dimanche 12 mars 2017

Création de la Cave Coopérative

Création de la Cave Coopérative :


A la fin du 19ème siècle, un Uzétien célèbre Charles Gide, économiste brillant, devient le théoricien de l’Ecole de Nîmes. Il s’agit d’un mouvement coopératif très actif dans le sud du pays. « Le régime du profit sans étatisme doit tomber devant une coopération émancipatrice, apprentissage de la démocratie et de l’efficacité économique ». C’est une voie entre libéralisme et marxisme. Concept repris par des sociologues, des économistes comme Emile Durkeim. On a parlé de Christianisme social. Sous cette influence, des coopératives agricoles, des mutuelles et du crédit mutuel agricoles voient le jour. « La solidarité est un fait d’une importance capitale dans les sciences naturelles puisqu’elle caractérise la vie ».
En Allemagne dès 1853, en Suisse, en Serbie, en Italie dès 1890, des caves coopératives existaient déjà.

Dans l’Hérault, à Maraussan, une première coopérative viticole se crée, des viticulteurs se regroupent pour vinifier et vendre leur vin. « Les Vignerons libres » avec pour devise parodiant les Trois Mousquetaires de Dumas « Tous pour chacun, chacun pour tous ». Jean Jaurès visita les travaux de construction de cette cave en mai 1905. D’autres caves existaient déjà en Champagne, en Alsace dans le Var.
Dans l’Uzège, les premières caves coopératives apparaissent dans les basses vallées où la replantation de la vigne après la crise du phylloxéra a été plus rapide. En 1914, sur les 79 caves existant en France, le Gard en comptait 5. De 1919 à 1929, dans les neufs cantons de l’Uzège, 19 caves sont construites, 26 de 1930 à 1939. De 1945 à 1950, on crée encore 8 caves.

En 1966, dans le canton d’Uzès, sur 14 villages on compte 6 caves coopératives vinicoles, et sur les 659 viticulteurs, 646 sont adhérents coopérateurs. A cette date le Gard compte 152 caves coopératives. Ce mouvement associatif permet une vinification de qualité très régulière, un logement assuré pour le gérant, une surveillance et un savoir-faire, des négociations avec les acheteurs qui ont en face d’eux non plus des petits et moyens exploitants mais un seul interlocuteur.
La cave coopérative appartient aux viticulteurs adhérents. Le président, les administrateurs sont tous des coopérateurs. Utopie, solidarité, partage du travail, de ses joies et de ses peines ?

C’était une belle idée. Mais en ce début du 20ème siècle il s’agissait aussi et surtout de se regrouper pour répondre à la mévente du vin, faire face aux négociants en concentrant l’offre des petits propriétaires. Dans la plupart des caves, les grands domaines et les grands propriétaires se joignent petit à petit aux autres coopérateurs.

 La Cave, paquebot vide à l’entrée du village – janvier 2012 –archives perso

Le 12 novembre 1924, sous la mandature d’Antonin Déchezelle, notre village décide de vendre un terrain à Léon Bonnaud président de la Cave Coopérative, chargé de cette transaction par l’assemblée constitutive de la coopérative. Il s’agit d’une parcelle prise dans un plus grand terrain, au lieu Les Parents et Grand Planas, n°65, section B, concédé pour la somme de 100frs. Cette zone est sans valeur, inutile pour la commune, donc nous pouvons sans risque la détacher du communal. Et puis le prix est supérieur à la valeur « vénale ».

Les présents à ce conseil municipal étaient Léon Bonnaud, Antonin Gay, Raoul Desplans, Joachim Desplans, Joseph Prozen, Joseph Veilhon, Denis Roche, Cyrille François, et bien sûr le maire Antonin Déchezelle.
La Société Coopérative de vinification est créée le 23 novembre 1924, et l’architecte Paul Chabert est chargé de la construction.
Une maison plus ancienne remaniée va servir de logement au gérant et de bureau. En 1951, on va agrandir le logement du gérant pour 410 379 frs (anciens) (registre des délibérations de la coopérative p 125). Le pignon Ouest de la cave s’appuiera sur cette maison. C’est un bâtiment tout en longueur, en maçonnerie enduite. Si on compare l’architecture de cette cave à d’autres de la même époque,  c’est un bâtiment fonctionnel sans fioritures, simple. (comparé à la cave de St Quentin construite l’année suivante par le même architecte en moellons de calcaire apparents ou celle de Foissac)
Une première extension du bâtiment en 1940,  prolongement sur le pignon Est : construction d’un hangar pour les marcs. En 1948 on construit un auvent pour couvrir le quai de déchargement de la vendange.

La Cave fait partie intégrante de la vie de la commune. En 1943 on s’y réunit pour envoier des colis aux prisonniers pour 1000 frs, don des sociétaires, et en 1945 c’est la fête de la fin de la guerre et le retour du gérant Louis Roman après cinq ans de captivité.

Une deuxième extension en 1953-54-55, toujours sur l’Est du bâtiment, avec une nouvelle salle de réception et pressurage plus pratique que celle d’origine. Le Génie Rural nous aidera dans l’accouchement de cette deuxième extension et les membres de la cave seront félicités pour leur bonne gérance. Projet de 10 cuves de 4000 hecto au total,  sur le versant Nord, changeant la réception des vendanges au niveau supérieur des cuves (voir photo), avec foulo-pompe ou pompe à vendange alimentée par fouloir. Le nombre des sociétaires est passé de 64 à 98. C’est à cette époque que l’on installe le téléphone dans le bureau de la cave.

