dimanche 24 avril 2022

Droit de Vote et les Femmes

 

    


1914-1918-Bordeaux les femmes conductrices de tramway –agence Meurisse 1916 Gallica Bnf

Le Droit de Vote et les Femmes

Pendant la guerre de 1914-1918, les femmes ont fait plus que leur part : à l’usine, à la ferme, à la ville, remplaçant les hommes partis au front. Mais il faudra attendre le 21 avril 1944 pour qu’on leur reconnaisse le droit de voter et de se présenter aux élections.

Pourtant au cours du Moyen-Age jusqu’en 1498 ou 1593 les femmes ayant des biens pouvaient voter dans certaines élections de conseils communautaires ou à l’occasion d’états généraux. Il semble bien que les femmes votaient autant que les hommes à cette époque. Puis après le 16ème siècle, seules les femmes veuves chefs de famille pouvaient exercer l’activité professionnelle et les droits politiques de leurs défunts maris. A partir de 1789 et le discours de l’abbé Seynès, les femmes seront classées dans les catégories « enfants, étrangers, domestiques citoyens passifs » ne pouvant pas s’acquitter du cens électoral. Plus de droit de vote et d’éligibilité pour les femmes malgré les penseurs de la Révolution comme Condorcet.

La Femme, animal bizarre ?? En 1793 un député affirmait que les « femmes sont peu capables de conceptions hautes et de méditations sérieuses » . Et en 1795 elles ont même interdiction de se réunir dans la rue à plus de cinq.

Les Néo-zélandaises votaient depuis 1893, las Australiennes depuis 1902. Après la guerre de 14-18, d’autres pays emboitent le pas du droit de vote féminin : la Turquie, la Grande-Bretagne, le Brésil, l’Allemagne, les Etats-Unis, les pays-Bas….

Assez curieusement pendant l’occupation allemande en France dès 1941 quelques femmes seront nommées maires de petites villes, (pas élues, pas éligibles et sans droit de vote !!). Dans son projet de constitution du 30 janvier 1944 le maréchal Pétain indique dans son article 21 : « sont électeurs aux assemblées nationales les Français et Françaises nés de père français », les femmes n'étaient toujours pas éligibles. Le même article 21 instaure toutefois le vote familial « sur la base suivante : le père ou, éventuellement, la mère, chef de famille de trois enfants et plus, a droit à un double suffrage. » On est loin de l’égalité d’expression : le poids du vote des femmes et des hommes de familles nombreuses renforcé dans une politique nataliste.

Pendant toutes les crises, le rôle des femmes est essentiel. Il faut bien que le pays continue à produire, ne serait-ce que pour approvisionner nos soldats en vivres mais aussi en munitions… Le Petit Journal en 1916 rapporte les propos de la féministe Valentine Thomson : « On ne saura jamais le nom de toutes ces laborieuses qui, dans les ateliers et les bureaux, se sont bravement mises à la besogne, sans jamais rechercher les places en vedette. Mais on connaîtra leur œuvre, c'est-à-dire leur participation à l'émouvante reprise de la vitalité nationale. »

L’effondrement de l’économie européenne et donc française après 1920 va permettre de penser ou repenser à la place des femmes dans notre société. Le féminisme et les sens de l’Histoire pousseront dans le sens de l’égalité homme-femme au travail, en politique… Aux élections municipales de 1925 le parti communisme présentait des femmes en position éligible. Une dizaine seront élues avant que leur élection ne soit invalidée. En 1936 le journal L’Humanité rappelle : « la femme française doit voter !.... » Ramette député communiste dans un discours à l’Assemblée Nationale clarifie la position du parti :

“Notre parti veut que les femmes puissent voter, non seulement aux élections municipales, mais à toutes les consultations pour la formation des assemblées délibérantes. Et nous voulons qu'elles y soient éligibles.” »


Paris 1937 : manifestation pour le droit de vote des femmes françaises - source : Gallica-BnF

A la fin de la guerre de 39-40 le Comité Français de Libération Nationale présidé par Charles de Gaulle dans son plan d’organisation du pays et son article 17 donne enfin aux femmes le droit de voter et d’être éligibles aux élections.

On comprend très vite à la lecture des journaux que les choses sont en train de changer.

