jeudi 22 février 2018

La République de 1848 à Uzès et la suite

Rue d’Uzès par José Belon- fin 19ème


a La République de 1848 à Uzès et la suite :

« La politique n’est pas un long fleuve tranquille… »


Au printemps 1848, presque toute l’Europe gronde. Les monarchies sont contestées.  En France Louis-Philippe abdique le 24 février 1848. (Louis-Philippe)
C’est le dernier roi « des Français » (le premier était Louis XVI) et non roi de « France et de Navarre ». Depuis la Révolution de 1789, nous avons vécu un empire avec Napoléon, trois royautés avec Louis XVIII, Charles X pour la Restauration, et Louis-Philippe, sans compter la Terrreur Blanche et Quatretaillons de 1815 (voir article sur le blog sur le Brigand de Valabris  31-3-2017). 
Un gouvernement provisoire proclame la IIème République. 

A Uzès le parti catholique décide de se rallier au nouveau gouvernement et peut-être un peu à contre-cœur, chante la Marseillaise dans les rues avec le reste de la population. Les différentes places de la ville sont en liesse et proclament le renouveau. A l’Hôtel de Ville la foule réclame le buste de Louis-Philippe aux conseillers municipaux qui étaient au balcon. Devant leur refus, elle envahit le bâtiment et s’emparant du buste le jette du haut du balcon et il se casse en mille morceaux. Le tableau du roi n’est sauvé que grâce au réflexe d’un employé de la mairie qui le détache de son cadre et le cache dans un rayon de la bibliothèque.
Tour de l'Evêque et son coq
Puis la foule se rend à la tour de l’Evêque pour prendre le coq gaulois qui surmontait l’horloge de la tour. Le but est de le trainer avec une corde au cou dans les rues de la ville. Monsieur de la Bruguière réussit à le prendre pour le mettre en lieu sûr chez lui. Le coq retrouvera son perchoir plus tard.

Le 3 mars 1848 sur proposition du commissaire du gouvernement M Teulon, la municipalité est ainsi constituée : MM Ode avocat, maire d’Uzès, Ferrand de Missol premier adjoint, Ernest Vincent second adjoint. On plante deux arbres de la liberté de 8m 50 (? nous dit la chronique) de hauteur, peints aux couleurs nationales. Des arcs de triomphe ornent les maisons des édiles. La garde nationale est réorganisée avec MMs de La Bruguière, Ferrand de Missol colonnel et lieutenant-colonnel, Euzéby, Fontarêches, Puech, Crey, Boucarut, Chamand, Bastide…… des noms de la riche bourgeoisie ou ancienne noblesse, des notaires, avocats, avoués…… Un club est organisé au Duché, le « Club de la Souveraineté du peuple » ; il compte un peu plus de 1700 membres du parti catholique. Ode est nommé procureur et le club désigne Dampmartin maire d’Uzès, décision acceptée par l’autorité supérieure. Près de 60 ans après la Révolution de 1789, la démocratie est encore très limitée, exercée seulement par certains.

Les élections des députés sont fixées pour le 23 avril. Le suffrage universel est instauré, mais réservé aux seuls hommes de plus de 21 ans. Depuis 1815, le vote était redevenu censitaire et réservé aux hommes de 30 puis 25 ans. Pendant une période, les plus imposés pouvaient voter deux fois !!

Les élections ont lieu dans la salle du tribunal d’Uzès. Les électeurs sont classés par ordre alphabétique et patientent dans les allées de la cathédrale. A la tête des électeurs de chaque commune, le maire et le curé attendent leur tour. Le procès-verbal des résultats sera porté à Nîmes le lendemain. Provisoirement il est posé sur un brancard, entouré de lauriers et de drapeaux tricolores, puis porté en triomphe à l’Hôtel de Ville avec fanfare, tambours à la clarté de cent torches. De retour de Nîmes, Camille François Hyacinthe de Carmes de La Bruguière est ovationné, un arc de triomphe est dressé devant sa maison, « arc de triomphe qui dépasse le toit ». (les prénoms sont là pour s’y retrouver dans la généalogie de la famille)
Notre nouveau député est issu de la branche aînée d’une famille royaliste. Il est né à Laudun (Gard) en 1791 et décède à Uzès en 1862. Il s’oppose au gouvernement de Louis-Philippe. Sous l’Empire et la Restauration il est officier, prisonnier après la Bérézina dans la campagne de Russie. Il sera en 1848 de l’assemblée constituante et de l’assemblée législative. Aujourd’hui nous dirions que c’est un homme de droite. Réélu en 1849, il vote pour les poursuites contre Louis Blanc et Marc Caussidière, contre l’abolition de la peine de mort, pour la loi Falloux sur l’enseignement.
Uzès échappe aux menées ultra-gauches des Blanqui, Barbès parisiens. Depuis la fin du Premier Empire, on n’a pas cessé de comploter dans le microcosme politique de droite comme de gauche, le pays tangue comme un bateau ivre. 
La nouvelle Constitution est lue place aux Herbes en grande pompe par le maire d’Uzès Dampmartin en présence du député La Bruguière et du sous-préfet. Le prince Louis Napoléon est d’abord élu député à l’assemblée constituante en juin dans quatre départements, puis président de la République en décembre 1848 à une très forte majorité. C’est notre premier président de la République, le plus jeune jusqu’à peu et sera le dernier souverain de France. Et cela jusqu’au 1er mai 1852, proclamation de l’Empire, et le coup d’état qui a lieu le 2 décembre 1851 mettant fin à la IIème République… De nationalité suisse, il sera le seul président suisse de notre pays !! (en 1832)

