mardi 24 août 2021

Un Ouragan en 1788

 

 

Un Ouragan en 1788 :


Le 13 juillet 1788 un violent ouragan ravage le pays de bout en bout sur une bande d’une vingtaine de kilomètres de largeur. L’orage continue sur sa lancée, en Belgique, aux Pays-Bas. Moissons, dévastant forêts, tuant animaux et hommes, maisons, un orage le plus désastreux  qu’on ait connu depuis des siècles !! Des caprices atmosphériques, sécheresse suivie de pluies diluviennes,  en partie responsables des hausses des prix en 1788-1789. Au printemps 1788, (avril/mai) dans la phase de croissance des plantes, le déficit pluviométrique atteint 40% dans le nord du pays, 40 à 60% dans l’Ouest et le Sud-Ouest, plus de 80% dans le Sud et le Sud-Est !! Les récoltes sont maigres. Et les prix flambent dès août 1788. Le froment une hausse de 127% en 1789, le seigle 136%, 150% à 165% en juillet 1789, alors que dans le budget populaire la part consacrée au pain atteint 88 % en 1789.

L’hiver 1788-89 ne va pas arranger les choses : 86 jours de gel à Paris avec des moins 21° le 31décembre, moins 30° en Alsace, moins20 à moins 25°C dans le Nord et le Centre !!! Le prix du bois à brûler augmente de 91%, seul moyen de chauffage et de cuisson….. Le pays n’avait vraiment pas besoin de ce cataclysme.

 Revenons à ce début juillet 1788. Le beau temps domine, la température est en moyenne comprise entre 17 et 20°C le matin et 22 à 28°C l’après-midi. Le vent souffle Sud-Ouest. La température augmente à partir du 11 juillet pour atteindre à Paris le 12 juillet 33°C l’après-midi. Le vent a tourné au Sud. Ce sera la journée la plus chaude de l’année.

L’astronome Charles Messier (1730-1817) de l’Académie des Sciences écrit sur ce qui s’est passé à Paris :

« La matinée du 12 juillet 1788, à Paris, fut assez belle ; vers onze heures du matin, le ciel se couvrit en grande partie, et les nuages annonçaient de l’orage ; le vent était au sud-est, l’air calme ; une grande chaleur régnait ; elle était étouffante et accablante : le ciel redevient assez beau l’après-midi, avec du soleil. À dix heures du soir, il se couvrit de nouveau en grande partie, se découvrit ensuite, et la nuit du 12 au 13 fut assez belle, à l’exception de quelques nuages.

« Pendant la matinée du 13, le ciel se couvrit de plus en plus. Vers les huit heures, un vent violent s’éleva, les nuages s’accumulèrent, et amenèrent une grande obscurité. Vers les neuf heures, l’orage se déclara : le vent au sud-ouest ; un tonnerre roulant se fit entendre avec force ; et pendant huit minutes environ il ne mit presque pas d’intervalle entre les coups. La chaleur, avant l’orage, était très incommode, très étouffante sur tout dans les rues ; elle enveloppait, et semblait sortir d’un brasier. La nuée se déclara par une forte grêle qui ne fut pas générale dans Paris ; il n’en tomba que des grains fort ordinaires, noyés dans une averse abondante de pluie qui dura depuis huit heures et demie jusqu’à neuf heures et demie, seulement au centre et au midi de Paris ; mais au faubourg Saint-Antoine la grêle fut forte, cassa des vitres et détruisit les légumes..

 « Cet orage fut terrible par ses effets dans différentes provinces de France, où, en moins d’un quart d’heure, il ôta tout espoir de récolte. Tous les pays affectés de cet orage n’offraient plus que le spectacle de pays totalement ruinés et détruits par la grêle. Tout fut enterré, haché, abîmé, déraciné ; les toits découverts, les vitres brisées, les vaches et les moutons tués ou blessés ; le gibier, la volaille périrent. Plusieurs habitants, hommes et femmes reçurent de dangereuses contusions. Le comte de Merci, ambassadeur de l’Empire, eut sept cents carreaux de vitres cassés à son château de sa terre de Chenevière, à quatre lieues de Versailles.

