Jourda de Vaux 1862-1933-gallica BNF)
Dans le recensement d’Uzès de 1820 il est prénommé Jules Gaspard, il est veuf et a 65ans. Il a deux domestiques, Madeleine Brun veuve Borelly 65 ans et Marie Teissier 30ans qui vient de Cavillargues. Il a deux locataires dans sa maison d’Uzès, un marchand de vin et un faiseur de bas avec leurs familles.(arch d’Uzès + Vicomte de Jourda de Vaulx T6 Montélimar 1787 BNF)
D’après François Rouvière dans sa recherche sur les achats des Biens Nationaux, d’Arnaud de Valabris se porte acquéreur le 5-juillet 1813 de la garrigue de Castille, 12 hectares 40 ares pour 805 frs. Donc il traverse la période post-révolution assez bien.
A la fin de sa vie il aura vendu les terres de Fontcouverte,  les terres de Vallabrix en 1816, 12 hectares 89ares. Le château, la basse cour, le pigeonnier et terrain à l’entour seront vendus par la suite. Petit à petit l’héritage Bargeton disparaît.
Jean François Gaspard d’Arnaud de Vallabrix est présent lors de l’assemblée des Trois Ordres du diocèse d’Uzès en 1788. Huit cents signatures sur le registre des présents, dont celle de Darnaud-Valabris. Il a aussi rencontré sous Bonaparte à plusieurs reprises le cardinal Pacca en exil à Uzès. Donc un homme de « stature » !! Riche de domaines et d'alliés qui lui permettront de passer le cap de la Révolution sans trop de dommage.

Il sera pourtant un personnage controversé. Dans La Revue du Midi de 1909-Nîmes, il est dit que le préfet Dubois avait eu du mal à trouver un volontaire pour enfiler la veste de maire d’Uzès après la période de la Révolution de Robespierre. Les différents pressentis se défilaient sous toutes sortes de raisons. Darnaud de Vallabrix (il a fait sauter l’apostrophe pendant la Révolution), très riche, veuf, «ennuyé dans sa solitude et son oisiveté» accepta la charge.

Il est nommé maire d’Uzès le 17 germinal An8 (1799-1800). Il deviendra sous l’Empire napoléonien, en 1808 sous-préfet d’arrondissement. Il avait pris part aux élections de 1789, il faisait partie des libéraux qui étaient disposés à s’accommoder du régime démocratique. Mais il aurait préféré une monarchie constitutionnelle à la mode anglaise.
Bonaparte sera bien accueilli par les marchands, les artisans, souvent protestants, qui avaient surtout besoin d’ordre pour les affaires. La Restauration par la suite sera bien vue chez nous dans l’espoir de calme et de retour vers des pratiques anciennes atténuées par une monarchie tempérée et éclairée.

Mais en 1815, au moment de la Terreur Blanche, Darnaud fut incapable semble-t-il de maintenir l’ordre à Uzès. Le Préfet d’Arbaud de Jouques s’étonne vertement que dans une ville où 600 hommes étaient armés, il a été impossible de maintenir l’ordre et que personne n’ose arrêter Jean Graffand, dit «Quatretaillons». L’opinion publique rendit responsable Darnaud de Vallabrix des désordres et une complainte l’accuse d’avoir assisté aux exécutions derrière ses fenêtres : «Brégan de Vallabris qué dariés si fenestra, li régardavou mourri».(Brigand de Valabris qui derrière ses fenêtres les regarde mourir). Les habitants de Baron où il possédait le château de Fonte-Couverte ne se gênaient pas pour l’appeler le Brigand.
Darnaud avait pourtant la signature facile pour faire emprisonner les délinquants comme trois jours de prison pour une boule de neige lancée sans dégât.. Mais là il semble avoir tergiversé. Plusieurs versions à cet épisode existent, nous allons nous en tenir aux actes administratifs et judiciaires pour nous faire une opinion.

Tout a commencé par le retour de Napoléon Bonaparte d’exil de l’Ile d’Elbe. Les Cent Jours. Des affrontements sévères ont lieu tout au long du couloir rhodanien entre royalistes et bonapartistes. Défait à La Palud, une cinquantaine de soldats royalistes du clan du Duc d’Angoulême le 9 avril 1815 essaient de rejoindre Nîmes d’où ils sont originaires pour la plupart. Après avoir traversé les bois de Vallabrix, et évité St Quentin La Poterie, Uzès, nos «Miquelets» se dirigent vers Arpaillargues. Ils arrivent en vue de ce village le 11 avril. Mais là, affolés par la rumeur colportée par Bertrand d’Aureillac (métayer de la Baronne Wurmser, fille de Jeanne-Marguerite Bargeton-D’Arnaud, et sœur de notre sous-préfet), les habitants craignant vols, pillages ou pire, refusent l’entrée du village aux troupes royalistes. Les violences de la Révolution sont encore dans tous les esprits. Le maire est absent. Un ancien officier de la Garde, Boucarut, arme les villageois de faux, de bâtons, de fusils… Un coup de feu claque, confusion, des blessés et deux morts chez les Miquelets. Le juge de paix Robin vient le lendemain d’Uzès, fait un rapport, pas très épais. L’affaire pourrait en rester là. Mais le village d’Arpaillargues va être présenté comme une commune de barbares. On parle même du «massacre d’Arpaillargues».
Dans l’Uzège ce sera le point de départ de dissensions très vives, de vexations, de violences entre royalistes et bonapartistes. L’agitation va s’amplifiant en juin, juillet. Le drapeau sur la mairie d’Uzès est blanc, puis tricolore, puis à nouveau blanc… 1815 vengeait 1790. Le 2 juillet c’est l’exil définitif de Napoléon et le retour proche de Louis XVIII.