L’ordonnance du comité du 21 avril 1944 publiée à Alger est sans ambiguïté : « L'Assemblée nationale constituante sera élue au bulletin secret et à un seul degré par tous les Français et Françaises majeurs. » « Les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes. « 

Une première rédaction en mars 1944 n’indiquait pas l’éligibilité des femmes mais seulement le droit de vote. Certains craignaient que les épouses, le sexe dit faible ne soient influencés par les hommes de leur entourage et/ou par l’Eglise Catholique. C’était vite oublié que des femmes s’étaient engagées dans la Résistance, avaient fait tourner l’économie du pays pendant l’occupation allemande. C’est Fernand Grenier qui s’est battu pour que le droit de vote plein et entier soit adopté. Grenier, résistant, représentant du PCG et des FTP auprès du Général de gaulle à Londres deviendra commissaire à l’Air du gouvernement provisoire.

150 ans de luttes après la Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne d’Olympe de Gouges que nos révolutionnaires vont guillotiner en 1793 !! Elle déclarait : « La femme a le droit de monter à l’échafaud, elle doit avoir le droit de monter à la tribune. Elle nait libre et demeure égale en droits à l’homme ».

Mais une certaine frilosité de la part de nos Politiques : si c’est à Alger que la décision est prise, un million et demi d’Algériennes musulmanes ne pourront voter qu’en 1958 à la demande expresse du président du Conseil Charles de Gaulle.

Les premières élections auxquelles participent les femmes se déroulent le 29 avril 1945. Ce sont des élections municipales. De gauche comme de droite on se demande comment elles vont se débrouiller. Les caricaturistes s’en donnent à cœur-joie !! Mais le jour du scrutin, le journal de gauche L’Aube constate que les Françaises se sont déplacées en masse pour voter :

 « Dans toutes les sections, les Françaises sont venues, très nombreuses. La plupart ont voté, dès l’ouverture du scrutin avant de faire leurs courses et d’aller vaquer aux soins du ménage, d’autres sont allées l’après-midi dans les sections de vote, en compagnie de leur mari, et parfois même des enfants. […] Et les religieuses elles-mêmes, dont certaines n’avaient pas franchi les portes de leur monastère depuis leur prise de voile, ont tenu à venir déposer leur bulletin dans l’urne.

Les hommes, il faut bien le dire, s'amusaient à l’avance de l'attitude embarrassée des femmes au moment de voter. Eh bien ! Reconnaissons que nos compagnes ont su se tirer d’affaire fort convenablement. Et si quelques dames ont un peu hésité entre les listes et se sont embrouillées avec leurs bulletins dans le secret de l’isoloir, la grande majorité d’entre elles savaient fort bien ce qu’elles voulaient et l'ont prouvé. »

Aux élections municipales d'avril, elles ont obtenu plus de 5 des sièges. Il existe en France, à Échigey, dans la Côte-d'Or, par exemple, des municipalités entièrement féminines.

Dans la Seine, un certain nombre de femmes sont maires adjointes, et la séance de l'Assemblée Consultative a émis, tout récemment, le vœu que l'accès à la magistrature leur soit également ouvert. »

A Uzès Jeanne Palanque, est élue maire en 1945-47, à 77 ans. Femme de lettres et de l’éducation, directrice honoraire de l’Ecole de France, elle publiera des poèmes, des chansons, des prologues pour le théâtre….

Aux élections législatives d’octobre 1945, 33 femmes sont élues sur les 586 députés, c’est peu mais en 2012, c’est 155 femmes sur 577 députés élues. Le chemin continue. Avec les lois sur la parité en politique, un peu plus de 40% actuellement de femmes dans les conseils municipaux. Quelques maires féminins, mais les femmes élues restent souvent encore cantonnées en charge de l’éducation et le social.