« Cet orage se passa sous les yeux du roi et de Monsieur qui étaient à Rambouillet. Sa majesté connaissant toute la perte que faisaient les Français dans les différentes provinces par où l’orage destructeur avait passé, fit rendre un arrêt en son conseil d’État, daté du 26 juillet, pour une création d’une loterie de douze millions en faveur des provinces dévastées et ravagées par cette grêle. Cet orage, avant d’arriver à Paris, avait ruiné le Poitou, la Touraine, la Beauce, le pays Chartrain, avait continué sa route à travers l’Ile-de-France, la Picardie et la Flandre. » Messier a résumé ainsi l’essentiel. Il ajoute que la mémoire de cette grêle se perpétuera longtemps « dans les provinces qu’elle a dévastées, ruinées et ravagées ».

La température mesurée à Paris l’après-midi du 13 retombe à 20°C, soit 13° de moins que la veille. Le vent a tourné à l’Ouest. L’Académie des Sciences charge trois de ses membres Leroy, Tessier et Buache de rassembler tous les faits, circonstances, détails de ces journées pour comprendre. Une carte et des rapports seront dressés. Tessier le premier publie son rapport. Le 13 il était à Audonville au sud d’Etampes. Il décrit des phénomènes semblables à ceux vu par Messier : « vers 8 h (du matin) une nuée parut dans le Sud au bas de l’horizon. Elle était très noire, ayant une partie blanc-jaune, comme toutes les nuées à grêle. 

Cette nuée avance, précédée d’un coup de vent faisant un bruit considérable « pareil à celui de plusieurs carrosses roulant sur le pavé ». La grêle tombe pendant 7 à 8 minutes, temps suffisant pour perdre toute la récolte. « En cassant les vitres, rapporte Tessier, « la grêle entrait jusqu’au fond des appartements et répandait le verre pulvérisé ». Le 12 vers 15 h la température est de 34,5°C. Après l’orage le temps s’est rafraichît.


Les grêlons d’après différentes observations sont énormes, Messier en trouve qui pèsent « plus de 5 quarterons » soit plus de 600 grammes. Tessier écrit qu’à Rambouillet il tomba des grêlons gros comme le poing et six heures après la grêle, des grêlons de plus d’un pouce de diamètre étaient encore ramassés (un pouce = 2,707 cm). A Audonville Tessier classe les grêlons en trois catégories : les parfaitement sphériques et blanc opaque de 12 à 14 lignes de diamètre (une ligne=0,225cm) ; les irréguliers et transparents, les plus nombreux, certains couvrant un écu de 6 livres ; et les transparents semblables à des « stalactites plus ou moins branchues, de 2,5 pouces de longueur sur un diamètre de 6 à 8 lignes. ». Tombant avec une telle force qu’ils rebondissaient comme « une balle de paume ».

Les rapports montrent tous l’angoisse, même la terreur suscitées par cet événement. « les moments qui précédèrent l’orage furent remarquables par plusieurs phénomènes, surtout par un bruissement considérable et par une obscurité extraordinaire. Le bruissement, occasionné par la chute des grêlons qui se choquaient les uns les autres et frappaient fortement la terre à quelque distance du lieu où on les entendait, était véritablement effrayant et inspirait un sentiment de peine et de terreur involontaire. L’obscurité, due à la couleur noire de la nuée et à son peu d’élévation au-dessus de la terre, était telle qu’on ne pouvait ni lire ni écrire sans lumière dans les appartements, quoique le jour fût avancé. Elle a été sensible même dans les lieux éloignés de ceux où il a grêlé. Cette obscurité pouvait se comparer à celle d’une éclipse centrale de soleil. On assure que des bêtes à cornes et des bêtes à laines ont été victimes. Les lièvres, les lapins, les perdrix, les faisans, les pigeons et autres oiseaux, surpris par l’orage, ont été tués ou estropiés. Des églises, des maisons, des granges, des hangars ont été renversés ou découverts ; un moulin a été porté à 30 pieds de son assiette. La commission d’enquête a évalué la perte totale à la somme de 24 962 093 livres tournois, supportée par 1039 paroisses. » 

Un ingénieur en chef des Ponts et Chaussées près de Soissons mesura les trous imprimés sur les jachères par la pluie de grêlons : beaucoup de 3 pouces de diamètres.

