mercredi 28 juin 2017

Première Bagarre à la Chambre des Députés 1902

Première Bagarre à la Chambre des Députés - Juin 1902











Sources : La gazette-web wwwhistoire-genealogie.com -Supplément du dimanche du Petit Journal -22-6-1902






dimanche 25 juin 2017

Nos Hommes en Blanc



Nos Hommes en blanc

Nous sommes en pleine saison des courses camarguaises ou courses à la cocarde qu'il faut absolument ne pas confondre avec la corrida. Il nous faut expliquer ici de quoi il s’agit. Les touristes, les nouveaux arrivants, les « pointus » ont du mal à comprendre. Et nous, nous n’avons pas toujours envie d’expliquer nos jardins secrets !!
Il nous faut partir de la tradition. Les taureaux camarguais sont en liberté sur leurs terres camarguaises. Un jour ou l’autre il faut bien les marquer pour que chaque propriétaire retrouve ses petits. C’est la ferrade : chaque éleveur imprime au fer rouge sa marque sur la cuisse du veau, et c’est l’occasion maintenant de se mettre à jour des vaccins, de repérer les bêtes fragiles. Il était habituel de convier voisins, amis, familles à cette fête qui marquait un rite de passage pour le troupeau. Le grand camarguais Denys Colomb de Daunant de Cacharel (auteur de Crin-Blanc et co-scénariste du film) nous avait raconté, que ces fêtes étaient l’occasion autrefois pour les propriétaires de manades de repérer les gardians habiles à ne pas laisser s’échapper des bêtes qui pourraient blesser ou se blesser voir se tuer dans les vignes ou les marais. Pour soigner les bêtes, les marquer, on n’avait pas encore l’habitude de faire appel au véto et à sa seringue pour endormir ou immobiliser une bête. Il fallait des hommes costauds, et expérimentés pour obliger un toro à se coucher sans risque en le prenant par les cornes. Nous devons nous rappeler que le toro camarguais est semi-sauvage et le reste même lorsqu’il a été élevé au biberon et donc théoriquement plus proche de l’homme. Entre propriétaires on ne se gênait pas pour débaucher le vacher du voisin. Et c’était l’occasion pour les atrapaïres de montrer leur force et leur astuce aux belles arlésiennes et à un futur patron.
Après la messe et un bon repas, des vachettes ou des toros enfermés dans un bouvaou, sorte de petite arène, offraient à l’habilité et au courage des amateurs, des cocardes, des rubans, attachés entre leurs cornes. Pas besoin d’arène au début : des charrettes mises bout à bout assez hautes pour éviter tout accident et pour abriter les spectateurs, des bottes de paille. C’était aussi l’occasion pour les propriétaires de repérer les toros les plus prometteurs. Chaque village avait son champion, homme ou animal. Il n’était pas question de tuer ces animaux. Les bleus, les éraflures, parfois un peu plus, sont pour les raseteurs. Les déchirures de pantalon sont très prisées par les spectateurs !! Des hommes en blanc sont morts des cornes du toro, ce qui fait qu’actuellement les animaux les plus vindicatifs ou les plus inexpérimentés entrent dans l’arène les cornes emboulées ou caparaçonnées d’un manchon de cuir. Il parait que certains fans pariaient autrefois, malgré le curé, le pasteur, les épouses, le patriarche familial... peut-être encore maintenant. Mais c’est une autre histoire.
 La première course officielle dans une arène date du début du 19ème siècle, avec un début de réglementation. On a encore dans les mémoires la ferrade sanglante de 1898 d'Arles.  Mais nous savons que des jeux gardians ont été parrainés par Henri IV et avant par Catherine de Médicis lors de leurs passages à Arles. Probablement dans un mas car les arènes de cette ville étaient habitées. Au moment de la Révolution de 1789, les députés qui viennent réquisitionner des chevaux pour l’armée sont reçus dans notre région à bras ouverts avec des jeux taurins, probablement pour qu’ils ne regardent pas de trop près dans les écuries et dans les champs, le temps de cacher nos bêtes dans les garrigues comme nous avons toujours fait dans ces circonstances.
