mercredi 27 mars 2019

Cahier de Doléances en 1789


Les doléances de l'ordre le plus nombreux du royaume : les maris cocus (1789)et   le vrai cahier de Vallabrix





Nous faisons souvent en ce moment référence aux cahiers de Doléances de 1789. Ces cahiers fournissent des informations révélatrices de la société de l’Ancien Régime à l’orée de la Révolution. Tocqueville dira que c’est « le testament de l’ancienne société française, l’expression suprême de ses désirs, la manifestation authentique de ses volontés »..

60 000 cahiers environ sont conservés, avec parfois d’importantes lacunes dans les collections (BNF, archives nationales, départementales, municipales…)






Nos Anciens avaient de l’humour même en ces périodes troublées. Des cahiers de doléances un peu particuliers sont sortis dans pratiquement toutes les provinces du royaume. Celui-ci vient du Cantal, mais les archives du Gard mentionnent un semblable que nous n’avons pas retrouvé à ce jour. Ce livret concerne l’Ordre le Plus Nombreux du Royaume celui des Maris Cocus.
Trop long (une trentaine de pages) pour être transcrit ici intégralement, nous allons en faire un résumé.
C‘est un ordre qui prône l’égalité de ses membres, qu’ils soient riches ou pauvres, savants ou ignares, beaux ou laids. Il est au-dessus de tous les autres ordres par son ancienneté et le nombre de ses membres. Mais les célibataires, les curés n’y sont pas admis. Pour y prêter serment, on jure la main droite posée sur son front et non sur son cœur ou sur la Bible.
Il s’agit bien évidemment d’une parodie anonyme qui s’en prend aux « people » de l’époque. Des noms à peine déguisés sont cités à la fin du livret : Rebut limonadier, Paliseau maître perruquier, le comte de Mirabeau, Pierre-Augustin de Beaumarchais et bien d’autres qui ont tous existé. Tous réunis pour déposer des motions, intervenant dans la discussion. Par exemple M. Duval d’Eprémesnil, qui présente sa défense après avoir entendu des rumeurs remettant en cause son appartenance à l’Ordre. Il conclut son discours, aussi grandiloquent que ridicule, en proposant le témoignage de 60 témoins. Même sans connaître la vie privée de Mme Duval d’Eprémesnil, les lecteurs en déduiront que ses infidélités étaient sans aucun doute de notoriété publique au XVIIIe siècle.
Une des propositions : le mari trompé, satisfait ou non, ne pourra exprimer son mécontentement publiquement et surtout pas devant un tribunal « où l’on voit le sexe se montrer avec une curiosité avide […] et tout cela pour dire à l’Europe entière que le mécontent est las d’être C… ! ».
La défense des maris trompés induit un certain autoritarisme : « que tous les célibataires, d’obligation ou volontairement, soient tenus de se marier ; attendu que c’est en particulier à eux que l’Ordre des C… doit son existence, qu’il est plus que temps qu’il pût leur en témoigner sa reconnaissance. »

Il est demandé d’établir le divorce et d’autoriser les mariages d’amour sans le consentement des parents. Des idées qui vont cheminer un moment dans l’esprit des révolutionnaires pour être oubliées avec Napoléon.
Un certain sexisme bien de son temps : les femmes seront obligées de « s’occuper du soin de leur ménage et de l’éducation de leurs enfans, au lieu d’aller risquer leur honneur sur l’as de pique ou le valet de carreau, et d’aller en petite loge à l’opéra », et « toute femme bel-esprit, s’érigeant en auteur, sera condamnée par la société à retourner à son aiguille, ou à son filet ; parce que l’expérience a prouvé que ce qu’elles acquéroient du côté des connaissances, elles le perdoient du côté de la chasteté, et que se croyant au-dessus du préjugé, elles bravoient le scandale par principes ».

Les femmes devront éviter ayant leur subsistance assurée « de tirer parti de [leurs] charmes, se faire entretenir publiquement ou secrètement ; parce qu’il faut que tout le monde vive, et que c’est ôter le pain aux courtisanes » !
Les religieuses ne sont pas oubliées : « Abroger le titre de dame accordé aux chanoinesses, vu qu’elles se croient permis d’en remplir les fonctions »…

Cette parodie a eu un certain succès. Comme maintenant, on se plaisait à voir des grands noms tournés en dérision. On pouvait encore rire en mars 1789 et faire preuve de légèreté. L'avenir sera bien plus compliqué.


 Le Parisien—Vrai cahier de doléances--Neuvillalais (Sarthe), le 8 mars 1789. Les habitants viennent faire part de leurs plaintes et doléances. Archives Nogent-le-Rotrou
Sources : archives départemental du Cantal-collection M Leymarie--musardises



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Voici retranscrit le Vrai cahier de doléances de Vallabrix de 1789

 - Cahiers de Doléances de la Sénéchaussée de Nîmes  1789 :
(adg C1200 dist d’Uzès) (arch comm procès-verbal et cahier sur registre)
En italique une petite explication des termes.
Valabrix – diocèse d’Uzès (ancienne écriture de Vallabrix)
Copie en forme précédant celle du cahier et ne faisant qu’un avec lui – 8 mars 1789
Deux députés (représentants) : Basile Gay premier consul et Claude Agniel, bourgeois
83 feux (familles)
Président de l’assemblée : Basile Gay, premier consul
La seigneurie appartenait depuis le XVIe siècle à la famille de Bargeton d’Uzès.
A la séance du 28 mars 1789, (assemblée des nobles de la sénéchaussée) figure François (François-Gabriel) de Brueys, capitaine au régiment d’Angoumois, comme procureur fondé de Gaspard Anne d’Arnaud de Valabrix. (procureur = représentant—Gaspard celui qui deviendra le Brigand de Valabris de la comptine de 1815))
Oliviers, blé, fourrages, mûriers, bois, pâtis, (pâturages), vigne
Cahier de plaintes et doléances arrêté ce jourd’hui  8 mars 1789 par les habitants de la communauté de Valabrix assemblés en exécution de la lettre du Roi, de l’ordonnance de M le Lieutenant général en la sénéchaussée de Nîmes et des règlements y attachés.