Sources  et pour en savoir plus : www.charles-de-gaulle.org/lhomme/dossiers-thematiques/droit-de-vote-femmes/retronexs le 20/04/2018 par Michèle Pedinielli - modifié le 19/01/2022---www.midilibre.fr/2021/09/15/sur-les-traces-de-jeanne-palanque-elue-maire-duzes-a-77-ans-9790686.php#:~:text=L'une%20des%20premières%20femmes,une%20vingtaine%20ont%20été%20élue---wikipedia.org-- www.charles-de-gaulle.org/lhomme/dossiers-thematiques/droit-de-vote-femmes/Chronologie du droit de vote et d'éligibilité des femmes - Histoire

https://www2.assemblee-nationale.fr › histoire › chrono-- /www.journaldesfemmes.fr/societe/guide-pratique/2665825-droit-de-vote-des-femmes-en-france/ ---Délégation régionale aux droits de femmes et à l’égalité femmes-hommes en Bourgogne--

 

 

jeudi 14 avril 2022

Les Assemblées Constituantes

 


 

Les Assemblées Constituantes :

(ce qui suit ne va pas plaire à tous mes lecteurs, je m'en excuse, mais je vais prendre le droit de donner mon opinion)

En ce moment, ici et là, nous entendons proposer une « Assemblée Constituante », seul remède semble-t-il à la crise politique que nous traversons. Un peu moins depuis quelques temps.. Emplâtre sur jambe de bois ou réelle opportunité ?

A quoi ressemble une telle assemblée ? Il s’agit d’une assemblée de représentants du pays ayant pour mission de rédiger ou d’adopter une constitution ou des modifications de la constitution en vigueur. Un texte fondamental qui organise les pouvoirs publics. Il peut être entériné par le pouvoir en place ou par référendum. Les rédacteurs sont désignés expressément pour cette mission, députés, sénateurs, fonctionnaires, professeurs de droit constitutionnel, juristes divers…. Une nécessaire prudence et honnêteté demanderaient qu’ils soient de toutes les tendances politiques, car tout doit être envisagé, éviter de faire le lit de tel parti, de tel influenceur… (c’est probablement pour cela que le quinquennat est démocratiquement ingérable !). Il est bien évident que la tentation est grande pour le groupe politique en place ou celui qui souhaite y accéder, de se conforter, de s’installer grâce à un texte législatif taillé à sa mesure.

Cette assemblée peut s’être autoproclamée en cas de crise majeure comme une guerre civile, un coup d’Etat, une invasion. Mais la précédente constitution peut avoir prévu des cas de révision constitutionnelle.

Les précédents dans notre pays :

-1789-1791  L’Assemblée Nationale des Etats Généraux du 17 juin 1789 devient l’Assemblée Nationale Constituante le 9 juillet 1789. L’Assemblée Constituante en octobre 1789 issue de la révolte des délégués du Tiers Etat lors des Etats généraux, décide que le roi n’est plus « roi de France » mais « des Français ». Elle instaure la monarchie constitutionnelle le 3 septembre 1791.  La Constituante, celle de septembre 1791  limite le pouvoir royal et donne la première constitution au pays. 745 députés élus au suffrage censitaire indirect pour deux ans, le roi exerce le pouvoir exécutif (au Palais des Tuileries). Cette Constituante n'a pas protégé le pays des excès de la Terreur, ni du jacobinisme parisien dont on a encore du mal à se séparer .

-1848 : après la Révolution de 1848, le gouvernement provisoire décide le 23 avril de faire rédiger une nouvelle constitution par une assemblée constituante élue au suffrage universel masculin. Ce qui a permis à Louis Napoléon de s’engouffrer dans le pouvoir suprême et de nous pondre le Second Empire…On va ici éviter de parler de la constitution du 14 janvier 1852 modifiée le 7 novembre 1852 qui abroge la précédente après le coup d’état du 2 décembre 1851 plébiscité  les 21 et 22 décembre 1851, plébiscite qui montre combien le peuple s’est fait manipuler.

Le gouvernement de 1848 avait pourtant promulgué la loi sur les temps de travail : 10 heures par jour, 6 jours sur 7…. « un travail manuel trop prolongé non seulement ruine la santé du travailleur mais encore en l’empêchant de cultiver son intelligence porte atteinte à la dignité de l’homme ». On pouvait espérer des temps nouveaux.... L’échec de cette révolution sonne le glas de cette loi et on retourne aux journées de travail de 12 heures . Il faudra attendre le Front Populaire de 1936 pour reconnaitre le droit aux loisirs et à la culture pour le peuple !!!

