mardi 26 septembre 2017

L'Olivier arbre sacré




L’arbre sacré, l’olivier

"Qui laboure ses oliviers les prie de donner du fruit, qui les fume le demande, qui les taille, l’exige".

A Vallabrix, ces dernières années, beaucoup d’oliviers ont été plantés ou replantés. D’une mise en production lente, ils assureront une rente aux retraités, une occupation, et parfois l'occasion de rencontrer des gens. C’est une activité qui demande beaucoup de travail, mais l’huile d’olive se vend bien, et notre climat, nos garrigues s’y prêtent. Nos amis du Nord sont intrigués par cet arbre. Lorsque le suisse Félix Platter passe chez nous en  1552,  il voit pour la première fois des oliviers et en goutte les fruits qu’il trouve mauvais et amers.  Combien de nos visiteurs ont fait la même chose !!
Depuis les débuts de l’humanité, aussi loin que remontent nos connaissances, les Hommes ont associé l’olivier à leurs traditions et à leurs rites religieux. La Bible fait remonter la culture de l’olivier au Déluge : « Noé lâcha d’auprès de lui la colombe pour voir si les eaux avaient diminué à la surface du sol.. La colombe revint vers lui le soir et voici qu’elle avait dans le bec un rameau d’olivier »(Genèse). Le Coran nous montre une huile d’olive « si limpide qu’elle éclairerait, même si nul feu ne la touchait » (sourate XXII-35). Allah oppose la lumière aux ténèbres de l’incrédulité : « Dieu est la lumière des cieux et de la terre ! Sa lumière est comparable à une niche où se trouve une lampe. La lampe est dans un verre ; le verre est semblable à une étoile brillante. Cette lampe est allumée à un arbre béni : l’olivier qui ne provient ni de l’Orient ni de l’Occident et dont l’huile est près d’éclairer sans que le feu la touche. Lumière sur lumière ! » . Pour les musulmans, l’olivier est l’axe du monde, et associé au figuier il est l’arbre sacré du paradis.
Jacob enduisit d’huile d’olive la pierre de Bethel après sa vision de l’échelle céleste (Genèse ch28-18) . Le peuple d’Israël est souvent comparé à « un olivier verdoyant remarquable par la beauté de son fruit », planté par Dieu (Jérémie ch 11v16) « il poussera des racines, ses rameaux s’étendront et il aura la magnificence de l’olivier (Osée ch 14v16)….

Les fossiles et  les pollens nous montrent un olivier sauvage épineux aux petits fruits peu riches en huile et cela dès la préhistoire. L’olivier cultivé est probablement né en Syrie, Palestine, dans le Croissant Fertile dès 3000 ans avant notre ère. Peut-être bien avant, les historiens ne sont pas d’accord sur ce point. Puis en Grèce, Egypte, Crète…colonisant tout le bassin méditerranéen.
Le roi David en Israël a une garde spécialement affectée à la surveillance des plantations d’oliviers et des magasins d’huile. Les Grecs appellent l’huile d’olive « l’or liquide ». Les olives procurent un complément végétal alimentaire aux multiples bienfaits et l’huile une matière grasse essentielle dans l’Antiquité méditerranéenne. Très rapidement, l’exportation d’huile apporte richesse. Commerce qui exporte aussi des hommes, leurs cultures, leurs savoir-faire : des comptoirs (et une colonisation) s’installent sur le pourtour méditerranéen, Crétois, Phéniciens, Grecs, puis Romains. On parle de la civilisation de l’olivier. Les Phocéens plantèrent les premiers oliviers sur notre sol à Marseille vers 600 ans avant notre ère, avec un essor plutôt vers le IVème siècle avant notre ère.
Toutes les civilisations méditerranéennes « récupèrent » l’olivier et sa symbolique. Isis déesse égyptienne enseigne à son peuple la culture de l’olivier. Athéna en Grèce greffe le premier olivier et les Athéniens lui consacrèrent la cité. Chez les Romains, Minerve associée à l’olivier fait naitre Romulus et Rémus. Hercule se servait du bois d’olivier pour faire ses massues et le pieu qu’il utilise contre le Cyclope est fait dans ce bois si l’on en croit Homère. Pénélope fidèle pendant 20 ans à son époux Ulysse dormait dans un lit en bois d’olivier protecteur, symbole ici de fidélité, de constance. Platon enseignait la philosophie sous l’ombre d’un olivier 400 ans avant notre ère, arbre de la sagesse.… Même les Wisigoths en font un arbre sacré : le roi Wamba plante son bâton dans le sol et fait naître un olivier qui le fait roi. Et mille autres exemples des liens symboliques ou sacrés de l’homme et de l’olivier.

L’huile d’olive est la seule huile admise dans les rites religieux, la médecine et l’éclairage, et en cuisine pendant le Carême des chrétiens. Elle préservait la beauté immortelle des héros et des dieux de l’Odyssée, purificatrice, elle brûlait dans les temples. Dans la religion catholique ou judaïque elle est source de lumière guidant les hommes. Chez les Hébreux elle donnait puissance et autorité aux grands prêtres, aux juges et aux rois. Baptêmes, sacres des rois, ordination des prêtres, extrême onction des mourants….toujours l’huile d’olive. Le prophète Mahomet recommande : « Consommez de l’huile d’olive et frottez-vous en le visage, car elle provient d’un arbre béni »

Dans notre Sud on propose aux victimes d’époux ou épouse acariâtre de mettre quelques feuilles d’olivier sous le matelas à hauteur de tête. Douceur et amabilité, bonheur conjugal en découleront. Le drapeau de l’ONU entoure la terre d’une couronne de rameaux d’olivier, emblème de la paix !
Ses feuilles servaient de médicament contre les fièvres, les migraines ou les verrues. Elles rendaient les femmes plus fécondes. En Chine elles protégeaient du poison. En Espagne les branches d’olivier suspendues au-dessus des portes d’entrée protègent des mauvais sorts, des maladies.
Pour nos membres de l’Académie Française, sagesse et immortalité grâce à l’habit vert et les broderies qui le décorent et qui sont des branches d’olivier.
Chez les francs-maçons, l’olivier est l’axe cosmique qui relie la terre au ciel. Il amène une réflexion sur le temps, sur sa force de vie : il renait de ses cendres, il se reproduit par semis de noyaux, par greffage, boutures, ce qui en fait relativement facilement un arbre centenaire, voir millénaire. Seuls les hivers très froids comme en 1956 peuvent en avoir raison. Cet arbre qui n'est pas rebuté par les rigueurs du climat donne à l’homme une leçon d’exigence et de vie : « Comme nous, il répugne à la facilité, dit l’écrivain  algérien Mouloud Mammeri  Contre toute logique, c’est en hiver qu’il porte ses fruits, quand la froidure condamne à mort tous les autres arbres». La lumière et la chaleur de son huile permettent de communiquer entre les hommes.
Phénomène culturel l’olivier est selon les événements ou le moment, symbole de paix, de sagesse, de fécondité, de longévité mais aussi de victoire, de richesse. Gloire aux athlètes vainqueurs, renommée éternelle à ceux qui recevaient la couronne d’olivier.
Déjà dans l’Antiquité, les parents donnaient le prénom d’Olivier ou Olivia à leur bébé pour lui transmettre la force de l’arbre et pour le mettre dans la main d’un dieu ou d’une déesse. Dans la Chanson de Roland, Olivier incarne un preux  et courageux chevalier de Charlemagne.

On le trouve maintenant aussi bien en Espagne, Italie, Afrique du Nord et Proche-Orient, mais aussi en Californie, Australie, Amérique du Sud, et même au Japon pour quelques spécimens. Dans ce dernier pays c’est l’arbre de l’amabilité et de la victoire morale, il représente la réussite et le succès dans les entreprises qu’elles soient civiles ou guerrière.  Culture intensive en Espagne, en Algérie, au Maroc….