(Suivent 7 articles qui reprennent quelques uns de ceux de la commune d’Aigaliers, qui a été beaucoup imitée par les autres communautés)
Signatures copiées : Gay, Dussaud, Guiraud, Vidal, Arènes, Bonnaud, Arnaud, Roche, Alméras, Brun, Melle,  Roche, Vissière, Biol, Guiraud, Bonnaud, Gilly greffier

1 – la communauté demande que l’impôt soit réparti indistinctement sur toutes les classes de citoyens et sur toutes les qualités de biens ; en conséquence on abolisse tout privilège pécuniaire ;
2 – que les impôts ne soient pas supportés par les seuls biens-fonds, (terres, immeubles)  mais que les capitalistes et ceux qui ont leur fortune en argent y contribuent dans une juste proportion ;
3 – le commerce vivifiant l’Etat, il est contre l’intérêt de l’Etat qu’il soit gêné par le fisc ; d’où l’assemblée conclut qu’il faut supprimer les douanes intérieures et les porter aux frontières, afin que les provinces d’un même Etat puissent se communiquer sans embarras les productions de leur sol et de leur industrie ;
4 – le tabac et le sel pouvant devenir un objet d’agriculture et de commerce fructueux pour la nation, cette branche de l’industrie doit lui être rendue, et pour cela il faut supprimer la gabelle et la ferme du tabac ;
5 – la suppression ou du moins la simplification des tarifs du contrôle, insinuation et centime denier, devenus, par les extensions qu’on leur a données, l’impôt le plus accablant pour le peuple des campagnes
6 – les curés, soutiens, consolateurs et pères du peuple surtout dans les campagnes, méritent que la nation s’intéresse à eux, et améliore à leur souhait. Leur congrue doit être augmentée jusqu’à concurrence de 1200 livres.
7 – les curés décimateurs ou qui n’auront que la portion congrue ci-dessus fixée à 1200 livres, doivent être obligés de se loger eux-mêmes, et d’entretenir leurs églises, comme ils le faisaient anciennement, la dépense de ces objets étant ruineuse pour les communautés de campagne
(adg C1199 district d’Uzès)

 (Seigneur surveillant la récolte des pommes – XVIè – BNF)

Dans d’autres communes, dont Aigaliers, les habitants demandent aussi que la forme des procédures civiles et criminelles soient simplifiées, changées, que « la liberté des citoyens doit reposer à l’abri des lois » et donc nécessité d’abolir l’arbitraire. Ils demandent aussi que les votes aux Etats Généraux se fassent par tête et non par ordre, «  sinon le tiers état serait sacrifié ».

En 1789, à la veille de la Révolution la France compte un peu près vingt-cinq millions d’habitants. Tous attendent des Etats Généraux convoqués une vie meilleure. Le 28 janvier 1789, aux quatre coins du pays, furent lues les lettres royales qui demandaient à chacun de faire parvenir au roi « ses vœux et ses réclamations », et cela « des extrémités de son royaume et des habitations les moins connues ». 
Les cahiers de doléances rédigés par des laboureurs, des bourgeois, des curés, des avocats, des aristocrates, corporations... ont tous un point commun : en ce début d’année, personne ne songe encore à une révolution, ni ne remet en cause profondément la société. Le Tiers de Paris demande que « tout pouvoir émane de la nation (le peuple) et ne peut être exercé que pour son bonheur ». Les trois ordres sont d’accord sur des grands principes constitutionnels : tout doit reposer sur l’entente du roi et de la nation, le roi seul exerce le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif appartient à la nation conjointement avec le roi. Mais très vite des difficultés, des oppositions fondamentales s’installent.

(Marianne anonyme 19ème).
Les trois Ordres, Tiers Etat, Noblesse, Clergé, vont revendiquer des droits contradictoires, même au sein d’un même ordre. Le peuple va souvent faire appel à plus instruit que lui pour la rédaction de ces cahiers, le maître artisan, le laboureur, le bourgeois s’exprimant au nom du compagnon, du manouvrier, du serviteur… On va souvent faire du "papier-collé", imiter le village voisin. Il faut en lire le contenu « entre les lignes » avec distanciation. D’une manière générale, le Tiers Etat demande surtout une réforme des impôts et l’égalité fiscale, une simplification et un coût moindre des procédures en justice. Les demandes sont très concrètes : unification des poids et mesures, gestion des pacages, des étangs. La bourgeoisie manifeste des revendications plus politiques et égalitaires. Les cahiers du clergé montrent un certain conservatisme : le catholicisme doit rester religion d’Etat et maintien des distinctions entre les ordres. Le bas-clergé souhaite une amélioration de ses conditions matérielles. La noblesse en gros accepte l’égalité fiscale sous certaines réserves mais veut garder ses prérogatives et signes de distinctions. Elle souhaite rester le premier ordre de l’Etat. La liberté de la presse est demandée.


