Le nom de "Vallabrix" : hypothèses historiques ou romanesques ?
Devant un fait historique, historien, chercheur, ou
simple conteur, sont toujours confrontés à plusieurs hypothèses. Il y a les
explications romanesques qui collent à ce que l'on veut entendre. Pour
l’origine du nom de Vallabrix on nous a longtemps parlé de "la Vallée des Brigands" alors que l'on sait que cette hypothèse vient d'une complainte
du 19ème siècle et qu'elle concerne les agissements de notre sous-préfet
Gaspard d'Arnaud de Valabris et non les habitants de notre village.
Avec Frédéric Mistral nous avons été tentés par
Vallabrix, Val à l’abri. Il est vrai que notre village a souvent échappé aux
tragédies de l’Histoire par son implantation à l’écart.
L’enseignement de l’Histoire au 19ème
siècle a souvent eu des visées identitaires dont nous devons nous méfier.
Et
puis il y a les hypothèses qui sont le résultat de décryptage des textes
anciens comme les compoix, les actes notariés, les épigraphes gravées dans la
pierre.... Hypothèses fragiles car on apprend très vite que ces résultats
seront remis en question, ou appronfondis par de nouvelles découvertes. Ci-après l’hypothèse la
plus réaliste actuellement sur les origines du nom Vallabrix.
Origine probable de Vallabrix : Volo Briga, hauteur fortifiée (à rapprocher du quartier
du Brugas) habitée par la tribu des Volo – Fin 19ème une
étude archéologique découvre sur l’oppidum de St Hyppolyte-St Victor 5
enceintes dont une construite à la chaux, donc habitat important, étendu et des
objets divers de fouilles (haches, outils, objets en cuivre…). Dans une autre
fouille (1970-1980), des abris, des fourneaux, tessons de poterie, aiguilles,
perles, une trompe en céramique etc.
sont trouvés. Nous faisions partie très certainement de cet oppidum. Il
s’agissait d’une position militaire stratégique avec l’oppidum du Pin et celui
d’Uzès. Il faut se rappeler que dans l’Uzège bien avant l’occupation romaine,
les collines étaient très peuplées. Les mines d’étain du Gard et de l’Hérault (pour
la fabrication du bronze), le commerce, y compris des esclaves, attiraient
Phéniciens, Etrusques, Grecs …et nos Languedociens avaient intérêt à se
protéger en s’installant en hauteur derrière des murs de pierre. Les peuples de
la rive droite du Rhône faisaient du commerce : Hannibal nous achètera nos
barques pour traverser le fleuve en 218 avant notre ère. (voir Tite-Live La seconde Guerre
Punique LXXI et Dom Vaissette Histoire Générale du Languedoc)
Communauté bien à l’abri des
orages et des vents du sud, profitant d’un ensoleillement et de la chaleur des
pierres de notre colline. En sécurité car les envahisseurs ne pouvaient venir
que du nord/nord-est ou du sud par le Rhône. Les Volo arrivés vers le 7è-6è siècle avant notre ère, étaient des celtes Volques Arecomiques (le peuple fertile) à différencier des Volques Tectosages établis du côté de Toulouse (le peuple qui cherche un toit). Le terme de Brugas et ses dérivés existe semble-t-il bien avant l'arrivée des Romains ; un village sur une colline appelé Brugetia au nord de Nîmes, des brugas dans l'Hérault, des lieux dits dans le Gard, toujours une colline habitée à un moment...
La présence gallo-romaine dans
notre secteur est signalée dans la plaine hors du fort par des cols d’amphore,
tessons trouvés dans les champs. Une stèle du 2è siècle actuellement prêtée au musée d'Uzès. Des historiens situent une villa romaine sur ou près du nouveau
château, entre le chemin de St Victor ou des Jardins et la route actuelle
d’Uzès, près du cimetière. Il s’agissait vraisemblablement d’un domaine
agricole. (culture
du blé). Cette « villa » n’est pas exceptionnelle :
de semblables existaient sur toutes les communes environnantes (Tresques, St
Quentin, Le Moutet..), habitées par des colons romains. L’ocre rouge mélangé à
la chaux qui fut appliquée sur les murs intérieur du dernier étage du Pont du
Gard du temps des Romains, viendrait de notre coin. Notre Brugas déjà
exploité à cette époque ?
(Les murs du canal où circulait l’eau étaient revêtus d’une couche de
chaux qui l’imperméabilisait. Lorsque l’on grattait ces murs pour enlever le
calcaire qui s’y déposait et ainsi augmenter le débit, il ne fallait pas
endommager la couche imperméabilisante, d’où la couleur rouge qui prévenait
qu’il ne fallait pas gratter plus loin).
Le premier « texte »
mentionnant « Vallabrix » est une plaque de marbre sculptée époque
carolingienne, (823 ou avant 896) trouvée à Uzès. Elle indiquait une
donation de plusieurs domaines dont le
domaine de l’église de Vallabrix et ses dépendances donné à l’église St
Théodorit d’Uzès. Cette plaque était dans une maison ancienne d’Uzès puis
rapatriée chez Lionel d’Albouisse dans son mas, ce qui n’a pas aidé son étude.