La cueillette des olives va commencer d’ici deux mois (si le temps actuellement très bizarre ne nous propose pas une autre date). La pleine saison débute vraiment quand l’huile est dans l’olive c’est à dire pour la Sainte-Catherine au mois de novembre. Au printemps l’olivier se couvre de grappes de petites fleurs blanches. Bien peu de ces fleurs seront pollinisées à cause du vent, de la fine pluie de printemps, des abeilles pas encore très actives. Une olive contient selon les espèces 15 à 25 % d’huile.
En 1894 Riondet affirme dans un article  "La cueillette des olives est un grand travail, qui donne de l’occupation aux femmes et aux enfants pendant une partie de l’hiver, je l’ai vu se prolonger quelques fois pendant cinq ou six mois, depuis le mois d’octobre jusqu’au mois de mars". Les registres d’appel dans les écoles montrent effectivement des absences répétées des enfants pendant cette période.

Plusieurs techniques pour récolter : cueillette à la main, le gaulage, le peignage, et maintenant le vibreur qui secoue les arbres. On peut rajouter des filets ou des bâches aux pieds des arbres pour récupérer les fruits tombés.
Autrefois les fruits tombés trop tôt à cause du vent ou des maladies servaient pour produire l’huile d’éclairage.
Dans les petites exploitations familiales, on ramasse encore les olives en famille, avec les voisins. La cueillette à la main demande plus de main-d’œuvre et elle est plus lente. Le gaulage permet une récolte plus rapide mais il faut des personnes habituées à manier la gaule pour ne pas abîmer les arbres et les fruits. Un bon cueilleur récolte entre 60 et 100 kg par jour et les bonnes années il faut 100 kg d’olives environ pour faire 20 litres d’huile.
Levées avant l’aube, vêtues de leurs plus beaux atours et fardées, les pieds chaussés de cette sorte de babouches hautes et souples de couleur écarlate ornementées de dessins noirs, parées de tous leurs bijoux, les femmes se rendaient aux champs. Toutes les femmes aiment le temps des olives car c’est celui où elles peuvent sortir. Elles rentraient aux étoiles, éreintées mais heureuses.  Fadhma Amrouche (Femme Berbère)

C’est de l’argent, tantôt plus bleu, tantôt verdi, bronzé, blanchissant sur terrain jaune, rose violacé ou orangeâtre,  jusqu’à l’ocre rouge sourd. Mais fort difficile, fort difficile.. Van Gogh
Autrefois aux premiers froids, les cueilleurs souvent des cueilleuses s’acheminaient vers les olivettes. Des ouvriers qui avaient fait les vendanges avant. Souvent des « étrangers d’ailleurs », des sans-terre d’ici. Les enfants participaient comme ils pouvaient. Panier d’osier attaché à la ceinture pour les femmes, sac en bandoulière pour les hommes. On ramassait d’abord les branches les plus basses pour s’attaquer ensuite aux rameaux les plus élevés grâce à des échelles triangulaires à trois montants en bois de saule (chevalets ou cavalets). Sur le sol des draps ou des couvertures récupéraient les olives qui s’échappaient des mains des cueilleurs. 

Les olives ensuite étaient triées, les fruits pas assez sains ou abîmés étaient mis de côté, pour faire de l’huile d’éclairage ou pour les cochons. Certaines olives étaient réservées pour faire des olives de table, vertes ou noires. Nous verrons à un autre moment comment les conserver et les accommoder.

La cueillette était l’occasion de chanter, et de faire un bon repas le soir autour de tables montées sur des tréteaux, journaliers et patrons réunis. Des journées dures, coupées d’un bref casse-croute à midi, les bras et le dos endoloris, les mains engourdies par les premières gelées matinales, le froid et les feuilles qui écorchent la peau… Les arbres n’étaient pas taillés comme maintenant. Certains pouvaient dépasser les dix mètres de haut et les chutes ne pardonnaient pas.
A la fin de la récolte, le salaire était la plupart du temps en nature, une part de la récolte ou quelques litres d’huile. Les pauvres ensuite pouvaient glaner les olives abandonnées par terre, puis les animaux de la ferme se nourrissaient des restes tout en nettoyant et fumant le sol.
La cueillette à la main avec plus ou moins de gaulage se pratique toujours, surtout dans les propriétés renommées pour leur huile. Les peignes-vibreurs télescopiques assurent une meilleure récolte mais sont très fatigants pour les cueilleurs. Les secoueurs thermiques, les vibreurs de troncs utilisés sur les grandes propriétés sont très chers, encombrants et surtout peuvent abîmer les troncs et les racines des arbres. La pose de filets sous les arbres demande une préparation soignée, désherbage, aplanir, nettoyage… Les cueilleurs doivent faire attention à ne pas piétiner les olives sur les filets…On voit maintenant dans de grandes plantations, des nacelles tractées par un tracteur qui se glissent sous les branches des arbres. Les tentatives de mécanisation en vue d’améliorer le rendement sont encore balbutiantes.

Les olives récoltées sont amenées au moulin le plus rapidement possible pour éviter qu’elles ne s’échauffent.
Le moulinier va les prendre en charge. L’huile est un pur jus de fruit sans raffinage, normalement sans additif. Il nous faut reconnaître que la tentation de falsification a toujours été très présente étant donné le prix du litre d’huile d’olive. Au 19ème siècle des marchands peu scrupuleux mélangeaient à l’huile d’olive de l’huile de pavot ou d’œillette peu onéreuse.(in Millet-Robert Maison Domestique des Dames)
 Pour obtenir des saveurs différentes, on mélange plusieurs espèces d’olives. C’est ce qui va faire la renommée d’un maître moulinier. Nous pouvons dire qu’il n’y a pas une huile mais des huiles d’olive, qui dépendent du savoir-faire du moulinier, des techniques de fabrication, du terroir, du climat, de la variété des olives.

Avant l’usage du moulin et de ses meules, dans l’Antiquité on pilait les olives dans un mortier, puis sur la pâte obtenue on versait de l’eau chaude tout en malaxant avec un bâton. L’eau descendait dans le bassin et on récupérait l’huile en surface. En Grèce, en Kabylie on procédait par foulage. En Egypte ancienne, l’huile était obtenue par pressoir à torsion : les olives dans un grand sac étaient foulées au-dessus d’un bac, puis le sac tordu comme un linge que l’on essore.
L’utilisation des meules en pierre va permettre un rendement plus intéressant. Les meules  à huile sont antérieures à celles des moulins à grains. Les olives sont broyées avec leurs noyaux qui apportent des nutriments diététiques sans changer le gout de l’huile. Deux sortes de meules : des « tapetum » (comme à Pompéi), et des « mola ». Cette dernière a équipé les « moulins à sang », moulins dont la meule était tractée par un animal, âne, cheval, bœuf… Nos villages du Sud ont parfois encore une rue de la Mola, dernière trace d’un moulin à huile. La force animale a été remplacée par la force hydraulique, puis par l’électricité. Une fois broyées, les olives doivent être pressées.

La pâte d’olive est répartie dans des scourtins, sorte de large disque en chanvre ou en fibres synthétiques. Chaque scourtin est empli d’environ 6 kg de pâte. Empilés les uns sur les autres, ils sont pressés et laissent ainsi couler l’huile sans que les restes des fruits passent dans le liquide. Les pressoirs vont se perfectionner : de petite taille au 1è siècle avant notre ère, au monumental dès le  18ème, avec les pressoirs à chapelle. Pour ces derniers il fallait jusqu’à huit hommes pour actionner la barre de la vis. A la sortie du pressoir on avait l’huile de première pression. Ce qui restait dans les scourtins servait à fabriquer une huile de seconde catégorie.
Puis ce fut le temps des pressoirs à moteurs hydrauliques au 19ème siècle, des centrifugeuses (la première en Algérie en 1930)… Les huileries modernes sont de vraies usines, avec tapis roulant, malaxage automatisé, mise en bouteille robotisée, normes d’hygiène européennes… L’huile est extraite par capillarité ou par centrifugation c’est-à-dire par adjonction d’eau à la pâte d’olive. 
Certains moulins résistent à la modernité et continuent la tradition, tout en optant pour une politique écologique comme utiliser les restes des noyaux pour chauffer l’eau de leur chaudière. Ils choisissent de produire une huile de qualité peut-être plus chère, en vente directe. La plupart propose aussi des produits issus de l’olive comme des tapenades.
Une AOC (appellation d’origine contrôlée) est accordée par l’Institut National des Appellations d’origine et de la qualité. Elle permet de garantir au consommateur et aux exploitants une marque, un nom, des normes de fabrication, l’origine des olives et de l’huile, un terroir. Suivant l’exemple de Nyons, le Languedoc –Roussillon a une Confrérie des Chevaliers de l’Olivier. Nous fêterons ses 25 ans d’existence au Pont du Gard le 30 septembre 2017.

