jeudi 24 septembre 2020

Funeste présage : la tête de Louis XVI


Funeste Présage :




Une anecdote qui interroge : le 21 janvier 1784, la tête d’un colosse de neige roule sur le pavé de Paris, neuf ans jour pour jour avant la décapitation du roi Louis XVI !!

En 1862, « le Messager » dans sa Collection de Précis Historiques nous raconte cet épisode, tiré des papiers et notes inédits de monsieur de Malesherbes ancien ministre du roi.
 L’hiver 1783-84 était rude, comme jamais. Les pauvres mouraient de froid dans leurs masures. Les riches brûlaient leurs meubles pour se chauffer. Les rues étaient vides, les églises, les ateliers, les lieux publics étaient fermés. La cassette du roi était épuisée et la charité était sans espoir.

Chaque matin, le lieutenant général de police Lenoir rendait compte au roi. Louis XVI décida de remettre à l’ordre du jour les ordonnances du Grand Bureau des Pauvres : celui-ci par ces textes avait le droit de lever chaque année à Parsi « une taxe sur les princes, seigneurs, bourgeois, artisan et autres habitants de quelque qualité qu’ils soient : gens d’église, communautés, ecclésiastiques et laïques, exemptés les pauvres… ».

Affichage de cette décision sous les acclamations du peuple et quelques jours après l’argent et la confiance revinrent. Le froid se calma et le peuple témoigna sa joie en élevant avec de la neige une statue du roi immense, vis-à-vis de la statue d’Henri IV sur le pont Neuf. Elle dépassait le second étage des maisons, nous dit la chronique. La ressemblance avec le roi était parfaite. Sur la tête une couronne de fleurs artificielles avait été posée. La modiste de la reine Mlle Bertin avait participé. Le piédestal de la statue était gravé de cette inscription : »notre amour pour lui nous réchauffe » …
(Le Pont Neuf) 
Cette statue devint l’attraction du Tout Paris. Les Elégantes et les hommes les plus distingués venaient s’y promener, se mêler au populaire. On s’y donnait rendez-vous. Mais le dégel arriva et un matin le 21 janvier 1784 la tête du colosse se détacha et roula sur le pavé !

Monsieur de Malesherbes ce matin-là traversait de bonne heure la place Dauphine pour aller visiter les prisonniers du Châtelet. Il vit la chute de la tête et un homme porteur d’eau, ramasser la couronne de fleurs qui était montée sur un cerceau de jonc, et s’en servir pour porter ses seaux. Monsieur de Malesherbes, frappé par ce spectacle, le consigna dans ses notes. Présentait-il un sombre avenir ?

 


/www.france-pittoresque.com/spip.php?article12965
---Exécution de Louis XVI gravure allemande 1793-Georg Heinrich Sievekinghttp://www.uncp.edu/home/rwb/louis16_execution.jpg

lundi 14 septembre 2020

Les Quatre Henri : un destin tout tracé ?

Les Quatre Henri : un destin tout tracé ?

Nous avons commémoré la Saint Barthélémy et ses morts au mois d'août.(voir sur ce blog le 20/08/2017 La nuit de la Trahison). Ce qui suit est une fable, un conte, raconté le soir entre voisins tout en préparant les châtaignes.  

 Nous sommes dans la funeste période des guerres de religion qui ont ensanglanté notre pays de 1562 à 1629. Les rois François 1er et son fils Henri II étaient morts. Catherine de Médicis l’épouse de ce dernier était régente du royaume pour épauler tour à tour ses fils rois, François, Charles. C’est la période où les grandes familles du royaume rêvent de prendre le pouvoir grâce à leurs rejetons. L’expression religieuse est plus l’expression d’un parti politique ou plutôt d’un clan familial.

Un livre imprimé à La Haye au titre évocateur « Le Doigt de Dieu »  évoque  cette histoire sous forme de la "Fable des Quatre Henri", morts tous de façon tragique en cette période. Il est vrai qu’il était rare en ce temps-là pour un homme politique de mourir dans son lit.
Deux, Henri de Bourbon-Condé, et Henri de Guise et les deux autres Henri de Valois futur Henri III, et Henri de Bourbon-Navarre, futur Henri IV.

