jeudi 24 novembre 2022

Accident ferroviaire en Maurienne 1917

 


La Plus Grande Catastrophe Ferroviaire en France

 

Nous sommes en pleine guerre de 14-18. Un déraillement de train va faire 435 victimes  (425 sur le lieu de l'accident, 8 des suites de leurs blessures et 2 cheminots). Cette catastrophe ferroviaire reste encore aujourd’hui la cinquième de l’histoire et la plus grande arrivée en France.


Le Petit Journal, 14 décembre 1917

Peu de journaux en parlèrent. L’actualité de la guerre, le moral des troupes et de leurs familles éclipsèrent bien vite cet événement. La censure, la justice militaire saisie au lieu de la justice civile, les archives militaires et celle de la compagnie ferroviaire ont couvert l’accident d’une chape de plomb. Ce qui a entrainé un doute dans l’opinion sur la véracité du bilan : l’imaginaire collectif, les familles des morts ou des blessés vont faire allusion à 600, voire 1200 morts.

Jusqu’en 1972, le drame sera évoqué parfois, mais vite oublié étant donné le manque d’archives.

Le magazine Historia lui consacre un article en 1972, bien qu’incomplet, mais ce sera le début d’une enquête, d’un travail de recherches : Rail Passion en 1996,  mais surtout à partir de 2007 avec l’ouverture des archives et à la demande d’un habitant de Saint-Michel de Maurienne, André Pallatier. On doit à ce chercheur  un livre « La Tragique Destin d’un Train de Permissionnaires » (édi l’Harmattan 2013). On se rend compte que les circonstances du drame sont indissociables du contexte de la guerre.

Nous sommes dans la nuit du 12 au 13 décembre 1917, dans les Alpes. Le train est rempli d’un millier de soldats qui viennent de combattre en Italie et qui se rendent en France pour rejoindre leurs familles et y goûter une permission bien méritée, fêter Noël. Certains ont juste 19 ans ; ils dorment dans des wagons bondés, fatigués par cette guerre sans fin.

Ils ont embarqué à Bassano del Grappa, entre Trévise et Vicence, 17 voitures toutes en bois. Quinze voitures sont à bogies, les deux autres voitures ainsi que les deux fourgons sont à essieux..

Le train arrive à Turin dans l’après-midi du 12, prend la direction du tunnel du Fréjus via la vallée de Suse. Le train est d’abord séparé en deux parties, compte tenu de son tonnage (525 tonnes à vide), à sa longueur (350m) et à sa composition.

Il ne pouvait pas gravir les rampes qui mènent au tunnel de Fréjus. Puis il est reconstitué en une seule partie à Modane, direction Chambéry à 22h47. Le train entame une longue descente vers la vallée, mais le dénivelé de 22% à 30% est trop important, le train prend de la vitesse, jusqu’à 150 km/h, devient incontrôlable. Dans la forte pente, les freins ont chauffé à blanc. L'unique locomotive n'est plus assez puissante pour retenir son chargement de plusieurs centaines de tonnes. Et le train déraille dans un tournant au lieu-dit La Saussaz à une centaine de mètres du pont ferroviaire qui enjambe la rivière l’Arc, juste avant d’arriver en gare de Saint-Michel-de-Maurienne. Le mécanicien Louis Girard avait pourtant prévenu du danger d’accident lié à l’absence de freins automatiques et d’une motrice de queue. En vain….

En fait au départ du train, le système de freinage automatique ne reste activé que sur le fourgon de tête et sur les deux premières voitures. Sur les autres voitures, sept garde-freins sont répartis pour assurer un freinage manuel. Ce  système était utilisé par la compagnie PLM pour les trains de marchandises et les trains militaires.

Les wagons s’encastrent contre un mur de soutènement et contre le pilier du pont routier. Les hommes qui ne sont pas tués sur le coup sont brûlés vifs dans l’incendie qui s’est déclaré…

En mars 1919, le tribunal de première instance de Saint-Jean-de-Maurienne se prononce  officiellement sur un bilan à 425 morts. Il ne concerne que les militaires morts sur le lieu de l'accident. C'est ce bilan qui est le plus souvent repris sur les monuments commémoratifs. Les blessés morts des suites de l’accident et ceux qui vont trainer des années des blessures sont oubliés… Après enquête en particulier de généalogistes, le chiffre le plus réaliste approchera plutôt les 700 victimes. Les rescapés, les habitants de St Michel et de la vallée qui ont aidé à sortir les blessés, qui ont vu mourir ces jeunes hommes ne s’en sont jamais vraiment remis. « ça m’a travaillé des années » raconte un rescapé.

 

Cette tragédie sera commémorée en décembre 2017 dans sept communes : Modane, Fourneaux, Le Freney, Saint-André, Orelle, Saint-Jean et Saint-Michel-de-Maurienne proposeront des conférences, des expositions, des concerts et d’autres animations pendant une quinzaine de jours.