La Gazette de mai 1805 relate cette première course à la cocarde : « Une fête brillante à la gloire de l’Empereur Napoléon fut donnée à Arles le 20 mai 1805 à l’occasion de l’inauguration de l’obélisque antique situé place du Marché face à l’Hôtel de Ville. Plus de 10 000 étrangers assistèrent à cette fête qui fut suivie de courses de chevaux, de repas et de bals. MMs les commissaires lancèrent successivement dans les arènes des taureaux amenés en ville pendant la nuit par une centaine de cavaliers armés de tridents. Des cocardes étaient attachées aux cornes des animaux les plus furieux. Des prix étaient destinés aux champions qui auraient l’audace de les arracher. Deux tasses d’argent furent distribuées au bruit des fanfares à deux d’entre eux qui parvinrent à les enlever… ». Les « étrangers » ce sont des gens qui ne sont pas d’ici, et non pas d’au-delà des frontières, des « étranger d’ici » et non des « étrangers d’ailleurs » comme on dit encore !!
Depuis 1975, le caractère sportif de ces courses à la cocarde est reconnu par le Ministère de la Jeunesse et des Sports. Une règlementation a vu le jour en 1966. Une fédération, une école de raseteurs ont été créées. Spectacle qui cache de a part des raseteurs,  une discipline, une endurance toutes sportives, un art du raset qui traduit une grande habilité car il faut absolument éviter de blesser le toro. Ce qui serait une perte financière pour le propriétaire, la honte à tout jamais pour la famille de l’homme en blanc.
Comment se déroule une course à la cocarde ?  Tout a commencé parfois la veille de la fête, ou le matin à la fraîche par l’arrivée des toros, lancés dans les rues jusqu’aux arènes et encadrés par les gardians. C’est l’abrivado avec les jeunes gens, les « attrapaïres » qui essaient d’arrêter ou de faire fuir les taureaux dans les rues.
Après la course, le retour des toros aux prés toujours encadrés par les gardians s’appelle la bandido. Actuellement souvent les toros arrivent et repartent en camion.
Les festivités commencent par un tour d’honneur dans les arènes avec galoubets, tambourin, Arlésiennes. Maintenant trop souvent une musique enregistrée annonce le début des festivités.
Puis les hommes en blanc, les raseteurs entrent en piste à l’opposé de la tribune présidentielle, saluent la Présidence, les spectateurs (on parle d’assistance car le public est là pour vibrer ce sont les afeciounados !). « Messieurs les raseteurs, en place pour la capelado !". Ils traversent l’arène accompagnés par Bizet et Carmen. La capelado fait partie des rituels règlementés de 1933. La tenue blanche de haut en bas ne comprend pas de chapeau ou casquette mais on parle malgré tout de « capelado », chapeau bas pour le salut.
La vraie vedette peut apparaitre, le toro cocardier. Une minute pour qu’il observe son environnement. Sonnerie et la foule retient son souffle : les raseteurs se partagent la piste, les droitiers à gauche de l’animal, les gauchers à droite. Un premier raseteur, souvent un ancien confirmé, le tourneur, appelle le toro, devant lui, et un autre, crochet à la main, court dans un mouvement semi-circulaire pour avoir un bon angle pour essayer d’attraper la cocarde, puis les deux glands et la ficelle enroulée autour des cornes.. Si le taureau est particulièrement astucieux pour se défendre, il est salué par l’air d’ouverture de Carmen et les raseteurs toucheront des primes plus élevées s’ils réussissent. C’est l’occasion pour les sponsors, les commerçants de montrer leur générosité en offrant des petites sommes tout en se faisant un peu de pub.
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Un quart d’heure pour montrer ses prouesses. Les hommes en blanc engrangent des points qui les classent. Pour l’instant ils sont non professionnels ce qui pose un sérieux problème pour leur entrainement physique. Jusqu’à présent, la plupart étaient fonctionnaires dans la territoriale ce qui leur assure un métier et un salaire lorsqu’ils ne seront plus capables de raseter et le corps vieillit vite dans ce sport. Les raseteurs autrefois étaient souvent des ouvriers saisonniers de la société rurale, du Massif Central puis italiens, espagnols qui venaient travailler le sel ou les vignes. Ces dernières années avec la création des écoles taurines, les courses camarguaises ont souvent été facteur d’intégration de jeunes hommes d’origines diverses comme Sabri Allouani de l’école de Vendargues. Son palmarès est impressionnant : vainqueur du Trophée de l’Avenir en 1999, Trophée des As en 2000, il enchaîne avec la Cocarde d’Or, la Palme d’argent et d’or, le Trophée Pescalune….jusqu’en 2010 quand il fait ses adieux dans les arènes de Lunel. On n’oublie pas Bensalah après une belle carrière, président de l’association des Raseteurs et Tourneurs en 2014. Cocarde d’Or à Arles en 1998-99, Trophée ds As à Nîmes Arles en 1998-1999.
 
