samedi 24 octobre 2020

La Maison de l'avocat des pauvres -Nîmes



Maison de l'Avocat des Pauvres - 16, rue Fresque - Nîmes, 2002

La maison de l'avocat des pauvres

Un bâtiment attire l’attention du passant dans le centre-ville de Nîmes. Au 16 rue Fresque, et sur les rues de l’Etoile et Louis Raoul. Il est classé monument historique depuis 2003. (L'ancienne maison (cad. EY 248) : classement par arrêté du 13 juin 2003) (et est propriété du Centre Communal d’action sociale).
Ce bâtiment a servi d’avocaterie des Pauvres, un établissement de bienfaisance où exerçait un avocat dont le travail était de défendre les pauvres devant les tribunaux de Nîmes. La pauvreté mettait les gens hors d’état de se payer un procès et donc de se défendre, de réclamer justice et leurs droits.

Cette maison aurait été construite vers 1459. Son propriétaire Louis Raoul par  testament solennel du 25 février 1459 (1460) en fait un établissement où un homme de loi vient en aide aux pauvres, veuves, orphelins ou simplement peu fortunés. « Je fais, ordonne et dispose de donner mes biens aux pauvres, aux veuves, aux pupilles, aux orphelins et aux personnes peu fortunées, sans secours ni conseil et qui auront à plaider devant les cours de Nîmes ». L’homme de loi doit être  : « un homme capable, instruit, éclairé et surtout probe, fidèle et actif, qui jurera de se montrer d’un accès facile aux pauvres, de poursuivre leurs procès et d’entreprendre dans ses poursuites tout ce qui sera nécessaire et favorable à leurs intérêts ». Il doit aussi visiter les prisonniers deux fois par semaine, solliciter leur élargissement.
Louis Raoul lègue plusieurs biens sous forme de fondation pour que les moyens financiers nécessaires ne soient pas un frein. L’avocaterie doit afficher sur son fronton l’inscription « Domus advocati pauperum », la maison de l’avocat des pauvres. Il demande que ses meubles, livres restent dans la maison pour l’usage des avocats successifs, sauf si nécessité de les vendre.
Louis Raoul savait de quoi il parlait, il était lui-même bachelier ès-lois.
Il souhaitait que cette institution perdure « à perpétuité ». Et il l’organisa en ce sens. Il choisit lui-même le premier avocat Jean Auban, bachelier en droit, pour orienter et installer les bases. Les suivants seront élus par les officiers royaux, soit de la sénéchaussée, soit de la cour royale ordinaire de Nîmes (candidats les avocats de ces deux cours) et alternativement par les consuls, les conseillers de ville. Les uns, les autres devaient faire serment d’élire une personne capable de s’acquitter de cette fonction. L’élu devait fidélité, droiture exigées sous serment, inventaire de ses biens dont une copie aux archives de l’Hôtel de ville, ne jamais exiger de salaire des pauvres qu’il défend en justice, entretenir la maison et les fonds de la fondation. Il devait payer les impôts, charges et tailles, et de faire dire un service religieux tous les ans dans la cathédrale de la ville pour Raoul, ses parents, amis et bienfaiteurs. Vingt sols tournois sont attribués aux chanoines.

Un intérêt particulier pour la communauté et les habitants de Bernis qui était son village de naissance. Il légua toutes ses abeilles et ruches de son jardin au luminaire de la Vierge dans l’église Saint-André de Bernis, avec obligation de les entretenir.

Deux exemplaires de ce testament, l’un déposé aux archives de la trésorerie royale de Nimes et l’autre dans celles de l’hôtel de Ville. Raoul les déposa lui-même le 27 février enveloppés et cousus dans un carré de papier à sept témoins qui signèrent et scellèrent chacun de son sceau. Ces témoins étaient des personnalités nîmoises importantes, Etienne Valette, docteur ès-lois, avocat du roi de la sénéchaussée, Pierre Quotin, grenetier du grenier à sel de Nîmes, et garde des archives de la trésorerie royale de cette ville, Mathieu le Maire, bachelier en médecine et Jean Bonin, notaire, tous deux consuls cette année-là, Poldo d'Albenas, docteur ès-lois, et Pierre Brueis, notaire.

Il décède en 1484, enterré dans le cimetière de la cathédrale de Nîmes, revêtu de l’habit de chanoine.