Le clergé à la veille de la Révolution possède 10% du sol français, la dîme lui rapporte entre cent et cent vingt millions (elle a doublé au cours du 18ème siècle du fait de la production agricole). Pourtant sa contribution aux dépenses publiques (appelée « le don gratuit ») diminue d’année en année et ne représente que le quart des sommes demandées. La noblesse d’épée s’oppose à la noblesse de robe, celle de cour à celle de province. Personne ne veut renoncer à ses pensions, à ses privilèges, à son mode de vie, à ses passe-droits.                                        (Marianne 20ème)
Le 18ème siècle enregistre une hausse des prix continue, hausse qui s’accélère après 1781, surtout au printemps (en attendant la récolte prochaine). On voit les prix du grain prendre 10 à 25 % par rapport aux mois précédents (1741,1776, 1788, 1789). Les grands propriétaires fonciers, les négociants vont avoir tendance à accélérer cette hausse en stockant le grain ou en retardant la vente. Le petit peuple doit tout acheter, et va aspirer à plus de sécurité alimentaire. Des jours difficiles s’annoncent. Dès le 15 avril 1789 une émeute dans la ville de Sète (Cette) contre les droits d’équivalent perçus par la province et les droits d’octrois perçus pour la ville ravage des bureaux et divers bâtiments qui sont pillés. D’autres excès suivront.

Sources :Adg : archives départementales du Gard – adh : archives départementales de l’Hérault – acUzès : archives communales d’Uzès – ac. Vallabrix : archives communales de Vallabrix – Histoire de la France et des Français T6 Castelot/Decaux – Esquisse du mouvement des Prix et des revenus en France au 18ème E Labrousse – https://francearchives.fr/fr/article/163458854#/?_k=azkzhg---


                 





mercredi 20 mars 2019

Marseille et la Sardine



madeinmarseille.net/13950-sardine-bouche-vieux-port/


La Sardine qui a bouché le port de Marseille

Grand Merci à Michel Desplans qui m’a rappelé cette histoire.

A Marseille on aime se moquer. Une galéjade qui parle de sardine et de la mer, c’est normal, la ville et ses habitants, bien avant l’arrivée des Grecs au 5ème siècle avant notre ère, ont toujours vécu de la mer qui leur offrait fortune ou malheur.
La légende de la « Sardine qui a bouché le port de Marseille » s’appuie sur des faits historiques, mais remis à la sauce bouillabaisse.  Elle se raconte aux touristes, mais elle a donné aussi une expression populaire dès le 18ème siècle : « C'est la sardine qui a bouché le port de Marseille !! ». Elle ressort quand une histoire, des faits  semblent exagérés, à dormir debout… C’est aussi parfois se moquer gentiment des Marseillais enclins parait-il à l’exagération.



L’aventure se passe en 1779 sous le règne du roi Louis XVI. Le vicomte de Barras officier commandant le régiment d’infanterie de Marine de Pondichéry avait été capturé l’année précédente par les Anglais. Un accord d’échange de prisonniers est signé entre les deux pays et le vicomte est rapatrié avec d’autres marins français. Un navire, probablement un marchand de l’île de France, est affrété spécialement pour 
l’échange de prisonniers et il bénéficie du statut protégé selon les lois de la guerre de l’époque. Il arbore un pavillon d’entente qui normalement garantit de voyager sans risque d’être attaqué par les navires anglais. Il s’agit d’un pavillon blanc plus imposant que le pavillon français placé au-dessus de ce dernier.
Ce bateau s’appelle « Le Sartine » (un t et non un d) du nom d’Antoine de Sartine, ministre de la Marine.
(portrait d’Antoine de Sartine par Joseph Boze 1787 musée Lambinet Versailles)
Dix mois de navigation, et le navire arrive au large du Cap Saint-Vincent la pointe sud-ouest du Portugal pour se diriger dans l’embouchure du détroit de Gibraltar et entrer en Méditerranée.
En mai 1780, le Sartine est intercepté par un vaisseau de ligne britannique le HMS Romney. Ce dernier ouvre le feu, tue le capitaine et deux hommes d’équipage du Sartine ! A cette époque les Anglais sont les maîtres de la Méditerranée et ont tendance à tirer avant de réfléchir. Le Sartine est sérieusement endommagé.
Le Romney envoie un canot à bord du Sartine et après vérification de son statut et plusieurs tentatives d’explication, le bateau français peut poursuivre sa route vers Marseille, mais sans capitaine à bord…..


A l’entrée du port de Marseille, une erreur de navigation, une coque et des mâts trop grands, et le Sartine se retrouve sur des rochers pour finir par couler dans le chenal de l’entrée du Vieux-Port. Pendant un certain temps l’accès et la sortie de tout bateau sera impossible. D’après les mémoires de Barras, le commandant du port et de la marine de Marseille Georges-René Pléville Le Pelley prit en charge le treuillage à quai du Sartine.
L’histoire se raconta, se déforma, s’amplifia au fil des discussions. On ne retint que le côté humoristique de l’aventure et Sartine devint Sardine !! Et puis Marseille sans sardine ne serait pas Marseille !!





Sources : Paul Barras  Mémoires de Barras, membre du Directoire : Ancien régime-Révolution, vol. I, Paris, Hachette, 1895-1896, 464 p. (lire en ligne [archive]) ---Les mésaventures du vaisseau Le Sartine aux Indes Orientales (1776-1780)1---  notre provence.fr/folklorerecits.sardine-vieux-port.php--- wikipedia.org/wiki/C%27est la sardine qui a bouché le port de Marseille---


mercredi 13 mars 2019

Les Fées de France ou les pétroleuses de 1871








Carte postale, « Frédéric Mistral et Alphonse Daudet » (Delcampe)--Musée de l'Ecole  Montceau-les-Mines

Les Fées de France


Musée de l'Ecole de Monceau-les-Mines caricature d'Alphonse Daudet par André Gill pour "Les sauterelles".

Alphonse Daudet  dans ses Contes du Lundi 1873 nous a régalés de cette historiette qui se place après la guerre franco-prussienne de 1870 et la Commune de Paris avec ses pétroleuses.