Mais sur les affiches les noms des raseteurs sont à peine mentionnés. Les vraies vedettes ce sont les taureaux.

         Nizam et Mathis 2009


On ne doit absolument pas confondre le taureau camarguais (malheur !!) avec le toro de combat espagnol, même si des élevages de ce dernier existent dans notre pays.  Le taureau de Camargue est vif, infatigable, élégant, un caractère bien trempé et des cornes en lyre. Le cocardier un peu cabot, malin. Capable de savoir se placer sur la piste, d’anticiper le mouvement des hommes. Intelligence qui lui a permis de faire face aux dangers de la Camargue et de devenir un stratège et la vedette des courses camarguaises, mâle comme femelle....
Au fil des siècles, le camarguais a su s’adapter au mistral glacial de l’hiver, à la cagna de l’été, au sel, au peu de nourriture, aux marais, aux colères du Rhône et du Vidourle. Il est à sa place ici, et sa race existe encore un peu grâce à ces jeux. Evidemment dans le respect de l’animal. Peut-être sa vie en Camargue a-t-elle développée des capacités que n’ont pas les autres bovidés. Il fait profit de son expérience dans l’arène et comprend très bien son succès lorsqu’il oblige les raseteurs à détaler vers les barrières et voltiger au-dessus du couloir. Certains « biou » rapportent largement à leur propriétaire qui les engage dans les courses. Les vachettes ou les jeunes taureaux participent plutôt (aussi contre "salaire") aux jeux plus légers, toros piscine, clownerie....
Les exploits des vedettes des arènes cocardières alimentent les conversations bien longtemps après. On se souvient de la vache cocardière Zerogosa qui coursait les hommes en blanc non pour les renverser ou les encorner mais pour les mordre ! Et Sanglier de la manade Granon qui remporta 60 courses. Animal de légende dont l’histoire se raconte encore aujourd’hui comme un conte de Noël aux petits enfants. Un autre jour nous raconterons dans ces pages Sanglier. Et des histoires de toros il y en a ! Frédéric Mistral nous en a chanté une :
Tombeau de Sanglier
« Ainsi dans un grand troupeau, si une génisse a succombé, autour du cadavre étendu pour toujours, neuf soirs consécutifs, taureaux et taures viennent, sombrent, pleurer la malheureuse... Et le marécage et l'onde et le vent de leurs douloureux mugissements retentissent neuf jours " Frédéric Mistral, Mirèio, cant XII
Le gardian de métier Jean Pierre Durieu nous raconte que lors de l’enterrement du cocardier Ourrias de la manade de Jean Lafont, les quatre-vingt vaches et le simbeù ont formé un long cortège silencieux pour accompagner le défunt mort de vieillesse. Le simbeù, celui qui guide le troupeau repérable à sa cloche, est resté de longues heures devant la tombe. Il a refusé de s’alimenter et trois mois plus tard il est parti pour les prairies éternelles.
Un autre simbeù Paco compagnon de Rami de la manade F Mailhan s’est laissé mourir après le décès du cocardier.
Les toros les meilleurs finissent leur vie au pré, et s’ils n’ont pas été castrés deviennent papas de nombreux petits toros et vachettes. Il parait que leur sperme se vend même en Argentine. On ne peut pas les laisser tranquilles !! Les bovins moins bien lotis finissent à l’abattoir. Une AOC existe maintenant et les manadiers ont beaucoup travaillé depuis le début du 20ème siècle pour retrouver la race camarguaise qui est la mieux adaptée à l’environnement des marais.  La tradition voulait que les cocardiers soient enterrés debout dans leur univers. Tradition qui n’est plus autorisée aujourd’hui.
Les abrivado ou bandido de village sont trop souvent maintenant des spectacles pour touristes qui ne tiennent pas compte de la personnalité et de la grandeur des taureaux. Motos pour les encadrer et les effrayer, sol glissant, camions laissés au soleil… Nos jeunes attrapaïres n’ont plus de racines familiales avec les manades camarguaises. Il en est de même pour les manadiers de l’arrière pays. D’où incidents, accidents, désaffection. Et leur corollaire, des règlementations justifiées. Si ces spectacles de villages devaient un jour disparaitre, il faut espérer que la course camarguaise et les hommes en blanc continueront à nous enthousiasmer avec la vedette le toro camarguais. Si les manades devaient disparaitre, que deviendraient la Camargue et les terres marécageuses alentour ? Nous n’avons pas l’âme ni l’énergie des moines et des hommes qui ont participé à la mise en valeur de ces terres au fil des temps anciens. Si le paludisme a reculé dans notre sud, c’est un peu grâce au taureau camarguais. Nous ne devons pas oublier ce que l’animal en général nous apporte dans notre environnement, et pas seulement du CO2 ce qui justifierait parait-il pour certains écologistes la diminution voir la suppression de nos élevages. Moutons, chèvres, bovins entretiennent nos herbages, nos paysages, ce que nous ne pourrions pas faire.