Stèle commémorative de St Michel de Maurienne

Des accidents ferroviaires seront nombreux au début du 20ème siècle, mais pas de cette ampleur. Nous devons nous féliciter  des avancées en matière de sécurité dans le transport par train. Mais dans le cas présent, un peu d’empathie de la part des autorités n’aurait pas été de trop. Les survivants vont mettre des années pour accepter….

Origines des victimes sur le territoire français.--

Sources et pur en savoir plus : , André Pallatier. « La Tragique Destin d’un Train de Permissionnaires » (édi l’Harmattan 2013)---www.lamaurienne.fr/territoire-de-saint-michel-de-maurienne/2017/11/09/centenaire-de-la-catastrophe-ferroviaire-de-1917-neuf-conferences-et-de-nombreuses-animations#:~:text=Le%2012%20décembre%20-- Par Monique Thomasset Le 09/11/2017 à 05:00 - actualisé le 28/12/2017 à 09:48   /france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/savoie/il...-- /fr.wikipedia.org/wiki/Accident_ferroviaire_de_Saint-Miche…--memoiresdescatastrophes.org/catastrophe/catastrophe...-- www.bing.com/search?q=catastrophes+ferroviaires+en+france&FORM=QSRE1wikiplm.railsdautrefois.fr/wikiPLM/index.php?title=12_décembre_1917...---

 

lundi 14 novembre 2022

L'or des cuistots, le Safran

L’or des cuistots, le safran

 

Les papyrus égyptiens, la Bible nous racontent en lettres d’or et de sang, le Safran. Probablement une des premières plantes que l’homme cultiva. En Crête à Cnossos une fresque de 1600 avant notre ère en retrace la cueillette. On utilisait les stigmates rouge-orangé du Crocus Sativus en onguents, colorants, cosmétiques et médicaments. Le safran est présent dans l’Histoire des hommes depuis au moins 5 000 ans. L’empereur chinois Chen Nong le mentionne pour ses propriétés médicinales dans son recueil, Shennong bencao jing, daté de 2700 av. J.-C. Il fait partie des quelque 500 substances citées par le papyrus Ebers, un ensemble de papyrus médicaux égyptiens rédigés vers 1550 av. J.-C. Il est répertorié dans une référence botanique assyrienne du viie siècle av.J.-C.,rédigée sous AssurbanipalPline l’Ancien cite nombre de ses propriétés thérapeutiques. Il a été utilisé dans le traitement d'environ 90 maladies.

Nous ne le cuisinerons vraiment qu’à partir du 11ème siècle.

Il serait le résultat d’une sélection intensive de crocus cartwrightianus, un crocus à floraison automnale originaire de l’Est méditerranéen. Nous le retrouvons dans pratiquement toutes les langues européennes et du moyen-orient : açafräo en portugais, zaferano en italien, azafran en espagnol, et en latin médiéval safranum. En arabe zafaran peut-être de l’iranien zar-paran ou plumes dorées.

Le safran est une précieuse monnaie d’échange depuis l’Antiquité, qui se vend comme l’or le plus pur, au gramme. Les contrefaçons sont si tentantes qu’au Moyen Age les falsificateurs sont brûlés sur la place publique.

Sa culture est délicate. Après une période de repos en été, cinq à onze feuilles vertes verticales montrent leurs nez, pouvant atteindre 40 cm de long. Des bourgeons pourpres apparaissent en automne, et les fleurs colorées éclosent, d’un léger lilas pastel à un mauve foncé et strié. Dans chaque fleur un style à trois fourches, chacune se terminant par un stigmate cramoisi de 25 à 30 mm de long.

A ne pas confondre avec le colchique d’automne, violet aussi mais très toxique.

Pour obtenir un kilo de filaments, il faut autour de 160 000 fleurs. Il se récolte à la main entre septembre et novembre sur le pourtour méditerranéen. Dès que la fleur s’ouvre, le cueilleur attend que le soleil sèche sa rosée, puis coupe la base d’un coup d’ongle. On la transporte délicatement dans une pièce tempérée. Et là on retire les trois stigmates qui vont sécher. On les stocke dans des boîtes hermétiques.

Les Phocéens l’implantèrent dans les environs de Marseille, en Provence à Orange, dans le Comtat Venaissin à Sisteron… Ces régions le cultivent jusqu’au 17ème siècle. Mais le coût de la main d’œuvre, les exigences climatiques de cette culture eurent raison des cultivateurs. L’Espagne sauve la mise encore au 20ème siècle, mais avec une production en chute libre, de 120 tonnes à environ 3 tonnes maintenant. Celui de la Mancha serait l’un des meilleurs. Le plus gros producteur actuel est le Cachemire.

Cultivé dans les Ardennes, il faut entre 180 et 200 fleurs de safran pour un gramme, et donc 180 000 à 200 000 fleurs de safran pour un kilo,

Un bon cueilleur peut récolter 1000 fleurs à l’heure et en émonder 400.