Les débuts de la République sont entachés par la répression sanglante des ouvriers parisiens qui protestent contre la fermeture des ateliers nationaux, les Journées de Juin (22 et 26 juin). Un bilan terrible 5 000 insurgés tués ou fusillés, environ 1 500 soldats tués, 25 000 arrestations et 11 000 condamnations à la prison ou à la déportation en Algérie. Louis-Napoléon n’est pas compromis dans cette décision. Mais le mal est fait. Ces journées de juin creusent alors un fossé temporairement infranchissable entre les autorités de la République et les ouvriers. Jusqu’à la Première Guerre Mondiale, nous aurons la répression et la déportation faciles.
En 1850 notre ancien maire et procureur sous le gouvernement provisoire Ode avec un avocat d’Avignon Alphonse Gent et une cinquantaine de personnes sont arrêtés à Lyon pour complot socialiste, condamnés et déportés. Conspirations, manigances, intrigues, conjurations, embrouillamini romantique, nous ne sommes pas encore guéris !! Malgré l'absence d'internet et son système de communication rapide, nous subissons les éclaboussures des complots parisiens.
Le coup d’état du 2 décembre 1851 est annoncé à Uzès par une dépêche télégraphique affichée sur les murs : l’assemblée nationale est dissoute, de nouvelles élections sont envisagées. L’inquiétude est à nouveau là. Des bandes armées sont aux portes d’Uzès bien que la ville reste calme. Le maire Dampmartin est très présent sur le terrain pour rassurer et veiller au bon ordre. Des patrouilles de la garde nationale et d’une compagnie d’infanterie sont organisées, en particulier la nuit. Notre département sera mis en état de siège comme 31 autres départements et l’armée, une colonne mobile du 8è Léger procédera à des arrestations les 5 et 6 décembre. Environ 65 personnes seront incarcérées dans notre prison d'Uzès. 21 d’entre eux seront conduits à Nîmes le dimanche de Pâques 11 avril 1852, devant une commission mixte. Enchaînés deux par deux, escortés par deux brigades de gendarmerie et d’une compagnie du 8è Léger, armes chargées et ordre de faire feu en cas d’évasion. Certains seront libérés, d’autres emprisonnés au Vigan, ou déportés. Ceux qui avaient fui sont condamnés au bannissement. C’est un peu près la même chose dans toute la France. Victor Hugo s’est exilé à Bruxelles.
Les 20 et 21 décembre les réformes du « prince président » sont plébiscitées par sept millions et demi de suffrages.  Dans certaines régions, seuls les bulletins Oui sont imprimés, les Non devant être écrits à la main avant que le bulletin ne soit donné au président du bureau de vote pour qu'il le glisse lui-même dans l’urne !!.
Le second empire n’est pas loin, le 2 décembre 1852 après un autre plébiscite. Déjà le 7 novembre 1852, le Sénat adopte le sénatus-consul qui donne à Louis-Napoléon l’Empire héréditaire sous le nom de Napoléon III. Mais il faut une sanction populaire par la voie des urnes..  A Uzès 1141 oui, contre 122 non, et sur le département un peu plus de 83 000 oui contre près de 4400 non. Ces élections seront saluées dans la ville par des salves d’artillerie. Aux législatives de 1852 le Duc d’Uzès est nommé député de notre arrondissement.
a Assassinat de Dampmartin maire d’Uzès

Le 30 septembre 1852 le maire d’Uzès le vicomte Jean Antoine Roch Anne Tancrède de Dampmartin est assassiné. Il est 4 heures et demi du matin sous les arceaux de la place du Puits-des-Cercles, actuelle place Dampmartin. Le préfet l’avait convoqué à Nîmes à l’occasion du passage du nouveau président de la toute neuve république Louis-Napoléon. L’Empire sera proclamé le 2 décembre de la même année. 
L’assassin a tiré deux coups de feu à quinze ou seize pas de distance de sa victime. Le domestique qui précédait le maire,  court après l’assassin, mais en vain.

