lundi 22 juin 2020

Le Tour de France 1904 à Nîmes


Le Tour de France 1904 à Nîmes

La célèbre course cycliste n’aura pas lieu cette année 2020 en juillet, la faute à l’épidémie. On imagine mal la foule encourageant les coureurs tout le long de la route, même si le déconfinement se passe bien. Peut-être fin août ? Une autre parenthèse de 1939 (33ème édition) à 1947 pour cause de Seconde Guerre mondiale.

En 1903, Henri Desgrange a l’idée de créer cet événement sportif Le Tour de France pour relancer son journal « L’Auto » et affaiblir son concurrent « Le Vélo ». La première édition de la course Bordeaux-Paris s’était déroulée en mai 1891. Desgrange est lui-même un sportif : il établit le premier record de l’heure sans entraîneur (car encore amateur) en mai 1893. Il arrête la compétition pour se consacrer à sa carrière de journaliste en 1895.Il devient aussi directeur de piste.
Le règlement de la course du Tour de France sera mis en place petit à petit, des modifications se feront sur le tas..
Le Tour de France cycliste de 1903 a connu un succès important. Maurice Garin gagnant de l’édition 1903 avait empoché 3000 anciens francs, une somme importante pour l’époque.
L’édition de 1904 ne sera pas de tout repos. Chauvinisme, agressions, fraudes, menaces indiquent  un manque d’esprit sportif de la part des participants et des spectateurs. Une violence qui atteint son paroxysme… Des spectateurs s’en prennent aux coureurs pour favoriser leur favori, souvent le gars du cru.
Six étapes comme l’année précédente. Des étapes qui se disputent en partie la nuit, d’où une certaine facilité pour les coups tordus. Les règles sont les mêmes qu’en 1903, mais les cyclistes qui abandonnent ne peuvent concourir à nouveau, d’où l’intérêt de pousser les rivaux à l’abandon. Départ le 2 juillet.
(Maurice Garin wikipedia  créditsJules Beau (1864-1932)).
Des favoris, Maurice Garin, de l’équipe « La Française », Lucien Pothier, Hippolyte Aucouturier dit »le terrible », un ancien Henri Paret de 50 ans et un benjamin Camille Fily de 17 ans.
Dès la première étape, 467 km, le ton est donné : Montgeron-Lyon, quatre hommes masqués sur la route dans une torpédo, menacent Garin dit « le petit ramoneur », et Pothier dit « le boucher de Sens ». « Vous ne passerez pas St Etienne ! Si vous continuez on vous tuera !! ». Les deux hommes ont à ce moment-là un peu plus de 45 minutes d’avance sur le peloton. (« La Fabuleuse Histoire du Tour de France » 1983 Pierre Chany Thierry Cazeneuve)

La deuxième étape est Lyon-Marseille, 374 m.. . Alfred ou Antoine Faure est en tête. Mais au col de la République, quelques 200 Stéphanois bloquent le peloton pour assurer sa victoire. Des coureurs racontent
: "Tout à coup, dans le haut de la côte, Faure démarre brusquement et prend deux ou trois longueurs. Nous levons la tête pour apercevoir cinquante mètres devant nous, un groupe d'une centaine d'individus formant la haie de chaque côté de la route ; ils sont armés de gourdins et de pierres ; Faure s'engage résolument et passe ; alors les gourdins se lèvent sur les suivants."
Les officiels de la course tirent en l’air et la situation redevient quasi normale. Mais Garin se blesse à la main et Giovanni est assommé !
C’est lors de cette étape que le Cévenol Ferdinand Payan de l’équipe Champeyrache est disqualifié : il aurait pédalé dans le sillage de son entraîneur et fait un bras d’honneur à Henri Desgrange, le patron du Tour.
        (Ferdinan Payen—collection privée de Neantvide 23mars2013)