Les enquêteurs-académiciens reçoivent des informations de plus de 600 paroisses. Le phénomène est très impressionnant en France mais aussi dans d’autres pays, comme le samedi 12 juillet en Angleterre des orages terribles avec tonnerre, foudre, grêle, des animaux tués, vitres cassées et télescope fondu à Greenwich…

 En France le 13, sur le Maine, le Vexin, la Normandie avec un vent très fort et plus de mille pommiers déracinés près du Havre, Picardie, Boulogne, Calais etc… Une église et trois moulins abattus à Sours près de Chartres, le parc de Rambouillet dévasté…D’après le rapport des scientifiques, « la chaîne n’est pas interrompue de la région de Tours à la Flandre autrichienne », une zone grêlée d’environ 650 lieues carrées. La masse de glace mit parfois trois jours pour fondre !!

L’estimation des pertes dues à l’orage du 13 se monte à environ 25 millions de livres d’après le rapport des académiciens sur un budget du royaume de 503 millions de livres (soit 5% des recettes budgétaires). Mais cette estimation ne prend pas en compte les paroisses « qui n’ont pas cru devoir se plaindre », ni les dégâts des bâtiments, des jardins et des bois, ni la destruction « des plantes propres à faire du fumier ». En fait tout ce qui pourrait relancer la culture dans un pays où l’agriculture est un élément plus qu’essentiel. En fait on évalue les pertes à un peu plus de 10% du budget de l’Etat.

Et puis les gens ont l’habitude de se débrouiller seuls. Dans la châtellenie de Courtray les dégâts sont estimés à 997 521 livres pour 25 paroisses plus ceux non estimés dans 11 autres villages !!!

Sans compter les pertes en Hollande, les Pays-bas Autrichiens, l’Angleterre….

(les 3 membres de l’Académie des Sciences : le médecin et agronome Henri-Alexandre Tessier (1741-1837), le géographe Jean-Nicolas Buache (1741-1825) et le physicien Jean-Baptiste Le Roy (1720-1800) .

(Trajectoire des orages du 13 juillet 1788 et zones dévastées par la grêle)

Sources et pour en savoir plus : France-Pittoresque 12/07/2021  D’après « La Météorologie. Revue mensuelle de météorologie et de physique du globe » paru en 1981 et « Dictionnaire des merveilles et curiositésde la nature et de l’art » paru en 1853-- Mis à jour le LUNDI 12 JUILLET 2021, par LA RÉDACTION France-Pittoresque

 

 

 
 

 

 

 

samedi 14 août 2021

L'Arbre Boulets de Canon

 

Arbre  boulets de canon




Un peu d’exotisme en cet été maussade : l’arbre  boulets de canon, le Couroupita (guianensis)


C’est un arbre à feuillage persistant originaire du nord de l’Amérique du Sud, de l’Amérique tropicale et du sud des Caraïbes. 30 à 35 m de hauteur, des feuilles disposées en rosettes et surtout des fruits extraordinaires. Il est de la même famille que le noyer d’Amérique. Ses fleurs très parfumées sont orange, écarlates ou roses formant des grappes de 3 m de longueur. Leurs fruits sphériques peuvent mesurer jusqu’à 24 cm de diamètre, contenir de 200 à 300 graines et pouvant peser jusqu’à 6 kg !!. Leur pulpe bleuit à l’air libre donnant une odeur désagréable. Ces lourdes noix tombent soudainement, pouvant occasionner des blessures aux promeneurs. Ses fruits sont à maturité au bout de 18 mois, mais vont mettre plus de 2 ans pour se détacher de l’arbre. Ils s’entrechoquent au vent et les passants croient entendre le grondement d’un canon, sourd et lointain, d’où le nom donné à l’arbre.



 

On retrouve cet arbre très souvent dans les temples indous, considéré comme sacré car sa fleur ressemble à un Nâga, serpent sacré sur le shiva lingam.