- 1871-1875 :l’Assemblée Nationale élue le 8 février 1871 instaure la IIIème République le 30 janvier 1875 par l’amendement Wallon ; élection du Président de la République et trois lois constitutionnelles établissent le régime  républicain. Les lois sur l’éducation attendront 1881-1882. Les lois sur le temps de travail des femmes et des enfants arrivent en 1874 et 1892 au nom de « la protection de la race » et pour lutter contre la mortalité des plus jeunes. La journée de travail de 11 h est promulguée en 1900, 10 h en 1904, 8 h en 1919…. en « récompense du travail fourni par la population pendant la période de guerre ».

-1945-1946 : Le CFLN (Comité Français de la Libération Nationale), organe politique de la Résistance, devient gouvernement provisoire de la République.  Le référendum et l'élection du 21 octobre 1945 établissent l'Assemblée Nationale Constituante chargée de rédiger une nouvelle Constitution. Après le rejet d'un premier projet de Constitution lors du référendum le 5 mai 1946, une nouvelle Assemblée Constituante est élue le 2 juin. La constitution de la IVe République est définitivement adoptée par référendum le 13 octobre 1946. La IVè République ne sera pas un modèle de stabilité, dans une France déchirée par cinq ans de guerre, d’occupation, de restrictions alimentaires et un pays qui devait se préparer à la décolonisation, événements dont la Constituante n'avait pas tenu compte.

- 1958 : L'établissement de la Ve République ne s'est pas fait au moyen d'une assemblée constituante, mais d'une équipe conduite par Michel Debré chargée par le général de Gaulle de préparer un projet de constitution. Celui-ci fut approuvé par référendum le 28 septembre 1958.

Nous voyons qu’une assemblée constituante est vraiment nécessaire dans des cas très graves, une révolution, un changement de régime, une guerre…. Nous n’en sommes pas encore là. C’est une décision lourde qui demande l’adhésion d’une grande majorité du peuple, de la réflexion, moins d'ego de la part de la classe politique et le respect d'une opposition politique qui est toujours  riche d'enseignements (ne serait-ce pour nous obliger à un peu de recul par rapport à nos certitudes). 

Nous ne sommes pas à l’abri de manœuvres politiques de la part d’un parti ou d’un groupe de pression, d'une réaction émotionnelle face à une situation angoissante. En particulier le référendum sert le plus souvent à installer un parti politique à la tête du pays par un "vote de confiance", un blanc-seing accordé par le peuple à une classe politique à laquelle pourtant actuellement il ne croit plus trop. Ce qui est mépriser les fondements-même du référendum. On ne peut pas demander à monsieur tout-le-monde de se prononcer sur un texte ardu sans un minimum de formation constitutionnelle. On ne gère pas un pays à coup de «y-a-qu’a » !! Les discussions de comptoir, l’opinion publique ne proposent trop souvent que des solutions "magiques" aux problèmes d’un Etat… Méfions-nous des effets de manches, de ce qui nous parait une vérité par sa simplicité, sa commodité…. C’est la porte ouverte à des réponses à l’emporte-pièce. Méfions-nous de l’inculture ou des raccourcis historiques de certains : aux dernières élections un candidat écrivait que le Front populaire de 1936 était hitlérien !!! 

 Il ne s'agit pas ici de renier le vote par référendum, mais il nous est plus facile de répondre par ce mode d'expression à des questions plus terre-à-terre, un aménagement de quartier, de route, le restaurant scolaire, l'installation d'une usine, d'une antenne relais, .... des sujets auxquels nous avons des réponses qui viennent de notre expérience sur le terrain.

Une adoption par le Parlement risque de prendre du temps : à l’heure actuelle, aucun parti n’aura une majorité suffisante pour un passage en force et donc du temps perdu pour relancer la machine gouvernementale. Et puis en période de crise faut-il un passage en force ? Les précédents montrent un temps entre les prises de décisions, les votes, ce qui impliquent la création d’un gouvernement provisoire pour gérer les affaires courantes. Ce qui est toujours très dangereux, l'Histoire nous a appris que les dictatures s'installent souvent pendant ou après un gouvernement provisoire.

Une révision ou l’adoption de certains articles de la constitution comme le quinquennat, le climat, le renforcement des pouvoirs du Parlement (quand il n’est pas majoritairement à la botte du président de la République grâce au quinquennat…) par exemple serait plus judicieux me semble-t-il. Se souvenir qu’il n’y a pas de démocratie sans une opposition. 