Lucien Pothier se serait abrité derrière une voiture. Pierre Chevalier lâché par le peloton est pourtant classé dans les premiers, mais il avoue être monté dans une voiture, profitant de l’obscurité ! Il finira 3ème de l’étape entre Montgeron-Lyon..
Maurice Garin est soupçonné d’avoir pris le train !
Pour la troisième étape Marseille-Toulouse, 424km, nous n’avons plus que 37 coureurs sur les 88 engagés. Ce 13 juillet le départ est sifflé à 21 h. Tout se passe relativement bien jusqu’’à Nîmes. Les supporters de Ferdinand Payan n’acceptent pas son élimination lors de l’étape précédente. Une centaine d’entre eux font le déplacement d’Alès à Nîmes, en vélo pour manifester. Arrivés à Nîmes à la hauteur de la route d’Arles, le parcours est semé de tonneaux, de ferrailles.
Au point de contrôle du Grand Café ce jeudi 14 juillet à 1h 25 du matin, plusieurs milliers de Nîmois applaudissent la course sans hostilité. Mais les Alésiens sont là et l’arrivée des coureurs déclenche une émeute. Les forces de l’ordre sont très vite débordées.  Aucouturier « Le Terrible » se défend à grands coups de vélo, puis se réfugie dans le Grand Café. Il prend le tablier d’un garçon de café pour se faire passer pour un employé. Ses assaillants arrivent demandent où est « Le Terrible ». Il prend la fuite pour reprendre l’étape qu’il va remporter d’ailleurs. Il quitte Nîmes, le visage en sang. D’autres coureurs sont poursuivis dans les rues de la ville sous une pluie de pierres. Les pneus des voitures sont lacérés. Le directeur de la course Desgranges doit tirer des coups de feu pour disperser les agresseurs.
La route menant à Montpellier est jonchée de clous, de tessons de bouteilles, de barbelés…
Lors de la cinquième étape Bordeaux-Nantes, encore des clous sur les routes et des crevaisons. L’assistance mécanique n’est pas encore autorisée et Henri Cornet termine les 40 derniers kilomètres avec deux pneus crevés !!
L’arrivée de la sixième étape a lieu à Ville d’Avray, le vélodrome du Parc des Princes à Paris est impraticable à cause d’un violent orage.
Maurice Garin,1897- vainqueur initial du Tour de France 1904.
23 coureurs terminent la course ; Maurice Garin est initialement le vainqueur de cette édition 1904, Aucouturier a remporté 4 étapes. Mais 29 coureurs sont disqualifiés ! Le classement ne sera homologué que le 2 décembre. Huit coureurs dont les quatre premiers sont déclassés et suspendus. Henri Cornet cinquième du classement général initial est déclaré vainqueur. Maurice Garin est suspendu de course pendant deux ans, Lucien Pothier est suspendu à vie mais la sanction sera revue et allégée à trois ans de suspension. C’est la commission sportive de l’Union Vélocipédique de France qui prend ces décisions, pour des motivations qui sont encore obscures pour nous car ses archives ont disparu en 1940 lors de leur mise à l’abri pendant la guerre.
La presse s’en donne à cœur joie : « des scènes de sauvagerie …des actes monstrueux.. des actes dignes d’apaches.. » On rend responsable Ferdinand Payan qui aurait fomenté ces bagarres.

   Henri Cornet, le vainqueur du Tour de France 1904
Henri Desgranges pense un temps jeter l’éponge et abandonner le Tour de France. Il considère le Tour comme "mort de son succès, des passions aveugles qu'il aura déchaînées, des injures et des sales soupçons qu'il nous aura valus des ignorants et des méchants."
Mais ses collaborateurs, ses actionnaires et les annonceurs publicitaires le dissuadent. Finalement le Tour 1905 aura bien lieu, mais avec des règles différentes. Pour limiter la triche des épreuves de montagne, plus d’épreuves de nuit, le classement établi non plus au temps mais aux points…
Nîmes sera encore ville étape en 1905, 1908, 1910…. 

Henri Cornet disputera sept autres Tours de France, sans jamais y jouer un rôle important.
Ces évènements ont en fait construit le Tour pour la durée. D’autres modifications au fil du temps peaufineront cette épreuve qui enthousiasme toujours les foules.

Sources : Gazette de Nîmes n°893 14/20 juillet 2016--- (« La Fabuleuse Histoire du Tour de France » 1983 Pierre Chany Thierry Cazeneuve) --- Adrien Pecout www.lemonde.fr/sport/article/2013/07/13/en-1904-le-pire-tour-de-france-de-l-histoire_3446550_3242.html---/fr.wikipedia.org/wiki/Tour_de_France_1904---Christian-Louis Eclimont, Le Tour de France en 100 Histoires Extraordinaires, Paris, First, 2013, 380 p. (ISBN 978-2754050449)---  Histoire du Tour de France (archives)sur le site officiel du Tour de France--- photo https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/8/8a/1897garin.jpg?uselang=fr




jeudi 11 juin 2020

Louis Guizot Premier Maire Noir



Louis Guizot Premier Maire noir


  Le déconfinement est arrivé et les conseils municipaux élus au premier tour des élections de mars ont pu être installés. Les maires ont repris officiellement leur écharpe pour six ans.
(amphore-malgoires.blogspot.com/2015/10/louis-guizot-une-belle-histoire-damour.html
En 1790 un petit village du Gard Saint Geniès de Malgoirès, se montra très en avance sur son temps et mit de côté ses préjugés : un maire de "couleur" est élu. Louis Guizot, métis ou mulâtre comme on disait à l’époque sera maire de 1790 à 1794. Son combat pour la tolérance lui coûta la vie et comme bien d'autres, il le paya de sa tête lors de la Révolution.
L’Abbé Grégoire (1750-1811)  à l’origine de la Convention du 5 février 1794 qui proclame la première abolition de l’esclavage nous dit :  « La différence de la couleur est un accident physique qu’on a travesti en question politique ».
 (Abbé Grégoire, De la noblesse de la peau). Un accident physique ou plus probablement une adaptation de l'homme au climat au cours des millénaires et non une différence d'intelligence, d'humanité.... Le racisme nous renvoie à ce besoin malsain de l'exploitation de l'homme par l'homme, besoin qui nous habite depuis la nuit des temps et que ni les religions, ni les philosophies, ni les idéologies politiques ou sociales ne sont arrivées à nous guérir.