Jean Racine dans ses « Lettres d’Uzès » nous donne ses impressions : « L’huile que l’on tire ici des plus belles olives du monde, remplace le beurre, et j’appréhendais ce changement. Mais j’en ai goûté dans les sauces et sans mentir, il n’y a rien de meilleur. » 

Cassis – Femmes fabriquant des scourtins



Nous pourrions écrire des pages et des pages sur l’huile d’olive, ses vertus médicinales, ses « trucs » de beauté, son emploi dans l’horlogerie, la mécanique de précision, les dictons qui l’utilisent, les collections de ses contenants au long des siècles, les poèmes et les tableaux qu’elle a inspiré.. et ses recettes. Peut-être une autre fois !!


Les cheveux gris, quand jeunesse les porte, font doux les yeux et le teint éclatant ; je trouve un plaisir de la même sorte à vous voir, beaux oliviers du printemps. La mer de sa fraîche et lente salive imprégna le sol du rivage grec, pour que votre fruit ambigu, l’olive, contienne Vénus et Cybèle avec. Tout de votre adolescence chenue me plaît, moi qui suis le soleil d’hiver, et qui, comme vous, sur la rose nue, penche un jeune front de cendres couvertJean Cocteau

Abbé Couture 1786 Traité de l’Olivier Bibliothèque de la Chambre de Commerce de Marseille-

Sources : Caroline Audibert L’Huile d’olive et son carnet de recettes édit Première Page 2001 ISBN 2-914042-05  -  G Dagliorti  bibliothèque Marciana Venise  -  Georges J Aillard  L’Olivier et l’Huile d’Olive le point de vue des Botanistes p13-24 IREMAM CNRS Aix/Marseille Université  -  Nadine de Trans en Provence transenprovence.over.blog.com  - André Berville Catherine Breton Huile d’Olive édit Quae 2012  - franc-maçonnerie ledifice.net/7254-1  -
A visiter Le Musée de l’Olivier à Nyons, les moulins autour d’Uzès.


British Museum terre cuite 1er siècle Hamilton collection photo Jastrow 2006 satyre travaillant à un pressoir- à voir plusieurs scourtins




                                       -  G Dagliorti  bibliothèque Marciana Venise  -  

mercredi 20 septembre 2017

conte de l'Uzège : La Nuit des Quatre Temps



Conte de l’Uzège - La Nuit des Quatre Temps

Il y avait autrefois à Valabris une vieille qui vivait richement. Elle se nommait Philomène, mais tout le monde l’appelait la Vieille. Elle avait des monceaux de pièces d’or, dans des comportes et chaque matin sur le seuil de sa porte elle les déversait au soleil pour qu’elles ne moisissent pas. Peut-être aussi pour faire envie aux voisins.
Un matin, un jeune homme passa à cheval et lorsqu’il vit toutes ces pièces, il demanda
-        -   Hé ! que faites-vous donc là, la vieille ?
-         -  Vieille, vieille, il y en a de plus vieilles que moi. Et beaucoup de jeunes qui voudraient être à ma  place.
-          -  Vous avez raison. Mais qu’est-ce que vous répandez au soleil ?
-         -   Vous le voyez bien, je remue mes pièces d’or pour qu’elles ne moisissent pas.
-           - Si vous vouliez me les donner, ce n’est pas moi qui les laisserais moisir ! J’en ferai bon usage, croyez-moi !!
-          -  Je vous les donnerais bien, mais avant il faut que l’on se marie.
-           - Eh bien marions-nous ; je viendrai vous chercher la nuit des quatre temps
Philomène avait une nièce, jeune et jolie mais pauvre, qui lui servait de domestique.. Un soir la vieille lui demanda :
-           - Va voir le temps qu’il fait
-           -  La lune brille dans le ciel, ma tante.
-           -Va-t’en au lit, ce soir n’est pas mon soir.
Une autre fois la vieille redemanda : - Va voir le temps qu’il fait.
La nièce alla à la fenêtre :
-          -  Il fait des éclairs, ça va tonner.
-           - Va-t’en au lit, ce soir n’est pas mon soir.
Un autre soir, encore, la vieille demanda le temps qu’il faisait :
         - Il tonne, il fait des éclairs, il vente, et il pleut.
-          -  Petite nièce , ce soir est mon soir. Va donc me chercher mes belles chaussures.

La vieille et sa petite nièce sortirent dans la nuit. Des lumières luisaient au loin.
-           -C’est mon fiancé qui vient me chercher, dit Philomène
Elles allèrent à la rencontre des lumières, mais elles se rendirent bien vite compte que c’étaient les yeux de loups, des loups affamés qui sautèrent sur la vieille.
Derrière venait le fiancé sur son cheval. Il commanda à ses loups
-           -Tout doux il y en aura bien assez pour tous !
Il prit la nièce et l’installa sur son cheval, tandis que cric ! crac ! les loups dévoraient la vieille. Et il ne resta plus rien d’elle.
Le fiancé et la nièce se marièrent et ils ne laissèrent pas moisir les belles pièces d’or !!


Sources : Michel Cosem  Contes Traditionnels du Languedoc édit Milan 1995 ISBN 2-86726-990-3– adaptation Adrien Castanet-  Gravure  Loup Astrid de La Forest gravure au carborundum sur Arches 400gr internet -






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mercredi 13 septembre 2017

Les Platter, du mendiant au professeur


Les Platter, du mendiant au professeur

 
Les Platter incarnent à eux seuls les Hommes de la Renaissance. Ce sont des figures incontournables de l’Histoire Suisse. Dans notre Languedoc ils seront des témoins exceptionnels. 
Tout avait commencé avec le père, Thomas dit le Vieux.

Il est né le 10 février 1499 à Grächen, petit village à 1600 m d’altitude dans les montagnes du canton du Valais en Suisse. Sa famille est très modeste. « Thomilin » est orphelin de père à 3 ans, recueilli par des membres de la famille ou du village contre des travaux campagnards. Sa mère se remarie plusieurs fois, laissant ses enfants aux soins d’autres personnes. Elle rêvait sans doute d’une autre vie.
 Il apprend à lire à 10 ans avec le curé du village tout en gardant les chèvres. Mais les routes l’appellent et il suit un cousin Paulus Summermater, étudiant-mendiant.. Soif d’aventures, de découvertes, de connaissances ?  Avec lui il parcourt l’Europe. Des années d’errance, de vols, de bagarres. Les enfants les plus jeunes doivent veiller au confort des aînés. Nuremberg, Dresde, Munich, Ulm, Breslau…La vermine des auberges…  Mais en ce début de siècle, l’aventure est à la mode chez les jeunes gens.