Voici la fable, une fable qui raconte à sa façon les événements de cette période :

Un soir de tempête dans la forêt de Saint-Germain, dans une pauvre cabane, une vieille femme, peut-être un peu sorcière, ouvrit sa porte à un cavalier qui lui demanda l’hospitalité. Le cheval trouva une place dans la grange et le gentilhomme entra dans la cabane. La vieille femme activa le feu qui mit un peu plus de clarté dans la petite pièce. C’était un jeune homme, 16 ans tout au plus, avec un habit trempé mais qui montrait une certaine qualité. Elle lui proposa à manger un petit quelque chose, un bout de fromage, un morceau de pain noir, c’était toute la provision de la vieille femme.

HenriIer de Bourbon, prince de Condé,
mort empoisonné par son épouse Charlotte qui avait eu des « amabilités avec un page »-
Crayon de l'école de Clouet représentant Henri d Bourbon, prince de Condé (1552–1588)-anonyme- Joconde database: entry 50520001102 wikimedia )

- Je n’ai rien de plus, dit-elle au jeune gentilhomme ; voilà tout ce que me laissent à offrir aux pauvres voyageurs, la dîme, la taille, les aides, la gabelle, le souquet, l’arrière-souquet : sans compter que les manants d’alentour me disent sorcière et vouée au diable, pour me voler, en sûreté de conscience, les produits de mon pauvre champ…
-     ---  Pardieu, dit le gentilhomme, si je devenais jamais roi de France, je supprimerais les impôts et ferais instruire le peuple. C’était Henri de Bourbon-Condé….
-          -- Dieu vous entende ! répondit la vieille.
Comme il allait s’approcher de la table pour manger, on toqua à la porte. Un autre cavalier trempé de pluie demanda l’hospitalité. Encore un jeune gentilhomme.
- C’est vous, Henri ? dit l’un.
-         -- Oui, Henri, dit l’autre. C’était Henri de Guise.
Tous les deux faisaient partie de la chasse royale de Charles IX, dispersée par l’orage.
  (Henri de Guise –Musée Carnavalet)
Le nouveau venu demandé à la vieille femme de quoi manger ; mais comme elle n’avait rien, il proposa de partager le maigre repas. Le premier Henri fit bien grise mine, mais devant l’œil résolu et la prestance du second Henri, il accepta le partage. Il pensait « partageons de peur qu’il ne prenne tout !! ».
Mais un troisième coup à la porte interrompait son geste de couper le pain en deux. Un troisième gentilhomme, encore un Henri, se tenait dans l’encadrement de la porte. Le premier Henri voulut cacher fromage et pain, mais le second l’en empêcha en posant son épée sur la table.  Le troisième Henri comprit que les deux autres n’étaient pas partageux.
— Vous ne voulez donc rien me donner de votre souper ? dit-il ; je puis attendre, j’ai l’estomac bon.
— Le souper, dit le premier Henri, appartient de droit, au premier occupant.
— Le souper, dit le second, appartient à qui sait mieux le défendre.


Le troisième Henri devint rouge de colère, et dit fièrement :
— Peut-être appartient-il à celui qui sait mieux le conquérir. C’était Henri de Navarre.
Le premier Henri tira sa dague, les deux autres leurs épées. Ils allaient en découdre dans la petite maison. Mais un quatrième coup est frappé à la porte et un autre jeune homme, le dernier Henri entra. C’était Henri de Valois, le futur Henri III. Voyant les épées nues, il tira la sienne et attaqua.

(Henri de Valois - Jean Decourt, Paris, BnF, département des estampes, après 1578.)
Leur hôte est épouvantée, le combat fracasse tout ce qui est à portée des épées et des sauts d’esquive des combattants. La lampe s’éteint et chacun frappe dans l’ombre au jugé. Puis c’est le silence. Alors la vieille sort de son trou et rallume la lampe, les quatre sont parterre, chacun avec une blessure. Légère la blessure physique mais plus grande la blessure de honte de ce qu’ils venaient de faire.
Finalement le rire de la jeunesse l’emporte et ils décident de souper « de bon accord et sans rancune »…Mais le souper était par terre, souillé de sang. La cabane était dévastée. La vieille femme fixait de ses yeux fauves les quatre jeunes gens.
-         -- Pourquoi nous regardes-tu ainsi ? demanda l’un des Henri.
-        -- Je vois vos destinées écrites sur vos fronts.
Cela les fit rire, un peu jaune, on était superstitieux en ce temps-là.