Les indigènes amazoniens l’utilisent pour traiter l’hypertension, les tumeurs, les inflammations, les rhumes, les maux d’estomac, les plaies, le paludisme et les maux de dents. La pulpe du fruit sert à combattre la fièvre et le lavement à partir de cette pulpe en décoction soigne la diarrhée, la dysenterie et les inflammations intestinales….

   Mokkie 21/03/2014 travail personnel –Wikipedia—wikimedia.org

 

Sources et pour en savoir plus : merci à Michel pour ce beau voyage en terre inconnue-- commons.wikimedia.org/wiki/File:Cannonball_Tree_(Couroupita_guianensis)_2.jpg?uselang=fr--- wikipedia--

 

mercredi 4 août 2021

Les Bourguignons Salés

 

Les Bourguignons salés :

«  Bourguignon salé, L’épée au côté, La barbe au menton, Saute, Bourguignon » nous dit la chanson.


Le petit village d’Aigues-Mortes connut un épisode dramatique pendant la guerre qui opposait Armagnacs et Bourguignons pendant la guerre de Cent Ans, les deux partis obtenant tour à tour l’avantage, mettant en péril le royaume…

(Tour des Bourguignons—officedu tourisme-aiguesmortes)

Nous devons la Tour de Constance d’Aigues-Mortes au roi Saint Louis. Elle aurait été construite sur l’emplacement d’une autre tour du même nom, Constance épouse du comte de Toulouse, fille du roi de France Louis VI.

En 1418, le prince d’Orange à la tête d’un détachement bourguignon envahit le Languedoc. Seule Aigues-Mortes résiste. Mais le seigneur gouverneur des lieux Louis de Malepue cède la place aux ennemis. Ces derniers étaient déjà maîtres de Montpellier, Nîmes. Il espérait jouer la bonne carte et y trouver fortune. Des habitants essaient de s’enfuir, rejoindre Beaucaire pour rallier les troupes du Dauphin. Les reitres bourguignons et les sbires de Malepue fouillent alors le village, massacrent les familles des fuyards. Tous y passent, hommes, femmes, enfants, vieillards. Et commença une occupation du village par la soldatesque bourguignonne.

Mais la roue tourna et les Armagnacs reprirent et nettoyèrent le Languedoc. Après Pont StEsprit, Nîmes, le Dauphin, le futur Louis XI, charge en son absence, Charles de Bourbon, comte de Clermont d’assiéger Aigues-Mortes. Le siège dura deux ans, le village avait d’énormes quantités de vivres. On usa, nouveauté, de quelques pièces de canon. Charles de Bourbon est un des compagnons d’armes de Jeanne d’Arc.

Mais les villageois n’avaient pas oublié de quelle façon les Bourguignons avaient accommodé les leurs. Leur deuil et leur loyalisme au roi avaient survécu aux longs mois d’occupation. L’heure de la vengeance sonna un jour de janvier 1421.

Le baron de Vauverbe se mit à la tête d’un groupe de villageois courageux. Ils se répartirent en petits groupes armés et attaquèrent dans leur sommeil les gardes des portes du village. Les portes sont ouvertes aux troupes de Charles de Bourbon. Le combat ne fit pas de quartier, on se battait pour tuer, sans pitié ni remords. On massacra tant de Bourguignons cette nuit-là que les cadavres s’entassaient dans les rues. Impossible de les dénombrer.

Dans l’impossibilité de les enterrer, et craignant une épidémie de peste si fréquente et si terrible en cette époque, on décida alors de les entasser dans la tour située à l’angle sud-ouest de la ville sous des monceaux de sel… La tour devient ainsi la tour des Bourguignons.

Le château est brulé et après un jugement rapide le gouverneur est décapité.

Aigues-Mortes retrouve sa splendeur et son économie avec Jacques Cœur vers 1440 : la ville devient une base de départ pour la flotte royale et devient le principal port d’approvisionnement pour les épices, le blé et le sel…

 

Sources et pour en savoir plus : Jean de Serre 1632 books/google.fr Inventaire général de l'histoire de France depuis Pharamond jusques à Louis -- ot-aiguesmortes.com/le-xveme-siecle---www.france-pittoresque.com/spip.php?article773—Jean Max Tixier  Veillée Provençales  p 95 édit Encre Bleue 1999--