--« Accusée, levez-vous », dit le président. Un mouvement se fit au banc hideux des pétroleuses, et quelque chose d’informe et de grelottant vint s’appuyer contre la barre.
C’était un paquet de haillons, de trous, de pièces, de ficelles, de vieilles fleurs, de vieux panaches, et là-dessous, une pauvre figure fanée, tannée, ridée, crevassée, où la malice de deux petits yeux noirs frétillait au milieu des rides comme un lézard à la fente d’un vieux mur.
n  « Comment vous appelez-vous ? lui demanda-t-on
n  Mélusine
n  Vous dites ?... »
Elle répéta très gravement ; sous sa forte moustache de colonel de dragons, le président eut un sourire, mais il continua sans sourciller :
n  « Votre âge ?
n  Je ne sais plus
n  Votre profession ?
n  Je suis fée !... »
Pour le coup l’auditoire, le conseil, le commissaire du gouvernement lui-même, tout le monde partit d’un grand éclat de rire ; mais cela ne la troubla point, et de sa petite voix claire et chevrotante, qui montait haut dans la salle et planait comme une voix de rêve, la vieille reprit :
--« Ah ! les fées de France où sont-elles ? Toutes mortes, mes bons messieurs. Je suis la dernière ; il ne reste que moi… En vérité, c’est grand dommage, car la France était bien plus belle quand elle avait encore ses fées. Nous étions la poésie du pays, sa foi, sa candeur, sa jeunesse. Tous les endroits que nous habitions, les fonds de parcs embroussaillés, les pierres des fontaines, les tourelles des vieux châteaux, les brumes d’étangs, les grands landes marécageuses recevaient de notre présence je ne sais quoi de magique et d’agrandi. A la clarté fantastique des légendes, on nous voyait passer un peu partout traînant nos jupes dans un rayon de lune, ou courant sur les prés à la pointe des herbes. Les paysans nous aimaient, nous vénéraient.
« Dans les imaginations naïves, nos fronts couronnés de perles, nos baguettes, nos quenouilles enchantées mêlaient un peu de crainte à l’adoration. Aussi nos sources restaient toujours claires. Les charrues s’arrêtaient aux chemins que nous gardions ; et comme nous donnions le respect de ce qui est vieux, nous, les plus vieilles du monde, d’une bout de la France à l’autre on laissait les forêts grandir, les pierres crouler d’elles-mêmes.
/www.istockphoto.com/fr/vectoriel/ancienne-gravure-illustration-fées-gm1039012834-278132699

« Mais le siècle a marché. Les chemins de fer sont venus, On a creusé les tunnels, comblé les étangs, et fait tant de coupes d’arbres, que bientôt nous n’avons plus su où nous mettre. Peu à peu les paysans n’ont plus cru en nous. Le soir, quand nous frappions à ses volets, Robin disait : « C’est le vent ! » et se rendormait. Les femmes venaient faire leurs lessives dans nos étangs. Dès lors ç’a été fini de nous. Comme nous ne vivions que de la croyance populaire, en la perdant, nous avons tout perdu. La vertu de nos baguettes s’est évanouie, et de puissantes reines que nous étions, nous nous sommes trouvées de vieilles femmes, ridées, méchantes comme des fées qu’on oublie ; avec cela notre pain à gagner et des mains qui ne savaient rien faire. Pendant quelque temps, on nous a rencontrées dans les forêts traînant des charges de bois morr, ou ramassant des glanes au bord des routes. Mais les forestiers étaient durs pour nous et nous jetaient des pierres. Alors comme les pauvres qui ne trouvent plus à gagner leur vie au pays, nous sommes allées la demander au travail des grandes villes.
« Il y en a qui sont entrées dans des filatures. D’autres ont vendu des pommes l’hiver, au coin des ponts, ou des chapelets à la porte des églises. Nous poussions devant nous des charrettes d’oranges, nous tendions aux passants des bouquets d’un sou dont personne ne voulait, et les petits se moquaient de nos mentons branlants, et les sergents de ville nous faisaient courir, et les omnibus nous renversaient. Puis la maladie, les privations, un drap d’hospice sur la tête… Et voilà comme la France a laissé toutes ses fées mourir. Elle en a été bien punie !
« Oui, oui, riez, mes braves gens. En attendant, nous venons de voir ce que c’est qu’un pays qui n’a plus de fées. Nous avons vu tous ces paysans repus et ricaneurs ouvrir leurs huches aux Prussiens et indiquer les routes. Voilà ! Robin ne croyait plus aux sortilèges ; mais il ne croyait pas davantage à la Patrie… Ah ! si nous avions été là, nous autres, de tous ces Allemands qui sont entré en France, pas un ne serait sorti vivant. Nos draks, nos feux follets les auraient conduits dans des fondrières. A toutes ces sources pures qui portaient nos, noms, nous aurions mêlé des breuvages enchantés qui les auraient rendus fous ; et dans nos assemblées, au clair de lune, d’un mot magique, nous aurions si bien confondu les routes, les rivières, si bien enchevêtré de ronces, de broussailles, ces dessous de bois où ils allaient toujours se blottir, que les petits yeux de chat de M de Moltke n’auraient jamais pu s’y reconnaître. Avec nous, les paysans auraient marché. Des grandes fleurs de nos étangs nous aurions fait des baumes pour les blessures, les fils de la Vierge nous auraient servi de charpie ; et sur les champs de bataille, le soldat mourant aurait vu la fée de son canton se pencher sur ses yeux à demi fermés pour lui montrer un coin de bois, un détour de route, quelque chose qui lui rappelle le pays. C’est comme cela qu’on fait la guerre nationale, la guerre sainte. Mais hélas ! dans les pays qui ne croient plus, dans les pays qui n’ont plus de fées, cette guerre-là n’est plus possible. »
Ici la petite voix grêle s’interrompit un moment, et le président prit la parole :