  Après Louis Guizot, deux autres personnages extrêmement attachants et intéressants, Severio de Heredia et Raphaël Elizé, deux hommes politiques « de couleur ». Severio (1836-1901) est né à Cuba, député, ministre et président du conseil municipal de Paris en 1879-1880.
Raphaël Elizé né le 4 février au Lamentin en Martinique et mort le 9 février 1945 à Buchenwald. Maire de Sablé-sur-Sarthe de 1929 à 1940, vétérinaire pendant la Grande Guerre 1914-1918  (médaillé) et résistant lors de la guerre de 1939 ce qui lui coûtera la vie.


(Sources : Paul Estrade, Severiano de Heredia. Ce mulâtre cubain que Paris fit « maire », et la République, ministre, Paris, Les Indes savantes, coll. « la Boutique de l'histoire », 2011, 162 p. (ISBN 978-2-84654-270-8).).
(Passé Simple, Raphaël Élizé (1891-1945) Premier maire de couleur de la France métropolitaine. Des Antilles au Maine : Itinéraire entre politique et art de vivre., éd. Passé Simple, 1994, (ISBN 2-95084-680-7) ; réédition en 2010, éditions du Petit Pavé, (ISBN 978-2-84712-253-4))
Il faudra attendre mars 1989 et l’élection de Kofi-Yamgnane, togolais de naissance, élu maire en Bretagne pour que l’innovation se confirme !! Il fera d’ailleurs une carrière politique par la suite, secrétaire d’Etat, conseiller régional, député socialiste…. Encore maintenant nous avons du mal à définir ces élus : « noirs », « de couleur », comme si le blanc n’était pas une couleur aussi ! Culpabilité d’une mémoire collective, racisme latent, la différence quelle qu’elle soit interpelle encore … Le chemin est long !

Louis Guizot est l’héritier d’une famille protestante prospère installée à Saint-Geniès de Malgoirès dans le département du Gard. Mais au 18ème siècle des revers de fortune et l’aïeul  Maître Jacques Guizot, avocat et riche propriétaire terrien, doit vendre certaines de ses terres. Deux de ses sept enfants Paul et Louis partent en 1726 chercher fortune à Saint Domingue « la Petite Perle des Antilles ». Par le traité de Ryswick de 1697 l’Espagne avait cédé à la France cette partie occidentale de l’île d’Hispaniola, (future Haïti lors de son indépendance en 1804).
Le « commerce triangulaire » fait des ravages en Afrique mais des fortunes chez les « blancs ». En 1701 le roi d’Espagne Philippe V avait autorisé la Compagnie Française de Guinée et de l’Asiento d’importer en dix ans 43 000 « nègres » en Amérique espagnole.
Les deux frères achètent des plantations de café proches du Cap Français, aujourd’hui Cap Haïtien. Louis décède en 1742 sans avoir fait fortune. Paul s’en sort mieux et revient à Saint-Geniès avec une fortune rondelette de 170 000 livres. Ses biens se composent « d’une habitation à Grande Colline, située à Fort-Dauphin, des nègres, bestiaux, effets… ».
Veuve de l’oncle Louis, Jeanne de Nillot est restée aux îles et est citée en 1745 comme « négociante au Cap ». Son beau-frère Paul et son fils Louis utilisèrent en effet sa présence, comme celle de son propre fils Jacques-Louis, sur l'île pour se livrer à des opérations commerciales, avec le nécessaire trafic de devises espagnoles et portugaises qui manquaient cruellement aux négociants sur l'île.  L’historien P Couderc dans La Revue Historique dirigée par G Monod et G Fagniez (Gallica BNF) nous raconte : « Paul Guizot entré dans son Languedoc natal…finance des envois d’argent que lui fait sa belle-sœur la veuve de Louis Guizot « négociante au Cap », à la consignation de Pierre Pellet ou Philippe Nairac à Bordeaux en 1742 1000 piastres gourdes sur le Brillant (bateau), en 1745 200 piastres sur le vaisseau du roi le Juste commandé par M de l’Etanduère….petite spéculation familiale pratiquée en temps de guerre lorsque les sacs ou sachets de piastres ou d’indigo se transportent plus aisément que les barriques de sucre et les boucauts de café… ». Notre Louis Guizot va vivre dans ce monde un peu malsain de petits et grands trafics, mais c’était l’époque !!

Paul vend toutes ses propriétés d’outre-mer sauf une esclave, « originaire de Guinée », baptisée Catherine Rideau. Elle est arrivée du Golfe de Guinée embarquée sur un bateau négrier et non du pays de Guinée, donc nous ne connaissons pas ses origines exactes. Elle lit et écrit le français ce qui indique une personne relativement éduquée. Enceinte, elle restera un temps sur l’île. « Rideau » du nom du nouveau propriétaire du domaine, Pierre Rideau, comme c’était alors l’usage de donner à l’esclave le nom de l’habitant. Louis naît le 9 novembre 1740 et porte le nom de Ferrier, on ne sait pas pourquoi. Peut-être le lieu-dit de sa naissance. Paternité embarrassante pour Paul Guizot ? 

