Au début du 20ème siècle, Vallabrix a eu du mal à s’inscrire
dans la modernité. On accepte d’élargir la traversée du village, aligner les
maisons. Donc une certaine communication avec le monde environnant ne nous fait
pas peur, mais le téléphone ??
Aujourd’hui ce petit appareil nous parait faire tellement partie
intégrante de notre vie. Qui pourrait s’en passer ?
Par une circulaire du 7 mai 1909, le préfet propose à nos élus une
extension du réseau téléphonique. Mais la participation aux frais est jugée
trop onéreuse étant donné le peu de services rendus par le téléphone chez nous.
Peu de commerce sur la commune, pas d’industrie donc des frais totalement
inutiles. En août de la même année, le préfet relance le conseil municipal. Un
refus avec les mêmes arguments…
Pourtant en 1912, on s’ouvre un peu : le projet de voie ferrée
Nîmes-Bagnols passant par La Capelle intéresse le village pour vendre ses
céréales et cultures diverses ainsi que ses « produits minéralogiques ».
Le conseil municipal vote pour.
Par contre l’année suivante, la ligne de bus ne suscite pas
l’enthousiasme, la demande à la commune de subvention est refusée. Cette ligne
permettait de rejoindre Nîmes, Uzès, St Quentin, Bagnols, mais sans passer par
Vallabrix.
Des commerces, on en a pourtant quelques-uns qui pourraient avoir
besoin d’un téléphone. Lorsque le préfet demande le 11 septembre 1913 d’établir
un périmètre sans café ou débit de boissons autour des établissements
publiques, le conseil municipal refuse : la commune est petite et ce
périmètre mettrait en danger la liberté de commercer. Malgré le nombre de
débits de boisson dans le village (jusqu’à sept, auberges comprises), nos élus
certifient qu’il n’y a pas de désordre, donc nous ne sommes pas concernés.
« L’alcoolisme doit être combattu en interdisant la vente d’absinthe, et
non en supprimant ou en entravant l’activité des cafés », donc nos élus
connaissaient le danger de cette maladie qui pouvait naître ou s’entretenir
dans les bistrots du village. Il faut se rappeler que les cafés dans nos
villages étaient souvent aussi épiceries, bureau de tabac, multiservices
dirait-on maintenant, lieux de vie…..
En juillet 1913 le conseil se déclare toujours défavorable à
l’installation du téléphone. Nos élus sont sceptiques quant à son utilité.
Enfin, le 26 février 1921, le maire déclare que le téléphone rendrait
« des
services inappréciables », pour appeler le médecin, le
vétérinaire, pour annoncer des nouvelles, en recevoir de la famille. Le premier
abonné sera Monsieur Rouché Antoine, et la commune le deuxième abonné si c’est
nécessaire. Pourquoi ce « si c’est
nécessaire » ?, les élus n’ont pas encore une idée
bien précise sur l’emploi de cet engin.
Léon Gay, épicier-bureau de tabac offre le local. Il portera les
messages et s’occupera des télégrammes. La commune prend en charge
l’intégralité des frais d’installation. Il est probable que la guerre de 1914/1948, ses morts et ses
déplacés, ont fait comprendre que nous n’étions plus sur une île au milieu de
l’océan et qu’il était important d’avoir des moyens de communiquer. Il n’est
pas dit si Léon Gay sera rémunéré pour ce travail. Plus tard dans une
délibération de 1937, nous apprenons que le salaire de la gérante de la cabine
téléphonique passe de 900 à 1400 frs. Donc nous pouvons penser qu’il en était
de même pour les précédents gérants. Téléphoner c’était aussi l’occasion de
faire des achats, de blaguer, de venir aux nouvelles…
Le Conseil municipal qui prend cette décision mérite qu’on en nomme les
membres : A. Dechezelle, maire, Léon Bonnaud, secrétaire de séance,
Augustin François, Joseph Prozen, Denis Roche, Joachim Desplans, Raoul
Desplans, Cyrille François, Joseph Veilhon, Antonin Gay.
A partir de là, Vallabrix est en marche. Nous faisons en 1925 la
demande auprès de la Compagnie d’Autobus du Gard d’une desserte trois fois par
semaine, lundi, jeudi et samedi. La
ligne d’autobus n°4 Fons de Lussan-Uzès passe par Pougnadoresse pour rejoindre
St Quentin et Uzès. Nos arguments pour défendre notre demande sont judicieux.