  « Tout ceci ne nous dit pas ce que vous faisiez du pétrole qu’on a trouvé sur vous quand les soldats vous ont arrêtée.
  « Je brûlais Paris, mon bon monsieur, répondit la vieille bien tranquillement. Je brûlais Paris parce que je le hais, parce qu’il rit de tout, parce que c’est lui qui nous a tuées. C’est Paris qui a envoyé des savants pour analyser nos belles sources miraculeuses, et dire au juste ce qu’il entrait de fer et de soufre dedans. Paris s’est moqué de nous sur ses théâtres. Nos enchantements sont devenus des trucs, nos miracles des gaudrioles, et l’on a vu tant de vilains visages passer dans nos robes roses, nos chars ailés, au milieu de clairs de lune au feu de Bengale, qu’on ne peut plus penser à nous sans rire… Il y avait des petits enfants qui nous connaissaient par nos noms, nous aimaient, nous craignaient un peu ; mais au lieu des beaux livres tout en or et en images, où ils apprenaient notre histoire, Paris maintenant leur a mis dans les mains la science à la portée des enfants, de gros bouquins d’où l’ennui monte comme une poussière grise et efface dans les petits yeux nos palais enchantés et nos miroirs magiques… Oh ! oui, j’ai été contente de le voir flamber, votre Paris… C’est moi qui remplissais les boîtes des pétroleuses, et je les conduisais moi-même aux bons endroits : allez mes filles, brûlez tout, brûlez, brûlez !!...
n  « Décidément cette vieille est folle, dit le président. Emmenez-la ».


archives nationales AE/11/3846 -1871--Conseil de Guerre jugeant des pétroleuses

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Les pétroleuses, mythe ou réalité ? La Commune incendia des édifices parisiens comme l’Hôtel de Ville, la Cour des Comptes, une partie du Palais Royal…. Les Parisiens seront fortement marqués par ces incendies. Des hommes seront arrêtés, jugés et fusillés en mai 1872 et janvier 1873. Dès l’été 1871, les journaux versaillais diffusent des histoires de « pétroleuses » rappelant les « tricoteuses révolutionnaires » de 1790. L’image de la communarde une bouteille de pétrole à la main, la lançant contre une façade de bâtiment public ou dans des caves, devient une  figure récurrente dans les journaux, dans les témoignages, très orientés versaillais. Cette image vient justifier la condamnation de femmes impliquées dans la Commune, traduites devant les conseils de guerre. Bestialité des « femelles » qui avaient bien mérité le bagne !!. Une de ces figures était Louise Michel. Fake-new avant l’heure, manipulation des masses ? Décidément rien de nouveau.
Carte postale de propagande anti-communarde,
oblitérée en juillet 1871, quelques semaines après la chute de la Commune de Paris

Sources : Bertrand TILLIER, « Le mythe de la pétroleuse », Histoire par l'image [en ligne] URL : http://www.histoire-image.org/fr/etudes/mythe-petroleuse--- Edith Thomas Les Pétroleuses Paris Gallimard 1963---André Clément Decouflé  La Commune de Paris 1871 révolution populaire et pouvoir révolutionnaire 1969 --




 Numa fils --Paris Incendié --© Saint-Denis, musée d'art et d'histoire - Cliché I. Andréani


mercredi 6 mars 2019

La Bonne Ménagère 1900




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La Bonne Ménagère en 1900 :
 

(Jeanne Chauvin, Première femme à avoir reçu le titre d'avocat en France en 1900. –source magazine Madame Figaro)

Je viens de retrouver dans une malle un livre de lecture, niveau cours moyen de E F Alber. Date 1900. Connaissances usuelles, vérités religieuses, notions très élémentaires de sciences naturelles, vertus et défauts des enfants….
Voici ce que l’on enseignait à nos grand-mères en 1900. Décidément depuis qu’Eve a fauté, la société a la rancune tenace !!
Un chapitre est intitulé Economie domestique : la bonne ménagère. « Le domaine de la femme c’est sa maison ; c’est là qu’elle doit régner par sa vertu et ses charmes, et déployer librement toutes ses qualités….à elle appartient la douce mission de faire de son foyer une sorte de paradis terrestre où son mari et ses enfants se plaisent à demeurer….les qualités indispensables à une bonne ménagère : l’activité, l’ordre, l’économie dirigés par le bon goût et la délicatesse féminine…Levée matin, l’agile ménagère range, nettoie, met tout en ordre au plus tôt….Elle est le charme le plus attrayant de ce foyer d’où le mari et les enfants ne cherchent jamais à s’éloigner ; où ils reviendront toujours, attirés par la bonté, l’inaltérable bonne humeur, le dévouement de la mère ….cette femme qui s’oublie sans cesse pour faire le bonheur de sa famille…» Fénelon en rajoute : La jeune maîtresse de maison est « douce, simple, sage, ses mains ne méprisent point le travail ; elle prévoit de loin, elle pourvoit à tour ; elle sait se taire….On ne trouve en elle ni passion, ni entêtement, ni légèreté, ni humeur…d’un seul regard elle sait se faire entendre et l’on craint de lui déplaire… ». « Les repas apprêtés, elle demande à son aiguille mille travaux qui procurent des vêtements, à sa famille et de petits ornements à son logis »…Une grand-mère conseille ses petites filles : « le mari vaque aux affaires et aux occupations du dehors ; la femme veille au ménage et aux occupations intérieures… » c’est ainsi parait-il, que l’on parvient à une vieillesse avancée, sans avoir presque connu la maladie et les infirmités, dit-elle !

Je n’aurais pas été une « bonne ménagère » de 1900 : si j’ai aimé, quand j’y voyais encore assez, tricoter, bricoler, j’ai aussi mauvais caractère, je ne sais pas me taire, et une chatte ne retrouverait pas ses petits dans mon bureau !! Et puis j’ai beaucoup plus appris sur moi et sur les autres « en vaquant aux affaires du dehors » que devant mes casseroles… Autre temps !!