Extrait de l’autobiographie de Thomas Platter le Vieux










Puis il s’enfuit loin de son cousin et de ses amis, et il étudie le latin à Sélestat en Alsace chez Hans Sapidus,


 « Quand j’entrai alors à l’école, je ne savais rien, pas même lire le Donat (et j’avais déjà dix-huit ans). Je m’assis parmi les petits enfants et j’étais comme une poule couveuse au milieu des poussins. Un jour, Sapidus lut la liste de ses discipuli et déclara : ‘J’ai beaucoup de nomina barbara, il faut que je les latinise un peu’. Et il en redonna lecture. Il m’avait d’abord inscrit sous le nom de Thomas Platter et mon compagnon Antonius Venetz. Il les avait traduits en Thomas Platterus et en Antonius Venetus, puis il demanda : ‘Qui sont ces deux-là’ ? Quand nous nous levâmes, il s’écria : ‘Quelle horreur ! Ce sont ces deux galeux d’écoliers qui ont de si jolis noms’ ! Et c’était vrai en partie, surtout de mon compagnon qui était si galeux que souvent le matin, je devais lui arracher le drap du corps comme la peau d’une chèvre ; moi, j’étais plus habitué à l’air et au manger étranger que lui "

Puis en 1523 il est précepteur à Zurich tout en suivant l’enseignement de Frédéric Myconius. Il travaille comme cordier tout en apprenant le grec, l’hébreu, sciences essentielles lorsque l’on vise médecine. A Bâle il devient correcteur d’imprimerie, il créée sa propre imprimerie où toute la famille travaille. En 1536 en association avec Lasius autre imprimeur, il publie de Calvin en latin « L’Institution Chrétienne », un ouvrage très important au 16ème siècle, qui va circuler sous le manteau dans une bonne partie de l’Europe. Il est membre de la Guilde de l’Ours.  . (En imprimerie, l’ »ours » était celui qui pressait (le pressier) et celui qui composait et disposait les lettres était le « singe »).
Il s’associe de 1535 à 1537 à Balthazar Ruch, à Oporinus et Ruprechet Winter, et autres imprimeurs, graveurs suisses célèbres. Jusqu’à 1543/1544 il continue son activité et imprime 13 ou 14 livres. Il va travailler aussi avec le libraire Johannes Schabler Wattenschnee. Son collègue Oporinus sera emprisonné pour avoir publié une traduction latine du Coran, celle de Théodor Bibliander en 1543. Nous voyons ici l’importance de l’imprimerie dans le monde des idées
Il devient professeur de grec en 1541 et recteur pendant près de quarante ans. Il va vivre les débuts de la Réforme à Zurich, la banqueroute des imprimeurs de Bâle. Il s’intéresse aux plantes et cumule les qualités de botaniste, d’humaniste. Un intellectuel qui cultive ses poires et ses vignes. Un homme de son temps. Montaigne le rencontrera en 1580 lorsqu’il rendit visite à Bâle au fils de Thomas, Félix.

Il décède le 26 janvier 1582 à Bâle à 82-83 ans. Il est inhumé dans la cathédrale de Bâle. Il avait commencé son autobiographie en 1572 pour son fils Félix, autobiographie publiée en 1840 seulement et rééditée actuellement. Ce texte a une valeur culturelle et historique : on y voit les changements sociologiques. Le gout pour l’apprentissage des langues antiques, la soif de connaitre. L’importance de l’imprimerie qui modifie en profondeur la communication, la propagation des idées nouvelles comme la Réforme. Un monde en pleine mutation où il fallait faire sa place contre vents et marées. Valentin Kötscher, spécialiste des Platter, parle d'un «XVIe siècle très mouvementé». Emmanuel Le Roy Ladurie évoque «un siècle furieux et glorieux, pétri de sottise et de grandeur».

Contrairement à une affirmation longtemps colportée, il n’a jamais été médecin. L’ancien chevrier était devenu gymnasiarque de la ville de Bâle (professeur puis recteur). Il voulut que son fils grimpe plus haut dans l’échelle sociale : il décida d’en faire un médecin, un métier bien considéré, exercé par des gens de familles riches et bien mariées. N’ayant ni fortune, ni alliances, ni protection, son fils Félix ne devait compter que sur son mérite. Félix donna très tôt des signes de vocation médicale. Tout en apprenant la musique, tout en tenant sa place dans une troupe d’amateurs qui jouaient les drames tirés de l’Ecriture Sainte. Il jouait du luth à merveille.


 autres extraits de son autobiographie




Félix Platter

 Portrait de Félix Platter par Hans Bock en 1584
Félix nait à Bâle le 28 octobre 1536 d’un premier mariage de son père Thomas. Sa mère est Anna Diestchi. Après des études à Montpellier en France en 1552, il devient médecin, anatomiste, universitaire, professeur d’université en médecine théorique et pratique, et psychiatre même si cette qualification n’existait pas à l’époque. Son doctorat est passé à Bâle en 1557. En 1571 il sera médecin de la ville de Bâle. Il sera aussi botaniste et écrivain. Il décède à Bâle le 28 juillet 1614 à 77 ans. Il sera six fois recteur de l’université de Bâle. Lui aussi nous laisse un journal de son voyage en France.

Enfant dans l’atelier d’imprimerie de son père il apportait son aide : il pliait à longueur de journée le papier si rêche qu’il lui entamait les doigts. Sa mère empilait les feuilles et fabriquait des frottons de cuir servant à encrer les caractères d’imprimerie. Quand ils étaient usés, les enfants s’en servaient en guise de balles pour jouer. Félix commença à étudier à l’école de son père. Assis au pied de sa chaire à portée de main, il devait progresser. Un jour, il reçut un coup de baguette sur la figure qui faillit lui faire perdre un œil.
En octobre 1552, son père l’envoie à Montpellier pour étudier la médecine. Il sera en pension chez Laurent Catalan, apothicaire de son état. En échange le fils de celui-ci devait venir à Bâle. C’est par de tels échanges que de pauvres gens pouvaient envoyer leurs fils étudier au loin. Félix part avec deux chemises, quelques mouchoirs, enveloppés dans une toile cirée, quatre couronnes d’or cousues dans son pourpoint et trois couronnes en monnaie. L’argent avait été emprunté comme celui qui avait payé le cheval. En cadeau pour ne pas oublier sa famille : un écu valaisan frappé sous le cardinal Mathieu Schinner à rapporter au retour. Des recommandations : il devait étudier avec zèle et ne rien attendre de sa qualité de fils unique. Sa mère pour son dîner d’adieu croyant lui faire plaisir lui sert sa caille apprivoisée !!Son père l’accompagne jusqu’à Liestal. Les adieux sont tristes « je me sentis ému jusqu’au fond de mon cœur et je continuai navré un voyage dont la perspective m’avait tant de fois réjoui ». Pour la première fois il a armé ses talons d’éperons qui l’embarrassent pour marcher. Il a 15/16 ans.
 A Genève il rencontre Calvin qui lui propose un compagnon de voyage aide-chirurgien Michael Edouardus de Montpellier. Il entend Calvin prêcher mais il n’y comprend rien !!.Peut-être parce qu’il est pour la première fois de sa vie au milieu d’une assistance fort nombreuse. Ils se joignent à des marchands français revenant des foires d’Allemagne, plus on se voyait en nombre, plus on se sentait en sureté.
Avignon il est seul à l’auberge du Coq : « un mauvais gîte hanté par des bateliers aux larges chausses et aux bonnets bleus. J’avais grand peur et ne pouvais me faire comprendre de personne ». Un moment de vague à l’âme le lendemain, il a envie de retourner chez lui. Il pleure les bras autour du cou de son cheval qui hennit plaintivement. Mais il repart avec son compagnon. Il passe le Gard par le bac. A Sérignac la fille de l’aubergiste voulut l’embrasser car c’est l’usage en signe de bienvenue, mais « je m’en défendis, ce qui fit rire »..Heureux adolescent !.