C’était « la Cave Coopérative des Vins de Coteaux de Vallabrix » comme l’indique encore le bandeau sous le toit du mur Sud. Elle fonctionnera jusqu’en 2008. En survolant le registre de délibérations de la cave, les noms des familles qui apparaissent nous racontent une page d’histoire de la commune depuis déjà au moins un siècle : Vignal, Bonnaud, Prozen, Roche, Pujolas, François, Desplans…….des gens fortement impliqués dans la gestion communale.
(Voir une étude plus approfondie de ce registre dans le Couradou de mai 2012)

Mais nous pouvons déjà écrire que nous vendions notre vin, la lie et tartres, le marc. L’objet du regroupement était « la vinification, le logement du vin, sa conservation et sa vente, ainsi que de tous autres sous-produits de la vinification ». Des intérêts et le « poids-bascule » renforçaient les recettes. Des années bonnes, d’autres moins satisfaisantes. Les sociétaires fixaient les dates des vendanges, géraient le degré acceptable du moût, rénovaient, construisaient, achetaient du matériel….

Castelnau ou Châteauneuf devient sociétaire en 1951, bien que hameau situé sur la commune de St Quentin. Il est vrai que dans les statuts de 1937, la circonscription territoriale de la cave incluait à Vallabrix, La Capelle-Masmolène et St Quentin.

Peu à peu la cave est devenue le centre du village. On s’y rencontre, discute, les nouvelles circulent, on donne son adresse en s'orientant par rapport à la cave. Les fêtes entre voisins, les boules, tout est occasion de se réunir autour de la cave.

Ces regroupements coopératifs sur l’Uzège vont donner des idées : une coopérative de transport de légumes créée en 1944, dissoute en 1964 : deux cultivateurs vallabrixois en étaient adhérents. Le marché aux asperges et cerises de St Quentin la Poterie créé en 1948 répondait aux mêmes besoins, regroupement de l’offre de nos cultivateurs et de la demande marchande.
La coopérative du Centre Avicole de St Siffret de 1952 pour les poulets (90 adhérents) et même le Couvoir Coopératif d’Aigaliers de 1947 pour les pintadeaux, partaient du même principe. On y achetait ses poussins à des prix intéressants. De 1955 à 1966 on passe de 5000 pintadeaux éclos à 550 000. Par le biais de la SICA Pintade du Gard, les éleveurs expédient dans toute la France leur production. A la coopérative de St Siffret, on élevait par an jusqu’à 180 000 poussins, vendus dans le Languedoc, mais aussi en Ardèche, l’Oise et même en Algérie. L’aviculture va s’étioler ou se diversifier à partir de 1960.
La Société coopérative de Céréales et d’Entraide Agricole nommée « La Gerbe » créée en 1936 avec une activité s’étendant sur 70 communes autour d’Uzès, 2100 sociétaires en 1966 dont 1000 d’Uzès, 12 400 quintaux de blé à la même date. Stockage et vente des céréales et oléagineux, semences, engrais, produits de traitement, farine pour bétail….De 1955 à 1965, le soufre vendu par la coopérative passe de 11 tonnes à 90 tonnes, les engrais de 398 tonnes à 2000 tonnes. Pour la même période, la vente des piquets de vignes passe de 14 000 à 200 000.
Pour les anciens, « La Gerbe », c’est toujours le nom des commerces qui l’ont remplacé, à Uzès et à St Quentin.
Une coopérative laitière créée en 1949 intervenait d’Aubussargues, Baron, Montaren jusqu’à St Quentin et St Siffret. Son camion collectait les bidons dans chaque village. En 1965 un peu plus de 330 000 litres de lait sont traités, répondant aux besoins locaux (230 000 litres environ) mais aussi expédiés à Nîmes et alimentant la fabrique de yaourts de La Capelle et celle du Mas Vieil d’Uzès…
Pastière 1950

Actuellement les vignerons du village portent leurs récoltes à la cave de St Quentin ou à celle intercommunale de Foissac. Au pied de notre bâtiment côté sud le pont-bascule ou la « plateforme » est encore visible. Le bâtiment a été vendu à un promoteur. A ce jour seule la maison du gérant est occupé par une nouvelle famille, le reste est plus ou moins à l’abandon. Le terrain appartenant à la cave a été vendu et des maisons y ont poussé.
1914-1918

 La page semble bien tournée pour les vignerons de Vallabrix. Avec pour les anciens un sentiment d’avoir beaucoup perdu, financièrement, matériellement et sentimentalement. Et des souvenirs à foison ……
Grand merci à Denis Gouffet de Vallabrix et à la secrétaire de la cave de Foissac pour leur sympathique aide.
Photos collection privée. -Couradou mai 2012 La Société Coopérative de Vallabrix internet ou site de Vallabrix - arch munici Vallabrix, d'Uzès, départementales du Gard et de l'Hérault- Charles Gide et l'Ecole de Nîmes Colloque 11/1993 - Alfred Chabaud L'Uzège et la Région BagnolaiseT2 et3-..

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