Pourtant dès 1742 Paul paie le passage en France  de son fils et de sa compagne. Paul ne nie pas sa paternité mais ne va toutefois pas jusqu’à épouser la mère de l’enfant. Il écrira plus tard : « qu’il ne rougira pas d’avouer que pendant son séjour dans les îles il conçut de la tendresse pour Catherine Rideau l’une de ses négresses » que les feux de sa jeunesse et le climat du pays facilitèrent sa faiblesse et qu’il en eut un fils ».
Catherine ne peut s’acclimater « à l’air du Languedoc ». Climat social  ou météo moins clémente que celle de Saint-Domingue ? Probablement est-elle le point de mire d’un milieu bourgeois, des habitants du village et des environs qui n’avaient pas l’habitude de rencontrer des gens de couleur. Et puis elle ne parle pas la langue d’Oc, ce qui l’isole. Elle retourne dans les îles en lui laissant son fils « le gage de sa tendresse ». Paul l’affranchit devant notaire de Saint-Geniès. : « Paul Guizot consent qu’elle se retire dans l’endroit que bon lui semblera et qu’elle soit déclarée libre et non esclave, en se soumettant toutefois aux ordres et volontés de sa Majesté ou des personnes par Elle commises. »

Elle correspond avec Paul et prendra des nouvelles de son fils.  » J’ai apri par votre dernière que Louis était en bonne disposition de se faire joli garçon… Recommandé lui de m’écrire et de m’informé de sa situation. « 
Paul ne se marie pas, et se consacre entièrement à ses affaires et à son fils. Il va passer le reste de sa vie à essayer de légitimer Louis, à l’intégrer à la société. Ce sera un long chemin. Il lui fait donner une très bonne éducation : d’abord envoyé à Lédignan où il apprend la fabrication des bas de soie, spécialité lucrative de la région. Une licence en droit, (ou plutôt » bachelier ès droits »), qui atteste d’un bon niveau d’instruction à une époque où le Gard comptait deux ou trois dizaines de bacheliers par an.
Louis épouse le 15 janvier 1760 Marie Boisson, 19 ans, fille d’un marchand respecté du village et ancien consul. Il faut noter que nous sommes depuis 1760 dans un contexte de durcissement des dispositions du Code Noir. Louis n’est pas encore juridiquement reconnu ni légitimé par son père, mais Monsieur Boisson-père n’en a cure, Louis est un bon parti ! Sur le contrat de mariage, Louis est fils légitime ( ?) de Louis Ferrier et de Catherine Rideau. Paul Guyot apparaît comme témoin.
Ils ont deux fils et quatre filles, peut-être huit enfants. Sa licence en droit lui permet d’occuper le poste de viguier du Duc d’Uzès, une situation de responsabilité et qui touche aux affaires de justice locales. Trois domestiques donc un certain standing. 