Il raconte la peur dans les bois, les notes d’aubergiste grossies, les passeuses de gué qui refusent de rendre la monnaie, la perversité qui scandalise sa jeune âme calviniste : la séduction des femmes de France, la coquetterie des filles d’auberge… On complote contre sa vie dans une auberge, dans une autre la nourriture le rend malade. Il arrive à Montpellier après vingt jours de voyage. Un spectacle l’enchante : une procession de bourgeois affublés de grandes chemises blanches accompagnés de musiciens offraient des dragées et des friandises à toutes les jolies filles.
Tout l’intéresse. Pour la première fois il voit des oliviers et en goutte les fruits qu’il trouve mauvais et amers ! A Montpellier il se mêle avec entrain aux autres étudiants allemands. Il joue plutôt bien du luth ce qui lui ouvre les portes des soirées mondaines. Un nouvel étudiant ou la réussite à un diplôme et c’est des banquets, des processions dans la ville, en main des branches de fenouil ornées de figurines en sucre. Il participe avec d’autres à quelques pillages de tombes pour assister à des autopsies clandestines interdites. Il nous raconte la vie de Montpellier, les oranges jetées sur les gens pour Mardi-Gras sur la place Notre-Dame, les premières cerises, le marché aux oignons pour le 24 août, les vendanges….Les buissons de romarins qui poussent à l’état sauvage et qui servent de combustible. Il garde une certaine fraîcheur enfantine tout au long de son récit. Les jacinthes en fleurs en janvier, ses habits qu’il étrenne, ses souliers neufs pour les dimanches. Il s’insurge contre la corruption du tailleur qui lui fait payer plus qu’il n’en faut de peau pour tailler des chausses vertes…

Pendant quatre ans il loge chez une famille espagnole marrane, celle de Laurent Cathalan, (marrane c’est-à-dire contrainte à se convertir au christianisme). Cependant leur alimentation montre que bien que convertis, la maisonnée et leur étudiant ne mangent pas de porc, mais des légumes, un peu de mouton, parfois du bœuf. Félix apprécie le vin de muscat additionné d’eau. Pendant Carême, Félix en bon protestant n’a jamais observer des restrictions alimentaires. Alors il prend l’habitude en cachette de faire cuire des œufs et du beurre fondu sur les braises. Malheureusement il dissimule mal les coquilles qu’une servante trouve. Toute la maisonnée en est retournée !! Une imprudence dangereuse pour des marranes en une période où protestants et convertis sont suspects et les bûchers actifs. Félix note dans son journal avec une simplicité douloureuse les exécutions des luthériens qu’on n’appelle pas encore huguenots, les hommes, les femmes qu’on roue, tenaille, brûle pour crime d’hérésie. C’est la peine de mort pour avoir mangé de la viande ou des œufs pour carême. C’est la vaisselle que l’on brise à l’entrée de carême quand elle a servi à cuire de la viande !!

Félix s’exerce à la préparation des médicaments dans la pharmacie de son hôte. Avec lui il lisait l’ancien testament. Il assiste le 22 avril 1553 à un événement qui aurait pu coûter la vie à toute la maisonnée : « Le 22 avril [1553], la femme du vieux Catelan fit ses couches. Elle [...] accoucha dans la salle à manger derrière un rideau. Elle mit au monde un fils, que l'on nomma Laurent, et qui fut secrètement circoncis et baptisé selon leur coutume ".
Félix nous signale un été caniculaire en juillet 1555 avec plusieurs personnes mortes d’insolation à Vendargues. La peste est à Toulouse. Le 11 juin 1556, un vent brûlant le siroco, souffle et plusieurs moissonneurs meurent dans les champs.
Pour son départ de Montpellier, ses amis lui jouent un tour. Ils lui servent un pâté dans lequel le lièvre est en fait un chat. Il note dans son journal qu’il n’en éprouve pas véritablement de dégoût.

Sur le retour, en découvrant au loin les deux tours de la cathédrale de Bâle il oublie ses peines. Il décharge ses pistolets inutiles désormais contre le mur d’un jardin. Il voit sa mère « je la trouvai pâle et vieillie. Elle portait comme c’était la mode un tablier vert à bavette montante et des souliers blancs ». Il est chez lui en sécurité !! Toute la rue arrive, il y a cinq ans qu’il est parti…
De retour à Bâle il épouse en octobre1557 Magdalena Jeckelmann fille de Franz, chirurgien et conseiller. Il fait partie des notables de Bâle. Il s’installe médecin, parmi les dix-sept autres de la ville plus quelques guérisseurs, dont une sorcière et deux bourreaux qui s’essaient à la médecine. A la mort de son père il prend en charge ses demi-frères et sœurs. Il financera les études de son demi-frère Thomas à Montpellier.
Il va oser pratiquer des autopsies publiques et privées pour ses élèves. Il reprend les écrits de Vésale sur l’anatomie. L’autopsie permet de connaitre le corps humain mais aussi les causes des décès. Nous pouvons dire qu’il est un précurseur en médecine légale en Suisse
De son séjour en France, il envoie à sa famille des « curiosités » qui deviendront une collection admirée. En 1580 Michel de Montaigne lui rend visite à Bâle. Il  note :
« Nous y vismes de singulier [à Bâle] la maison d’un médecin nommé Fœlix Platerus, la plus pinte & enrichie mignardise à la Françoise qu’il est possible de voir ; laquelle ledit médecin a bâtie fort grande, ample & sumptueuse. Entre autres choses, il dresse un livre de simples qui est desja fort avancé ; & au lieu que les autres font pindre les herbes selon leurs couleurs, lui a trouvé l’art de les coler toutes naturelles si propremant sur le papier, que les moindres feuilles & fibres y apparoissent, come elles sont, & il feuillette son livre, sans que rien en eschappe ; & monstra des simples qui y estoint collés, y avoit plus de vint ans. Nous vismes aussi & ches luy & en l’escole publique des anatomies entieres homes morts, qui se tiennent »

Félix lorsque la médecine lui en donne le loisir, s’adonne en effet à des collections : herbier, instruments de musique, cabinet d’histoire naturelle… Toujours le besoin de connaitre, de comprendre. Guillaume Rondelet dont il a suivi les cours à Montpellier lui a probablement appris la technique du séchage des plantes, technique mise au point par l’italien Luca Ghini. 813 spécimens de plantes originaires de Suisse, France, Italie, Espagne, Egypte. Son herbier est conservé à l’Université de Berne actuellement. Cette technique d’herbier est révolutionnaire : il était habituel jusqu’alors de dessiner et peindre les plantes pour en garder une image.
Il s’intéressera aussi à l’élevage des vers à soie et des canaris.

Il écrit beaucoup.. La vue, les yeux titillent sa curiosité. En 1583 il publie un traité sur la cataracte et ce qui peut la provoquer. En particulier chez les alchimistes ou toutes les personnes qui travaillent près du feu. Il étudie les capacités sensorielles de la rétine et du cristallin et leurs fonctions. Il est le premier à comprendre le principe de la perception des images dans la rétine. Son traité sur la cataracte sera repris par son neveu Félix Platter en 1626. (qui lui sera professeur de logique et de physique 1605-1671)
En 1602 et 1604 il publie « Praxis medica », dans lequel pour la première fois les maladies sont classées par symptômes. Pour lui les maladies mentales sont dues à des causes naturelles et non à la magie, sorts, ou possession démoniaque. Il associe le contexte social et familial aux maladies. Il s’intéresse aussi aux épidémies de peste, avec études de statistiques, nombre de malades, guérisons, décès, propagation… Un homme très moderne.
Bon vivant, jouant de plusieurs instruments de musique, il était aussi amateur de poésies, récitant ses propres vers et chantant en s’accompagnant. Il va finir sa vie, dans l’aisance d’une fortune bien acquise.

Thomas Platter le Jeune ou Thomas II Platter

  Fils d’un second mariage de Thomas le Vieux et d’Esther Gross. Il nait le 24 juillet 1574 à Bâle.
Félix n’ayant pas d’enfants, Thomas le Vieux se remarie à 73 ans ; six enfants naitront de ce remariage. Dont Thomas II le Jeune.
Différent de caractère de son frère Félix, il apparait dans ses écrits moins crédule, plus solide, laborieux. Un scientifique pur jus !!