Autre question : pourquoi dans l’imaginaire des gens, le taureau de Camargue, garçon ou fille, est toujours pensé masculin, cabochard, toujours un sabot ou une corne prêts à en découdre, et la belle Saler, la Bleue de Lorraine …sont considérées comme féminin, quel que soit leur sexe  ? Où le sexisme va-t-il se nicher ?




St Andiol (13)







Bouvaou Manade Raynaud mas du grand Radeau
Les Saintes Maries de la Mer

Camargue secrète - Manade Laurent aux Marquises Salin de Giraud
Fanfonne Guillierme La Grande Dame de la Camargue 1974 - photo Robert Faure




Sources : Emblème de Isabel Marchand - Le taureau Camargue de J. Flandreysy et G. Bouzanquet - In Manades et taureaux –-Bouvine Manifestations Courses Hors Trophée – Actu – Lou Carmen internet – Union des Club Taurins Paul Ricard - Jacky Siméon Dictionnaire de la course camarguaise Vauvert édi Au Diable Vauvert 2013(ISBN978-2-846-26424) –Jacques Durand Office des Sports Hérault –Pays et Gens de France  Languedoc Larousse Reader’sDigest 1984 –photos J Verroust, M Viard – Robert Faure  La Grande Dame de la Camargue Fanfonne Guillierme édit Camariguo Nîmes 1987 + wikimedia - Alain Colombaud et Jacques Maigne Camargue vue du ciel édit Au Diable Vauvert 2013 - Région Languedoc-Roussillon -

mercredi 21 juin 2017

L'Amérique de 1923

L’Amérique de 1923


Edouard Herriot
BNF El-13 Gallica btv1b9024124v/fr- photo agence Meurisse -wikimedia.org


Nos plus jeunes lecteurs ne connaissent pas Edouard Herriot. Né en 1872 il décède en 1957 après une carrière politique bien remplie. Membre du Parti Radical, ministre de nombreux gouvernements, président de la Chambre des Députés sous la IIIème République, président de l’Assemblée Nationale sous la IVème république, trois fois président du Conseil des ministres et maire de Lyon de 1905 à 1940, puis de 1945 à 1957. En 1946 il est membre de l’Académie Française. Nous pouvons dire que faire de la politique était son métier.
En 1923 il entreprend un voyage d’étude aux USA et Canada. L'Europe sort de la guerre de 14-18. Il relate ses rencontres dans un petit livre « Impressions d’Amérique ». Etude rapide mais intéressante et qui traduit bien l’époque. Il va rencontrer gigantisme, technicité, abondance, réalisme… De quoi épater le Français qu’il est.
« The first, the biggest, the largest in the world » entend-il, ce qui nous rappelle quelqu’un d’actuel. Du fait de son étendue, c'est un pays aux contrastes du sol, du climat, de sa population. Waldo Franck dans son livre « Notre Amérique » nous dit « L’Amérique est un composé de lumières se jouant sur des milliers de plans. Son unité est dans l’œil du spectateur… »
La population des Etats-Unis est de composition hétéroclite. Sur 81 millions de « blancs » (on comptait ainsi à ce moment-là), 14 millions sont nés à l’étranger : un peu plus d’1 600 000 d’Allemands, autant d’Italiens, 1 400 000 de Russes, 1 139 000 de Polonais, des Canadiens, des Irlandais qui n’entrent pas dans les statistiques américaines (pourquoi ?), des Anglais, des Français en petit nombre, Suédois, Danois, Autrichiens, Mexicains…. Faculté d’intégration ? Pourtant Les Américains commencent à parler de » saturation d’étrangers » (The Indépendant du 17-3-1923).