 Des safranières artisanales françaises refont surface aujourd’hui en privilégiant la qualité face à la poudre de safran de mauvaise qualité. A visionner les safranières de Fontanières dans le département de la Creuse.

Stimulant, digestif, analgésique, aphrodisiaque, aussi prescrit en homéopathie pour les troubles circulatoires, riche en fer, en magnésium, en vitamine B6… Il faut bien le choisir : le stigmate doit être entier, 2,5 à3 cm de long, d’un rouge foncé.

L’acheteur doit se méfier : aux stigmates le vendeur indélicat ajoute parfois du curcuma, des pétales de la fleur. Il est préférable de l’acheter par petites quantités, le mettre à l’abri de l’air, de la lumière et de l’humidité.

Pour lui rendre toute sa saveur, il est conseillé de réhydrater les filaments dans de l’eau ou du lait pendant au moins 2 h. Paella, bouillabaisse, mais aussi riz, poisson, légumes, desserts lactés… On se régale aussi avec les yeux !!

Sources et pour en savoir plus : Marie-Amal Bizalion Pays de Provence Terroirs patrimoine n)15 2003—wiipédia.org  Texte sous licence CC-BY-SA-- bing.com/images-- www.onatera.com/safran--- /www.lesafran.fr/le-safran/installation-et-culture-- www.boutique-safrandefrance.fr-- www.francebleu.fr/infos/environnement/fontanieres-face-au...



 

 

 

 

vendredi 4 novembre 2022

Impudique Fanny

 

Impudique Fanny :


 « Baiser la Fanny » : un culte que les boulistes rendent depuis près d’un siècle et demi à leur Joconde, gage de celui qui perd la partie 13/0.

En fait il s’agit d’un rite très ancien. Au Moyen-Age, dans tous les jeux, le vaincu devait se soumettre au « baise-cul ».

Cette farce grivoise perdure au travers de  diverses représentations. Un simple derrière jusqu’à une jeune femme, fesses à l’air, sur un petit tableau portatif fermé par un rideau, ou une représentation cachée dans une boîte fermée par une targette. Un dessin, une photo, une sculpture, une peinture. La pose suggère que la femme est légère ou au moins généreuse. Une cloche grosse ou petite, indépendante ou fixée au mur qui sera agitée furieusement pour annoncer qu’une partie a été gagnée haut la main.


(Fanny en porcelaine). La légende voudrait que son invention soit marseillaise ou tout au moins méridionale. Marcel Pagnol dans la préface de sa Fanny de 1932 parle d’un Américain de passage qui en serait à l’origine.

En fait Fanny serait lyonnaise, Fanny Dubriand. A la fin du 19ème siècle du Second Empire, cette jeune femme un peu simple d’esprit, tous les jours s’asseyait près des boulistes du Clos Jouves, célèbre terrain de jeu de boules du quartier de la Croix-Rousse à Lyon. Quand un des boulistes ne marquait aucun point, il devait faire pénitence. Il se plaçait derrière Fanny qui sans rechignait lui montrait son postérieur à embrasser. Lorsqu’elle mourut dans un asile, les boulistes continuèrent la plaisanterie en baisant une image de Fanny. Le rite se propagea rapidement hors de Lyon.


Huile sur toile, laque sur tôle, médaillon en plâtres moulé, cartes postales, photographies…. Font la joie des collectionneurs. C’est un villeurbannais E Billon qui produira le premier ses Fanny sur tôle avec des peintures pastel. (Villeurbanne est dans la banlieue lyonnaise).

De la Fanny pudique d’avant 1900, succèdent des Fanny audacieusement dévêtues. Des dessinateurs comme Bourgeois, Dubout le spécialiste des Fanny marseillaises, représenteront de « belles femmes », dans des postures incroyables.


Dans chaque village, chaque quartier, des artistes ou des peintres du dimanche  exécutent des pièces uniques. Des fabricants de boules offraient dans les années cinquante des moulages en plâtre à peindre. Fanny dans un décor champêtre entre boules et bouteilles. Le patron du bar, la partie finie, servait un « mètre » de rouge, douze verres payés, un gratuit. Utrillo, le grand peintre, paya ses verres avec une Fanny dessinée à Neuville-sur-Saône !!

Une tradition exprimant le sexisme d’une époque, l’humiliation du perdant,  glorification de la victoire ou simple délectation du jeu, farce grivoise ? A chacun son opinion.

L’expression « faire fanny » s’est étendue à d’autres jeux, et même dans le langage courant.

Un souvenir d’enfance du café de mon oncle : mes cousins, cousines et moi-même allant soulever le rideau qui abritait la Fanny au fond du jeu de boules quand les adultes n’étaient plus là. Rires jaunes devant l’interdit, honte sans trop savoir pourquoi… 

Sources et pour en savoir plus : Merou et Fouskoudis La fanny et l’imagerie populaire éd Terre et Mer 1982—Nathalie Dallain Pays de Provence 2003 n)35 p106—