Il épouse Chrischona Jeckelmann, nièce par alliance de Félix (fille de Daniel frère de Magdaléna épouse de Félix). Il décède dans cette ville le 4 décembre 1628
Il quitte Bâle en 1595 pour rejoindre Montpellier …Il a 21 ans, moins candide et plus mûr que son frère lorsqu’il part.  Diplôme de bachelier en médecine en poche en mars 1597, il revient à Bâle en 1600 où il passe son doctorat en médecine. Mais avant il parcourt l’Espagne, la France, l’Angleterre, les Pays-Bas
Médecin, botaniste, professeur d’université d’anatomie et botanique en 1614, succédant à son frère Félix, et professeur en médecine en 1624, recteur et doyen de l’université de Bâle. Comme son frère Félix il a fait ses études de médecine à Montpellier. Il va nous laisser un journal de voyage, rédigé en dialecte bâlois de 1604 à 1605. Sorte de récit d’initiation, avec cartes géographiques, vues de villes, croquis. « dans la matinée du 9 avril (1597) j’emballais mes collections de poissons, coquillages, algues, fruits…en un mot tout ce que j’avais recueillis dans le Languedoc pour le musée de mon frère Félix.Il y en avait bien quatre quintaux qui furent dirigés sur Lyon puis sur Bâle à dos de mulet… ».
Excellent latiniste, bon connaisseur des Ecritures, il a reçu une éducation soignée. En homme de la Renaissance, il s’intéresse à tout : histoire, lettres, botanique, architecture, paysages, économie, le droit. Coutumes et usages des lieux, des hommes. Il est protestant sans état d’âme, mais ouvert d’esprit et très modéré envers les « papistes ». Il a un regard pratiquement d’ethnologue sur les gens rencontrés, qu’ils soient Juifs d’Avignon, jésuites des collèges… Une absence de préjugés et une liberté de ton qui donnent aux historiens une somme considérable d’informations et d’observations crédibles sur son époque et les ruines morales et matérielles des guerres civiles françaises. Le regard aigu d’un reporter.
Il raconte l’Université, les professeurs, les cours : « quand le professeur veut toucher son traitement, qui s’élève annuellement à deux cents couronnes de France, et qui lui est payé par la Cour des comptes royaux, il doit se faire accompagner par quelques étudiants, y compris un de leurs quatre conseillers, pour attester que les cours ont été faits régulièrement et avec soin ».
Les dissections étaient un spectacle avec tout public. Le chirurgien « lançait des plaisanteries polissonnes quand des dames assistaient à la dissection d’une femme… ». Les spectatrices se cachaient derrière un masque.
Quand il passe à Vallabrix en 1595 invité par le capitaine Combet, il voit un village en ruines dévasté par les guerres polico-religieuses. Partout il verra des églises, des abbayes, dévastés, des bijoux de la Renaissance mutilés par les uns et par les autres. L’ »idolâtrie papiste » persécutée, moquée là où les protestants règnent en maîtres comme à Montpellier et cela malgré les édits royaux…
Il nous décrit le pont de Pont-Saint-Esprit : « Plusieurs personnes pensent que c’est le Saint-Esprit qui a réellement bâti ce pont ; mais à ce qu’on dit, c’est l’archevêque qui se trouve aujourd’hui encore dans cette ville qui l’aurait fait construire….pont long, droit, construit en pierre : c’est la maçonnerie d’un ouvrage d’art. Je l’ai mesuré moi-même et j’ai trouvé qu’il est long de douze cents de mes pas. ….il y a une monté un peu avant la ligne droite et une descente quand cette rectitude a cessé. Le pont est très régulièrement recouvert de petits cailloux taillés au carré…le tout avec trois lignes : l’une au milieu, et les deux autres de côté chacune…. On peut le fermer à volonté…Des deux côtés, le pont est bordé par une petite rambarde surélevée jusqu’au dessus de ma ceinture afin qu’il n’arrive dommage à personne. Au milieu sur le pont se dresse la chapelle Saint-Nicolas où brule une lampe. Le pont est constamment gardé par des soldats. Il y a en plus donnant sur le fleuve un poste fortifié : le maréchal d’Ornano le fait garder en permanence par des militaires. Le pont a dix-huit grandes arches voutées. Selon ce qu’on m’a rapporté, il y aurait à peu près au milieu de ce grand ouvrage, deux arches qui ne seraient bâties que de bois, l’une à côté de l’autre. En cas de guerre on pourrait procéder à leur démontage et de cette manière l’ennemi serait dans l’impossibilité de passer le pont…  A par cela, la ville n’est pas bien grande ni populeuse. Elle se situe à l’entrée du pays de Languedoc, elle est frontalière du Dauphiné et du territoire du pape qu’on nomme comté de Venaissin ou de Venise…. ».
Il assiste à l’ »entrée » du Duc d’Uzès. Les maisons d’Uzès sont bâties sur le roc, leurs caves sont excellentes, mais l’eau des puits est si froide qu’elle n’est pas potable. Même les teinturiers s’en plaignent. Elle serait à l’origine d’une maladie très commune dans notre région, les écrouelles ou adénites tuberculeuses que la source de Meynes soulageait sans les guérir. Il nous décrit d’ailleurs cette source et sa rotonde qui n’existe plus. Les maisons d’Uzès ont déjà des galeries qui permettent de se promener à couvert… Tout l’intéresse à Uzès, l’élection des consuls, la richesse des habitants, l’artisanat, la « serge de Nîmes », les meuniers sur l’Alzon, nos Noël…Dans la ville huit pharmaciens, et seulement trois barbiers qui ne pratiquent pas la médecine ni la chirurgie. « Ici on saigne peu les patients », ce qui est une bonne chose pour le médecin qu’il est. Il relate le rôle et la variété des corporations avec leurs costumes distinctifs, leurs enseignes et leurs « rois ». Les marchés à jours fixes dans toute la ville et le grand marché place aux Herbes où l’on expose au « costel », au pilori ceux qui ont contrevenu aux règles de la vie communautaire.
Il visite en 1595 près d’Avignon, Monteux, petite bourgade d’environ cent maisons entourée de remparts, Entraigues-sur-Sorgues entourée de cours d’eau. Son nom « comme qui dirait entre les eaux ». Dans le comtat Venaissin, l’eau est partout. Ici une tour carrée, suffisamment grande et haute pour être vue d’Avignon « tant le pays est plat ». Sportif, il fait l’ascension du mont Ventoux, voit la fontaine du Vaucluse…
La visite des arènes de Nîmes donne lieu à un reportage très « visuel », toujours très scientifique.
"Ils nous menèrent aussitôt à l'amphithéâtre, édifice. splendide, de forme ovale, construit sans mortier, mais avec un ciment particulier, dissimulé, dit-on entre les pierres: il se pourrait cependant que ces dernières, qui sont énormes, soient simplement posées les unes sur les autres. Dans l'intérieur se trouve une cour également ovale, appelée Campus Martius, où se réunissaient les Romains pour l'élection des magistrats. Pour utiliser ce grand espace, on y a élevé plusieurs maisons, dans ces derniers temps ; ce qui est regrettable, car on devrait veiller à la conservation de ce monument, dans son genre le plus complet qui existe, et qu'ont également respecté les Goths et les Sarrasins. L'arène est entourée de dix-sept rangées de gradins en pierres de taille hautes de deux pieds et larges de même. Du plus élevé, qui a 403 et, selon d'autres, 470 pas de périmètre, on aperçoit la ville entière. Naguère encore on pouvait en faire complètement le tour dans cette partie supérieure ; mais, il y a deux mois, des pluies prolongées ont occasionné sur une longueur de 30 pieds, un éboulement qui écrasa une maison fort heureusement inhabitée. J'estime que, restauré, l'amphithéâtre pourrait encore aujourd'hui contenir vingt mille personnes. A l'extérieur, on voit sculptés en relief Romulus et Rémus allaités par une louve, et deux lutteurs. A l'extrémité opposée, j'ai vu aussi une grande figure taillée dans la pierre, portant de longs cheveux et semblant réunir trois personnes en un seul corps. Sur le fronton sont sculptées deux têtes de taureau et un triple priape volant, monté par une femme qui le mène par la bride. Les pierres dont l'édifice est bâti mesurent en général dix pieds de long sur deux de large et d'épaisseur. Quelques-unes ont même une longueur de douze pieds et une épaisseur de six. Cet amphithéâtre est tout près de la porte Saint-Antoine et contre le rempart. On l'aperçoit de bien loin quoiqu'il soit bâti sur un terrain plat comme toute la ville, qui est elle-même dans un bas-fond entre les sept collines qu'elle couvrait jadis. A côté se trouve l'auberge renommée des Arènes, et sur la partie du monument qui lui fait face, on voit un taureau sculpté, non loin du bas-relief de Romulus et Remus."