-         --- « Comme vous êtes réunis tous quatre dans celle cabane, vous serez réunis tous quatre dans une même destinée. Comme vous avez foulé aux pieds et souillé de sang le pain que l’hospitalité vous a offert, vous foulerez aux pieds et souillerez de sang la puissance que vous pouviez partager ; comme vous avez dévasté et appauvri cette chaumière, vous dévasterez et appauvrirez la France ; comme vous avez été blessés tous quatre dans l’ombre, vous périrez tous quatre par trahison et de mort violente. »

Les quatre gentilshommes s’amusèrent de cette prédiction. Pourtant,
Henri de Condé sera empoisonné à Saint-Jean d’Angély par sa femme ; Henri de Guise, assassiné à Blois par les Quarante-cinq ; Henri de Valois (Henri III), assassiné par Jacques Clément à Saint-Cloud ; Henri de Bourbon (Henri IV), assassiné à Paris par Ravaillac.




(assassinat d’Henri IV –détail d'une peinture de Charles-Gustave de Housez 1860)

Quand on veut prendre le pouvoir dans un pays ou dans sa maison, il faut éviter de se croire le plus fort, le plus intelligent, il faut se méfier de ses certitudes !! Cette fable est valable de tout temps….
Sources : Revue des Feuilletons 1844 –France pittoresque jeudi 7 avril 2016—wikipedia.org


 
 