Elle était malheureusement cassée.
En 1873 le conservateur de la
bibliothèque de Nîmes Eugène Germer-Durand découvre ce texte et s’attèle à sa
traduction.
(Ec(c)l(estam b(eati Baudilii et sancti Firmini cum suis appenditiis ecclestam sancti Julisani et sancte Basilisse cum su is appeditiis esslesam sancti Augendii cum su is appenditiis umVolobrica quant quantum ab integro Cassionem quantum ab integro Campaniamcum cum molendinis farinariis et mancipiis sancto Theodorito dedit cum suis per tinentiis.... Un texte endommagé mais encore relativement visible.
(Ec(c)l(estam b(eati Baudilii et sancti Firmini cum suis appenditiis ecclestam sancti Julisani et sancte Basilisse cum su is appeditiis esslesam sancti Augendii cum su is appenditiis umVolobrica quant quantum ab integro Cassionem quantum ab integro Campaniamcum cum molendinis farinariis et mancipiis sancto Theodorito dedit cum suis per tinentiis.... Un texte endommagé mais encore relativement visible.
A donné à Saint Théodorit avec toutes leurs appartenances, les églises et domaines dont les noms suivent : l'église du bienheureux Baudile et de St Firmin avec ses dépendances, l'église de St Julien et de Ste Basilisse avec ses dépendances, l'église de St Eugène avec ses dépendances, Valabris en totalité, Caisson en totalité........ Etc…..
Donc Vallabrix
(Volobrica) faisait partie au 9ème siècle du domaine de l'Eglise d'Uzès,
(sancto Theodorito), bâtiment de l'église (basilisse), dépendances (appenditiis),
domaine, dans sa totalité (quantum ab integro). Le nom du donateur est
malheureusement illisible. Certainement un comte, sorte de préfet
administrateur. La dynastie carolingienne est à l’agonie, les comtes
complotent, les évêques rentrent dans le jeu féodal qui se met en place.
Pour la chronologie, 841 c’est la présence
de la princesse Dhuoda à Uzès et la rédaction de son Manuel d’éducation pour
son fils qui n’en fera aucun profit. (Charlemagne est mort en 814, Louis le
Pieux en 840, Charles le Chauve en 877…)
Une interrogation pour les historiens
pendant une longue période sur le mot Volobrica, Valabrix que l'on confondait
avec Valabrègue, Volobrica. Le découvreur du texte donne une explication assez
plausible, en passant par les déclinaisons latines. Volobrix (icis) devenant Volobrica à l'accusatif régulier.
L’hypothèse sur l’origine du nom
de Vallabrix semble se vérifier ici : Volo était le nom d'une famille
tribale gauloise habitant sur le Brugas. Volobrix à la mode romaine. Quant au
"o" qui devient "a", il s'agit d'une dérive assez générale
de l'écrit au cours des âges, le latin du moment et les différents courants
occitans s'entrechoquant. Dans le compoix de Nîmes de 1380 et suivants notre
village est nommé Valabris.
En 1213, une donation de champart
au monastère de St André de Villeneuve les Avignon mentionne la Fontaine de Valabris et ses
dépendances. (Donateur Guillaume Bermond de Clausonne de St Gilles (de St Quentin)). En 1144 et 1145 nos seigneurs du moment,
Beraud 1er et Raymond du Caylar rendent hommage à l'évêque d'Uzès en notre nom
: Volobris- Castrum Volobriega
Donc nous pouvons penser que le nom est bien
installé dès le 12ème siècle, au moins dans les textes juridiques.
Sources: -Liliane Meignen « L’Abri
Moustérien du Brugas à Vallabrix »
Gallia préhistoire 1981 N°1 Vol 24 p 239-253
- Rapport de sauvetage Abri 7 autorisation sauvetage N° 80- 69/92
Association Histoire et civilisation de l’Uzège St Quentin la Poterie – Rapport
Albert Ratz Groupe archéo HCU – Lilian Meignen directeur de recherches au CNRS
section Préhistoire et Ethnoarchéologie, auteur d’un grand nombre d’ouvrages. –
Jacques Vaton « Les cuivres du Brugas » Bulletin de la Société Bagnolaise
des Sciences historiques et naturelles Médiathèque de Bagnols sur Cèze PER8028
– Docteur Paul Raymond L’Arrondissement
d’Uzès avant l’Histoire p252 Edit Lacour/Rediviva -
Couradou de Vallabrix Janvier 2013
Médiathèque de Vallabrix ou site internet (en particulier liste des objets
trouvés et description p39 et suite)-
Eugène Germer-Durand - L Rochetin (découvreurs
des pierres gravées) - Académie Royale du Gard 1854p287/290 - Mémoires de
l'Académie du Vaucluse T17 1898 BNF)- Société Scientifique d'Alais 1888 p 64 –
Albert Ratz Histoire de St Quentin la Poterie édit Lou Quintinier 2004- Couradou de Vallabrix Septembre 2013 site de
Vallabrix ou médiathèque)- archives départementales et communales de Nîmes
Chrétiens en Lozère et dans le Gard édit.
René Berthier – photos collection privée
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Notre façade Renaissance - corniche |
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