Mais gendarmes, soldats ne désarment pas tous, refusant la cocarde blanche des royalistes. La population est profondément divisée comme une bonne partie de la France.
Entrent en scène les tristes Trestaillons à Nîmes et Quatretaillons en Uzège. Ce dernier Graffand, est un ancien soldat, ancien garde-champêtre du village de Baron, connu du sous-préfet Darnaud de Vallabrix. C’est un royaliste irascible qui veut rétablir dit-il l’ordre à sa façon, surtout contre les protestants soupçonnés à tort ou à raison d’être bonapartistes (et de préférence riches). Deux sanguinaires…
Leurs légendes les précédant, étaient qu’ils taillaient en trois ou quatre leurs victimes. Une lettre du maire d'Uzès au sous-préfet du 2 août nous raconte que Graffand avec seize hommes et une populace d’une quarantaine de personnes ont pillé, rançonné, dévasté trois maisons : chez Vincent rançon de 2000frs, chez la veuve Bedos, maison détruite, et chez la veuve Olive rançon 2000frs. Les Uzétiens affolés demandent des passeports pour fuir la ville. Même lettre au commandant de la Garde Nationale le 3 août : Graffand avec une trentaine d’hommes ameute la foule contre les «mauvais citoyens suspectés d’être bonapartistes». Après le meurtre de Pierre Pascal, ouvrier, une rumeur accuse un boulanger Pierre Meynier notoirement protestant et bonapartiste. Trois autres personnes sont assassinées, Antoine Court, Jeanne Arland, Jeanne Roche sans que l’on sache par qui. Graffand décide l’exécution de Pierre Meynier et de l’un de ses fils, sa maison est pillée, saccagée.
Ivre de pouvoir, Graffand va à la prison et exige qu’on lui remette six prisonniers incarcérés pour bonapartisme. Il semble que le gardien résiste, mais les six hommes sont remis à Quatretaillons. Ils seront exécutés deux par deux sur l’Esplanade d’Uzès sous les quolibets de la foule. Le 4 août au matin Graffand se justifiera en disant «on ne peut rien me reprocher, il y avait trois catholiques et trois protestants».
Le sous-préfet de Vallabrix et les notables s’étaient enfermés chez eux ou s’étaient regroupés chez Darnaud. Il parait peu probable comme le dit la complainte, que le sous-préfet regardait  les exécutions sur l’Esplanade car il était à la sous-préfecture de l’autre côté, à l’évêché, gardé par trois gendarmes. S’il était derrière les fenêtres, c’était pour voir la foule déferlant en folie dans les rues.
Peu de gendarmes à Uzès à cette époque, la ville était laissée aux mains de Graffand. Cette tuerie  va engendrer un malaise dans le conseil municipal de la ville : on va être tenté de maquiller les actes de décès des exécutés : heures et dates des décès fantaisistes, signatures des actes par les adjoints…
Graffand ne sera pas loin : il officiera à Montaren, Blauzac, St Chaptes, St Quentin… Son collègue de Nîmes Trestaillons assassinera à tout va jusqu’en octobre 1815.
Alertés par les désordres les Autrichiens bougent et se rapprochent d’Uzès. Alors le 25 août, on (Darnaud de Vallabrix ?) appelle Graffand !!! On lui donne des cartouches, un drapeau blanc et il a ordre de se porter au-devant des Autrichiens. En route il change d’avis et d’itinéraire, et rejoint St Maurice de Cazevieille. Là le village avait organisé une milice de gens du pays, pour se protéger. Quand Graffand  rencontre ces personnes, il tire et fait six prisonniers qui seront tués plus tard.

Darnaud de Vallabrix très compromis dut quitter ses fonctions en 1817. Il avait perdu de sa superbe ; quand il se rendait à Uzès, on coupait la sangle de sa selle, on dételait son cheval, on lui lançait des immondices... On envisagea un moment de dédommager les familles victimes de Graffand : le pasteur Roux en fit la liste en 1819, sans suite à notre connaissance. Le «massacre d’Arpaillargues» fut jugé, huit condamnations à mort dont trois condamnés guillotinés à Nîmes et deux dans leur village natal pour l’exemple, les autres transférés au bagne. Voir ci-joint le rapport du juge de paix Antoine Robin sur les évènements d’Arpaillargues.
D'abord grâcié en 1819 pour des faits de droit commun, Jean Graffand lorsqu’il fut poursuivi enfin en 1821 fut condamné par contumace pour onze chefs d’accusation par la Cour d’Assise de Riom. On ne put faute de preuves le condamner pour les autres meurtres.

Sources : La Terreur Blanche E Daudet  Hachette 1906 – Notice Généalogique sur la Maison D’Arnaud  Louis-Joseph-Julien d’Hozier L Perrin 1856 Lyon – archives communales d’Uzès 3D5 4E2 – Société Historique de l’Uzège Bulletin 35 déc 2003  -  archives communales d’Uzès Cahier de Délibérations du conseil municipal 1D8 – André Chamson Les Taillons ou la Terreur Blanche  -  J B Vazeille Terreur Blanche à St Quentin  Association Histoire et Civilisation de l’Uzège  - photos collection privée Eléments de la façade Renaissance