Louis est baptisé en l’an 1766 le 13janvier en l’église catholique et romaine  du village :  » L’an 1766 et le 13eme jour du mois de Janvier a été baptisé sous condition, Mr Louis, après avoir fait profession de foi catholique âgé de 25 ans 2 mois 4 jours, étant né le 9 novembre de l’année 1740, fils naturel de Mr Paul Guizot, bourgeois, habitant de cette paroisse et de demoiselle Catherine de Rideau originaire de la Guinée, en Afrique. ».
Peut-être pour jouer sur les deux tableaux religieux et prouver son intégration. ses enfants seront baptisés par le pasteur Encontre, un pasteur du « second Désert », qui continue à célébrer des cérémonies religieuses protestantes de 1750 à 1787 clandestinement à Saint-Geniès et aux  alentours, jusqu’à l’Edit de Tolérance du roi Louis XVI du 27 novembre 1787.
Louis subira la discrimination raciale. On en a la preuve quand en août 1770 il se plaint devant la justice d’avoir essuyé les insultes d’un Jean Donnadieu alors qu’il se promenait un soir dans le village avec le Premier Consul. Il semble être un homme qui sait s’affirmer.
La famille Guizot, (Charles le frère et les sœurs Françoise et Marguerite), accepte relativement bien la reconnaissance de paternité de Paul envers Louis. En leur présence, un notaire rédigea un document donnant à un avocat l’autorisation  » de présenter requête au Roi, de supplier Sa Majesté de bien vouloir accorder à sieur Louis Guizot, susnommé Ferrier, son fils naturel qu’il a eu l’année 1740 de Catherine Rideau, sa Négresse, dans le séjour qu’il a fait à l’Amérique, des lettres de légitimation et de le déclarer capable de lui succéder, de recueillir toutes les libéralités qu’il voudra lui faire et de tous les autres effets civils. » Seuls un autre frère de Paul, Antoine et son fils Jean-Antoine s’inquiétèrent de ce bâtard mulâtre qui risquait d’hériter de biens qui leur seraient éventuellement revenus. Ils accusent Paul de folie et cette procédure en légitimation va trainer plusieurs années malgré des certificats de bonnes vies et mœurs venant des églises catholiques et protestantes, des consuls et des principaux habitants de Saint-Geniès. :  » Le père et le fils avaient l’un et l’autre habité dans ledit lieu et dans la même maison, vivant de même pot et ordinaire aux dépens dudit Paul Guizot, celui-ci n’ayant jamais été marié et ayant en outre toujours entretenu, vêtu tant sain que malade, ledit sieur Louis Guizot, son fils naturel, lui ayant donné une éducation et fait prendre la profession de négociant en bas de soie.  » Les lois sont peu favorables aux enfants naturels, et encore moins aux métis issus d’une esclave.
Il est enfin reconnu par son père en 1763 (ou 1773 selon des historiens). Louis est autorisé à s’appeler « Guizot dit Ferrier » par décision du Parlement de Toulouse. Lors de son baptême catholique en 1766 il est fils naturel de Paul nous indique l’acte, donc enfant reconnu. En 1773 un codicille au testament de Paul en faveur de Pierre Dardalhon architecte nimois indique que » Sieur Dardalhon, sitôt qu’il le pourra, avec sûreté, remette à mon fils naturel Sieur Louis Guizot et viguier de la baronnie de Saint-Geniès, toute mon hérédité en quoi qu’elle consiste et puisse consister. » Ce qui pourrait indiquer que la légitimation n’est pas acquise et que Paul a peur que son fils n’hérite pas de ses biens. A la mort de Dardalhon en 1780, Jacques Rivière prêtre à Dions est nommé intermédiaire de confiance. Louis est reconnu par ses père et mère, mais comme ceux-ci n’envisagent pas de se marier, la légitimation pose problème.
Paul décède en 1785 le 4 février. Il a 84 ans.
Louis va montrer sa grande valeur avec la Révolution qui éclate en 1789. Il participe à la rédaction du cahier de doléances du village, qui sera un modèle pour plusieurs villages des environs. La tolérance religieuse y tient une place importante, par exemple dans l’article 16 :  » La liberté de penser étant un droit naturel à l’homme, sa Majesté doit être instamment suppliée d’accorder aux non-catholiques de ses États, en ajoutant à ce doit être instamment suppliée d’accorder aux non-catholiques de ses États, en ajoutant à ce qu’Elle a commencé par son Édit du mois de novembre 1787, la liberté de conscience et l’exercice de leur religion, toutes les fois qu’elles n’auront rien de contraire aux principes de la saine morale ». La région et sa population ont souffert tout au long du 17-18ème siècles des dragonnades, du fanatisme des uns et des autres, ce qui a laissé des traces dans les consciences. Il réclame aussi une meilleure répartition de l’impôt et la liberté de la presse.
Louis est chargé le 8 mars 1789 d’être l’un des quatre élus qui représenteront le village à Nîmes à l’Assemblée Générales des Trois Ordres et qui rédigeront le cahier départemental.
Nîmes prend les armes en août 1789 devant la menace d’une conspiration aristocratique et peut-être d’une bande de brigands nomades. Saint-Geniès se met aussi sur le pied de guerre et Louis devient capitaine général avec deux compagnies de 56 hommes chacune. Ses deux fils, capitaine et sergent sont sous son commandement. Louis devient aide de camp du généralissime de la Fédération des Gardes nationaux de la Gardonnenque. Une cinquantaine de communautés regroupant quelques 12 000 hommes, avec un comité directeur dont Louis est élu président. Leurs bannières proclamaient : « s’unir ou mourir », « vive la nation, le roi et la loi » …Il favorise la création, l’organisation des gardes nationaux et des fédérations où les citoyens s’éveillent à la vigilance et au patriotisme, le 13 décembre avec le premier consul Louis-Isaac Chambon de Saint Estève.
Le 7 février 1790 il est élu maire du village par 167 voix sur 176, presque un plébiscite. Le pasteur Pierre Encontre préside l’élection avec le catholique Jean Maigron. Toujours la tolérance… Louis, qui  possède du charisme, est un homme de convictions.
Le 14 juin 1790 Louis est élu membre du Directoire du Gard, administrateur du département, pendant la fameuse « bagarre de Nîmes » : 182 voix sur 205. Il laisse la mairie mais ne se désintéresse pas du village. En novembre1790  il est magistrat pour Saint-Geniès, élu juge de paix du nouveau canton de Saint-Geniès. Le nouveau pouvoir semble reconnaître ses mérites et sa couleur de peau ne constitue pas pour lui un handicap ou un avantage.
Mais il est du parti des modérés, pour la Gironde. Dans notre sud nous sommes volontiers fédéralistes donc Girondins. Contre les Montagnards centralisateurs, unitaires. Ces derniers voulaient un pouvoir fort, pour consolider les acquis de la Révolution. Les Girondins, étaient attachés à la liberté du commerce, au respect de la propriété et aux principes de 1789. Adeptes d’une décentralisation vraie, ils souhaitaient attribuer à l’administration locale le pouvoir de gérer l’administration intérieure. A Paris le Comité de Salut Public des Montagnards fait contrôler les autorités locales par des représentants en mission, un moyen pour annihiler toute volonté d’indépendance. Après la chute de la monarchie en août 1792 et l’exécution du roi en janvier 1793, l’autorité des Montagnards s’affermit. Ces derniers l’emportent et vont se montrer impitoyables. La Terreur s’installe. En novembre 1793, les représentants Rovère et Poultier sont dans le Gard pour épurer les autorités municipales et cantonales. A Vallabrix les élus municipaux sont destitués « manquant d’énergie et de Lumières ». Saint-Geniès change de nom : c’est maintenant Montesquielle d’après le nom du ruisseau qui passe au milieu du village et la municipalité est montagnarde. Les villages perdent les uns après les autres tout symbole religieux : Saint-Chaptes devient Beauregard, Saint-Bauzély est simplement Bauzély… Les églises deviennent temples de la raison, prêtres et pasteurs démissionnent ou prêtent serment à la République.
Louis traverse alors une période extrêmement trouble et tendue ; il a été l’un des élus fédéralistes du département. A Paris on trouve que ses deux représentants Rovère et Poultier n’ont pas été assez loin dans l’épuration, En janvier 1794 un nouveau représentant, Jean Borie, de triste réputation,  nous est envoyé. Il va laisser derrière lui la trace sanglante de la Terreur. Des détachements battent la campagne, fouillent les fermes. On encourage la délation, on met en place des comités de surveillance. A Paris les débats sur l’abolition de l’esclavage se font sur grande tension entre Girondins et Montagnards. La Convention abolit l’esclavage le 4 février 1794, après le soulèvement des esclaves de Saint Domingue de 1791.
Les Girondins sont arrêtés, les têtes tombent. Louis est dans le camp des vaincus. On le déniche, on l’arrête et l’incarcère dans la citadelle de Nîmes. Le 1er au 3 juin 1794, il passe en jugement en compagnie de huit autres administrateurs fédéralistes du département. Malgré les risques et cela montre bien la popularité de Louis, des amis témoignent en sa faveur, quelques 80 citoyens de Saint-Geniès. Quelques-uns seront autorisés à parler, mais la plupart seront éconduits. En vain, la Terreur avait besoin d’éliminer tous ceux qui avaient joué un rôle important dans des activités fédéralistes. Sur les neuf prévenus, huit dont Louis sont condamnés à mort, leurs biens confisqués et leurs enfants mineurs renvoyés à un orphelinat.
Le jour même ils sont conduits et guillotinés sur l’Esplanade de Nîmes, place de la Révolution. Nous sommes à court de bourreaux : un Italien de Gênes fera l’affaire. Sur les huit condamnés, sept sont protestants dont les pasteurs de Sauve et d’Aigues-Vives, Pierre Soulier et Pierre Ribes. Au moment de la décapitation du premier condamné, Pierre Soulier entonne de sa voix forte le psaume XXV comme le faisaient les martyrs pour la foi au temps des rois. Les autres condamnés chantent avec lui…..
Deux mois auparavant, un cousin de Louis, André-François dit Guizot-Ginhoux, le père du futur ministre du roi Louis-Philippe, François Guizot, avait été guillotiné pour avoir pris le parti des Fédéralistes.  Ce sera au tour de Robespierre de monter sur l’échafaud le 27 juillet 1794. Et la fin de la Terreur.
Louis est condamné pour ses idées, pour son appel à la tolérance à une époque d’intolérance extrême. Il montre des compétences et une détermination exceptionnelles. Homme remarquable, incapable d’être inconstant alors que la survie exigeait des pirouettes de girouette. Lui et ses amis incarnaient certainement bien plus les aspirations révolutionnaires et patriotiques de 1789 que leurs adversaires.