C’est encore un pays très agricole, coton, laine, élevage, céréales, tabac, fruits, bois, pêcheries…..et bien sûr pétrole, charbon, l’industrie minière qui annoncent le 20ème siècle.
   UPS Battery Center
Edouard Herriot va visiter des usines, des abattoirs où le taylorisme est monnaie courante. Taylorisme ou la loi de la division du travail qui avait déjà été pensée à la fin du 18ème siècle par le physicien français Charles Augustin Coulomb qui chronométrait déjà le travail. (voir Adam Smith 1776 La Nature et les Causes de la Richesse des Nations).
Les abattoirs de Chicago les fameux Stock Yards ont impressionné et même stupéfié notre homme politique. Une ville spécialisée avec ses rues que parcourent les cavaliers, les éleveurs, le train qui pénètre partout dans les cours, entre les bâtiments, les sirènes, les cris des bêtes, l’odeur de sang… Six minutes après avoir été tué un porc est complètement préparé pour la chambre froide !! Le tueur d’un geste automatique sacrifie environ mille bêtes à l’heure. La carcasse défile devant chaque opérateur pour un acte, un geste précis. Les ouvriers doivent suivre sans perdre une seconde le travail du tapis roulant et des machines à découper. Charlie Chaplin n’a rien inventé dans son film « Les Temps Modernes ».
 Les usines automobiles Ford de Détroit, ce sont des bâtiments de quatre étages en façade sur l’avenue. 63 000 ouvriers de toutes les nations y travaillent. Chacun n’a à faire que quelques gestes, toujours les mêmes. C’est la machine qui commande. Manque de place, d’air, du bruit, l’éclairage qui laisse échapper des vapeurs de mercure. Toujours les trains garés entre les bâtiments dominés par des ponts roulants. 500 voitures par jour sont montées. Taylorisme et standardisation poussés à l’extrême.

General Motor Détroit –Greter West Bloomfield Historical Society-

La visite de magasins l’a plus emballé. Pourtant on y pratique aussi généralisation et simplification. Et toujours du gigantisme, de l’ampleur… Edouard Herriot se sent plus à l’aise avec ces grands magasins, cousins des nôtres, les « cathédrales du commerce » de Zola. Depuis le milieu du 19ème siècle, ils remplacent chez nous petit à petit les petites échoppes médiévales et les riches et élégants magasins de nouveautés du 18ème siècle ouverts dans les rues-galeries, les passages couverts de nos grandes villes. A Paris, Les Grands Magasins du Louvre d’Alfred Chauchard ouvrent en 1855, La Belle Jardinière en 1856, Le Printemps en 1865 etc.. Pas aussi gigantesques que ceux des Etats-Unis, mais avec des verrières, des mosaïques, des tapis roulants…
 Les magasins Wanamaker à Philadelphie dont le personnel avait participé à plusieurs unités de combat pendant la guerre de 1914. Visite avec fond musical (Gounod, Grieg et Marseillaise pour cette occasion). Les noms des soldats morts sont sur une plaque de cuivre entre deux rayons. Paternalisme et démesure.
1876 John Wanamarket- James D McCabe « The Illustrated History of the Centennial Exposition » Philadelphia





Chicago Marshall Field,-retrait des marchandises et livraisons
Marshall Field Chicago
Baltimore Coiffeur Los Angeles 1923
Looper2006 –iconeon blogspot.com







123RF.com stock photo-Pdx History wikipédia.

Les magasins de Chicago les Marshall Field and C°, les plus grands du Globe parait-il avec 14 000 employés pour la vente du détail et 4 000 pour la vente de gros. Une chambre frigorifique pour conserver les fourrures. Un petit hôpital, les soins gratuits pour les employés. 300 femmes comptables, 200 autres manœuvrent les machines à calculer. Pour les employés une bibliothèque, des pianos, un restaurant ouvert au public qui sert environ 8 000 personnes par jour. On y vend de tout : parfumerie, tapis, violons, pneumatiques, quincaillerie, fournitures de bureau….et des livres, même français Anatole France, Pierre Loti, Romain Rolland. Des objets de décoration. Tout cela dans une mécanisation rigoureuse, tapis roulants, livraisons taylorisées par quartiers et rues. On expédie autour de 98 000 paquets par jour. Un service solvabilité qui vérifie le crédit de 250 000 clients mis en fiche.