Rapport du Juge Antoine Robin sur les «événements d’Arpaillargues» : l’an 1815 le 10 avril à 7 heures du matin, nous Antoine Robin, avocat et juge de paix du canton d’Uzès, département du Gard, officier de police judiciaire, sur l’avis qui nous a été donné par M Deydet, maréchal des logis de la gendarmerie à la résidence d’Uzès, qu’un étranger a été tué hier vers les six heures du soir dans la commune d’Arpaillargues, nous invitant de nous y rendre de suite pour constater l’état et le genre de mort dudit étranger……..nous avons appris par le rapport qui nous a été fait par un homme détenu dans la prison de ladite commune (c’était un des volontaire royaux) que l’étranger en question a été tué pour avoir voulu à la tête d’hommes armés entrer et pénétrer dans la dite commune par violence, dans le moment où les habitants de ladite commune offraient de leur fournir tout ce que leurs besoins présens pouvaient exiger, mais sous la condition qu’ils n’entreraient dans la dite commune qu’après avoir posé les armes, condition que lesdits hommes armés ne voulurent poins accepter voulant entrer avec leurs armes ce qui occasionna le soulèvement des habitants et la mort dudit étranger. En fait quatre volontaires royaux furent atteints, deux grièvement. L’un mourut à Arpaillargues même, le sieur Calvet, et l’autre à l’hôpital d’Uzès, le sieur Fournier. Un greffier, et un officier de santé (notre médecin légiste) accompagnaient le juge.
(Pierre-Jean Lauze de Péret 1818 Eclaircissement Historique – Gallica bnf)



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Une pensée du roi Louis XI :

« En politique, il faut donner ce qu’on n’a pas, et promettre ce qu’on ne peut pas donner »


jeudi 30 mars 2017

1963 Année de toutes les calamités

1963 Année de toutes les calamités 

www.alertes-meteo-com/vague de froid/62-63

En septembre 1963 une tornade arrache la croix de l' église de Vallabrix. Les tuiles des maisons aux alentours voltigent. Un arbre le long de la rivière, de fort beau gabarit, est arraché et s’envole dans l’oliveraie d’un terrain plus haut.
Déjà en décembre 1962 des vents de 155 à 185 km/h soufflent de Nice à Paris. A partir de janvier 63, 210 mm de pluie le 10 du mois dans les Pyrénées Orientales, 25 cm de neige à Aix en Provence. A Montpellier -18°C. Le département de l’Hérault est paralysé jusqu’au 5 février. Dunkerque s’orne d’une banquise. Les 19 et 20 janvier 63, 10 à 20 cm de neige dans notre Languedoc. A St Martin de Londres, -29°C. Les vignes, les oliviers, les fruitiers, les légumes d’hiver sont morts.
Cet hiver enregistre les plus longues périodes de gelées, depuis pratiquement le 13 novembre 62 jusqu’au 5 mars 63. Le 1er février, l’Hérault, le Var et la Corse sont touchés par une vague neigeuse : 35 cm à Montpellier, 20 à Sète, 23 à Carcassonne…. Les axes routiers sont endommagés par le gel et par le dégel.
Vallabrix sous la neige 2010
Et ce n’est pas fini. Le 11 mars des maisons s’écroulent dans le nord et l’ouest de la France sous l’effet de vents de 120 à 200 km/h. En avril pluies torrentielles à Paris, froid en juin sur tout le pays. En août, inondations, 8 morts dans le Lyonnais, 400 maisons s’écroulent à St Jean de Luz.  Le 1er août tornade dans les Landes et dans le Lot et Garonne (Mazerolles et Tonneins), intensité EF3. 220 à 270 km/h. Fin août neige en montagne. Le tout s’accompagne de grêle, de pourrissement des récoltes.
En octobre, orages cévenols et inondations dans notre province. 661 mm de neige et pluie sur l’Aigoual. Le 5 novembre, 198 mm d’eau à Uzès, 700 à l’Aigoual. Coupures d’électricité, de routes, de train.. Glissement de terrains….
Le 11 novembre à nouveau 200 mm de pluie à Uzès et dans le Gard. Pour Noël, vent à Nice et neige à Marseille et Bastia, 30 à 50 cm. A Lyon -16°C et pluies verglaçantes dans la vallée du Rhône.
Ce climat très bizarre va continuer : du 6 juin 1964 à janvier 65, six records de vent à Montélimar.
Nos députés vont s’en inquiéter. Le 28 septembre 1963, Les députés Ducros et Faure interviennent à l’Assemblée Nationale. Ils demandent des secours de l’Etat et des permissions agricoles généralisées pour les soldats, fils ou membres de familles de cultivateurs. Les vignes, le fourrage, le blé sont par endroits totalement perdus.
Le malheur est que nous oublions vite. Pourtant depuis le début du 20ème siècle régulièrement on s’interroge. Industrialisation, progrès et risques climatiques font-ils bon ménage ?. Déjà en 1900, 950 mm de pluie ravagent notre région. Dans le Nord et l’Est de la France, on observe une augmentation des problèmes pulmonaires, des dermatoses chez l’être humain, la disparition d’espèces d’oiseaux à l’ombre des cheminées des complexes miniers, des hauts-fourneaux. En 1915, un prêtre s’interroge sur le risque de réchauffement climatique que font courir les tirs, les explosions de la guerre, les gaz.
En 1940 1000 mm en 24 h à La Lau dans les Pyrénées Orientales, une vague rase la région d’Amélie-les-Bains jusqu’à Perpignan, 300 morts en France et en Espagne… En 1944 neige et froid intenses en Pologne et des inondations en février en Espagne et Italie….Neige à Marseille.

Il est grand temps pour nous de nous intéresser à notre climat et penser à ce que nous allons laisser à nos enfants. L’activité humaine est forcément destructrice, mais jusqu’où peut-on aller ?