Et la crise politique est probablement plutôt dans l’offre de la classe politique que dans nos institutions !! Quand on s’abstient de voter c’est que l’on n’a pas trouvé « chaussures à son pied » ou bien qu’on est persuadé que c’est plié d’avance….. Peut-être revoir la gestion des sondages et des « experts » qui ronronnent sur les plateaux-télé et qui sont persuadés d’avoir la réponse au vote bien avant l’élection !!!.

"Puisqu'il est difficile de distinguer les vrais prophètes des faux, méfions-nous de tous les prophètes ; il vaut mieux renoncer aux vérités révélées, même si elles nous transportent par leur simplicité et par leur éclat, même si nous les trouvons commodes parce qu'on les a gratis." Primo Levi



 



lundi 4 avril 2022

Les Vidourlades

 

1907-Sommières

Les Vidourlades

Régulièrement on nous parle des « épisodes cévenoles ». Les Romains, le roi Philippe le Bel, l’ingénieur Pitot et les Etats du Languedoc en 1754-56, et bien d’autres ont tenté par la construction de digues de faire front et de réduire sinon empêcher les destructions occasionnées par ces évènements.

Vidourlades du nom du fleuve côtier la ou le Vidourle, célèbre depuis la nuit des temps par ses crues dévastatrices. Il prend sa source au pied des Cévennes et va jusqu’à la mer Méditerranée ou plutôt jusqu’à l’étang du Ponant. Mais en fait tous nos cours d’eau du Gard et de l’Hérault sont capables de se transformer en quelques heures en un véritable torrent détruisant tout sur son passage. Dans notre village, l’Alzon emporta plusieurs fois ses ponts au milieu du 19ème siècle. Jusqu’il y a peu, ces épisodes se produisaient en automne.

Au contact des Cévennes, les températures baissent au début d’automne et les dépressions au-dessus de la mer méditerranée gagnent en altitude. L’air chaud et humide se refroidit alors en butant contre la montagne et en s’élevant naturellement. Au fur et à mesure de ce refroidissement et arrivé à un certain point de saturation, cet air se condense, forme de gros nuages qui éclatent en fortes précipitations. La montagne bloque ces cellules orageuses et la quantité d’eau déversée s’en accroit. Dernièrement, des journalistes ont qualifié d’ »épisodes cévenoles » des crues semblables dans le Var. C’est effectivement le même phénomène à quelques choses près.

Théoriquement les crues du Vidourle sont centenaires, une tous les cent ans. Mais depuis quelques temps, nous pouvons en subir plusieurs par an et même plusieurs fois au cours d’un siècle, tous les 2 ou 5 ans voire 10 ans… Réchauffement climatique ? De mémoire d’homme nous nous souvenons des crues de 1907, 1933, 1958, 2002. Nous nous souvenons de noyades, d’inondations d’habitations, de destruction de ponts, de digues, de routes. Photos et articles de journaux sont là pour nous les rappeler. Ces événements sont probablement accentués par notre mode de construction, routes, bétonnage, lotissements, manque d’entretien des digues….

Les vidourlades de 2002 seront sans commune mesure avec les précédentes : le  fleuve et ses affluents ont submergé les barrages ecrêteurs, Sommières avec plus de quatre mètres d’eau. Dans la basse vallée, les communes de Marsillargues, Aimargues, Lunel sont ravagées par un Vidourle qui affiche un débit de 2300m3 !

Un habitant raconte après la crue du 6 octobre 1812 à Sommières:

 « Aujourd'hui, 6 octobre 1812, à 4 heures du matin, une inondation de la rivière du Vidourle a jeté l'alarme dans cette ville. Les eaux n'ont cessé d'augmenter jusqu'à 6 heures du matin avec une rapidité si extraordinaire que, dans un instant, la consternation est devenue générale. Presque, toutes les maisons ont été inondées, les eaux sont entrées au premier étage de plus de cent d'entre elles. Plusieurs réverbères ont été submergés et ont éprouvé des dégâts. Des chevaux, des mules, des ânes ont été noyés ; presque toutes les murailles des enclos renversées ; une maison écroulée des charrettes, des voilures, des meubles, des marchandises ont été emportées. Presque tout le vin et beaucoup d'huile s'est perdu. Des moulins établis sur cette rivière ont été en partie renversés et entraînés.