La publicité est partout dans les rues, un accablement d’enseignes qui défilent, qui s’éclipsent pour réapparaître. C’est la méthode de l’obsession. Les 20 étages du New York Times sont enveloppés de panneaux publicitaires qui se voient parait-il de la pleine mer.
Parallèlement à la montée en puissance de l’usage automobile les Etats-Unis essaient d’organiser la circulation : les routes, les rues sont considérées comme des outils qui permettent le travail. « Trois éléments font la grandeur d’une nation : un sol fertile, des usines actives, et de bonnes routes ». De 1892 à 1921, 51 millions de m2 de routes sont bétonnés. Recherche, expérimentation, laboratoires construits pour étudier ce problème, et à nouveau le taylorisme ….Dès la carrière d’extraction les matériaux sont testés, expérimentés..
Les tramways presque tous à traction électrique sont placés au centre des rues sur des plateformes spéciales qui permettent d'accroître la vitesse. Suppression des courbes, réduction des déclinaisons, aménagement des croisements et des carrefours, tout est fait pour faciliter le transport voyageurs et marchandises. On réglemente les dimensions et le poids des voitures, leur équipement, freins, éclairage… A New York des feux ouvrent et ferment la route (nos feux tricolores ?). En 1921 en Californie, on a une voiture pour cinq personnes. En vingt ans le nombre d’automobiles passe de 21 000 environ à plus de 10 500 000 dans l’ensemble du pays.
MarshallField 1896




L’Amérique qui fait rêver l’Europe. Mais c’est aussi l’Amérique de la prohibition, de la surveillance de l’immigration avec l'instauration des quotas en 1921, du racisme et bientôt de la crise de 1929. Edouard Herriot de sa rencontre avec des ouvriers et syndicats remporte une conviction  que nous devons faire nôtre et qui parait encore d’actualité : « toute organisation de la classe ouvrière si elle veut progresser, doit s’affranchir de la tutelle écrasante des partis ». 
 Le Syndicat ouvrier AFL a perdu 1,4 million adhérents sur les 5 millions de 1920.

En février la Cour Suprême décide que  la naturalisation peut être refusée à tout émigré sauf aux Russes blancs. L’Oklahoma interdit l’achat des livres évolutionnistes de Darwin. Edouard Herriot n'a pas eu connaissance semble-t-il du massacre de huit Noirs par trois cents Blancs à Rosewood en Floride en début d'année sans être inquiétés. En Oklahoma, en septembre devant les violences racistes du Ku Klux Klan, la loi martiale est décrétée. La fin de l'année va voir s'intensifier la guerre des gangs. 

C’est aussi l’Amérique des grands lacs, des forêts immenses et d’une soif de culture. L’université de Chicago est prospère. L’opéra de cette ville est célèbre pour ses concerts. Cette année 1923 Jacob Schick invente le rasoir électrique et a lieu le premier essai radiophonique BBC anglaise et Etats-Unis.

Bibliothèque New York Public Library-  Wikipédia

New York Public Library 







La New York Public Library, toute en marbre blanc, au cœur de la ville, symbole fort d'une volonté éducative. Elle fut créée par trois citoyens. En 1923 elle a essaimé en 45 succursales. Deux millions de livres à lire sur place ou à emprunter, ouverte tous les jours même le dimanche, du matin au soir, budget un dollar pour trois habitants. Douze salles dont la plus grande peut recevoir 700 lecteurs. 550 employés pour le bâtiment central et 1200 pour l’ensemble. Un musée y est accolé, peintures, reliures, gravures… Un coin pour les enfants, 13000 jeunes New Yorkais sont enregistrés.
Sur le fronton du bâtiment est inscrit : « La diffusion de l’éducation parmi le peuple peut seule garantir la préservation et la perpétuation de nos institutions ».
Des universités publiques où se côtoient les classes moyennes et les enfants de paysans, des artisans, de 17 à 75 ans, évidemment des élèves masculins. A Columbia 1500 professeurs et 30 000 étudiants. Des cités universitaires avec des chambres pour 20 dollars par mois, des livres d’étude vendus au prix d’achat. Y sont enseignés philosophie, sciences politiques ou économiques, chimie, droit, médecine, journalisme…