Un autre métis Joseph Boulogne dit le chevalier de Saint-George (1745-1799) traversera cette période tumultueuse après avoir été un musicien, danseur, et dandy recherché sous Louis XVI. Premier colonel noir à la tête de mille légionnaires noirs et métis, épéiste et soldat de renom, il passe néanmoins 18 mois en prison sous la Terreur.

.Sources et pour en savoir plus : africultures.com/un-maire-noir-sous-la-revolution-3898/
----- wikipedia.org ---Henri Hugues De Louis Guizot à Barack Obama Mémoires de l’Académie de Nîmes  2009—Roger Little Un Maire Noir sous la Révolution 2005 amphore-malgoires.blogspot.com/2015/10/louis-guizot-une-belle-histoire-damour.html
--- Lacroix Jean-Claude Louis Guizot (1740-1794) premier maire noir de France Cahiers du Centre de Généalogie Protestante 2009, n° 106 ; pp. 97-101 médiathèque de Montpellier ---
www.saintgeniesdemalgoires.fr › les-celebrites-de-saint-genies..---- Généalogie et Histoire de la Caraïbe - n° 237+157 édité 2010 Philippe Rossignol--- https://francearchives.fr/findingaid/81c7cc29fe87b8b6620d71a4e2810ee45ad6f0e5
Fonds Guizot--- FABRE, Marcel. Prestation de Serment de M. Guizot, juge de paix à Saint-Géniès-de-Malgoires. Revue du Midi, 1911, p. 213-219.---LITTLE, Roger.Un Maire Noir sous la Révolution  . Africultures, 1er septembre 2005+ Revue Les Traces Noires en Icccudent L’Harmattan 2005 – archives départementales du Gard sous la cote 1 J 1457.--- RICHARD, Michel. Essai généalogique sur la famille Guizot. Dans Actes du colloque François Guizot (Paris 22-25 octobre 1874). Paris : Société d'histoire du protestantisme français, 1976, p. 489-502.--- ROUVIÈRE, François. Le Mouvement électoral dans le Gard en 1792. Nîmes : Librairie ancienne A. Catélan, Librairie Peyrot-Tinel, 1884.-- ROUVIÈRE, François. Histoire de la Révolution française dans le département du Gard. La Convention nationale (La Terreur). Nîmes : Librairie ancienne A. Catélan, 1889.--- Inventaire sommaire série C16 Archives départementales de l'Herault C 8246. (Liasse.) - 306 p. pap. 1762.  Premier trimestre.--- Gallica BNF --- Paul Estrade, Severiano de Heredia. Ce mulâtre cubain que Paris fit « maire », et la République, ministre, Paris, Les Indes savantes, coll. « la Boutique de l'histoire », 2011, 162 p. (ISBN 978-2-84654-270-8).).-- - (Passé Simple, Raphaël Élizé (1891-1945) Premier maire de couleur de la France métropolitaine. Des Antilles au Maine : Itinéraire entre politique et art de vivre., éd. Passé Simple, 1994, (ISBN 2-95084-680-7) ; réédition en 2010, éditions du Petit Pavé, (ISBN 978-2-84712-253-4))