Sources JO 28-9-1963 – divers sites météo internet- Grand merci à Cathy et Guy pour leurs souvenirs.
Vallabrix sous la neige 2010

lundi 27 mars 2017

Laïcisation de la mort - Fin 19ème siècle

Laïcisation de la Mort -Le cimetière de Vallabrix :
           
«  Ce que tu es, je l’ai été, Ce que je suis, tu le seras, Souviens-toi de moi »

Inscription du 12ème-13ème siècle (trouvée en novembre 1894 dans la cella de la Maison Carrée de Nîmes, lors de démolition d’un remplissage de maçonnerie – Mémoire de l’Académie de Nîmes, 1894 p23)
(Ancien cimetière devenu terrain de jeux à côté de l’église – arch perso 2011)

Pourquoi ici s’intéresser au cimetière de notre village ? C’est un endroit de cohésion, où la plupart se retrouve un jour, où nous apprenons à vivre et mourir avec notre voisin. On y cultive humanité, compassion, spiritualité, réflexion, tendresse… C’est un monument socialement essentiel à notre vie, au même titre que la mairie, l’école ou l’église. Notre histoire se déroule au fil des noms mentionnés sur les tombeaux. 
Chez nous comme dans la plupart des villages jusqu’au milieu du 19ème siècle, le cimetière côtoyait l’église. Pendant quelques décennies une porte sur le côté droit de notre église permettait de sortir de l’édifice et de cheminer entre les sépultures. Probablement, le prêtre pouvait en traversant le cimetière accéder à son presbytère qui se situait jusqu’à la fin du 17ème siècle le long du rempart, proche de l’actuelle maison Bonnaud. Le compoix du village de 1727/28 indique que le presbytère n’existe plus à cette date à cet endroit, seul reste l’emplacement, « le fondement » c'est-à-dire des ruines. Quand a-t-il été détruit et par qui ? Nous avons le choix sur Vallabrix : entre les dragonnades de Louis XIV de 1685, les exactions des Cadets de la Croix de 1703/1705, et peut être même les huguenots.
Depuis la création du village nos morts reposaient au milieu des leurs, en paix à l’ombre de leur église et de leur clocher lorsque celui-ci fut construit. A la sortie de la messe nous allions visiter nos défunts, ils étaient encore parmi nous, à deux pas de la maison.

Après la Révolution de 1789, un décret impérial du 14 septembre 1804 (27 fructidor An12) s’inquiète de la surface des cimetières et d’un éventuel agrandissement. Notre commune fait une étude intéressante. Notre cimetière autour de l’église est grand de 4 ares 65. Nous avons environ 20 à 22 décès par an dont 4/5ème d’enfants. La population du village est de 400 catholiques et 2 protestants,(ces derniers  chiffres à prendre avec prudence). Le cimetière est à 42 mètres du centre de la commune, ses murs ont 2 mètres 100 de haut, en bon état. Il est situé dans une « plaine » ( ?) avec un terrain communal le jouxtant et pouvant servir si nous avions besoin d’un agrandissement. Les distances légales sont appliquées. Une partie du cimetière n’a pas reçu d’ensevelissement depuis dix ans. La profondeur des fosses est de 1,5 m et la largeur est proportionnée aux individus enterrés côte à côte. Une stèle en pierre ou en céramique, une croix, un entourage fait de tuiles, de pierres, de plantation de buis pour les plus riches.  Nous avons cinq ans devant nous avant que les fosses soient insuffisantes. Nous ne voyons pas la nécessité d’agrandir notre cimetière. Pourquoi le procès-verbal du géomètre Louis Desplans arrive le 25 brumaire An 13, donc après la décision précédente de l’An 12 ?  Son avis ne contrarie pas celui des élus. Le maire est Pierre Bonnaud, le greffier Guiraud, deux noms de famille que nous retrouverons tout au long du 19ème et 20ème siècle.
Nous entretenons l’édifice : des dégradations sur les murs demandent des réparations pour 30 frs en 1809. Nous ne savons pas de quelle nature sont ces dégradations (dues au temps, probablement aux événements politiques ?).

Pourtant il devient nécessaire d’agrandir ce cimetière. Décision municipale du 15 mai 1812, la population a augmenté, souvent venue d’ailleurs : toujours autour de l’église, on repousse les murs du cimetière sur le terrain communal attenant, coût 50 frs.
(Tombes anciennes nouveau cimetière- archives perso 11-11-2011).
 Mais dès le milieu du 19ème siècle, un vent d’hygiénisme souffle sur les villes et les villages. Eaux polluées par les industries et les troupeaux, épidémies…..nos cimetières seront obligés de s’exiler loin des habitations. 



Pour les historiens, il s’agissait aussi pour l’Etat de manifester son indépendance et de revendiquer la garde des intérêts matériels et moraux de la Nation face au clergé catholique envahissant. L’autorité religieuse  se cantonnera dans son concours aux funérailles de ceux qui suivaient la religion et aura l’obligation de respecter la liberté de conscience des autres. Elle ne doit s’occuper que de l’aspect religieux de la cérémonie. L’autorité civile a seule l’obligation de faire respecter les lois de police générale, « d’imposer à la volonté des particuliers des limites, des conditions dont il ne sera pas loisible de s’écarter ».
A cette époque on voit se multiplier la législation que le Pouvoir tente d’imposer aux municipalités : enregistrement et conditions des inhumations, lieux de sépultures, vérification des décès par un médecin, liberté de conscience…….et cela dès 1840, mais il faudra un certain temps à l’Etat pour s’imposer. Il semble que parfois et pas seulement au fin fond des campagnes, on était tenté de cacher un crime, une mort par maladie contagieuse, un avortement qui avait mal tourné.. Nos morts nous appartenaient et nous étions tentés de ne pas suivre la loi. Nous n’avions pas le même rapport à la mort que maintenant. On mourrait chez soi, l’hôpital avait mauvaise réputation, réservé pour trépasser aux indigents. « A fa lo saut ! » (Il a fait le saut)
La veillée mortuaire rassemblait les voisins, les cousins, on buvait le café tout en célébrant les mérites du défunt. Quelques prières, des lamentations de femmes (nous sommes méditerranéens). Parfois le médecin était oublié : pourquoi payer une visite lorsqu’il n’y avait plus de soins à donner ?. Et puis la mort était la suite logique à la vie.
Fin 19ème siècle le cimetière devient un lieu communal pour tous. Le législateur essaie de rationaliser les enterrements, de remettre un peu d’ordre dans tout cela.