Avec lui nous vivons les épidémies de l’époque. Les portes fermées de Montpellier pour cause de peste, la participation des consuls pour la sécurité de tous, les documents pour circuler.. On connaît un peu mieux l’épidémie de 1597 d’Uzès grâce en partie au récit de voyage de Thomas Platter et aux billets de laissez-passer qu’on lui délivre. En mai 1598 tout  va bien à Uzès, en juin de même à Manguio. Plus de peur que de mal semble-t-il. Les gardes de Montpellier, ville fermée aux voyageurs, examinent les billets passés sous la porte du rempart et laissent les voyageurs à l’extérieur en attendant que les consuls de la ville décident de les accepter ou non dans la ville. « Nous fûmes contraints de faire le pied de grue hors des murs, toute la journée, les auberges refusaient de nous recevoir, elles ne daignaient même pas de prendre nos bagages en consigne : nous les avons donc laissés en vrac sur la grand-route à la garde de notre laquais ; il ne nous restait plus qu’à tuer le temps dans un jeu de paume ». Le consul qui les délivre leur apprend qu’"à Marseille et à Aix ça mourait dur ».
La quarantaine pour les personnes était de 40 jours, un peu moins pour les marchandises. En septembre 1598 la peste n’est toujours pas à Uzès, grâce certainement aux précautions très sévères prises par les autorités. Les villages des environs sont par contre touchés par l’épidémie.




Des anecdotes qui l’amusent : à Montaren où il herborise, une femme avait accouché de deux enfants à huit jours d’intervalle, le mari tremblait qu’elle n’en fit un troisième au bout d’une autre semaine. « Il (le mari) en fut heureusement quitte pour la peur » . Sa rigidité huguenote ou scientifique nous avait fait oublier cet aspect de sa personnalité !!
Les superstitions qu’il rencontre témoignent des croyances populaires : à Bagnols le Grand Prévôt du Languedoc Pierre d’Augier lui montre un anneau contenant un « esprit ». Il appartenait à une dame de la noblesse qui interrogeait l’esprit qui lui répondait « à condition d’être adoré par elle deux heures par jour ». Mais quand elle apprit de l’esprit, tout ce qu’on disait sur son compte, elle tomba en mélancolie et omit d’adorer l’esprit comme promis. Elle mourut sur le champ « lamentablement ». Le Grand Prévôt racontait à longueur de temps des histoires de prodiges, de mauvais esprits, de jolies femmes, ce qui fatiguaient le pudique et scientifique Thomas.
Sorcellerie et superstition sont sévèrement punies, en vain. Thomas nous rapporte la pratique de l’ »aiguillette » : pendant la cérémonie de mariage, on prononce une formule magique et on noue un lacet en jetant une pièce de monnaie. Le mari devient stérile ou pire impuissant jusqu’à ce que le maléfice soit conjuré. On accuse un ou une jaloux(se). !!


 Les Uzétiens commercent beaucoup avec l’Espagne et l’Italie, le Piémont. Les foires de St Firmin du 25 septembre voient arriver un grand nombre de riches marchands de ces pays. Les châtaignes des Cévennes pelées et séchées partent pour ces états. Thomas accompagne des marchands à la foire de Beaucaire du 25 juillet : il nous décrit des étalages installés partout, hors de la ville, à l’intérieur, le long des avenues, des rues, sur le fleuve, les maisons transformées en magasins, les marchandises offertes à la vente, les plus diverses et même les plus inattendues. Il rencontre un montreur de puces savantes, un Bourguignon, avec d’énormes lunettes. « Sa fille nourrissait ces insectes sur son bras…Les puces étaient harnachées avec une extrême habilité. L’une d’elles portait un petit cavalier en argent, couvert d’une cuirasse et ayant sa lance sur l’épaule, d’autres puces traînaient une petite chaîne du même métal, longue comme le doigt et ne pesant qu’un grain…Cela je l’ai vu de mes yeux, avec les deux frères Lasser de Lassereck, nobles Strasbourgeois et plusieurs autres personnes. Cela n’est pas si difficile que ce que j’ai entendu raconter, à savoir qu’une puce peut tirer une petite voiture d’argent à quatre roues et que cela ne l’empêche pas de sauter, mais ça je ne l’ai point vu ». Toujours la rigueur de l’observation !
Il raconte le « charivari » fait à un couple de jeunes mariés à Uzès. Vacarme, casseroles, cor de berger, tambour, cris, chants…jusqu’à ce que le couple donne une douzaine de couronnes. La fête continue en festins mais aussi parfois en incidents graves. Un soir, des musiciens qui venaient de donner la sérénade à des nouveaux mariés, rencontrent ceux qui faisaient le charivari : coups échangés et un musicien est tué. Toute la bande est condamnée à mort.
A Uzès on aime les cérémonies, les défilés solennels et leurs protocoles, les mascarades, les rues décorées de tapisseries et de feuillages lors des discours.. Cela donne lieu à des querelles pour des questions de préséance dans les processions, les cortèges ou à l’église.


Thomas visite Balaruc en 1597, déjà station thermale près de Montpellier. "L'établissement, dit-il, n'est qu'une méchante bâtisse, car les sources changeant souvent de place, ainsi que j'ai pu m'en convaincre moi-même par l'inspection des lieux, on a dû renoncer à y élever des constructions importantes. Cela ne nous empêcha pas d'y trouver grande affluence de beau monde venu de Montpellier, de Nîmes, de Toulouse ou d'ailleurs, et se contentant forcément de cette mauvaise installation car, on était au fort de la saison des bains qui est l'automne et le printemps, tandis qu'ils sont réputés nuisibles en hiver et en été.  …Les eaux se prennent rarement en bain. On les boit par 6,8, et jusqu'à 12 verres coup sur coup en commençant par un petit nombre et en terminant de même, comme il est d'usage pour les eaux minérales. Chacun agît à sa guise ou selon l'ordonnance des médecins de Montpellier pour qui Balaruc est un bon revenu, rien ne s'y faisant sans leurs prescriptions. Elles sont chaudes, fortement salées et d'un goût désagréable rapellant celui d'un mauvais potage trop relevé. Après avoir bu, l'on fait un tour de promenade dans la campagne. Les dames élégantes marchent en s'appuyant au bras de leurs domestiques ou de leurs cavaliers servants et, comme l'eau agît promptement et procure d'abondantes selles, c'est un curieux spectacle de voir tout ce monde arquebuser en plein champ à qui mieux mieux, car il n'y a ici ni arbre ni abri pour se mettre à couvert, le maisonnage se trouvant au bord de l'étang."
A Alès en 1598, il décrit la présence d’hydrocarbure en surface. « On trouve au lieu de la Bégude près d’Auzon une forte source qui jette beaucoup d’huile de pétrole ou plutôt de bitume liquide ; on le ramasse à fleur d’eau avec des écumoires ou autres ustensiles. Cette huile provient de plusieurs bancs d’asphalte ou sables bitumineux qui traversent le coteau qui est au-dessus de la source. Les eaux pluviales ou autres qui traversent ces bancs sablonneux, délayent les bitumes dont ils sont imprégnés et le charrient à la source où il est ramassé comme nous avons dit… »
Thomas découvre la France et ses différences. Les danses locales, la grosse cloche de Notre-Dame de Rouen, et Paris où la foule à l’intérieur et autour de Notre-Dame le surprend. On y fait des affaires plus profanes que de dévotions. « Les entremetteuses se promènent autour du chœur et offrent leurs services aux étrangers. Adossés contre les piliers, des lits dans lesquels étaient couchés de jeunes enfants trouvés qu’on recueille dans les rues et qu’on porte dans des lieux déterminés les jours de fête dans l’espoir qu’une personne charitable désirant élever un enfant s’en fasse donner un ».
Dans la grande salle du Palais, il nous montre « des boutiques de marchands de soie, de velours, de pierres précieuses, de chapeaux, de livres, de tableaux et autres articles. Il est assez difficile de passer devant ces étalages sans acheter quelque chose, parce que les marchands et les marchandes savent attirer les passants avec beaucoup d’affabilité….Les femmes sont fort rusées.. »
Au Louvre, Thomas visite l’appartement du roi et son cabinet de travail. Les constructions entreprises par Henri IV l’impressionnent : une galerie « qui va du palais jusqu’à son jardin de plaisance, les Tuileries, situées en dehors de la ville…. »
Le jeune Bâlois s'étonne de la vitalité de la rue parisienne : « en voyant tant de monde dans la rue, je croyais qu'il ne restait plus personne dans les maisons, et, néanmoins, je trouvais les maisons et les auberges toujours pleines lorsque je voulais y descendre » 
Il est abasourdi par Paris : « il y a moins de risques à voyager dans une forêt vierge qu’à se trouver dans les rues de Paris, surtout quand les lanternes sont éteintes ».



