samedi 3 février 2018

Hemingway au Grau du Roi








Lune de Miel au Grau-du-Roi –Ernest Hemingway


L’écrivain américain Ernest Hemingway choisit le Grau-du-Roi en mai 1927 pour son voyage de noces. Il aimait Paris et ses artistes et intellectuels des années 20, mais contrairement à beaucoup d’Américains de sa génération, il prenait plaisir à musarder sur nos petites routes recherchant bonne chère, vins raffinés et paysages bucoliques.
Déjà en juillet 1923 le romancier britannique Ford Madox Ford dans son livre « Provence » mentionne sa rencontre avec Ernest Hemingway sur le pont entre Tarascon et Beaucaire ; il se rend en Espagne pour les fêtes de Pampelune. Le 25 avril jusqu’au 1er mai 1924, Ernest est en Provence : un voyage de six jours pour 250 francs, y compris billets de chemin de fer et une place à la corrida de Nîmes.
En mai 1927 à Paris il avait épousé la 2ème Mme Hemingway Pauline Pfeiffer, journaliste à Vogue. Voyage en train, Avignon, Nîmes avec une nuit à l’Imperator. Ils souhaitaient assister au pèlerinage des Saintes Maries de la Mer, mais ils s’y prennent un peu tard et faute de chambre libre, ils vont jusqu’au Grau Du Roi. Ils découvrent un village de pêcheurs, la Camargue les enchante. Ils séjournent trois semaines au Grand Hôtel Pommier. Il écrit à Maxwell Perkins, son directeur littéraire le 27 mai : « Cet endroit est un très bel endroit, en dessus d’Aigues Mortes en Camargue et au bord de la Méditerranée avec une large plage et un beau port de pêche ».
"This is a fine place below Aigues Mortes on the
Camargue and the Mediterranean with a long
beach and a fine fishing port."
Ernest Hemingway, 27 Mai 1927
(correspondance à Maxwell Perkins)
 
Ernest à 27 ans, son premier roman « Le Soleil se lève aussi »  connait un grand succès de librairie et il se trouve propulser au premier rang des auteurs américains. Il investit sa fortune récente en voyage pour découvrir l’Europe.
L’écrivain ne chôme pas pendant son séjour ; levé tôt, tous les matins jusqu’à l’heure du déjeuner, il écrit. Il achève « Dix Indiens », « Paradis Perdu » qui deviendra plus tard « Collines comme des Eléphants ». Il s’inspire de sa vie, de ses ruptures amoureuses. Le reste de la journée avec son épouse, il marche sur les plages désertes, pêche, observe la mer et les barques de pêcheurs, apéros face à la mer au café de La Jetée… Un peu de shopping, bronzage, farniente aux terrasses des cafés… Ils participent au pèlerinage des Saintes Maries de la Mer fin mai, déguisés en gitan, la peau barbouillée au jus de mûre pour renforcer leur bronzage. Ils s’y rendent à vélo !. Ils fréquentent l’église Saint-Pierre du Grau du Roi, aujourd’hui remplacée.
Le port du short interpelle un peu les villageois. Une excentricité d’étrangers. Hemingway raconte : « le prêtre ne leur adressait jamais la parole quand ils étaient en short mais il ne les dénonçait pas publiquement et lorsque le soir ils étaient en pantalon, tous trois se saluaient d’une inclinaison de la tête ».. « Presque chaque jour ils se promenaient sur la petite route blanche qui longeait le canal »
Ce séjour heureux lui inspire le début du roman « Le Jardin d’Eden » qui met en scène un jeune écrivain David Bourne et son épouse Catherine, jeunes mariés. Les trois premiers chapitres explorent largement les environs et la ville du Grau du Roi qui est décrit comme un coin de paradis : « Ils séjournaient alors au Grau du Roi et l’hôtel se trouvait en bordure d’un canal qui, des remparts de la vieille ville d’Aigues Mortes, filait droit jusqu’à la mer. » « il avait quatre chambres à l‘étage et au rez de chaussée face au canal et au phare, un restaurant et deux tables de billards »…(premiers mots du roman). Tous les deux adoptent la même coupe de cheveux chez le coiffeur du village. Il nous raconte le rituel de la pêche au loup, les pains de glace livrés par le camion de Nîmes… Ce séjour est l’occasion d’emmagasiner des matériaux, des impressions qui ressortiront dans les écrits d’Hemingway. Il a laissé l’image qu’un homme curieux des autres, qui buvait pas mal et qui savait écouter.