L’advocaterie va remplir sa charge jusqu’au début du 20ème siècle et cela malgré la loi de 1851 qui installe l’aide judiciaire, ancêtre de notre aide juridictionnelle.

 



Sources et pour en savoir plus : archives municipales de Nîmes --- Bernard Fontaine « Louis Raoul et l’advocaterie des Pauvres » Mémoires de l’Académie de Nîmes n°LXXXIV2011 p77-93—BNF---  wikipedia
--.nemausensis.com/Nimes/AvocatPauvre.htm
- Léon Ménard,Histoire de la ville de Nîmes, 1760.---photo Meyer Christian  Travail personnel--









samedi 17 octobre 2020

Filature pour Filles-Mères La Prolétarienne




La filature la Prolétarienne du temps de son activité

La Prolétarienne –
Filature pour filles-mères

La « culture » de la soie va enrichir les Cévennes surtout lorsque Olivier de Serres (1539-1619) nous apprend à cultiver le mûrier blanc source de nourriture des vers à soie. La soie d’Orient, d’Asie coûte cher et nos Grands, rois, nobles et bourgeois en sont friands pour illustrer leur puissance, leur réussite. Le pépiniériste nîmois François Traucat aurait planté plus de 4 millions d’arbres ! Les familles protestantes frappées d’interdiction de profession à l’exclusion de l’éducation du ver à soie vont s’engouffrer dans ce créneau.  Dans les Cévennes jusqu’au Bas Languedoc, les femmes éduquent le ver et tirent son fil.  Dans un premier temps le fil brut est vendu à des négociants, puis on apprend le moulinage et le tissage dans les villes et naissent les filatures. Les bas de soie cévenols vont habiller les mollets des Cours d’Europe. Mais dans la première moitié du 19ème siècle les petits ateliers de filature laissent la place peu à peu à des établissements plus productifs. La vapeur a fait son apparition, la révolution industrielle est en marche qui apporte travail aux hommes et surtout aux femmes.
Le travail est extrêmement difficile : chaleur, dos et visage penchés toute la journée sur les bassines d’eau bouillante, doigts brulés, odeur de pourriture qui s’incruste dans la peau. Des journées qui s’allongent jusqu’à 14-16 heures, des salaires dérisoires…. Des révoltes fin 19ème siècle et fin 1906 une grève générale entraine la création du Syndicat des Fileuses de Soie. Il faudra attendre le Front Populaire pour voir des avancées significatives.
Dans les années 1850-1855, 26 mille tonnes de cocon sont produites en France, dont la moitié dans les Cévennes. Mais dès la mise en route du canal de Suez en 1869, on importe de la soie bien moins chère de Chine et du Japon et c’est le début du lent déclin chez nous. Même les pays très liés aux Cévennes comme les pays de refuge, Allemagne, Suisse, nous laissent tomber. En 1848 1300 ouvrières dans les filatures d’Alès, en 1856, 1240 à St Jean du Gard. Un « véritable bagne féminin » nous dit l’historien Patrick Cabanel (in Histoire des Cévennes –Presses Universitaires de France). L’arrivée des fibres synthétiques dans les années 1920-30 et le coût devenu trop élevé des salaires vont sonner la fin de l’industrie de la soie chez nous.
Mais en 1908-1909 un scandale agit les filatures cévenoles. Plusieurs jeunes filles (au moins 5) travaillant pour la filature de Sabadel-Maurel à la sortie du village de l’Estréchure sur la commune de Saumane, sont enceintes, célibataires mais simultanément enceintes !! Elles sont renvoyées de l’entreprise pour des raisons « de morale et de conduite choquante». Y avait-il un risque de contamination ?.