Fin 19è archiv Blois atelier de piqures usine Rousset
C’est oublier le travail des femmes, ne serait-ce qu’au 19ème siècle, nos arrière-grand-mères, ouvrières d’usine, lavandières, domestiques, nourrices et toutes celles qui travaillent aux champs avec leurs familles. Elles ont tout autant bâti notre pays que leurs hommes.
s  Geneviève Jonte © Collection privée pasteur en 1934
La Bible qui ne montre pas une verve féministe, nous dit : « Comment trouvera-t-on une femme vertueuse ? Son prix dépasse celui des perles ! ». Et pourtant, tout au long de l’Histoire des femmes se sont illustrées par leur courage, leur engagement.
Lors du second  concile de Mâcon de 585, une clarification linguistique aurait été évoquée : le terme « homo » désigne-t-il l’être humain en général, femmes comprises, ou seulement le sexe masculin (« vir ») ?. Dès le 16ème siècle la rumeur se répand que ce concile aurait débattu de l’existence d’une âme chez la femme. La question ne se posait évidemment pas, les femmes sont baptisées dès le début de la chrétienté, donc ont une âme. Certaines seront martyrisées pour leur appartenance religieuse. La citation de la Vulgate est : »Et Dieu créa l'homme (homo) à son image, à l'image de Dieu il le créa, mâle et femelle il les créa ». La question continua à se poser, pamphlets, discutatio, réfutation, surtout de penseurs luthériens ou calvinistes du 16ème-17ème siècle. La légende est tenace peut-être parce qu’elle arrangeait tout le monde, surtout masculin et politique, religieux.
Encore au 20ème siècle, des grands noms de la littérature et de la philosophie tiennent ce prétendu débat sur l’existence de l’âme des femmes pour vérité historique.
Dans notre pays pour écarter les femmes de la succession royale et du trône, on n’avait pas hésité à tordre la loi salique au début du 14ème siècle et d’une manière assez éhontée.

En 1405, Christine de Pisan, première femme de lettres à vivre de sa plume, dénonce la misogynie ambiante et les discriminations faites aux femmes. Notre Jeanne d’Arc vingt ans plus tard, ne pouvait pas devoir son courage et sa jugeote qu’à sa seule intelligence et force d’esprit  !! Jeanne et ses consœurs osant dire aux hommes qu’elles en avaient assez de leur guerre d’ego !!



Chez la charcuterie Olida en 1900, deux moustachus (qui n’ont pas l’air très actifs !) contre une vingtaine de femmes !

(Manufacture des Biscuits Leroy L'emballage Saint Amand (Cher))

15è/16è siècle, la Renaissance connait une concentration de femmes gouvernant le royaume seules ou en collaboration avec des rois, régentes ou non : Isabeau de Bavière, Anne de France, Anne de Bretagne, Louise de Savoie, Catherine ou Marie de Médicis…. Même les maîtresses royales vont avoir un rôle politique de premier plan, Agnès Sorel, Françoise de Châteaubriant, Diane de Poitiers…. Des gouvernantes, des dirigeantes de grandes maisons….avec un rôle politique, culturel, artistique…

(section ciné-armée française – Les femmes françaises pendant la guerre-femmes en guerre overblog)
En 1622 en France une Marie de Gournay soutient que la femme n’est pas inférieure à l’homme par nature mais par son éducation ou son manque d’accès à l’instruction. En Italie, en 1676 Elena Piscopia, la première,  obtient un diplôme universitaire. Au 17ème-18ème siècle c’est dans les salons des femmes que le siècle des Lumières prend son essor en favorisant les libres débats littéraires, scientifiques…
(1914-1918)
La Révolution de 1788-89 affichera une attitude singulière vis-à-vis des femmes, une valse-hésitation que l’on va trainer tout au long du 19ème siècle. Les veuves ou les nobles tenant fief peuvent voter mais elles ne sont pas directement éligibles. Pourtant on les voit très actives dans la rédaction des cahiers de doléances. Elles marchent sur Versailles en octobre 1789, ramenant le roi à Paris. Condorcet veut accorder le droit de vote aux femmes : «songez qu’il s’agit des droits de la moitié du genre humain ». Droit d’ainesse supprimé, laïcisation du mariage, divorce par consentement mutuel,  mais on va guillotiner Olympe de Gouges qui réclamait l’égalité politique entre hommes et femmes dans sa « Déclaration de droits de la femme et de la citoyenne ». Et on oublie les femmes lors de l’instauration du suffrage censitaire.
Pastel représentant Olympe de Gouges Olympe de Gouges

Petit à petit les femmes sont exclues du champ politique avec l'interdiction des clubs politiques de femmes par la Convention montagnarde, mais elles n’ont pas dit leur dernier mot et résistance des femmes sur les bancs du public lors des différentes assemblées, les Tricoteuses !!.
Les historiens de la Révolution ne sont pas tendres avec les femmes qui y ont participé et qu’ils ont souvent caricaturées : Manon Rolland est une intrigante, Olympes de Gouges une hystérique, Charlotte Corday une vierge sanguinaire, Théroigne de Méricourt une folle, Germaine de Stael un laideron lascif…..
En 1801 un projet de loi de Sylvain Maréchal voulant interdire toute culture aux femmes : défense d’apprendre à lire, écrire avec des arguments d’une bêtise sans borne et d’un sexisme crade. Et le Code Civil de 1804 déclare la femme incapable juridiquement, sous l’autorité de son père, mari, puis du conseil de famille une fois veuve. Napoléon n’aime pas les femmes, s’en méfiant comme de la peste. Des voix s’élèvent, Henri de Saint-Simon, Charles Fourier, mais l’élan est pris et l’adultère de la femme devient un délit puni de 3 à 24 mois, celui du mari seulement puni d’une amende ; l’avortement, la pratique ou l’aide à l’avortement sont punis de réclusion et même de travaux forcés pour le corps médical. On ne divorce plus à partir de 1816.