Le chemin serait plus court si le car passait par Vallabrix. Le samedi avec le
marché d’Uzès, nous pourrions faire nos affaires grâce à ce car. La Compagnie d’Autobus reçoit de notre part
une subvention de 302 frs en 1926, donc le conseil municipal a eu gain de
cause. Mais des voyageurs Vallabrixois ont été « laissés en rade faute de
place dans le car. Cela ne doit plus se représenter, la compagnie a un devoir
de ramener tous les voyageurs ». Cela montre à quel point cette desserte
est nécessaire. Non seulement la modernité ne fait plus peur, mais on l’a
suffisamment assimilée pour rouspéter. La même année nola lumière. Cette
année-là, nous sommes 238 habitants et l’électrification va nous coûter 1260 frs
soit 5,294 frs par habitant.
s élus protestent contre
le nouvel horaire de lever et de distribution du courrier par les PTT. Nous
songeons à nous éclairer, Sud Electrique va nous apporter
Toujours en 1925, nos battages de blé se font avec des batteuses. Il
nous faut renforcer le pont sur l’Alzon en attendant sa réfection pour permettre
le passage de gros véhicules et des engins agricoles.
En 1931, le téléphone public change de main. Léon Gay laisse la place à
Raoul Desplans et à son suppléant, le service marche 24 heures sur 24.
Puis en mars 1936, Anne-Marie Gay et sa sœur Germaine remplacent Raoul
Desplans. Il nous faut trouver très vite un remplaçant, maintenant nous ne
pouvons plus nous passer du téléphone. Les deux sœurs présentent toutes les
garanties pour porter les messages, et elles ont la réputation d’être discrètes.
La cabine est déplacée et aménagée dans un autre local. 800 frs de frais
d’installation pour la
commune. Anne-Marie se marie l’année suivante et devient Mme
Ance. Elle laisse la place de gérante de la cabine à Marie François, née Volle,
et épouse de Félix le garde champêtre qui sera son suppléant pour les messages
à porter ou les alertes de nuit. La cabine sera encore déménagée, fils et
appareils, pour 1000 frs. Le salaire de la gérante passe de 900 à 1400 frs en
décembre 1937. Marie François devient donc titulaire du poste. (Son nom
est orthographié Valle sur une décision municipale, Volle sur une autre et sur
sa pierre tombale). Elle va tenir ce poste très longtemps, jusqu’à ne plus pouvoir le faire. C’était
pour elle et nous tous, l’occasion de papoter. Pas grand monde à Vallabrix
avait le téléphone chez soi à cette époque.
Dans les délibérations municipales suivantes, régulièrement des
augmentations de salaire sont octroyées, dues à la charge de travail et à
l’augmentation du coût de la vie. Les
Vallabrixois ont pris goût au téléphone et s’en servent.
Jusqu’au 23 juin 1972 où une délibération nous apprend qu’une nouvelle gérante
prend son poste, sans donner son nom. Il s’agit probablement de Madame Yvette
(Jeannette) Cabrière née Sevenier. La cabine déménage dans la maison
seigneuriale au domicile de la gérante, dans l’actuelle médiathèque..
Marie François décède en 1977 à 87 ans. Elle était veuve depuis 1955.
D’après les Anciens, Yvette a succédé à Marie. Il est dommage que les
délibérations municipales ne soient pas mieux renseignées.
Lorsque nous ne pouvions pas faire autrement, Cathy Vignal à l’épicerie
acceptait volontiers de nous dépanner lorsque nous avions besoin qu’un coup de
fil.
En juillet 1977, une nouvelle cabine téléphonique est installée sur la
rue donc accessible sans déranger quiconque. Devant le foyer, au Plan du Four,
l’actuelle cantine. Le poste de gérant de la cabine téléphonique sera supprimé
au 31 janvier 1978.
Cette cabine a encore déménagé, près de la mairie. Progrès oblige, elle
est à carte et non à pièces. Aujourd’hui la cabine téléphonique a disparu, ce
qui n’est pas très pratique quand nos « portables ne passent pas » !!!
Mais beaucoup de vallabrixois ont encore un téléphone fixe en plus de nos
mobiles.
Une délibération municipale du 4 décembre 1981 (n°58, approuvé en
février 1982) nous interpelle. Les élus votent le raccordement de la mairie au
téléphone. Cela veut-il dire que l’édifice municipal n’avait pas le téléphone
jusqu’alors ?
Sources : archives communales de
Vallabrix registre 1937/72-1973/1996 –Photos collection privée d'Elodie Boutin -Merci à Guy Vignal et à Cathy, à André
Gouffet et son épouse, à Marie-Hélène François.
Délibération
du 4 décembre 1981 – Registre des conseils
archives communales de Vallabrix- raccordement de la mairie au réseau
téléphonique public (avant-avant dernière ligne)
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Notre façade Renaissance -photo perso |
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