Le village de l’Estréchure compte un peu plus de 400 habitants, partagés quant à la sanction : on approuve la sanction dans le conseil municipal et le conseil presbytéral avec d’autres habitants, ou bien on cherche à trouver une autre solution, même si l’on réprouve la conduite de ces jeunes femmes. De cette réflexion va naître une filature en société anonyme appartenant au peuple : la Prolétarienne. Les actions sont à vendre aux habitants du village, 100frs l’une. Ceux qui ne peuvent payer peuvent participer aux travaux de terrassement, de maçonnerie pour construire le futur bâtiment. La filature est terminée en décembre 1910 et inauguré en janvier 1911. Il est situé à environ 200 mètres de la filature Sabadel. Une société de secours mutuel est créée, renforçant l’aspect social de cette entreprise innovante.
                                                                                         (Tampon de La Prolétarienne Société Anonyme Immobilière
                                                                                          Siège social L'Estréchure (Gard)
                                                                                                                                      (collection M. Brot))
Le Conseil d’Administration était élu. Cette filature travaillait pour la Compagnie des soies d’Indochine.
Une rivalité s’installe entre les deux filatures, les jeunes préférant travailler à la Prolétarienne. 65 ouvrières dont 40 fileuses dans les premières années d’activité. Puis deux vagues de réduction progressive vers 1925 et 1942. En 1955 l’entreprise comptait encore une quarantaine d’ouvrières.
 Sabadel-Maurel fermera en 1913. La Prolétarienne continue jusqu’en 1954-55. Les filatures se regroupent à cette date dans un établissement unique Maison Rouge à Saint Jean du Gard. Celle-ci fermera en janvier 1965, la dernière à avoir fermé en France. Maison Rouge est devenu un musée très intéressant. Le bâtiment de la Prolétarienne quant à lui a été transformé en gite privé.

filature de soie La Prolétarienne

Patrimoine classé, étudié ou inscrit dit 'filature de soie La Prolétarienne' à l estrechure (gard 30124).



 


Sources et pour en savoir plus : Maison Rouge St Jean du GardMusée des vallées Cévenoles –Gazette de Nîmes n)1105-1106 6au19 août 2020 sabrina Ranvier--- Daniel Travier Almanach du Val Borgne 1997 p16-19 La Prolétarienne --- sbarbier@midilibre.com--- www.ales.fr › journal-ales-agglo-n43-mars-2017--- https://amelier.blog4ever.com/bombyx-mori
/bienvenuealestrechure.fr/filatures.htm--- www.patrimoine-environnement.fr/wp-content/uploads/2018/04/Journal-Les-Plantiers-Tissu-Cévenol.pdf--  A travers l’histoire de Rachelle Cabane, ancienne fileuse-- patrimoine-de-france.com/gard/l-estrechure/filature-de-soie-la-proletarienne-1.php
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samedi 10 octobre 2020



Vallabrix, La Croix place de l’Hôtel de Ville :

Il y a quelques temps, des Vallabrixois m’interrogeaient sur cette croix, son emplacement, ses inscriptions.

Inscription initiale : « 1875-Jubile-Pater Ave- Indulgence de 40 jours »--« Nuit du 25 au 26 juin –Réparation 23 juillet 1911 ».

Cette place en 1875 ne s’appelait pas encore place de l’Hôtel de Ville, mais place du Coustel (du Couteau ? ou de la Colline ?). La mairie sera construite entre 1882 et 1886. Donc à l’origine, l’implantation de cette croix n’est pas « anti-républicaine ».

Normalement les croix étaient érigées aux entrées des villages, aux croisements des chemins, recherche de la protection divine et GPS de l’époque. Cette place du Coustel est depuis la moitié du 19ème siècle l’entrée du village. L’ancienne route d’Uzès (qui traverse encore en partie le domaine du « nouveau château ») vient d’être privatisée (portail sur la route, cheminement qui conduit au nouveau bâtiment) et la D5 s’élargit au travers du village en rabotant les maisons. Le nouveau cimetière ne marque pas encore l’entrée du village, il quitte l’environnement de l’église et  sera installé fin 19ème siècle (1897) à l’emplacement actuel. Donc il est assez logique que cette croix soit installée à cet endroit.

1875 est l’année du Jubilé du pape Pie IX. Le Jubilé est pour les catholiques un grand évènement religieux. Année sainte, année de rémission des péchés, année de réconciliation, de conversion et de pénitence. Aussi année de solidarité, d’espérance, de justice, de paix. Cet événement a lieu au départ (an 1300) tous les cent ans, puis petit à petit au gré de l’Histoire, tous les 25 ans. Son origine est hébraïque, la loi de Moïse avait fixé une année particulière où les esclaves devaient être affranchis, la terre au repos, la rémission des dettes, la restitution des terres à leurs anciens propriétaires….