A Vallabrix, une décision municipale du 10 juin 1894 engagera cette translation du cimetière. Le cimetière contigu à l’église est à 15 mètres des habitations, limité par le chemin de la Fontaine, donc ne peut plus être agrandi, et n’est plus d’actualité. Il va falloir acheter un terrain, ce à quoi s’attèle le maire Augustin Joseph Brun.
Le 10 novembre 1895 nous avons un plan et un devis de Degan et fils, architectes de Bagnols. Il faudra trouver 6000 frs : un emprunt au taux de 4 % avec trois coupes de bois exceptionnelles pour payer.
En fait la commune empruntera par le biais de la Caisse des Dépôts et Consignations, emprunt sur 25 ans avec liberté de remboursement anticipé. Le propriétaire du terrain, Léon Bonnaud signe la promesse de vente en août 1896, 1774 m2, parcelle 721 à prendre au sud d’un plus grand terrain, pour le prix de 842,60 frs. S’il y avait un retard de paiement un intérêt de 4% serait prélevé. Et en décembre de la même année, l’emprunt est mis en place : 4500 frs à 4,5% sur 25 ans avec toujours possibilité de rembourser prématurément sans pénalités. Le devis est revu à la baisse, on ne sait pas pourquoi. Pour les travaux3500 frs, 842 frs pour le terrain, nous n’avons pas de ressources donc un impôt extraordinaire est voté.
Le 2 février 1897 une enquête est diligentée sur la base d’une réclamation. On ne sait pas qui a rouspété. Il y a un risque d’épidémie si le cimetière est trop proche des habitations.
L’enquête « commodo incommodo » est, même sans cette réclamation, obligatoire. Elle aboutira à un avis favorable : une distance de 250 mètres existera entre les dites habitations et le cimetière, donc « la déclaration n’est pas fondée ».
En octobre 1897, les événements se précipitent : un décalage entre l’octroi du prêt et le premier acompte à donner à l’entrepreneur nécessite une autre imposition supplémentaire exceptionnelle et une modification du budget de la commune. Les événements s’enchaînent rapidement.

Début décembre 1897, il faut réfléchir à l’organisation de ce futur cimetière, tout est à créer. Nos élus décident :
- trois sortes de concessions de terrain pour les sépultures individuelles : elles seront perpétuelles, trentenaires renouvelables, ou temporaires… 160 m2 dans la partie orientale du cimetière sont prévus pour ces concessions. S’il devait y avoir une nouvelle translation du cimetière à un autre endroit, la commune s’engage au remplacement du terrain à l’identique.
- Le prix de vente des concessions récolté sera partagé entre la commune pour 2/3, 1/3 pour le bureau de bienfaisance.
Perpétuelle : 25 frs le m2, trentenaire : 15 frs le m2, et temporaire 10frs le m2, plus les droits de timbre et d’enregistrement.
- Pour les concessions perpétuelles, la construction de caveau est possible mais les monuments seront soumis à autorisation du maire après vue des plans, des décors et inscriptions. Décence et salubrité sont exigées. On pourra y ensevelir tout membre de la famille.
Les concessions trentenaires sont renouvelables moyennant une redevance qui ne pourra pas dépasser la première. Les temporaires ne sont pas renouvelables.
 - En ce qui concerne les caveaux, leur voûte ne pourra pas excéder le niveau du sol et la fermeture se fera par une dalle scellée solidement sur le devant.
- Tout monument abandonné devient propriété de la commune. Les terrains ne peuvent pas être revendus, cédés, ni partagés entre héritiers.
 
            Entrée du nouveau cimetière « à la florentine » 11-11-2011 – archives personnelles

Et le 18 mars 1898, le maçon Polycarpe Roudil de Montclus nous rend l’édifice pour un coût total de 3348,70 frs, travaux exécutés selon les bonnes règles mais pour un coût moindre que prévu malgré diverses améliorations apportées : périmètre de clôture, calvaire en pierre, entrée, terrassement aux abords…..Nos élus sont particulièrement satisfaits. Les premiers enterrements ont lieu.
Le plan d’ensemble nous montre un édifice de 37 mètres de large sur 41,75 mètres de long. En entrant à gauche nous avons le Dépôt, et à droite une morgue, à cette époque probablement fosse commune. Le cimetière est longé par les terrains à droite d’Alexis Bonnaud, à gauche de Louis Bonnaud et au fond par le terrain de Joseph Gouffet.
Une loi du 28 décembre 1904 institue le monopole d’inhumations. Mais ici dans notre village, nous souhaitons mettre en avant nos anciennes coutumes : la commune prête le brancard, le corbillard, le fossoyeur est gratuit pour les familles. Les parents, amis, voisins, ont  l’habitude de transporter nos défunts. Donc en ce mois de juin 1905 nous prenons la décision de maintenir nos coutumes. Nous continuerons à accompagner nos disparus, fraternellement, amicalement. Le corbillard est tracté par un cheval. C’est encore la période où le deuil durait un an et un jour.. Parfois la veuve restait chez elle 9 jours jusqu’à la messe de sortie de deuil. A Vallabrix la coutume voulait que les proches ne fassent pas de lessive pendant une semaine.

