La longue marche de la
démocratie ou Politique et Affairisme:
Avec
le roi Louis-Philippe un commencement de régime parlementaire s'installe. Après
les affrontements des "Trois Glorieuses" de 1830, le roi nouvellement
installé, comprend qu'il est indispensable et urgent de réformer l'Etat. En
juillet 1831 les premières élections législatives de son règne ont lieu. Les
droits de postuler et de voter sont encore étroitement encadrés. Evidemment les
femmes en sont exclues
Pour
être candidat il fallait payer au moins 500 frs d'impôts directs et être âgé de
30 ans. Précédemment sous Charles IX le postulant devait avoir 40 ans au moins
et payer 1000 frs d'impôts ce qui limitait très largement les candidatures.
Le
droit de vote de 1831 était aussi restreint : 200frs de contributions directes au
moins ce qui éliminait bon nombre d'électeurs potentiels en particulier dans
les villages. Dans le canton d'Uzès, on enregistrait 9 électeurs à St Quentin
la Poterie, 2 à Blauzac, 7 à Montaren, 1 à Serviers, 3 à Sanilhac, 1 à St
Victor les Oules. St Siffret, Arpaillargues avaient aussi quelques électeurs.
Vallabrix devra attendre 1842 pour avoir un électeur : Jean Pierre Xavier
Foussat avec un peu plus de 900 frs d'impôts, qui n'était pas très
représentatif de la population de notre village !! .
A la
veille de 1848, seulement 2,4 % des Français sont électeurs, dix fois moins
qu'en Angleterre.
Les
électeurs étaient essentiellement des propriétaires, des négociants. Des
notaires, des aubergistes, des marchands de bestiaux, de chevaux, de vin, quelques
médecins, pharmaciens, des voituriers. Dans le canton d'Uzès un certain nombre
de militaires à la retraite avec une bonne pension (1200 frs par an au moins et
jusqu'à 5 ans de présence). Un concessionnaire de mine, image montante de
l'enrichissement dans la deuxième moitié du 19ème siècle et un fabricant de
fleurets image d'une noblesse en perte de vitesse. Quelques barons, comtes, les
ducs de Crussol et d'Uzès....
Notre
circonscription Uzès-Pont St Esprit était divisée en huit cantons : Remoulins,
Roquemaure, Lussan, St Chaptes, Bagnols sur Cèze, Uzès, Pont St Esprit,
Villeneuve les Avignons. Un territoire plutôt étendu, ce qui n'empêchait pas de
voter malgré les distances : pour le canton de Bagnols en 1831 sur 114 inscrits
seulement 33 absents.
Cette
circonscription enregistrait en 1831 autour de 500 électeurs dont les 3/4
devaient se déplacer à Uzès pour voter. En effet la salle du Palais de Justice uzétien
était le seul lieu de vote. Deux à trois jours étaient nécessaires pour
départager les candidats. Pour les électeurs c'était jours de fête(s) : de
toute la région on se regroupait, on louait une voiture pour venir à Uzès. Les
pensions de famille ouvraient leurs portes pour l'occasion. Le commerce, les
affaires prospéraient pendant ces trois jours. Les candidats-députés faisaient
le tour des auberges, des hôtels où logeaient les électeurs. Promesses
diverses, dîners offerts, tournées générales au café, cadeaux en tout
genre..... Les notables, les entrepreneurs de la région se rencontraient à
cette occasion, tirant des plans pour l'avenir, confortant leurs positions,
leurs alliances. Les électeurs n'étaient pas dupes et jouaient "au chat et
à la souris" avec les candidats députés.
Cette
année de 1831, le nouveau député d'Uzès fut élu par 217 voix sur 488 inscrits
et 375 suffrages exprimés. Il s'agissait de Jean-Baptiste
Teste, avocat parisien de 50 ans né à Bagnols sur Cèze. Il avait de toute
urgence acheté une maison à Paris pour justifier le montant d'imposition
indispensable, payée juste la veille de son élection (890frs). C'était un
avocat réputé tant à Paris qu'à Nîmes malgré des difficultés d’élocution.
Il
avait un lourd passé politicien : représentant du Gard à la Chambre des
Cent-jours en 1815, directeur de la police à Lyon pendant cette période, proscrit
sous Louis XVIII, réfugié un moment en Belgique, expulsé de ce pays, puis à
nouveau réfugié en 1830. Il avait mangé à « tous les râteliers » en
une période très compliquée dans notre pays dans cette première moitié du 19ème
siècle !!
A
partir de 1831 il sera réélu dans notre circonscription sans trop de difficulté.
Il sera ministre du Commerce pendant trois jours en 1834, garde des Sceaux en
1839, et l'année suivante ministre des Travaux Publics en charge de distribuer
entre autre, les concessions du chemin de fer, ceci pendant trois ans. Des
rumeurs poussèrent le gouvernement à lui retirer ce ministère.
Grand
officier de la Légion d'Honneur, Pair de France, président de la Chambre Civile à la
Cour de Cassation grâce à l'intervention d'un membre de la famille royale, son
parcours continue malgré tout.
Cl Brune-Gilles Marianne1984 |
Teste
est arrêté, incarcéré malgré son titre de Pair de France. Il se tire une balle
de pistolet dans la bouche et une autre dans le cœur, se rate. Il sera condamné
à trois ans de prison, la restitution de la somme de 94 000 frs et une amende
du même montant au bénéfice des Hospices de Paris. Il finira sa vie en 1852
après un passage dans une maison de santé à Chaillot. Louis Napoléon Bonaparte lui accorde une remise de 50 000frs sur son amende. Ce scandale serait à
l'origine de l'affaiblissement du régime parlementaire de Louis-Philippe.
La
morale de cette histoire est qu'hier comme aujourd'hui, argent et politique ne
font pas bon ménage, on court au devant de tentations dangereuses qui peuvent
se terminer par des liaisons redoutables !!.
Sources
: Guy Antonetti
"Louis-Philipe" Edit Fayard 1994 - Archives communales de
Vallabrix registre 1830 - Maurice
Barraud "Le tumultueux notaire
impérial de Pont St Esprit Saturnin Boisson" Edit Christian Paris -
Assemblée Nationale : la République et le Suffrage Universel
www.assemblee-nationale.fr - Marianne collection Assemblée nationale - Grand merci
à Mireille Olmières responsable des archives communales d'Uzès pour son aide et
recherche.
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