Chaque pape marque son Jubilé : le souverain pontife Martin V en 1425 fait frapper une médaille commémorative et ouvre la Porte Sainte à St Jean de Latran. Le pape Sixte IV pour son Jubilé de 1475 fait embellir Rome d’œuvres nouvelles et importantes, comme la Chapelle Sixtine et le Pont Sixte sur le Tibre. Les plus grands artistes de l'époque travaillaient à Rome: Verrochio, Signorelli, Ghirlandaio, Botticelli, Melozzo da Forli. En 1500, le pape Alexandre VI veut que les Portes Saintes des quatre Basiliques de Rome soient ouvertes en même temps, tout en se réservant l'ouverture de la Porte Sainte de Saint-Pierre. Le pèlerinage de Rome draine chaque année des milliers de pèlerins et encore plus pour le Jubilé.

Mais pour le Jubilé de 1875, la ville de Rome est occupée par les troupes de Victor Emmanuel II. Le pape Pie IX et le Vatican se sentent prisonniers. Le Jubilé est convoqué mais les cérémonies d’ouverture et de fermeture de la Porte Sainte ne se feront pas.

Alors dans toute l’Europe chrétienne, nous allons ériger des croix de procession, de mission, des statues de la Vierge. Nous pouvons penser que notre croix de la place du Coustel date de cette période, érigée pour le Jubilé.

Pie IX dernier souverain des Etats Pontificaux ne va pas apaiser le jeu. Ce qui ne   calme pas les escarmouches entre laïcs et catholiques. Notre village n’échappera pas à la crise politico-religieuse de la fin du 19ème siècle. A Vallabrix, une première mairie et une première école laïque sont implantées par la commune près de l’Eglise qui elle est agrandie, clocher surélevé par le conseil de Fabrique... Comme dans beaucoup de villes et villages, la bourgeoisie du parti catholique à Vallabrix, (républicaine-protestante pour d’autres villages) essaie de s’imploser : chez nous construction du nouveau château, dons pour l’entretien ou l’élargissement de la voirie, cloche, bancs à l’église, élections…. La mairie refuse d’en un premier temps de réparer le presbytère, interdit des processions, des arcs de triomphe… Un procès entre la commune et le prêtre Bonnefille durera jusqu’en 1926-27.(voir Couradou p35 et suivantes L’Eglise St Etienne-fonds historique médiathèque ou site internet Vallabrix).

Dans la nuit du 25 et 26 juin 1911, au lendemain d’une procession de la Fête Dieu, la croix de la place de la Mairie est abattue. On accuse le parti républicain.

Le prêtre Monsieur Serre lance une souscription pour restaurer et pourquoi ne pas embellir cette croix. Très rapidement, on a de quoi réparer. La croix est remise en place et ornée d’un Christ en bronze verni argent. Le 23 juillet une cérémonie de réparation et de bénédiction a lieu avec défilé des villageois. Les archives paroissiales nous racontent cette cérémonie :

« en tête, la croix de procession précédée de l’encensoir et suivie de la bannière de l’Enfant Jésus avec les petites filles, de l’étendard de Jeanne d’Arc avec les choristes et les jeunes personnes, de la croix du suffrage avec ses associés, de la grande et vieille bannière de la Ste Vierge avec les femmes, du drapeau de Jeanne d’Arc avec ses pages, du drapeau du Sacré-Cœur avec les jeunes gens catholiques réunis, du drapeau national avec les hommes et enfin du clergé : MM les Curés de La Bastide, de Pougnadoresse et de Vallabrix et de M l’Abbé Roure vicaire de la Cathédrale d’Uzès qui fermaient la marche ».

D’où la petite plaque de marbre qui rappelle cet événement.

On distingue encore « 1875 Jubile Pater Ave » et sur la plaque « Nuit du 25 au 26 juin –Réparation 23 juillet 1911 »- Des indélicats n’ont rien trouvé de mieux que de coller des affichettes sur les inscriptions. Le grattage du papier n’arrange pas la conservation de la gravure. Manquent aussi les vis qui tiennent la plaque. Les derniers travaux sur la route d’un coup de pelleteuse ont déplacé la partie supérieure du monument, ce qui lui donne un air tordu. Le temps n’est plus à la préservation du passé qui devrait normalement nous apprendre l’avenir.

Pourtant un petit coup de peinture pour retracer les lettres et les chiffres ne ferait pas de mal. Je suis sure que nos tenants d’une laïcité pure comprendront qu’on ne peut pas trier dans les pages de notre Histoire et que tout cela nous a fabriqué.