Il aperçoit le jeune duc de Guise et son jugement est cruel : les vêtements somptueux que porte le duc sont là pour faire oublier combien le jeune homme est laid. « fort laid de visage, avec son nez écrasé ».
En avril 1599 il voit à Gordes le château du  gouverneur royal Mr de Cardonnac. Ce qui authentifie pour l’historien la présence de ce château dont on a perdu la trace.
Il fait des kilomètres, il emmagasine tel un collectionneur les rencontres, engrange les connaissances.

En 1599, le 2 juin il est dans le Nord-Ouest de la France. Pour traverser la forêt d Chambord, il ne trouve personne pour lui servir de guide. Les loups prolifèrent, les cadavres des guerres de religion les ont bien nourrir. « Les loups sont acharné à manger de la chair humaine ». Ce jour-là une femme de 50 ans , un garçon sont attaqués à Thoury dans l’actuel Loir et Cher. Le 14 août 1599, à Mortemer (Seine-Maritime) au nord de Neufchâtel, les habitants lui parlent des loups qui s’attaquent aux personnes « jusqu’à les dévorer entièrement ». Les paysans n’ont pas le droit de les tuer.
Déjà en août 1595 Pierre de l’Etoile avait mentionné l’attaque d’un enfant par un loup dans Paris place de Grève, « chose prodigieuse et de mauvais présage ».

Londres en octobre 1599 l’enthousiasme. »Londres est si supérieure à d'autres villes anglaises que Londres est censé ne pas être en Angleterre, mais plutôt l'Angleterre à Londres ». ….« Dans les tavernes à bière, on peut se procurer aussi du tabac alias herbe vulnéraire païenne. Le tavernier vous en donne chaque fois pour un pfennig. On l’allume dans un petit tube, on aspire ou suce la fumée dans la bouche, et de cette même bouche on laisse couler le plus de salive possible. Après quoi on boit un bon coup, Trunck, d’excellent vin d’Espagne. On utilise aussi le tabac comme médecine spéciale pour le rhume de cerveau. En même temps, c’est pour le plaisir. Tellement commun en Angleterre est le tabac qu’ils ont toujours leur bouffarde sur eux à portée de main ; ils la promènent en tous lieux, dans les théâtres, les auberges ; ils battent le briquet, allument la pipe, et boivent. C’est comme chez nous quand on apporte du vin. Ça les excite furieusement, ça les rend gais ; au point que la tête leur tourne, comme s’ils s’étaient saoulés. Mais bientôt le malaise se dissipe. Et ils abusent tellement de ce tabac, en vue du plaisir que ça leur donne, que les prédicateurs poussent des hurlements : “Fumeurs, vous courez à votre perte !”2. On m’a même raconté qu’on avait disséqué les veines d’un homme atteint de tabagie. Elles étaient revêtues de suie à l’intérieur, comme le dedans d’une cheminée ! "


Les journaux autobiographiques des Platter à la teneur pédagogique indéniable nous documentent sur les savoir-faire en agriculture, viticulture, les rapports inter-sociaux, la gouvernance de la ville, architecture, approvisionnement en eau, etc.. Avec croquis, dessins…. Ils nous renseignent sur des lieux aujourd’hui modifiés ou disparus, presque photographies avant l’heure.
Ils sont témoins d’une époque de crise où le Moyen âge mourant donne naissance à une ère moderne. Ils nous font vivre ces temps agités. Une valeur historique inestimable.







Université de Médecine Montpellier 16ème siècle- BNF
Sources : Jean Mistler  Sous la Coupole  édit Grasset 1981  -  Jean Marc Moriceau  Histoire du Grand Méchand Loup  édit Fayard 978-2-213-628806  -   Georges Lanson  Etudiants et Mœurs Universitaires au 6ème siècle  internet Observatoire de la Vie Littéraire  Félix et Thomas Platter2007  -  « Deux étudiants bâlois », Félix et Thomas Platter à Montpellier 1552–1559 — 1595–1599 [archive], Montpellier, Camille Coulet, 1892, 551 p. - Ferdinand Buisson, « Platter ou Plater », Nouveau dictionnaire de pédagogie, Paris, Hachette,‎ 1911 (lire en ligne [archive]) --  Daniel Albert Fechter, Thomas Platter und Felix Platter, Bâle, 1840, in-8°Traduction française publiée à Genève, chez Fick  - Huldrych M. F. Koelbing, « Platter, Felix [archive] » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne. - Emmanuel Le Roy Ladurie, Le Siècle des Platter, Paris, Fayard :- – E. Le Roy Ladurie, Le siècle des Platter, 3 t., 1995-2006 (une trad. franç. du Voyage de Thomas Platter se trouve dans le t. 2)  – K. Huber, Felix Platters "Observationes", 2003 -   Werner Bellwald – Le Temps Publié samedi 13 février 1999 traduction Fabienne Girardin – Félix Platter Tagebuchblätter -  -Emmanuel Le Roy Ladurie et Francine-Dominique Liechtenhan, L'Europe de Thomas Platter (1599-1600). Éditeur : Fayard (2006). (ISBN 2213627851) + Le Voyage des Platter -  L. Sieber, Description de Paris, par Thomas Platter le jeune, de Bâle (1599), p. 167-224, dans Mémoires de la Société de l'histoire de Paris et de l'Ile-de-France, 1896 Vol 23 p199(lire en ligne) [archive]  -  La vie de Thomas Platter écrite par lui-même [archive]. – Gabriel GACHELIN, « PLATTER FÉLIX - (1536-1614)  », Encyclopædia Universalis [en ligne], URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/felix-platter/  - Ernest Lavisse, Paul Vidal de la Blache  Thomas Platter le Jeune (1574-1628) Histoire de France depuis les origines jusqu’à la Révolution (1911) -  Leroy Ladurie Le voyage de Thomas Platter en Rouergue et en Languedoc au 16ème siècle in études aveyronnaises ISSN1271-6081-2002  -  Barbara Ketcham Wheaton  L’Office et la Bouche  édit Calmann-Lévy p 87 – Isabelle Paresys  Apparences Histoire et Culture du Paraitre  apparences.revues.org/1229  -  Laurent Turcot (Quebec) La Fonction de la Promenade dans les Récits de voyage à Paris au 18ème siècle (cairn.info 2007/1 n°39 )1003917/dhs0390521 – "De Maguelone à la Cité", 1948 internet balaruc les bains, Histoire locale  -- Nicole Bernard 6-6-2015« ALTHEN des PALUDS, une histoire d’EAUX » Des paluds au parc aquatique(Avec la collaboration de Henri BERNARD) -   Gilles banderier Le tabac au 16ème et 17ème siècle internet fumeurdepipe.net/arttabac-europe baroque  - A lire dans le Républicain d’Uzès le feuilleton historique de l’été à partir du 29 juin 2017e en 11 épisodes « Le Journal de voyage de Thomas Platter » Gaston Chauvet-Monique Demerson -
Et bien d’autres documents, tant les Platter ont apporté aux historiens amateurs ou non, aux scientifiques de tout poil.