 

 


                   






mardi 2 juin 2020

Henri Pitot et le Pont du Gard




Pont du Gard Dessin Jean Poldo d'Albenas commons.wiimedia.org


Henri Pitot et le Pont du Gard
 (Henri Pitot (1695-1771-Archives municipales de Montpellier)


Avec les beaux jours, il est temps de parler d'Henri Pitot et du Pont du Gard.
Mais avant tout, quel lien entre Henri Pitot et les sondes Pitot dont on a beaucoup parlé lors du crash de l’Airbus A330-200 qui s’est écrasé le 1er juin 2009 dans l’Atlantique ? En fait en 1732 Henri Pitot invente le tube de Pitot pour mesurer la vitesse des eaux. Il est amélioré par la suite et utilisé en aéronautique, en gros pour calculer la vitesse par rapport à la pression de l’air. En 2009, les sondes ont donné des mesures faussées car elles étaient obstruées par des cristaux de glace.
Mais nous connaissons Henri Pitot dans d’autres domaines. Nous lui devons de nombreux grands travaux dans le Languedoc.


Henri est né à Aramon dans le Gard le 31 mai 1695. Son père Antoine est du village de Marguerite près de Nîmes et sa mère Jeanne de Julhian est de Beaucaire, d’une famille bourgeoise. Il est le 5ème enfant ; sa mère décède en mettant au monde son dixième enfant en janvier 1747. Elle a 41 ans. Henri n’est pas un élève brillant. D’abord au collège des Révérends Pères de la Doctrine de Beaucaire, puis cadet au Régiment Royal-Artillerie où son frère aîné est officier. En désespoir de cause, rebelle à toute instruction, il revient à Aramon. Il a environ 20 ans.
(sa maison natale à Aramon)
Là, prise de conscience ou bien c’était le moment, toujours est-il qu’il se met à dévorer des livres sur tous les sujets : maths, géographie, physique, architecture, anatomie, métaphysique… Il repart à Grenoble pour étudier sérieusement. Quand il revient à Aramon, il séjourne un temps à Uzès chez des parents les Laondès chez qui il rencontre l’abbé Cabot, chanoine à la cathédrale et mathématicien. Devant ses connaissances, l’abbé conseille à son père de l’envoyer à Paris pour parfaire ses connaissances. En 1718 il est l’élève de René-Antoine Ferchault de Réamur, membre de l’Académie Royale et physicien, naturaliste, entomologue… A partir de là, sa carrière de scientifique et technique est lancée.

A l’âge de 27 ans, il calculera grâce à des  connaissances acquises en géométrie et en maths, l’éclipse de soleil du 22 mai 1724, calcul dont la précision sera vérifiée par l’observation. On le vit ensuite du haut d’une vieille tour de la maison de son père, observer le cours des astres avec des instruments qu’il avait inventés lui-même, et tracer des cadrans, quitte à passer pour un peu sorcier. Réaumur le guide, ouvre sa bibliothèque et l’associe plusieurs fois à ses travaux : expériences sur le fer, le vernis, la porcelaine… L’Académie des Sciences lui ouvre ses portes en 1724, nommé adjoint mécanicien, puis associé mécanicien en 1727, pensionnaire géomètre en 1733. En 1742 il est directeur de la Sénéchaussée de Nîmes et Directeur Royal du Languedoc. Il achète la seigneurie de Launay en 1748 et devient membre de la Confrérie des Pénitents blancs de Montpellier en 1751, preuve s’il en était besoin de son intégration dans la société montpelliéraine.


Le pont Pitot adossé au Pont du Gard (pont romain)

Ses recherches sont tous azimuts. Il apporte une solution au fameux problème de Keppler sur la première équation des planètes. Il invente une méthode analytique de tracer des lignes correspondantes à des minutes aux grandes méridiennes, en 1731.
Mémoires sur les polygones circonscrits au cercle, machines mues par un courant ou une chute d’eau, mesure de la vitesse des courants d’eau et le sillage des vaisseaux 1725, théorie des pompes 1735,  sur les causes des maladies mortelles qui règnent sur les côtes de la mer dans le Bas-Languedoc, 1746 ; sur le mouvement des eaux, 1750 ….. En 1751, il est chargé de combler le bras du Rhône côté Provence de l’île de Vallabrègue qui devient enclave gardoise dans le département des  Bouches-de-Rhône…