Il semble que bien des années plus tard, un jeune homme qui avait abusé de la bouteille escalada l’édifice qui bascula sur l’impertinent qui y gagna une fracture de la jambe. Les archives n’en causent pas, seules les mémoires des anciens s’en souviennent.

Sources : archives paroissiales – Gazette de Vallabrix n°4 juin 1990- Couradou déc 2015 L’Eglise St Etienne ---

dimanche 4 octobre 2020

Les Patronymes germaniques en Languedoc


Les patronymes germaniques en Languedoc


Nous nous revendiquons Romains, Gaulois, mais nous oublions les invasions franques, hongroises, arabes, goths en tout genre…. Pourtant à chaque invasion, colonisation, nous avons ajouté à notre histoire, à nos gênes, à nos cultures, un petit « je ne sais quoi » qui nous a construits.
C’est ainsi que beaucoup d’entre nous affichent un patronyme, nom ou prénom, d’origine germanique. C’est vrai pour toute la France, mais aussi pour l’Italie, l’Espagne, le Portugal.
Lors de l’effondrement de l’Empire Romain au Vème siècle, des peuples germaniques venus de l’Est et Nord-Est par vagues successives envahissent la France qui notons-le au passage porte un nom d’origine germanique. Les Goths, Ostrogoths, Wisigoths, Vandales Burgondes, Francs et leurs cousins. Les Vandales vont aussi guerroyer au Maghreb, Afrique du Nord.
Ces hommes portent des noms de guerriers qui prouvent leurs qualités belliqueuses, des noms qui font référence à la guerre (casque, lance, combat, courage....). Ils ne sont chrétiens que depuis peu ou pas encore et les noms des premiers saints de la chrétienté ne sont pas ou peu utilisés par ces combattants.
Jusqu’au Xè-XIème siècle nous ne portions qu’un prénom. La nécessité d’un nom de famille apparait au IXème siècle d’abord à Venise. Jusqu’alors nous étions Pierre fils de Paul, Bernard fils de Jean… Nom du père, grand-père pour affirmer une dynastie, un héritage, ou nom d’un homme illustre, saint ou roi. Les monarques, les comtes et barons portent des noms germaniques. Et la population va imiter les Grands de son monde. Clovis c’est Hlodowic de hlodo-gloire + wic-combat ; Dagobert de dag-jour+berht-brillant ; Charlemagne de Karl-homme……..
Au Xème siècle le nom le plus populaire est Guillaume : wil-volonté+helm-casque. Pierre, Jacques et Dominique sont largement battus. Raymond dans notre Sud : ragin-conseil+mund-protecteur….Arnaud : arn-aigle+wald-gouverner…. Bernard : ours brave….Béranger : ours prêt pour le combat…Eberhard, dur comme un sanglier…
Nous avons encore maintenant dans notre Languedoc un faible pour les prénoms de Raymond qui nous rappelle notre comte de Toulouse. Et Bernard,  le triste sire Bernard de Septimanie qui abandonna son épouse Dhuoda à Uzès en lui prenant ses enfants !!
Les noms traditionnels d’origine latine, grecque ou hébraïque vont passer en arrière-plan.
Au fil du temps Wilhelm germanique va devenir dans notre pays Guillaume, le w se transformant en g. D’où en occitan Guilhem, en catalan Guillem, en castillan Guillermo, Guglielmo en italien. Contrairement à l’Allemagne, la Belgique, l’Angleterre où Williams, Wuillaume, Vuillerme ..gardent une trace du Wilhelm germanique.
Ces noms vont devenir des noms de famille. Mais certaines consonances germaniques vont déborder dans des patronymes sans passer par un prénom : enjal ou enjel, racine qui désigne soit une lance soit un peuple germanique, les Angles, à l’origine de l’Angleterre.
Mais ne nous méprenons pas : nous pouvons avoir tout à la fois des ancêtres Romains, Gaulois et Francs. Nous ne descendons pas forcément de Charlemagne lorsque notre nom de famille est Bernard ou Guillaume !!
A partir du XIème les noms auront aussi pour origine des métiers, des lieux, des caractéristiques physiques : Dupuis, Sabotier, Scofier (tanneur), Roux, Leboiteur…. Et comme il est assez probable que les « sangs » gaulois, romain, franc ont la même couleur, ce sont les amalgames des éducations, des cultures, des événements qui ont fait ce que nous sommes.

Une pensée de La Bruyère : "nous descendons tous d'un roi et d'un pendu"... A méditer !