Hôtel Dampmartin Uzès avant et après rénovation
Dampmartin était aussi membre du Conseil général du Gard. Il est légitimiste, mais l’enquête va laisser de côté un éventuel aspect de politique nationale. Elle va s’orienter vers une brouille et des menaces verbales d’un certain Mounet, maître-maçon. C’est la consternation dans Uzès. La rumeur, l’opinion publique dès le premier moment a désigné Pierre Mounet dit le Cadet. Il est fâché avec le maire semble-t-il parce qu’il ne fait plus partie du conseil municipal. Plusieurs fois il se vante de vouloir tuer l’édile qui lui a porté préjudice.
    La cour d’assise de Nîmes est récusée pour cause de suspicion légitime et c’est celle de la Drôme à Valence qui jugera l’affaire.
La cour d’assise le condamne à mort et il est exécuté à Valence le 19 septembre 1853 sur la place St Félix à six heures du matin, pratiquement un an après son forfait.

Portrait XIXe Henri Cabot de Dampmartin Uzès Gard Révolte des Masques Armés 1821 Musée Borias d’Uzès – père de Tancrède -
Tancrède de Dampmartin avait eu une vie politique au service de l’Etat bien remplie. Né à Montségur dans la Drôme en 1787, à 24 ans il est au Conseil d’Etat ; en 1813 il est attaché au 4è Régiment des Gardes d’Honneur, 1816 chevalier de la Légion d’Honneur, sous-préfet sous la Restauration à Carpentras puis à Orange. Il est maire d’Uzès depuis 1848. Des ancêtres conseillers à la Cour des Aides de Montpellier, commandant de la ville d’Uzès, grand voyer général aux finances de Montpellier, maréchal de camp et littérateur distingué (Henri son père)…. Des ancêtres communs au 16ème siècle avec les Clausel et les Bargeton de Vallabrix. Son fils Anatole décède tôt, sa fille est mariée au Prince  François de Broglie.