Et tout au long de la visite d’Herriot, l’influence française se manifeste. A l'université d'Harvard au coeur de Boston, un cours sur Guignol et le théâtre lyonnais. On y enseigne la culture générale mais aussi on y pratique des enseignements professionnels. Des bourses de voyage pour étudier les monuments classiques de France, d'Italie, d'Espagne.. La volonté d'apprendre apparaît immense.  Multiplicité, variété des cours. Livres, tableaux, architecture.

« Puissent être infructueux à jamais tous les efforts qu’on oserait tenter pour séparer la France de l’Amérique » avait écrit le Comte d’Estaing, commandant du premier groupe de navires envoyé par la France en 1778 en mémoire du chevalier de Saint-Sauveur aide-major de l’escadre française mort pour les Etats-Unis.




Marshall Field



Sources : Edouard Herriot « Impressions d’Amérique 1923 –édit Lyon M Audin et Cie-  Médiathèque municipale d’Uzès - wikipédia- artsweb – PDX History – 123RF.com stock photo – iconeon blogspot.com – wikimédia commons année 1923 - clioweb le blog 11-2016 -carnets de cmpagne l'Appel de CTHULMU internet-


Edouard Herriot a dit un jour : "La politique, c'est comme les andouillettes, il faut que ça sent un peu la merde". Du vécu ?


lundi 19 juin 2017

Pour sourire : Le Voyage de Noce de Bastidet

Musée de la Boulangerie Bonnieux
12 rue de la République 84480





Sources : Légendes, fantasmes et historiettes de l’Uzège et de la vallée de la Tave  Albert Ratz – J B Vazeille – Histoire et Civilisation de l’Uzège édition numérique – édition papier Lucie Edition 2008- photos musée de la Boulangerie Bonnieux - blog compagnons boulangers-




vendredi 16 juin 2017

Pour sourire : Le Moulin du Gavot








Sources : Légendes, fantasmes et historiettes de l’Uzège et de la vallée de la Tave  Albert Ratz – J B Vaizeille – Histoire et Civilisation de l’Uzège édition numérique – édition papier Lucie Edition 2008– - photos Histoire et Civilisations de l'Uzège- dessins Denis Chapon et Charlotte Pisaneschi











mercredi 14 juin 2017

Conte météorologique : Les Jours de la Veille et les jours de la Vachère






 Sources : Légendes, fantasmes et historiettes de l’Uzège et de la vallée de la Tave  Albert Ratz – J B Vazeille – Histoire et Civilisation de l’Uzège édition numérique – édition papier Lucie Edition 2008 -  dessins Denis Chapon et Charlotte Pisaneschi - coloriaae Hellokids coloriage-fr.hellokids





















dimanche 11 juin 2017

Fayotage à Sumer

Fayotage à Sumer




L’actuel sud de l’Irak a donné le jour à une civilisation qui avait inventé l’écriture, fondé les premières Cités-Etats, avait codifié ses lois…. Les sumériens écrivaient sur des tablettes pictographiques d’argile dont les plus anciennes ont été retrouvées dans les ruines de la cité d’Uruk. Les linguistes se sont attelés à les déchiffrer dès 1929. On s’aperçoit que l’invention de l’écriture engendre recherches du savoir et aussi besoin d’organiser ce savoir. Elle va changer le destin de l’humanité qui va pouvoir se raconter. Tous les peuples vont s’approprier ce mode de communication, pour une meilleure administration des états, mais aussi pour le plaisir de conter, de relater, de rendre compte, pour laisser un message aux autres...
En fait, les fouilles archéologiques en Mésopotamie débutent en décembre 1842, quelques années après la redécouverte de l’Egypte. Cette civilisation mésopotamienne située entre les deux grands fleuves le Tigre et l’Euphrate s’est étendue entre deux pôles, au sud Sumer puis Akkad, qui deviendra la Babylonie et au nord l’Assyrie. « Une épopée d’art, de culture, de fer, et de sang à laquelle notre humanité doit tout » nous disent les historiens Maxime Le Nagard et Thomas Arrighi.