Industrie sardinière en Bretagne 1900 Etalage et séchage ND


Fabrique de fleurs artificielles 1900 Ambleny dans l’Aisne- remarquons les enfants.

Mais des frémissements de modernité : en 1832 le journal « La Femme Libre » est créé. Le viol devient un crime et non plus un simple délit. Mais c’est le père ou le mari qui sont considérés comme victimes !! C’est la période où Flora Tristan milite pour la cause des femmes. En 1838 la première école normale d’institutrices voit le jour.
La deuxième République, celle de 1848, rétablit le suffrage universel mais pas pour les femmes. 

Les Vénusiennes, des parisiennes qui avaient pris les armes lors de la révolution de 1848, montent au créneau : elles revendiquent l’accès à tous les emplois publics, civils, religieux et militaires, une constitution politique des femmes, le port du pantalon, obligation du mariage féminin à 21 ans, service militaire féminin et le doublement du service militaire masculin pour les hommes qui refuseraient les tâches ménagères. Trop radicales ou trop en avance sur leur temps elles vont servir de repoussoir de la cause féminine.
D’autres femmes poussent la cause des femmes, Désiré Gay, Georges Sand, Jeanne Deroin….Des journaux, La Voix des Femmes, L’Opinion des Femmes….
En 1849 Jeanne Deroin, ouvrière-lingère, se présente aux élections législatives. Proudhon pourtant socialiste bondit contre cette candidature : « L'humanité ne doit aux femmes aucune idée morale, politique, philosophique. L'homme invente, perfectionne, travaille, produit et nourrit la femme. Celle-ci n'a même pas inventé son fuseau et sa quenouille ». Nous sommes sous la Seconde République qui avait pourtant pensé à l’abolition de l’esclavage, la réduction du temps de travail, le suffrage universel masculin..….
Pierre Leroux en 1851 timidement propose une loi accordant le droit de vote des femmes aux élections municipales. La loi Falloux en 1850 fait obligation pour les communes de plus de 800 habitants d’avoir une école publique pour les garçons et les filles, mais enseignement pas encore gratuit ni obligatoire.
En 1861 malgré tout, une première bachelière en France Julie-Victoire
Daubié.


En Angleterre les Suffragettes donnent de la voix et il semble bien qu’un retour en arrière n’est plus possible pour toutes et tous.

Victor Duruy crée en 1867 les cours secondaires publics pour la gente féminine. Dix ans plus tard, le travail des femmes dans les mines et dans les carrières est interdit, de même que le travail de nuit pour les femmes non majeures. Le Syndicat féminin de la couture est fondé, premier du genre. Mais la constitution de la 3ème république de 1875 réaffirme la privation de droits politiques aux femmes !!


https://respectmag.com/dossiers/inegalites-homme-femme/2015/08/25/droit-et-lois-ont-ils-un-sexe-145/
En réponse Hubertine Auclert fonde en 1876 Le Droit des Femmes, groupe suffragiste. Elle proclame :  « Qui dit droit, dit responsabilité, la femme doit travailler, n'étant pas moins tenue de produire que l'homme, vu qu'elle consomme… qu'il y ait pour les deux sexes même facilité de production, et application rigoureuse de cette formule économique : à production égale, salaire égal ».
Les femmes ont enfin la possibilité d’intégrer une Ecole normale dans chaque département, d’accéder à l’enseignement universitaire. L’enseignement primaire devient obligatoire pour les garçons comme pour les filles en 1881 avec les lois Jules Ferry. Une femme reçue au concours de l’externat en médecine Blanche Edwards.

Mais toujours cette danse, un pas en avant, un autre en arrière : en 1884 le divorce est rétablit pour faute seulement et non par consentement mutuel. Et en 1889 Paul Robin installe à Paris le premier centre d’information et de vente de produits anticonceptionnels.
Le travail de nuit est enfin interdit en 1892 pour toutes les femmes et le port du pantalon jusqu’alors interdit depuis le Directoire révolutionnaire est autorisé pour se déplacer à bicyclette ou à cheval. Un peu plus tard les femmes peuvent témoigner dans les actes d’état-civil et les actes notariés. A la fin du siècle elles peuvent être électrices au tribunal de commerce.
A l’orée de 1900, nous avons quelques avocates, des femmes élèves de l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts ; pour les femmes et les enfants les journées de travail ne doivent pas dépasser 10 heures contre 12 pour les hommes.

1901 c’est la création du Conseil National des Femmes françaises affilié au Conseil International des Femmes. Une première proposition de loi donnant le droit de vote aux femmes majeures, célibataires, veuves ou divorcées. On pense en haut lieu que les femmes mariées voteraient comme leurs maris, donc pas de droit de vote pour elles. Pourtant en 1903, le premier prix Nobel décerné à une femme pour Marie Curie, prix Nobel de physique.
1906 avec le couturier Paul Poiret, le corset est supprimé avec les robes à taille haute. C’est le début de l’émancipation féminine…
(atelier de cartonnage Tiers)





(radio-canada-ca Les femmes de l’Avenir-Maire)
Le mouvement est lancé : les femmes sont électrices et éligibles aux tribunaux de prud’homme, la loi sur les biens réservés pour que les femmes mariées puissent disposer de leur salaire, congés maternité de 8 semaines mais non rémunéré…Instituteurs des deux sexes touchent le même salaire, les institutrices obtiennent la rémunération de leur congé maternité, …Manifestation pour le droit de vote des femmes, création d’une section féminine au syndicat CGT, les employées des PTT voient leur congé maternité rémunéré…
Et Marie Curie reçoit le prix Nobel de chimie, deuxième prix prestigieux.
1911-1915 Coco Chanel raccourcit les juges, propose des vêtements simples et pratiques. La femme peut être sportive, avoir une vie professionnelle..
Les femmes seront très présentes lors de la guerre 14-18, et pas seulement comme infirmières, mais à la ferme, à l’atelier, à l’usine.