Uzès prend peu à peu son visage d’aujourd’hui : sur l’Esplanade dont le terrain a été abaissé pour ouvrir la route d’Uzès à Arpaillargues en 1848, des arbres sont plantés. En creusant on découvre les vestiges de l’ancienne église des Cordeliers. Ce terrain, un carré de niveau avec les boulevards et terminé en fer à cheval,  avait été donné à la ville par les Cordeliers en 1720. En contrepartie, Uzès prenait en charge la taille (impôts) des immeubles des Cordeliers.
Le télégraphe électrique arrive en 1860, installé à la poste, dans l’Hôtel de Ville. En 1868 une usine à gaz construite au Serrebonnet (sarre bonnet : tiens bien ton chapeau à cause du vent !!) éclaire les rues de la ville. Adieu les lanternes à huile !
Un nouveau  presbytère se construit dans l’ancien jardin-cimetière attenant à l’église St Théodorit. Quelques années plus tard les ouvriers en creusant pour consolider la structure, découvrent les vestiges d’un temple romain dédié à Mars qui aurait peut-être donné son nom à la tour Martine (pavillon Racine). (ou plutôt les restes du cloître des chanoines attenant à la cathédrale ?)
(machinerie pour monter l’eau– 22-8-2015 Midi Libre). La ville s’équipe de fontaines dont deux monumentales, place aux Herbes et devant l’église des Capucins. Les eaux de la source située en dessous de la Tour du Tournal dans la vallée de l’Eure seront élevées sur le plateau d’Uzès dans la cour du collège. Des démêlées judiciaires feront que le projet de 1855 arrivera à bon port en 1875. A l’occasion  on apprend d’après l’ingénieur Dombre que l’hôtel de ville est situé à 135 mètres au-dessus de la mer.
En 1857, deux hallebardiers ouvraient encore les cérémonies municipales, maire et les deux adjoints en uniforme. Tradition uzétienne qui a disparu de nos jours !
Dans quelques temps nous parlerons des élections du député Bravay, le Nabab d’Alphonse Daudet, personnage qui a bien existé et son histoire vaut son pesant d’or !
Le 6 juin 1867 Napoléon III et le tsar de Russie Alexandre II échappent à une tentative d’assassinat au Bois de Boulogne à Paris. Villes et villages de France envoient des messages de sympathie à la famille impériale.
Iwan de La Bruguière (1820-80) maire d’Uzès de 1865 à 76 avait vidé nos casernes : « les officiers faisaient cocus la plupart des bourgeois de la ville, les sous-officiers courtisaient leur progéniture féminine et les simples soldats étaient au mieux avec leur bonne » !! Les casernes seront à nouveau occupées en novembre 1897 par un bataillon du 58ème de ligne. (Ivan Marie Adolphe fils de Camille François Hyacinthe de Carmes de La Bruguière vu plus haut)
Et puis c’est la guerre contre l’Allemagne et Sedan en 1870. Une foule d’Uzétiens accompagne les réservistes qui partent pour le front le 22 juillet 1870.  On commença par réorganiser la garde nationale avec le commandant Carcassonne à sa tête, remplacé plus tard par le Duc d’Uzès. Puis les mobiles d’Uzès et du Gard sont envoyés au front. Peu de temps après les mobilisables sont appelés. Au moment de leur départ le maire leur remet un drapeau offert par les demoiselles de la ville qui y  avaient brodé le nom d’Uzès et les mots Liberté, Egalité, Fraternité. Ils seront dirigés vers Nîmes puis Issoudun où ils arrivent le 14 janvier 1871 après avoir parcouru 200 lieues enfermés dans des wagons à bestiaux, dans le froid, la pluie, la neige. De là ils se retrouvent à Châteauroux, en caserne avec pour dormir la fameuse « serapé », couverture à poils longs avec un trou au milieu pour passer la tête, vêtement venu tout droit du Mexique, pays de l'Impératrice. Ils seront dispersés dans d’autres garnisons, sans jamais voir les Prussiens. L’armistice est enfin annoncée et c'est alors qu'ils reçurent des capotes bleues bien chaudes mais l’hiver était fini et des cartouches, mais la guerre était terminée !! Ils revinrent à Uzès avec leur drapeau en bon état.
L’Empereur est prisonnier et déchu.  Le calme règne à Uzès, le maire M Ivan de La Bruguière proclame la IIIè République sur l’Esplanade. De nouveaux temps s’annoncent.
Uzès continue d’avancer, une gare en 1880, des boulevards cimentés sous la mandature du maire Monsieur David Mossé, groupe scolaire et écoles, quartiers assainis, communication et ouverture de rues avec les boulevards et la place aux Herbes…. David Mossé maire de 1881 à 1888, de religion juive, élu parce que les partis catholiques et protestants  étaient d'égale influence en ce moment là. Et on dira que nous n'avions pas l'esprit ouvert !! 
En 1875 Ferdinand Vincent lance une souscription pour créer une compagnie de sapeurs-pompiers à Uzès. L’hôtel de ville a été détruit par un incendie, avec le théâtre et la bibliothèque installés dans ses locaux. Depuis 1872 une société de secours mutuels « La Vigilante »  dont le but était semble-t-il de rassembler les royalistes uzétiens qui maintenaient dangereusement une certaine ébullition dans leurs rangs. Cette société sera finalement dissoute plus tard.
Chaque année les Félibres du Languedoc et de la Provence se réunissent dans une ville différente : le 28 août 1892, Uzès a cet honneur. Frédéric Mistral séjourne au château ducal. Défilés, chants, poésies, concours, accompagnent messe et discours. Le 19 mai 1897, le congrès archéologique de France s’arrête à Uzès et visite nos monuments.
On est près d’aborder le 20ème siècle !
  
 Sources : Sylvie Aprile, la Deuxième République et le Second Empire, Pygmalion, 2000.- Philippe Vigier, La Seconde République, Paris, Presses universitaires de France (PUF), coll. « Que sais-je ? ».-  Henri Guillemin Le Coup du 2 décembre, Paris, Gallimard, 1951.-  Eric Anceau,Napoléon III, un Saint-Simon à cheval,,Tallandier 2008. -- Victor Hugo Histoire d'un crime, écrit en 1852 mais publié en 1877 (lire en ligne,archive)).-  Le coup d'Etat et le second empire (archives) site de l'Assemblée nationale. – Le Républicain d’Uzès et du Gard –généalogie généanet – Lionel d’Albouisse Histoire de la Ville d’Uzès  édit Lacour  - « Hyacinthe Carmes de Labruguière », dans Adolphe Robert et Gaston Cougny  --Dictionnaire des parlementaires français,  Edgar Bourloton (1889-1891)- généanet – L d’Albouisse Histoire de la Ville d’Uzès édit Lacour-RedivivaLe Républicain d’Uzès et du Gard – 2000  - Histoire de Nîmes Adolphe Pieyre tII p194 -- Pierre Birnbaum Les fous de la République, Histoire politique des Juifs d'Etat  anf BB6II560-ANF 1B1507---etc….



 



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.