Le prix des concessions augmente en août 1908 : 30 frs le m2 pour les perpétuelles, 10frs pour les trentenaires et 5 frs le m2 pour les temporaires.
En 1936, nous n’avons plus de terrain libre, il nous faut agrandir la partie des concessions perpétuelles et temporaires. Nous allons désaffecter les fosses les plus anciennes datant de 1917 dans la partie sud du cimetière sur 140 m2. Ces nouvelles concessions seront vendues aux conditions fixées en 1897, sauf en ce qui concerne le prix du m2. Les familles devront récupérer les objets funéraires sur les tombes sacrifiées. Les terrains seront libérés au fur et à mesure des besoins et les restes des défunts seront déposés dans un ossuaire ou une fosse commune.
Le 18 juin 1936 la construction d’un ossuaire est prévue pour 1450 frs. Cet édifice est moralement plus indiqué qu’une fosse commune réservée aux indigents et aux inconnus. Cette somme sera ajoutée au budget additionnel. Cette construction ne se fera pas et sera oubliée.
1920 – Photo de l’église et du cimetière désaffecté, fermé encore par un mur et portail, sur la droite de l’image entre les deux mûriers. (Archives personnelles à partir d’une carte postale – Editions Gary)

En 1965, la nouvelle municipalité supprime le corbillard tiré par un cheval, à l’avenir le fourgon de Gustand de St Quentin la Poterie sera utilisé. (Maire Raymond Bonnaud)
Le 11 mars 1966 il faudra encore agrandir le terrain réservé aux concessions perpétuelles et temporaires. Le terrain à gauche en entrant sera désaffecté car aucune inhumation n’a eu lieu depuis l’année 1916. 140 m2 seront ainsi libérés pour les demandes de concessions perpétuelles. Changement de mode de vie aidant, les familles préfèrent des tombeaux « éternels » pour leurs défunts. Le prix du m2 passera de 30 anciens frs à 15 nouveaux francs à cette date.

Et l’ancien cimetière qu’est-il devenu ? Yves Gay maire en 1958 et son conseil municipal décident de désaffecter l’ancien cimetière près de l’église. Il n’y a plus d’enterrement depuis 1898. Du chlorure de chaux sera déversé pendant huit jours….Le mur actuel qui entoure cet ancien cimetière date de cette période donc on peut penser que les remparts sur ce côté du fort étaient au moins rabattus ou bien avaient disparu.
Deux décisions municipales du 20/4/1965 et du 15/10/1965 se proposent d’aménager l’ancien cimetière qui « déjure le village ». Il doit devenir un endroit agréable pour toute la population et mettre en valeur l’église. La collaboration du Génie Rural est souhaitée pour établir un plan d’aménagement et aider financièrement. Cet espace sera transformé en jardin public avec bouche d’arrosage sous la mandature de Raymond Bonnaud. C’est l’entreprise César de St Anastasie qui opère. Aujourd’hui il accueille des jeux de boules, les brocantes et les fêtes du village. Les enfants du quartier l’investissent en semaine. Nous nous plaisons à penser que si quelque chose de nos anciens est resté enfouie là, …ils continuent à « vivre » avec nous.

Bien plus tard dans les années 1986-88, on agrandira à nouveau le cimetière, mais c’est une autre histoire.


 Ci-contre l’affiche de publication de l’adjudication avec son timbre fiscal d’enregistrement.


Sources : archives communales de Vallabrix – archives départementales du Gard – Compoix 1727/28 – Traités de droit communal trop nombreux pour être cités ici -
Vallabrix 1950 -Eglise et ancien cimetière en friche




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Vallabrix Glycine











vendredi 24 mars 2017

Météo -Des hivers à ne pas coucher dehors !!

L’hiver 2017 s’est plutôt bien passé. Ce n’est pas toujours le cas. Pour nos amis du Nord, notre midi , notre sud sont forcément protégés des grandes intempéries. Et pourtant certains hivers  nous devons faire face à des températures exceptionnellement basses. En janvier 1985, à Uzès -13°C, -20°C dans les campagnes environnantes. La neige et le verglas paralysent tout l’Uzège.. En 1955-56, des températures de -14°C à -20°C avec un mistral qui s’infiltre partout.  On peut marcher sur la glace du Gardon. Les vignes, les arbres fruitiers, les oliviers sont détruits à près de 80%. En janvier 1914, on patine sur l’étang de Pougnadoresse, les chemins sont impraticables sous une neige abondante et tassée…..

Vallabrix 2010
En 1891 du 6 janvier au 22, il gèle à pierre fendre dans toute la région. Les thermomètres annoncent moins dix degrés, mais le mistral soufflant à son aise, notre peau, nos poumons, notre nez indiquent plutôt – 15° C, - 20°C. De la glace, partout de la glace. Peu de neige. Les ruisseaux sont figés, les fontaines offrent à nos yeux des fleurs miroitantes, des stalactites scintillantes. Les bords des toits dégoulinent de festons blancs. La glace pénètre à l’intérieur des maisons, bouche les tuyaux d’eau, les cuvettes et les seaux forment des blocs. La plupart des écoles sont fermées, l’encre elle-même gèle à la grande satisfaction des élèves.  Un silence troublé par les morceaux de glace qui tombent des toits, des branches d'arbre. Les commerçants de charbon et de bois se frottent les mains. On s’habille, s’emmitoufle, s’encapuchonne. Les Nîmois ont sorti leurs patins à glace et l’on patine sur l’Esplanade. Dans les rues pour ne pas glisser, les gens marchent sur leurs bas, bottines à la main. D’autres enfilent des chaussettes en laine sur leurs souliers pour avancer en toute sécurité.
Ce n’est pas drôle pour tout le monde. Chez les plus démunis, c’est la détresse. « La misère est la compagne du froid ». On a du mal à se chauffer, le mistral souffle et pénètre partout, par le moindre interstice. Les ouvriers sont sans travail, donc sans salaire. Pas de marché, pas de ventes, les poireaux, les choux gèlent sur l’étal. Les sociétés de bienfaisance sont mises à contribution.
A Nîmes les musiciens de l’Harmonie ont continué à jouer malgré tout pendant l’après-midi dans les Jardins de la Fontaine devant des chaises vides.
A Vallabrix, le village est touché comme ailleurs dans l’Uzège par cette période de gel. Les rues sont vides, les fenêtres décorées de cristaux de glace.  Les blés sont « brûlés ». Des arbres fruitiers ne survivront pas à cet épisode hivernal. Déjà en janvier 1820, les pommes de terre gèlent dans les granges, les troncs des mûriers éclatent avec fracas. Des dames-jeannes explosent par la dilatation de la glace. Le vin, le vinaigre se congèlent dans les celliers.