L’historien Samuel Noah Kramer était un spécialiste du décryptage des tablettes sumériennes. Il décède en 1990 aux USA après une vie bien remplie. C’est encore aujourd’hui "Le" spécialiste assyriologue. Ses livres sont régulièrement réédités dont le fameux « L’Histoire commence à Sumer » (1993 édit Flammarion). Il nous y raconte la vie des écoliers 3700 ans avant notre ère, soit près de 6000 ans avant aujourd’hui. Probablement les premiers étudiants de l’humanité !

Tablette et écriture -photo istock-swisshippo


La Tour de Babel Pieter <Bruegel l'Ancien 1563
Musée d'histoire de l'Art Vienne Autriche



Les tablettes nous racontent combien les écoliers étaient désobéissants, ingrats, rebelles à l’autorité malgré la vigilance du surveillant. Ils n’aimaient pas l’école et faisaient l’école buissonnière. Les professeurs étaient sévères, on pratiquait les châtiments corporels désignés par deux signes d’écriture « baguette » et « chair ».
Un programme éducatif était mis en œuvre. On a retrouvé des listes de mots à apprendre par cœur. Un écolier raconte sa journée après que son professeur de la « Maison des Tabletttes » lui eut demandé : »Ecolier où es-tu allé depuis ta plus tendre enfance ? »
-« Je suis allé à l’école » répond d’enfant.
-« Et qu’as-tu fait à l’école ? » reprend l’enseignant.
Réponse de l’élève : « J’ai récité ma tablette, j’ai pris mon déjeuner, j’ai préparé ma nouvelle tablette, je l’ai remplie d’écriture, je l’ai terminée ; puis on m’a indiqué ma récitation, et dans l’après-midi on m’a indiqué mon exercice d’écriture. A la fin de la classe, je suis allé chez moi, je suis entré dans la maison, où j’ai trouvé mon père assis. J’ai parlé à mon père de mon exercice d’écriture, puis j’ai récité ma tablette, et mon père a été ravi…Quand je me suis éveillé tôt le matin, je me suis tourné vers ma mère et je lui ai dit : donne-moi mon déjeuner, je dois aller à l’école. Ma mère m’a donné deux petits pains et je suis allé à l’école.
Le surveillant m’a dit : pourquoi es-tu en retard ? Effrayé et le cœur battant, je suis allé au-devant de mon maître et je lui ai fait une respectueuse révérence. »
A ce moment-là l’enfant reçoit le fouet à plusieurs reprises. Ce qui ne lui plait pas, on le comprend bien. Aussi suggère-t-il à son père d’inviter son maître à la maison et de lui faire quelques cadeaux. C’est probablement le premier exemple de fayotage scolaire de toute l’histoire de l’école rapporté dans les archives.
Il semble que l’opération ait réussi. Le maître de conclure : « Jeune homme parce que vous n’avez pas dédaigné ma parole, ni ne l’avez mise au rebut, puissiez-vous atteindre le pinacle de l’art du scribe, être le guide, de vos amis le chef, puissiez-vous atteindre au plus haut rang parmi les écoliers…Vous avez bien rempli vos tâches scolaires et vous voici devenu un homme de savoir »…


Que va-t-il rester de toutes ces archives après ces années de guerre dans ces régions ? Aux vies détruites s’ajoutent le saccage des traces du passé. On oublie trop vite que le passé nous a construits et que ce que nous sommes aujourd’hui ne peut être compris que par l’étude d’hier. Nous aurons beau jouer du bulldozer, nous sommes l’héritage des temps anciens. L’Histoire est un train en marche et tous les wagons sont essentiels pour aller de l’avant.

Sources : La Mésopotamie le Berceau de l’Humanité –Dossiers La Marche de l’Histoire N°2 Hors-série – Véronique Grandpierre Histoire de la Mésopotamie édit Folio Histoire – Jean Bottéro  Mésopotamie éditFolio Histoire – Samuel Noah Kramer  L’Histoire commence à Sumer  édit Flammarion - Georges Roux La Mésopotamie édit Seuil -
 Photo Tour de Babylone  Pieter Bruegel l’Ancien1563 Musée de l’Histoire de l’Art Vienne Autriche  -wwwbaublatt.ch