Cuba Bar Florida Havane
En 1952 c’est « Le Vieil Homme et la Mer » qui lui apportera une reconnaissance internationale. Prix Nobel de littérature en 1954 pour un « style puissant et nouveau par lequel il maitrise l’art de la narration moderne ». L’année précédente il avait remporté le prix Pulitzer. "Camarade, je n'ai jamais rien vu de plus grand, ni de plus noble, ni de plus calme, ni de plus beau que toi", s'exclamait le Vieil Homme d'Hemingway devant un thon rouge.
En route pour Venise, il fait un crochet et revient au Grau en décembre 1949 séjournant à l’Hôtel Bellevue et d’Angleterre. Le Grand Hôtel Pommier est devenu  un restaurant "le Quai des Artistes". Il est accompagné de sa 4ème épouse Mary et d’un couple d’amis, ainsi que de son biographe AE Hotchner. Avignon, Pont du Gard, Nîmes, Aigues-Mortes et le Grau-du-Roi.
En mai 1954, de retour d’Italie, il repasse dans notre région. Il a une nouvelle muse Adriana Ivancich. Il lui écrit « nous allons voir le pays de Cézanne et de Van Gogh ». Il confie à son biographe Hotchner :« Je connais par cœur tous les vignobles de la région ; je me promenais ici à bicyclette avec Scott Fitzgerald à l’époque où il n’était pas fou ».
Fin septembre 1959 c’est son dernier voyage dans le Sud ; Nîmes, Aigues-Mortes, Le Grau du Roi. Il loge à l’hôtel nîmois l’Imperator. Il assiste le 27 septembre à la corrida d’Antonio Ordonnez dont il dit : « il possédait les trois grandes qualités requises pour un matador : le courage, l'adresse professionnelle et la grâce devant un péril de mort ».. A L’Imperator Ernest loge toujours dans la même chambre. Il y rencontre les matadors, dîne avec eux. De Cuba il a pris l’habitude des cocktails à base de rhum.

Hemingway c’est l’image du soldat, du chasseur, du pêcheur, de l’aficionado, de l’homme engagé dans les guerres du moment, et en particulier de la guerre d’Espagne. « L’Adieu aux armes » de 1929 interdit par Mussolini et aussi à Boston, à partir de son engagement d’ambulancier pendant la 1ère guerre mondiale ; « Pour qui sonne le glas » 1940 sur la guerre d’Espagne…. Et bien d’autres livres. Qui nous font oublier sa misogynie, son homophobie, son antisémitisme, et une certaine malveillance nous dit son biographe Kenneth Lynn. Un homme de son temps !!
Une anecdote sur son engagement pendant la Second Guerre Mondiale, en août à la libération de Paris, il rencontre le général Leclerc. Il se présente en tenue mi-militaire, mi-civile et demande un blindé de reconnaissance, deux ou trois jeeps et une demi-douzaine d’hommes pour libérer le bar du Ritz. Leclerc le renvoya en le traitant de clown !
« Le Jardin d’Eden » sera édité après sa mort aux Etats-Unis en 1986, en France en 1989. La critique n’est pas fameuse. Il faut dire que le manuscrit a été retaillé par son éditeur Tom Jenks. Cécité, diabète, impuissance, troubles bipolaires, Ernest se sent plonger dans un monde qui lui échappe. Il se donne la mort le 2 juillet 1961.
Ses romans seront portés au grand écran. Il serait le parrain du comédien français Claude Brasseur.(in « Le cinéma français célébré à Cuba », L'Obs,‎ 6 juin 2006 (lire en ligne [archive])- Prisma Média, « Claude Brasseur - Vsd », Vsd.fr,‎ 3 juin 2008 (lire en ligne [archive]))

L’Office du Tourisme du Grau propose aux touristes, des safaris Hemingway, des chambres Hemingway, des week-end Hemingway. Un prix Hemingway à Nîmes pour récompenser un écrivain, cérémonie qui se déroule à l’Imperator, cette année 210 candidats. C'est la 14ème édition. Le concours est ouvert à tous les auteurs déjà publiés, qui récompense une nouvelle inédite sur la tauromachie, son univers et sa culture Le prix est de 4 000 euros. En 2017 c'est Gil Galiot qui remporte la palme. (prixhemingway@lesavocatsdudiable.com). Hemingway est définitivement gardois !.



Sources : James R. Mellow, Hemingway: a life without consequences [« Hemingway : une vie sans conséquences »], Boston, Houghton Mifflin, 1992 (ISBN 9780201626209),-  Jeffrey Meyers, Hemingway: a biography [« Hemingway : une biographie »], Londres, Mac Millan, 1985 (ISBN 0-333-42126-4), -   Pierre Clostermann Une vie pas comme les autres .Éd. Flammarion2005,  -  Griffin, Peter, Ernest Hemingway, au fil de sa jeunesse, trad. franç., Gallimard, 1989. – GregoryH Papa Hemingway 1976 édit Denoêl – Mariel Hemingway  Ernest Hemingway la vie et ailleurs 2011 édit Michel Lafont – wikipedia wikimedia communs – photos Babelio.com – L’Express Bar Florida Havane Reuters/Desmond Boylan mai 1960 -  Gazette de Nîmes n°895-896 août 2016 Bernard Bastide  et n°970 p5 -4janvier 2018--







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