Ce n’était rien si nous comparons ces hivers à celui de 1709. A la veille de la fête des Rois, cette année-là, début janvier, toute la France est touchée par un froid intense. Un notaire de l’époque Joseph Manuel de Robion dans le Vaucluse nous raconte que de l’Aigoual au Ventoux jusqu’à la mer, le vin gelait dans les tonneaux. Les terrines où il y avait de l’huile se cassaient, « explosaient ». Les urines gelaient en l’air. Les oliviers et même les chênes verts étaient morts. Le mistral s’engouffrait dans la vallée du Rhône, tonitruant, « hurlant comme un damné »« labourant, arrachant toute verdure », laissant les garrigues au printemps « toutes pelées ». Dans notre région les oliviers avaient déjà gelé en 1670 d’Aubenas à Montpellier, nous faisant perdre le marché de l’huile d’olive dans le pourtour méditerranéen, marché que nous n’avons pas pu reconquérir, les pays du Levant ayant entre temps pris la relève. Période qui s’était soldée par la révolte d’Antoine du Roure réprimée dans le sang par les soldats de Louis XIV.


 
Vallabrix 2010
Sources : Revue de Nîmes 1891 p87 – archives communales d’Uzès – archives départementales du Gard, du Vaucluse –Photo collection privée-




Vallabrix 2010 

jeudi 23 mars 2017

Frilosité de nos élus devant la modernité


Au début du 20ème siècle, Vallabrix a eu du mal à s’inscrire dans la modernité. On accepte d’élargir la traversée du village, aligner les maisons. Donc une certaine communication avec le monde environnant ne nous fait pas peur, mais le téléphone ??  Aujourd’hui ce petit appareil nous parait faire tellement partie intégrante de notre vie. Qui pourrait s’en passer ?
Par une circulaire du 7 mai 1909, le préfet propose à nos élus une extension du réseau téléphonique. Mais la participation aux frais est jugée trop onéreuse étant donné le peu de services rendus par le téléphone chez nous. Peu de commerce sur la commune, pas d’industrie donc des frais totalement inutiles. En août de la même année, le préfet relance le conseil municipal. Un refus avec les mêmes arguments…



Pourtant en 1912, on s’ouvre un peu : le projet de voie ferrée Nîmes-Bagnols passant par La Capelle intéresse le village pour vendre ses céréales et cultures diverses ainsi que ses « produits minéralogiques ». Le conseil municipal vote pour.
Par contre l’année suivante, la ligne de bus ne suscite pas l’enthousiasme, la demande à la commune de subvention est refusée. Cette ligne permettait de rejoindre Nîmes, Uzès, St Quentin, Bagnols, mais sans passer par Vallabrix.
Des commerces, on en a pourtant quelques-uns qui pourraient avoir besoin d’un téléphone. Lorsque le préfet demande le 11 septembre 1913 d’établir un périmètre sans café ou débit de boissons autour des établissements publiques, le conseil municipal refuse : la commune est petite et ce périmètre mettrait en danger la liberté de commercer. Malgré le nombre de débits de boisson dans le village (jusqu’à sept, auberges comprises), nos élus certifient qu’il n’y a pas de désordre, donc nous ne sommes pas concernés. « L’alcoolisme doit être combattu en interdisant la vente d’absinthe, et non en supprimant ou en entravant l’activité des cafés », donc nos élus connaissaient le danger de cette maladie qui pouvait naître ou s’entretenir dans les bistrots du village. Il faut se rappeler que les cafés dans nos villages étaient souvent aussi épiceries, bureau de tabac, multiservices dirait-on maintenant, lieux de vie…..
En juillet 1913 le conseil se déclare toujours défavorable à l’installation du téléphone. Nos élus sont sceptiques quant à son utilité.

Enfin, le 26 février 1921, le maire déclare que le téléphone rendrait « des services inappréciables », pour appeler le médecin, le vétérinaire, pour annoncer des nouvelles, en recevoir de la famille. Le premier abonné sera Monsieur Rouché Antoine, et la commune le deuxième abonné si c’est nécessaire.  Pourquoi ce « si c’est nécessaire » ?, les élus n’ont pas encore une idée bien précise sur l’emploi de cet engin.