1726 travail sur la force qu’on doit donner aux cintres dans la construction des grandes voûtes et des arches des ponts : travail qui lui servira lors de ses constructions de ponts, arches etc.
Des recherches sur les crues des fleuves et rivières, sur l’assèchement des marais, sur l’entretien des routes pour l’exploitation des forêts, une étude sur le tracé de la route d’Auvergne entre Alès et le Puy-Clermont-Ferrand…
Il publie en 1731 un livre sue la manœuvre des vaisseaux, ouvrage adopté par le gouvernement français pour l’instruction de la marine. Traduit en anglais, la société royale de Londres en récompensa Henri Pitot en l’admettant parmi ses membres.
En 1740 les Etats du Languedoc lui demandent de vérifier la possibilité et les moyens d’assécher les marais qui  qui s’étendent d’Aigues-Mortes à Beaucaire. Il répare et perfectionne le Canal du Midi ou canal Royal. Grâce à lui on rétablit l’usage antique des pierres milliaires de Nîmes…. Et le pont Pitot adossé au Pont du Gard !
Poldo d’Albenas en 1557 nous montre sur un dessin un pont du Gard sur lequel les piles du second rang d’arches ont été largement échancrées pour faire passer les attelages. Probablement une destruction ancienne liée au péage qui taxait davantage le transport de marchandises que les voyageurs.


Coupe du pont Pitot adossé à l'aqueduc Romain. (album Clérisseau, 1804)
En 1743, les Etats du Languedoc s’en inquiètent, craignant un effondrement. Par ailleurs ils souhaitent supprimer le bac de Remoulins tout proche. Ils se tournent vers Henri Pitot pour proposer la construction d’un pont pour passer le Gardon. Quatre propositions, mais celle du doublement du pont du Gard est la moins chère.
Il propose d’accoler un pont routier à l’aqueduc pour ne pas défigurer celui-ci. Il prend modèle sur le pont Royal de Paris avec des arrière-becs. (qui n’apparaissent pas sur les dessins de Poldo d’Albenas au 16ème siècle). La carrière   du Bois de l’Etoile, ancienne carrière romaine près de Vers et proche du Pont du Gard fournira les pierres, carrière connue sous le nom de l’Estel.

Les dimensions prévues sont d’environ 140 m de long, et 6,90 m de large pour une chaussée de 6,10 m. La décision est prise le 2 janvier 1743, le marché est passé le 2 avril 1743. La première pierre est posée le 18 juin. La réception des travaux a lieu le 25 février 1745, moins de deux ans après la prise de décision. Une plaque en marbre blanc portait une inscription en latin : «  Les Romains avaient construit l’aqueduc ; l’Occitanie a ajouté le pont en l’an 1745, sous la direction de Henri Pitot de l’Académie Royale des Sciences ». Les révolutionnaires de 1793 détruiront cette plaque !
Henri Pitot apparaît comme un touche-à-tout de génie ! Son correspondant de physique Salomon Lefèvre d’Uzès dit de lui : »Quand je songe qu’un Pitot sans orthographe, sans philosophie, sans physique, sans chimie, a fait fortune à Paris et qu’il tient aujourd’hui un rang distingué parmi les savants de toute espèce…. !! »
Sommières et les arches de son pont romain (le pont Tibère) endommagé par les vidourlades, Carcassonne et son canal élevé, et un vrai chef-d’œuvre l’aqueduc de la fontaine de Saint-Clément de Montpellier (les Arceaux) 15 000 mètres sur les arcades parfois à double rang, 400 mètres creusés dans le roc….. réalisé entre 1753 et 1765 et achevé après la mort d’Henri Pitot en 1772.


Les arceaux à Montpellier - Réalisation Henri Pitot.

Sur la fin de sa vie la maladie le rattrapa et il se retira dans son village, jardinant, cultivant ses vergers. Autodidacte, son jardin sera rapidement un lieu d’expérimentation qui forçait l’admiration de tous.
Il décède à Aramon le 27 décembre 1771. Son éloge funèbre prononcée par Grandjean de Fouchy se trouve sur le Recueil de l’Académie des Sciences de 1771.






(fig. 5 ) NDLR : Le Pont de Sète - Le Pont de la Peyrade à Frontignan, réalisation de Henri Pitot au XVIIIe siècle. 52 arches—remplacé après 1920 par un tablier métallique lui-même détruit en 1944

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Aqueduc de Montpellier –User Stevage 25-5-2006---Wikipedia


Sources : « Henri Pitot », dans Personnages connus ou méconnus du Gard et des Cévennes, t. I, Brignon, La Fenestrelle, 2016 (ISBN 979-1-0928-2666-1), p. 169-173 — ouvrage édité par L’Académie Cévenole -- /fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Pitot
-- www.nemausensis.com/Gard/HenriPitot/HenriPitot.html-- Henri Pitot (1695-1771)- extrait de la Biographie Universelle Par M. Pérennès, tome 10, pages 144-145, 1834.--
-La Gazette de Nîmes n°992 7-13 juin 2018 – Bernard Malzac Le Républicain d’Uzès et du Gard n°3568 11-17 février 2016 -- www.midilibre.fr/2019/11/06/a-la-decouverte-des-aramonais-celebres,8525341.php
--www.la-peyrade-mon-village.com/photos/2-le-pont-a-52-arches
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