 Plusieurs personnes qui s'y trouvaient n'ayant pu sortir, n'ont dû leur salut qu'à la dernière ressource qui leur restait de se placer sur le couvert, et ont été heureuses pour se mettre au seul endroit qui n'a pas été emporté. Les murailles de presque toutes les propriétés de la plaine ont été renversées, les terres emportées, les arbres de toute espèce et les ceps de vigne déracinés. Heureusement personne n'a péri. On pourra avoir une idée de ce désastre et de l'alarme des habitants, quand on saura qu'aucun être existant n'a vu les eaux du Vidourle s'élever à un aussi haut degré, puisqu'elles ont été jusque sur le Pont même de cette ville, où l'on avait été obligé de placer, malgré le mauvais temps, des mules et des chevaux pour n'avoir pu les faire retirer ailleurs. Les pertes et les dommages que les habitants ont éprouvés sont immenses. Enfin, il est 6 heures du soir et les eaux s'étant retirées ont laissé tout dans la plus grande confusion. »


2014

Le Courrier du Gard en date du 20 mars 1866 nous raconte un autre épisode de ces phénomènes métrologiques qui finit bien.

Monsieur E Guérin envoya son voiturier et son sous-maître de chai à Saint-Cériès pour soutirer du vin. La veille il avait beaucoup plu et on pouvait penser à juste titre que le gué du Vidourle n’était pas utilisable. Il recommanda à ses employés de faire un détour par le pont de Lunel. Mais ses employés pour aller plus vite ne tinrent pas compte de cette prudence. Ils prirent le chemin le plus court !. Arrivé au Vidourle le sous-maître de chai monta sur le cheval de tête et le voiturier sur le limonier pensant pouvoir conduire ainsi l’équipage vers l’autre rive. La rivière grossissait de plus en plus. En face le petit village de Villetelle sous les écluses du moulin de Carrière.

Mais à peine l’équipage dans l’eau, la charrette chargée de futailles vides est soulevée, entrainant le tout, chevaux, conducteurs, charrette… La mort n’était pas loin et les deux hommes crièrent au secours. Le meunier, la population du village assistaient à la tragédie sans savoir quoi faire. Le dépoteur monté sur le cheval de tête est renversé par son animal lorsque celui-ci n’a plus pied et se met à nager. Après plusieurs essais pour remonter sur la bête, le dépoteur est rejeté au milieu de la Vidourle et il gagne enfin la rive à la nage. Mais pour le voiturier les choses sont plus compliquées. Il ne sait pas nager. Malgré les efforts des trois chevaux, la charrette est poussée par le courant contre la rive droite là où la profondeur est effrayante. Elle est entrainée de plus en plus vite. Mais elle passe sous de grands arbres, le voiturier attrape une branche, s’y cramponne et peut ainsi regagner la rive. La charrette et les trois chevaux continuent, moitié nageant, moitié portés par le courant. Un bon kilomètre avait été parcouru depuis leur point de départ et il était à craindre qu’ils allaient s’écraser contre les écluses de Liquis. Le sous-maître de chai s’avisa d’appeler les chevaux ; il avait été naguère voiturier et maître d’un des chevaux. Le cheval de devant, tourna la tête et nagea droit sur son ancien maître, malgré la force du courant, entrainant les deux autres chevaux et la charrette. Les habitants de Villetelle aidèrent à l’abordage.

Une grosse peur !!

On peut assister plus sereinement chaque année à « la Gaze des chevaux » dans pratiquement tous les villages traversés par le Vidourle jusqu’ç Aigues-Mortes : des manades de chevaux et de taureaux traversent le fleuve à gué ou à peu de profondeur en une fête et concours.

(NB un dépoteur est celui qui vide un réservoir ou transvase un liquide, ici le vin).

Sources et pour en savoir plus : www.vidourle.org/vidourle/fleuve-mediterraneen/-- mairie Sommières--- www.objectifgard.com/2014/09/18/sommieres-inondations-un-episode-moins-intense-quen-2002-assure-le-maire-guy-marotte/EPTB Vidourle (établissement public territorial du bassin)—wikipedia.org---  Le Vidourle et ses Vidourlades, premiere partie (nemausensis.com) Ivan Gaussen, 1936—gallicaBNF-- Objectif Gard photo Coralie Mollaret 2014---