vendredi 4 septembre 2020

Louis VIII mort pour avoir refuser d'être infidèle


Louis VIII, mort pour avoir refusé de coucher avec une vierge
Il y a quelques temps j’avais vu un article racontant qu’en Afrique du Sud, des hommes enlevaient et violaient des fillettes, leur virginité devant les guérir de leur sida. Nous avons eu aussi de ces idées baroques comme ce qui suit va le démontrer. Nous sommes vraiment des animaux sans beaucoup de jugeote !!
Cette histoire concerne le roi Louis VIII le Lion. Il n’a pas  régné longtemps de 1223 à 1226. Il s’inscrit dans une lignée royale active : son grand-père Louis VII 43 ans de règne, son père Philippe Auguste, 43 ans de règne, et son fils Louis IX ou Saint Louis, 43 ans de règne aussi.
Louis VIII le Lion (1223-1226). Gravure de Jacques-Étienne Pannier publiée dans GaleriesHistoriques de Versailles (1845) et réalisée d’après une peinture de Henri Lehmann (1837)
Il devient « Cœur de Lion » puis Le Lion en remportant sur Jean sans Terre roi d’Angleterre la victoire de La Roche-aux-Moines en 1214 sous le règne de son père. Les barons anglais lui proposent la couronne d’Angleterre, son épouse Blanche de Castille étant la petite-fille du roi anglais Henri II. Louis est proclamé roi le 2 juin 1216 à Londres. Il ne peut être couronné, aucun archevêque n’est disponible pour effectuer l’onction (ou n’a envie de se mouiller !). Il prend possession du Sud de la belle Albion, mais Jean sans Terre meurt et les barons anglais retournent leurs vestes et se prononcent en faveur d’Henri III fils du roi défunt. Louis reprend la guerre mais est battu et doit renoncer à ses prétentions anglaises en 1217…
Sacré roi de France en 1223, Louis VIII profite de la minorité du roi anglais Henri III et sous prétexte que l’Angleterre n’a pas exécuté toutes les conditions du traité de 1217 pour s’emparer des dernières possessions anglaises sur le territoire français. Une campagne rapide et la majorité des terres de l’Aquitaine, les villes du Poitou, de la Saintonge, du Périgord, de l’Angoumois et une partie du Bordelais tombent dans son escarcelle. Bordeaux, la Gascogne et les îles anglo-normandes échappèrent à la mainmise française.
Mais nous allons surtout nous souvenir de lui dans sa gestion de la croisade contre les Albigeois et le siège d’Avignon.
Instrument de la papauté, qui voulait à tout prix réduire les états indépendants du midi, les comtés de Toulouse, de Foix, de Béziers, centres de l'hérésie nouvelle ? Ou bien voyant plus loin, Louis VIII combattait pour l'accroissement de la domination royale. 1218, Simon de Montfort est tué au siège de Toulouse, portant un rude coup à l’avancée de la croisade contre les hérétiques. Louis Le Lion pas encore roi se lance dans la reconquête, prend Mirmande mais échoue à Toulouse. Il repart dans le Nord et le fils de Simon, Amaury de Montfort se retrouve seul avec des effectifs de soldats réduits. En 1224, il ne lui reste que Carcassonne et il conclut une trêve avec Raymond VII de Toulouse. Il cède au roi Louis VIII tous ses droits sur le Languedoc. C’est alors que le roi avec la bénédiction du pape Honorius III repart en croisade en Occitanie en janvier 1226. La famille des Toulouse est partagée, le jeune Raimond Berenger comte de Provence soutient l’ost royal ce qui facilite l’intervention.
Grandes Chroniques de France, enluminées par Jean Fouquet, Tours, vers 1455-1460
1.   Siège d'Avignon en 1226 (sur la gauche)
2.   Mort de Louis VIII le Lion
3.   Couronnement de Louis IX (sur la droite)
Sa campagne dans le Languedoc, dès le  siège d'Avignon, prépare la réunion définitive des provinces méridionales de l'ancienne Gaule à la couronne de France.
Lorsque l’avant-garde de l’armée arrive devant Avignon, les portes sont closes, les remparts rendaient la cité imprenable. Un pont de bois devait permettre à l’armée de traverser le Rhône en dehors de la ville pour rejoindre l’Occitanie. Mais le 10 juin le roi arrive à son tour et décide d’assiéger la cité, pourtant impériale. Mais le roi fait savoir à l’Empereur Frédéric II qu’il s’agit de châtier les hérétiques de la ville.
Les Avignonais guidés par leurs consuls comme Guillaume Raymond et Raymond Riali, défendent leur ville vaillamment, repoussant les assauts des croisés. Ils sont encouragés par le troubadour Bertrand d’Avignon. A l’extérieur de la cité Raymond VII de Toulouse attaque les convois de ravitaillement en vivres et en fourrage. La dysenterie vient aider les assiégés en frappant les soldats. Le moral n’est pas bon chez les croisés, et certains grands seigneurs souhaitent quitter le siège. Ils ont rempli leurs obligations militaires vis-à-vis du roi et repartent sur leurs terres comme le comte Thibaud IV de Champagne.
Un nouvel assaut le 8 août repoussé. Mais le siège est prolongé et le blocus renforcé. Les vivres commencent à manquer dans la ville et les consuls négocient la reddition de la ville. Le 12 septembre le roi entre dans la ville.
De justesse, car le 17 des inondations comme Avignon en connaissait à l’époque avec le Rhône et tous les cours d’eau gonflés, noyant tout sur leurs passages. A huit jours près, les assaillants auraient été noyés et la ville sauvée !!
La reddition de la ville change le visage de la région : Beaucaire est cédée au royaume, le bourg de Villeneuve-lès-Avignon est construit sur la rive droite en face d’Avignon avec garnison de soldats, œil de la royauté sur l’autre rive ; Avignon doit abattre ses remparts, payer 6000 marcs d’argent au roi et 1000 à l’Eglise.
Le roi et son armée reprennent la route et de nombreuses villes se soumettent sans combat, de même que plusieurs seigneurs alliés du comte de Toulouse.
Le roi tombe malade de la dysenterie à Montpensier et y rend l’âme le 8 novembre 1226. Dans son entourage on pense à un empoisonnement. Ou plus vraisemblablement à une trop grande fidélité à son épouse. A cette époque et encore pendant longtemps, les nombreuses maitresses royales et une activité sexuelle déchainée sont considérées comme le gage d’une bonne santé d'un monarque. Les longs mois d’abstinence de Louis XVIII pendant le siège d’Avignon auraient déréglés la santé royale !!
La  chronique raconte que ses proches lui auraient suggéré un remède efficace : déflorer une jeune vierge !! Et auraient même glissé une jeune femme dans le lit royal. Louis VIII avait rejeté cette idée, par piété et par fidélité à son épouse Blanche de Castille. Le pêché d’adultère conduisait directement en Enfer…
On aurait préféré qu’il refuse par humanité ; imaginons cette jeune femme dans les bras d’un homme se vidant, agonisant, odoriférant, même roi !!!


La mort de Louis VIII par François Boucher (1703-1770).

Sources ou pour en savoir plus : www.herodote.net/14_juillet_1223-evenement-12230714.php
--www.avignon-et-provence.com › monuments › rempar...
--wikipedia.org--www.vallee-du-ciron.com/Documents/Ouvrages/Michelant/1226.Avignon.htm
-- Edouard Baratier(sous la direction de) - Histoire de la Provence, page 155.-- Georges Bordonove La Tragédie cathare, Paris, Pygmalion – Gérard Watelet, coll. « Les Grandes Heures de l’Histoire de France », 1991, 462 p. (ISBN 2-85704-359-7), p. 364-369.--