En Europe entre 1918 et 1920, les femmes obtiennent le droit de vote dans la plupart des pays. Pas encore chez nous.
En 1919 le Sénat refuse une proposition de loi pour le vote des femmes, pourtant acceptée largement par les députés (329 pour /contre 95). Clemenceau président de la Conférence de Paix de Paris ne donne pas suite à la pétition de 5 millions de femmes américaines contre le viol de guerre.
Mais les écoles supérieures, chimie, électricité, s’ouvrent aux femmes en 1919. L’année suivante les femmes mariées n’ont plus besoin du consentement de leur époux pour adhérer à un syndicat. Mais la vente de contraceptifs est désormais interdite. Toujours des petits pas…

En 1935-36-37, Pierre Mendès-France, maire de Louviers, comme d’autres maires fait élire 6 conseillères municipales supplémentaires avec seulement voix consultative. Trois femmes sont nommées au gouvernement de Léon Blum : Cécile Brunschvicg présidente de l’URSF, Suzanne Lacore et Irène Joliot-Curie. Et la Chambre des Députés pour la sixième fois vote par 495  voix contre 0 pour le vote des femmes, que le Sénat bloque à nouveau.

Les femmes sont autorisées à enseigner le latin, le grec et la philosophie ; matières réservées jusqu’alors aux hommes car plus intelligents ? Elles peuvent aussi obtenir un passeport sans l’autorisation de leur mari.
En 1938 une réforme du Code Civil supprime l’incapacité juridique de la femme qui ne doit plus obéissance à son époux.
Mais 1939-45 se profile à l’horizon avec des reculs importants. Dans les usines, dans les fermes les femmes prennent le relais des hommes. Mais la répression contre l’avortement et la contraception monte en flèche. Une militante pro-IVG Madeleine Pelletier est arrêtée et meurt six mois plus tard internée à l’asile. L’avortement devient un crime puni de la peine de mort. Divorce, accès aux emplois publics, tout devient plus difficile. En 1943 une avorteuse est guillotinée, Marie-Louise Giraud. (Madeleine Pelletier ci-contre)

Mais en 1942 le général de Gaulle promet une fois le territoire libéré le suffrage universel pour tous et toutes. Marthe Simard et Lucie Aubrac sont nommées membres de l’Assemblée consultative provisoire ; en 1944 10 femmes siègeront à cette assemblée. En 1944 dans la France Libre, de Gaulle à Alger, signe l’ordonnance qui donne le droit de vote et l’éligibilité aux femmes.

Un nouvel élan à partir de 1945 : à travail égal, salaire égal remplace la notion de salaire féminin dans la législation, premier vote féminin aux élections municipales, aux élections de l’asssemblée nationale constituante où 34 femmes seront élues, congé maternité obligatoire rémunéré de 8 semaines (50%du salaire et 100%pour les fonctionnaires)….
La Constitution de 1946 pose le principe de l’égalité des droits entre hommes et femmes.
Germaine Poinso-Chapuis devient la première femme nommée ministre. Une ère nouvelle s’ouvre devant nous, c’est le temps des Simone de Beauvoir, des Simone Weil, du planning familial, des Rosa Parks aux USA, du livret de famille pour les femmes célibataires, de la Tunisie de Habib Bourguiba, de la contraception de Neuwirth.
Mais nous devons nous rappeler que rien n’est acquis à jamais. Une amie chinoise me disait : « un battement d’aile de papillon et tout est à recommencer ».




(1930fabrique de plumes métalliques)

 G. Bruno, gravure Perot — https://archive.org/details/letourdelafrance00brunuoft Univ. of Toronto Le tour de la France par deux enfants, par George Bruno, manuel scolaire, édition de 1904. gravure Perot--wikimedia


  Sources : Poullin de La Barre, De l'Égalité des deux sexes (1673), 1691-- Abbé Joseph Dinouart, Le Triomphe du sexe, ouvrage dans lequel on démontre que les femmes sont en tout égales aux hommes, Paris, 1769 --- Jean-Pierre Moet, La Femme comme on n'en connaît point, ou Primauté de la femme sur l'homme, Londres, 1785-- Henry de Riancey- « Sur le prétendu concile qui aurait décidé que les femmes n'ont pas d'âme », in Annales de philosophie chrétienne, vol. 43, éd. Roger et Chernoviz, 1851, pp. 64-70,  --- Louis-Julien Larcher, La femme jugée par l'homme, 1858, ---Régine Pernoud, Pour en finir avec le Moyen Âge, éd. Seuil, 1979 --- Françoise Fabrer L’évolution de la femme depuis Adam et Ève --- photos collec privée-- www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/dossiers/actions-dispositifs-interministeriels/chronologie-des-dispositions-en-faveur-de-legalite-des-femmes-et-des-hommes/ --Maïté Albistur et Daniel Armogathe, Histoire du féminisme français. Éditions des Femmes, collection « Pour chacune », Paris, 2 volumes : Du Moyen Âge à nos jours, 1977. 508 p. ISBN2 7210 0133 7 De l'Empire napoléonien à nos jours, 1978. ISBN 2 7210 0134 5 ---- Christine Bard  Les Filles de Marianne, Histoire des féminismes, 1914-1940, Paris, Fayard, 1995 ISBN 2 213 59390 6---Michèle Riot-Sarcey Histoire du féminisme, La Découverte, collection Repères, Paris,  2002 ISBN978 2 7071 5472 9-- Elisabeth Badinter Fausse route : Réflexions sur 30 années de féminisme, Éditions Odile Jacob, Paris, 2003-ISBN 225611264x--wikipedia-----