Léon Gay, épicier-bureau de tabac offre le local. Il portera les messages et s’occupera des télégrammes. La commune prend en charge l’intégralité des frais d’installation. Il est probable  que la guerre de 1914/1948, ses morts et ses déplacés, ont fait comprendre que nous n’étions plus sur une île au milieu de l’océan et qu’il était important d’avoir des moyens de communiquer. Il n’est pas dit si Léon Gay sera rémunéré pour ce travail. Plus tard dans une délibération de 1937, nous apprenons que le salaire de la gérante de la cabine téléphonique passe de 900 à 1400 frs. Donc nous pouvons penser qu’il en était de même pour les précédents gérants. Téléphoner c’était aussi l’occasion de faire des achats, de blaguer, de venir aux nouvelles…
Le Conseil municipal qui prend cette décision mérite qu’on en nomme les membres : A. Dechezelle, maire, Léon Bonnaud, secrétaire de séance, Augustin François, Joseph Prozen, Denis Roche, Joachim Desplans, Raoul Desplans, Cyrille François, Joseph Veilhon, Antonin Gay.
A partir de là, Vallabrix est en marche. Nous faisons en 1925 la demande auprès de la Compagnie d’Autobus du Gard d’une desserte trois fois par semaine, lundi, jeudi et samedi.  La ligne d’autobus n°4 Fons de Lussan-Uzès passe par Pougnadoresse pour rejoindre St Quentin et Uzès. Nos arguments pour défendre notre demande sont judicieux. Le chemin serait plus court si le car passait par Vallabrix. Le samedi avec le marché d’Uzès, nous pourrions faire nos affaires grâce à ce car.  La Compagnie d’Autobus reçoit de notre part une subvention de 302 frs en 1926, donc le conseil municipal a eu gain de cause. Mais des voyageurs Vallabrixois ont été « laissés en rade faute de place dans le car. Cela ne doit plus se représenter, la compagnie a un devoir de ramener tous les voyageurs ». Cela montre à quel point cette desserte est nécessaire. Non seulement la modernité ne fait plus peur, mais on l’a suffisamment assimilée pour rouspéter. La même année nola lumière. Cette année-là, nous sommes 238 habitants et l’électrification va nous coûter 1260 frs soit 5,294 frs par habitant.
s élus protestent contre le nouvel horaire de lever et de distribution du courrier par les PTT. Nous songeons à nous éclairer, Sud Electrique va nous apporter
Toujours en 1925, nos battages de blé se font avec des batteuses. Il nous faut renforcer le pont sur l’Alzon en attendant sa réfection pour permettre le passage de gros véhicules et des engins agricoles.
En 1931, le téléphone public change de main. Léon Gay laisse la place à Raoul Desplans et à son suppléant, le service marche 24 heures sur 24.
Puis en mars 1936, Anne-Marie Gay et sa sœur Germaine remplacent Raoul Desplans. Il nous faut trouver très vite un remplaçant, maintenant nous ne pouvons plus nous passer du téléphone. Les deux sœurs présentent toutes les garanties pour porter les messages, et elles ont la réputation d’être discrètes. La cabine est déplacée et aménagée dans un autre local. 800 frs de frais d’installation pour la commune. Anne-Marie se marie l’année suivante et devient Mme Ance. Elle laisse la place de gérante de la cabine à Marie François, née Volle, et épouse de Félix le garde champêtre qui sera son suppléant pour les messages à porter ou les alertes de nuit. La cabine sera encore déménagée, fils et appareils, pour 1000 frs. Le salaire de la gérante passe de 900 à 1400 frs en décembre 1937. Marie François devient donc titulaire du poste. (Son nom est orthographié Valle sur une décision municipale, Volle sur une autre et sur sa pierre tombale). Elle va tenir ce poste très longtemps, jusqu’à ne plus pouvoir le faire. C’était pour elle et nous tous, l’occasion de papoter. Pas grand monde à Vallabrix avait le téléphone chez soi à cette époque.
Dans les délibérations municipales suivantes, régulièrement des augmentations de salaire sont octroyées, dues à la charge de travail et à l’augmentation du coût de la vie. Les Vallabrixois ont pris goût au téléphone et s’en servent. Jusqu’au 23 juin 1972 où une délibération nous apprend qu’une nouvelle gérante prend son poste, sans donner son nom. Il s’agit probablement de Madame Yvette (Jeannette) Cabrière née Sevenier. La cabine déménage dans la maison seigneuriale au domicile de la gérante, dans l’actuelle médiathèque.. 
Marie François décède en 1977 à 87 ans. Elle était veuve depuis 1955. D’après les Anciens, Yvette a succédé à Marie. Il est dommage que les délibérations municipales ne soient pas mieux renseignées.
Lorsque nous ne pouvions pas faire autrement, Cathy Vignal à l’épicerie acceptait volontiers de nous dépanner lorsque nous avions besoin qu’un coup de fil.
En juillet 1977, une nouvelle cabine téléphonique est installée sur la rue donc accessible sans déranger quiconque. Devant le foyer, au Plan du Four, l’actuelle cantine. Le poste de gérant de la cabine téléphonique sera supprimé au 31 janvier 1978.
Cette cabine a encore déménagé, près de la mairie. Progrès oblige, elle est à carte et non à pièces. Aujourd’hui la cabine téléphonique a disparu, ce qui n’est pas très pratique quand nos « portables ne passent pas » !!! Mais beaucoup de vallabrixois ont encore un téléphone fixe en plus de nos mobiles.

Une délibération municipale du 4 décembre 1981 (n°58, approuvé en février 1982) nous interpelle. Les élus votent le raccordement de la mairie au téléphone. Cela veut-il dire que l’édifice municipal n’avait pas le téléphone jusqu’alors ?

Sources : archives communales de Vallabrix registre 1937/72-1973/1996 –Photos collection privée d'Elodie Boutin -Merci à Guy Vignal et à Cathy, à André Gouffet et son épouse, à Marie-Hélène François.

Délibération du 4 décembre 1981 – Registre des conseils  archives communales de Vallabrix- raccordement de la mairie au réseau téléphonique public (avant-avant dernière ligne)


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Notre façade Renaissance -photo perso